Lexique du nouveau monde du numérique et des machines, bouleversant celui des hommes
Nous vivons, chacun en a bien conscience, un moment de bascule, et la liste des mots pour dire ce passage – le vieux monde meurt, le nouveau n’est pas encore né – s’enrichit en permanence de nouveaux concepts. Des mots non pas sortis de la tête d’un grand théoricien (on risque d’attendre encore longtemps un Karl Marx capable de réaliser la synthèse du capital) mais surgis de la pratique des acteurs de terrain, à la base, donc. Inventoriés ici par le nouvel Economiste, ceux-là forgent les contours de cette modernité naissante à la fois inquiétante et pleine de promesses, dans laquelle les machines et leurs dérivés virtuels s’imposent. Ne laissant pas d’autre choix aux individus et à la société que de s’adapter pour éviter le pire et peut-être obtenir le meilleur.
Les mots dominants des machines et de leurs dérivés virtuels
Dans ce nouveau lexique de la modernité, les mots qui décrivent l’arrivée des machines et de leurs dérivés virtuels prennent la première place par leur quantité et leur originalité. Il en ressort un monde partagé entre craintes et espoirs tant les potentialités apparaissent immenses. Forgé dans les laboratoires des universités californiennes, le deep learning décrit ces machines intelligentes capables d’apprendre par expérimentation, ce qui transforme radicalement leur ambition. Un jour viendra où la machine dépassera l’homme. Quelques futurologues proposent même une date : 2038, année de la singularité.
“Dans ce nouveau lexique de la modernité, les mots qui décrivent l’arrivée des machines et de leurs dérivés virtuels prennent la première place par leur quantité et leur originalité”
L’acronyme NBIC Nanotechnologies Biotechnologies, Informatique et sciences Cognitives a fait florès. Il décrit le mouvement de convergence entre les sciences naturelles et les technologies. Sans attendre cet horizon, la blockchain construit les bases d’une économie décentralisée et collaborative en permettant de se passer d’intermédiaires faisant office de tiers de confiance. Et déjà se mettent en place de nouvelles organisations d’entreprises, les plateformes, véritables carrefours de l’économie numérique.
Mais les machines virtuelles se font aussi menaçantes. Émerge le robotariat qui sonne la fin du travail et la perte du contrôle par l’assujettissement des humains aux machines automatiques. Moins sombre mais tout aussi radicale, l’ubérisation, qui illustre le raz-de-marée de l’économie digitale, fait craindre le grand remplacement de l’ancienne économie par la nouvelle économie : “l’ubérisation c’est l’idée qu’on se réveille soudainement en découvrant que son activité historique a disparu”, lance Maurice Lévy, l’ancien patron de Publicis.
Les tâtonnements linguistiques, reflet de la capacité d’adaptation de la société et des individus
Face à cette futurologie déjà bien présente mais dont le scénario global reste néanmoins à écrire sans attendre, l’homme fait comme il le fait toujours : il adapte ses comportements, au niveau individuel ou collectif, pour le meilleur ou pour le pire. Les mots qui en rendent compte relèvent largement de la génération spontanée comme la poussée des champignons après les pluies d’orage… Le pire, ce sont ces travailleurs qui se consument au travail (“burn-out”), un mal qui se répand comme une épidémie. Les capacités d’adaptation sont aussi fortement sollicitées dans l’univers de la “gig economy”, l’économie des petits boulots, rapide, collaborative, libre mais aussi précaire et ultra-concurrentielle. Il y a plus encourageant : les individus sont passés maîtres dans l’art de s’approprier les outils – nous sommes ainsi entrés dans l’ère du streaming. Plus généralement, les acteurs économiques savent se construire un écosystème pour optimiser leurs ressources.
