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Coopération militaire entre la Turquie et l'Iran

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  • Coopération militaire entre la Turquie et l'Iran

    La Turquie et l'Iran se seraient accordés pour mettre en place une coopération militaire, ceci faisant suite à une rencontre entre le chef militaire iranien, le général Mohammad Baqeri et le Président Erdogan, ce mercredi 16 août. Une première depuis 1979 et la révolution islamique. Une visite qui intervient quelques jours avant la visite du secrétaire à la défense des États Unis, Jim Mattis, à Ankara, dans le cadre de relations tendues entre les deux pays. En quoi cette étape supplémentaire dans la relation entre Ankara et Téhéran, peut ​ représenter une faille au sein même de l'OTAN ?

    Qu'est ce qu'une telle faille peut signifier pour les membres de l'OTAN ?

    Edouard Husson : Nous sommes en train de vivre en direct un changement radical du système des relations internationales. Il y a une trentaine d'années, l'implosion de l'URSS a mis fin à la Guerre Froide. Mais les Etats-Unis n'ont pas analysé ce qui s'était vraiment passé. Ils ont cru qu'ils avaient gagné la Guerre froide par la seule supériorité du modèle américain, en particulier de leur économie et de leur appareil de défense. Et ils se sont lancés dans une politique d'expansion impériale, dont l'expression la plus bruyante - et destructrice - a été la phase 1999-2003, le déclenchement de la guerre contre la Serbie, contre l'Afghanistan puis contre l'Irak.

    Toute la démesure américaine se lisait par exemple dans l'illusion selon laquelle les États-Unis allaient réussir ce que ni Alexandre le Grand ni les Britanniques ni les Soviétiques n'avaient pu faire: contrôler l'Afghanistan. A cette époque, à Washington, on parlait du 21è siècle comme d'un "nouveau siècle américain". Les Etats-Unis allaient emporter les derniers bastions de résistance à l'influence américaine à coup de dollars (pour financer les "révolutions de couleur") ou de bombes si les pays s'obstinaient dans l'opposition à la bienveillance américaine. Quinze ans plus tard, tout ceci est en train de s'effondrer.

    Que s'est-il passé? Les Etats-Unis disposent certes d'une force de destruction militaire terrifiante. Mais, à moins de rayer de la carte totalement un pays, leur appareil militaire est inadapté aux conquêtes qu'ils veulent entreprendre. La société américaine n'est pas prête à engager massivement des soldats au sol ni à subir de lourdes pertes. Les Américains sont donc condamnés à répéter toujours la même séquence: tentative de coup d’état orwelliennement appelée "révolution démocratique"; si cela ne marche pas, bombardements d'intimidation; installation d'un régime ami qui permet le pillage des ressources du pays par des entreprises américaines et leurs clients; émergence d'une guerilla d'opposition et du terrorisme.

    Un tel système a rencontré, au plus tard au milieu des années 2000, ses limites:

    1. Les régimes collaborateurs sont faibles et les Etats-Unis doivent chercher des alliés supplémentaires; ainsi l'Iran s'est-il rendu indispensable pour modérer les chiites irakiens au moment même où certains va-t-en-guerres washingtoniens auraient bien eu envie d'attaquer Téhéran.

    2. Les Américains n'ont plus des resources financières illimitées; ou plutôt, le monde est de plus en plus convaincu qu'il faudra, un jour, se passer du dollar, monnaie de la corruption généralisée, du financement des coups d'Etat et de la terreur organisée.

    Là encore les Iraniens ont compris avant les autres, en se rapprochant de la Russie et de la Chine pour imaginer un nouvel ordre monétaire.

    3. Les pays visés par des "révolutions de couleur" ont appris à anticiper, en particulier en expulsant les ONG pro-américaines de leur territoire.

    4. Surtout, les Etats-Unis se heurtent à l'existence d'autres puissances nucléaires et au risque de basculement des pays qui se sentent menacés vers la puissance nucléaire.

    L'Iran, encore lui, s'est rapproché de l'acquisition de la bombe atomique, en jouant sur les nerfs de la diplomatie américaine avec toute la subtilité de sa vieille tradition diplomatique. Les Etats-Unis n'ont pas pu empêcher la Corée du Nord de fabriquer des armes nucléaires et ils sont impuissants pour inverser la situation car toute offensive contre Pyongyang déclencherait aussitôt une menace nucléaire chinoise et russe.
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    Edouard Husson est historien. Ancien vice-chancelier des universités de Paris, ancien directeur général d'Escp Europe, il a fait ses études à l'Ecole normale supérieure et à Paris Sorbonne, dont il est docteur en Histoire. Edouard Husson a été chercheur à l'Institut für Zeitgeschichte de Munich (1999-2001) et chercheur invité au Center For Advanced Holocaust Studies de Washington (en 2005 et 2006). Il a également été fait docteur honoris causa de l'Académie de Philosophie du Brésil (Rio de Janeiro).Il est aussi vice-président de l'université Paris Sciences et Lettres
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