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Filmer les attentats, quel équilibre entre témoignage et voyeurisme?

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  • Filmer les attentats, quel équilibre entre témoignage et voyeurisme?

    A chaque drame, comme lors de l'attentat de Barcelone, se pose la question de la circulation d'images violentes. Le sociologue Olivier Glassey décrypte l'obsession contemporaine pour l'image qui peut virer à la surenchère. Entretien.
    - RTSinfo: Comment expliquer que, dans un contexte d'attentat ou de catastrophe, certains aient pour premier réflexe de capturer des images?

    - Olivier Glassey, spécialiste de l’usage des nouveaux médias à l'UNIL: Pendant la dernière décennie, nous avons cultivé le réflexe de capturer numériquement les éléments importants de notre quotidien, au-delà des événements dramatiques. Ce réflexe est presque devenu, pour certains, une manière de vraiment vivre l’événement.

    Dans le cas d'une catastrophe, la question du "journalisme citoyen", qui a émergé depuis l’avènement du web social, renforce ce réflexe. Une partie des gens se sentent investis de la responsabilité de pouvoir fournir aux autres la capacité de comprendre ce qui s’est passé. On peut discuter du bien-fondé et des limites, mais il s’agit de dire "je suis peut-être le seul à documenter cet événement".

    Enfin, il y a une autre catégorie, ceux qui utilisent un événement dramatique pour se mettre en scène. Les exemples sont nombreux. Lors de l'attentat de Barcelone, certaines personnes insistaient pour se montrer dans l’image qu’elles étaient en train de filmer... Sont-elles là pour "valoriser" leur présence dans un endroit, attirer l’attention, être capables d’en tirer plus tard une forme de notoriété? Il y a une tentation discutable liée au fait que ce qui fait le "buzz" a une valeur dans l’économie de l’attention qu’est le web social.

    - La question de la dignité des victimes occupe-t-elle une place?

    - L’enjeu, c’est le manque de filtre. Quand on est dans l’action, non seulement on n'est pas un professionnel de l'image, mais on n’a pas de recul. Que doit-on respecter, notamment en ce qui concerne la sphère privée des victimes? Ce n’est pas du tout évident et peu de personnes en ont les compétences.

    La capacité de diffuser en direct est un facteur aggravant. Nous sommes dans un contexte technique où la capture de l’événement est souvent concomitante avec sa diffusion. Il n’y a même plus la petite latence qui pouvait permettre d’ajuster ce que l’on avait filmé et ce qu’il était souhaitable de montrer, socialement, humainement ou éthiquement.

    - Les premiers réflexes en cas de catastrophes ne devraient-ils pas être de s'enfuir, ou de porter secours?

    - Il y a toujours eu des "spectateurs" fascinés par la catastrophe. Souvent, un accident de la circulation est aggravé par le fait que les conducteurs sur la voie d’en face regardent ou ralentissent.

    En réalité, tout dépend beaucoup de l’usage qui est fait des images par la suite, et aussi du moment où elles sont capturées. S’il s’agit d’un événement qui est en train de se dérouler, que l’on est dans les premières minutes, on est dans la tentative de cerner ce qui est en train de se passer. Mais si l'on est la 40e personne à filmer la même scène de drame, on est plutôt dans une surestimation de l’importance de ce que l’on fait.

    - Ces comportements résultent-ils seulement de l’évolution technologique ou traduisent-ils un changement dans les mentalités?

    - Nous avons tous maintenant la capacité de filmer et même de diffuser en temps réel des images, mais je ne pense pas qu’il y ait un "déterminisme technologique": toute personne disposant de la capacité technique ne l’utilisera pas forcément, même si les probabilités qu'elle le fasse ont augmenté.

    Si je ne suis pas sûr que nos besoins en tant qu’individus aient véritablement évolué, notre environnement a changé, lui. Aux Etats-Unis, on constate une prolifération des caméras du côté de la police et, parallèlement, de plus en plus de citoyens diffusent en direct des interventions policières qui parfois tournent mal... On a l’impression que face à un univers où il y a des caméras partout, le citoyen se dit qu'il peut lui aussi faire valoir son point de vue sur un événement.

    Propos recueillis par Pauline Turuban

    RTSINFO
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