“L’homme adapte ses comportements, au niveau individuel ou collectif, pour le meilleur ou pour le pire. Les mots qui en rendent compte relèvent largement de la génération spontanée comme la poussée des champignons après les pluies d’orage…”
L’adaptation se réalise au niveau des comportements. C’est affaire de génération : celle des millennials invente un nouveau rapport au monde sur tous les plans. Émerge en son sein l’avant-garde des influenceurs, ces nouveaux leaders d’opinion maîtres des réseaux sociaux. Significatif d’un état d’esprit nouveau : de façon totalement inédite, les jeunes surdoués de l’Internet se mettent à former leurs aînés (“Reverse mentoring”). Tant il est vrai que le savoir-être devient la clé de l’adaptation, au-delà des compétences acquises forcément provisoires. Ce que souligne le concept de “mobication”, forgé à base de mobilité et d’éducation.
Autre dimension de l’adaptation : il arrive que les solutions soient collectives. C’est ce que laisse entrevoir l’émergence du concept de “consomm’acteur” où l’on voit les consommateurs user d’un nouveau rapport de force pour peser sur les fournisseurs. Les organisations et leurs responsables apprennent aussi à rendre des comptes (accountability). Et au niveau sociétal, la solidarité prend une nouvelle dimension dans la gestion des communs. Enfin, pour ne laisser personne sur le bord de la route, l’OCDE met en avant une nécessaire politique d’inclusion.
Accountability,
si familière aux Anglo-Saxons
Qui paie et qui est responsable ? C’est sans doute parce que ces deux questions soulèvent en général chez nous des abîmes de perplexité que la notion d’“accountabilily” si familière dans l’univers anglo-saxon peine à trouver sa traduction en français. Il faut pour s’en rapprocher le plus en passer par le quasi-néologisme de “redevabilité”. Être redevable, c’est être comptable de son action et surtout de ses résultats : dans un pays où l’on se paie volontiers de mots, la posture ne va pas de soi. C’est vrai au premier chef pour les politiques qui répugnent à l’évaluation de leur travail, pour l’administration habituée à gérer 50 % de la richesse dans l’opacité des fins et des moyens, et même aussi pour les organisations privées où l’idée de rendre des comptes n’est pas toujours pas culturellement entrée dans les mœurs. Mais avec les progrès de la transparence, l’accountability est désormais une valeur en hausse. Et c’est désormais à l’aune des résultats produits, des engagements tenus, des objectifs réalisés qu’une bonne gouvernance est jugée.
Philippe Plassart
Burn-out,
épidémie en milieu professionnel
Le phénomène semble se répandre telle une épidémie “Les gens sont parfois victimes d’incendie, tout comme les immeubles” décrivait le médecin Herbert Freudenberger en 1974 pour parler du “burn-out”, ou syndrome d’épuisement professionnel. En 2015, 17 % des employés se disaient sur le point de craquer, la proportion passant à 24 % chez les managers, selon un sondage de l’Institut Great to Work. Une proportion discutable tant il est difficile de faire la part des choses entre le malaise ressenti et le travail qui peut en être – ou pas – la cause. À l’origine, ce mal spécifique concerne les travailleurs sociaux, les personnels médicaux et les enseignants, mais par extension, les effets du stress, de la pression et des objectifs inatteignables contaminent tous les cercles professionnels. Au point que Benoît Hamon, lors de la campagne présidentielle, voulait faire reconnaître le burn-out comme maladie professionnelle, ce qui aurait eu pour effet de le faire prendre en charge par les cotisations employeur.
P.P.
Blockchain,
la deuxième révolution numérique
C’est la deuxième révolution du numérique, après celle d’Internet. Selon le ‘Journal Officiel’ du 7 juin, son nom français est “chaîne de blocs”, mais comme à l’accoutumée, elle est davantage connue sous l’appellation anglo-saxonne de “blockchain”. Il s’agit d’une chaîne de conteneurs numériques – les blocs – dans lesquels chacun peut stocker des données et ensuite les échanger via Internet pour effectuer des opérations diverses. L’originalité du système tient à une technologie totalement décentralisée qui relie les ordinateurs entre eux sur la base d’un consensus collectif qui fabrique de la confiance. Il n’y a plus besoin d’un tiers (de confiance) pour garantir les transactions entre les participants.
Fini le pouvoir de poujadistes mesquins qui traquent les “intermédiaires” ! Nous voilà dans une économie décentralisée et collaborative. Le potentiel est immense. Il dépend directement du nombre d’utilisateurs d’applications blockchain. Leur atout est d’être transparentes, sécurisées et surtout sans organe central de contrôle. À ce jour, l’application la plus connue est la monnaie numérique Bitcoin. Ce qui inquiète fort les milieux financiers : les transactions sont validées sans avoir besoin de la caution qu’offre une banque centrale.
“L’originalité du système tient à une technologie totalement décentralisée qui relie les ordinateurs entre eux sur la base d’un consensus collectif qui fabrique de la confiance”
C’est pourquoi les métiers dont l’intermédiation est la vocation sont tous en première ligne face à la disruption blockchain, banques et assurances en tête. Le processus pourrait bien sûr s’étendre à d’autres secteurs : les producteurs fournissant alors directement les produits aux adeptes des “chaînes de blocs”. Mais sur cette route, il y a encore des obstacles à surmonter, notamment ceux d’une totale sécurité et d’une vraie confidentialité des applications blockchain.
Jean-Michel Lamy
Consomm’acteur,
du pouvoir d’achat au pouvoir de nuisance
Transformer son pouvoir en un véritable pouvoir, voilà le défi du consommateur, et il entend bien en user dans ce nouveau rapport de force, hier si déséquilibré à son désavantage, entre fournisseur et client. De nouvelles caisses de résonance donnent à sa voix une amplitude jamais égalée, et il compte bien désormais la faire entendre. Les réseaux sociaux comme les sites dédiés donnent tant d’importance à ses opinions que les marques en redoutent l’influence négative. Une plainte argumentée et bien tournée ou un témoignage assassin, et voilà nombre d’éventuels clients découragés.
“Les réseaux sociaux comme les sites dédiés donnent tant d’importance à ses opinions que les marques en redoutent l’influence négative”
Tout a changé. Le pouvoir de nuisance du “consomm’acteur” est centuplé. Il l’utilise désormais pour influencer de belle façon la stratégie des producteurs. Plus question d’accepter passivement, sans broncher, les prestations et produits à la qualité défaillante. Et si les marques se montrent autistes à ses observations, alors le consomm’acteur peut dégainer l’arme fatale : l’appel au boycott. En théorie, ce dernier est plutôt engagé dans les combats de l’éthique, de la production responsable et équitable. Son comportement – donc ses achats – traduit cet engagement. Qui peut, aussi, avoir une expression positive. Avec le “buycott” par exemple. Cet activisme consiste alors à récompenser une entreprise pour son engagement en appelant à acheter ses produits.
Patrick Arnoux
Le bien commun,
l’autre nom de l’intérêt général
Face à une économie de marché accusée de transformer le monde en une vaste marchandisation de tous les biens, la notion de “bien commun” gagne des points. Le Prix Nobel Jean Tirole livre cette analyse : “la recherche du bien commun passe en grande partie par la construction d’institutions visant à concilier autant que faire se peut l’intérêt individuel et l’intérêt général”. Au plan philosophique, la démarche peut aussi s’interpréter comme une quête du bien-être.
La définition la plus large du bien commun recouvre l’ensemble des ressources qui relèvent d’une exploitation collective et/ou d’une utilisation collective. Le climat et la biodiversité en sont les marqueurs emblématiques. En particulier, l’air pur est un exemple des plus parlants : c’est une ressource naturelle que chacun consomme. Naguère, personne ne se souciait ni de sa préservation, ni de sa qualité, ni de son prix. Mais un bouleversement se prépare. Les biens communs pourraient se voir attribuer des prix négociés collectivement au nom de la défense de tel ou tel objectif.
“La définition la plus large du bien commun recouvre l’ensemble des ressources qui relèvent d’une exploitation collective et/ou d’une utilisation collective”
Nous vivons, chacun en a bien conscience, un moment de bascule, et la liste des mots pour dire ce passage – le vieux monde meurt, le nouveau n’est pas encore né – s’enrichit en permanence de nouveaux concepts. Des mots non pas sortis de la tête d’un grand théoricien (on risque d’attendre encore longtemps un Karl Marx capable de réaliser la synthèse du capital) mais surgis de la pratique des acteurs de terrain, à la base, donc. Inventoriés ici par le nouvel Economiste, ceux-là forgent les contours de cette modernité naissante à la fois inquiétante et pleine de promesses, dans laquelle les machines et leurs dérivés virtuels s’imposent. Ne laissant pas d’autre choix aux individus et à la société que de s’adapter pour éviter le pire et peut-être obtenir le meilleur.
Les mots dominants des machines et de leurs dérivés virtuels
Dans ce nouveau lexique de la modernité, les mots qui décrivent l’arrivée des machines et de leurs dérivés virtuels prennent la première place par leur quantité et leur originalité. Il en ressort un monde partagé entre craintes et espoirs tant les potentialités apparaissent immenses. Forgé dans les laboratoires des universités californiennes, le deep learning décrit ces machines intelligentes capables d’apprendre par expérimentation, ce qui transforme radicalement leur ambition. Un jour viendra où la machine dépassera l’homme. Quelques futurologues proposent même une date : 2038, année de la singularité.
“Dans ce nouveau lexique de la modernité, les mots qui décrivent l’arrivée des machines et de leurs dérivés virtuels prennent la première place par leur quantité et leur originalité”
L’acronyme NBIC Nanotechnologies Biotechnologies, Informatique et sciences Cognitives a fait florès. Il décrit le mouvement de convergence entre les sciences naturelles et les technologies. Sans attendre cet horizon, la blockchain construit les bases d’une économie décentralisée et collaborative en permettant de se passer d’intermédiaires faisant office de tiers de confiance. Et déjà se mettent en place de nouvelles organisations d’entreprises, les plateformes, véritables carrefours de l’économie numérique.
Mais les machines virtuelles se font aussi menaçantes. Émerge le robotariat qui sonne la fin du travail et la perte du contrôle par l’assujettissement des humains aux machines automatiques. Moins sombre mais tout aussi radicale, l’ubérisation, qui illustre le raz-de-marée de l’économie digitale, fait craindre le grand remplacement de l’ancienne économie par la nouvelle économie : “l’ubérisation c’est l’idée qu’on se réveille soudainement en découvrant que son activité historique a disparu”, lance Maurice Lévy, l’ancien patron de Publicis.
Les tâtonnements linguistiques, reflet de la capacité d’adaptation de la société et des individus
Face à cette futurologie déjà bien présente mais dont le scénario global reste néanmoins à écrire sans attendre, l’homme fait comme il le fait toujours : il adapte ses comportements, au niveau individuel ou collectif, pour le meilleur ou pour le pire. Les mots qui en rendent compte relèvent largement de la génération spontanée comme la poussée des champignons après les pluies d’orage… Le pire, ce sont ces travailleurs qui se consument au travail (“burn-out”), un mal qui se répand comme une épidémie. Les capacités d’adaptation sont aussi fortement sollicitées dans l’univers de la “gig economy”, l’économie des petits boulots, rapide, collaborative, libre mais aussi précaire et ultra-concurrentielle. Il y a plus encourageant : les individus sont passés maîtres dans l’art de s’approprier les outils – nous sommes ainsi entrés dans l’ère du streaming. Plus généralement, les acteurs économiques savent se construire un écosystème pour optimiser leurs ressources.
“L’homme adapte ses comportements, au niveau individuel ou collectif, pour le meilleur ou pour le pire. Les mots qui en rendent compte relèvent largement de la génération spontanée comme la poussée des champignons après les pluies d’orage…”
L’adaptation se réalise au niveau des comportements. C’est affaire de génération : celle des millennials invente un nouveau rapport au monde sur tous les plans. Émerge en son sein l’avant-garde des influenceurs, ces nouveaux leaders d’opinion maîtres des réseaux sociaux. Significatif d’un état d’esprit nouveau : de façon totalement inédite, les jeunes surdoués de l’Internet se mettent à former leurs aînés (“Reverse mentoring”). Tant il est vrai que le savoir-être devient la clé de l’adaptation, au-delà des compétences acquises forcément provisoires. Ce que souligne le concept de “mobication”, forgé à base de mobilité et d’éducation.
Autre dimension de l’adaptation : il arrive que les solutions soient collectives. C’est ce que laisse entrevoir l’émergence du concept de “consomm’acteur” où l’on voit les consommateurs user d’un nouveau rapport de force pour peser sur les fournisseurs. Les organisations et leurs responsables apprennent aussi à rendre des comptes (accountability). Et au niveau sociétal, la solidarité prend une nouvelle dimension dans la gestion des communs. Enfin, pour ne laisser personne sur le bord de la route, l’OCDE met en avant une nécessaire politique d’inclusion.
Accountability,
si familière aux Anglo-Saxons
Qui paie et qui est responsable ? C’est sans doute parce que ces deux questions soulèvent en général chez nous des abîmes de perplexité que la notion d’“accountabilily” si familière dans l’univers anglo-saxon peine à trouver sa traduction en français. Il faut pour s’en rapprocher le plus en passer par le quasi-néologisme de “redevabilité”. Être redevable, c’est être comptable de son action et surtout de ses résultats : dans un pays où l’on se paie volontiers de mots, la posture ne va pas de soi. C’est vrai au premier chef pour les politiques qui répugnent à l’évaluation de leur travail, pour l’administration habituée à gérer 50 % de la richesse dans l’opacité des fins et des moyens, et même aussi pour les organisations privées où l’idée de rendre des comptes n’est pas toujours pas culturellement entrée dans les mœurs. Mais avec les progrès de la transparence, l’accountability est désormais une valeur en hausse. Et c’est désormais à l’aune des résultats produits, des engagements tenus, des objectifs réalisés qu’une bonne gouvernance est jugée.
Philippe Plassart
Burn-out,
épidémie en milieu professionnel
Le phénomène semble se répandre telle une épidémie “Les gens sont parfois victimes d’incendie, tout comme les immeubles” décrivait le médecin Herbert Freudenberger en 1974 pour parler du “burn-out”, ou syndrome d’épuisement professionnel. En 2015, 17 % des employés se disaient sur le point de craquer, la proportion passant à 24 % chez les managers, selon un sondage de l’Institut Great to Work. Une proportion discutable tant il est difficile de faire la part des choses entre le malaise ressenti et le travail qui peut en être – ou pas – la cause. À l’origine, ce mal spécifique concerne les travailleurs sociaux, les personnels médicaux et les enseignants, mais par extension, les effets du stress, de la pression et des objectifs inatteignables contaminent tous les cercles professionnels. Au point que Benoît Hamon, lors de la campagne présidentielle, voulait faire reconnaître le burn-out comme maladie professionnelle, ce qui aurait eu pour effet de le faire prendre en charge par les cotisations employeur.
P.P.
Blockchain,
la deuxième révolution numérique
C’est la deuxième révolution du numérique, après celle d’Internet. Selon le ‘Journal Officiel’ du 7 juin, son nom français est “chaîne de blocs”, mais comme à l’accoutumée, elle est davantage connue sous l’appellation anglo-saxonne de “blockchain”. Il s’agit d’une chaîne de conteneurs numériques – les blocs – dans lesquels chacun peut stocker des données et ensuite les échanger via Internet pour effectuer des opérations diverses. L’originalité du système tient à une technologie totalement décentralisée qui relie les ordinateurs entre eux sur la base d’un consensus collectif qui fabrique de la confiance. Il n’y a plus besoin d’un tiers (de confiance) pour garantir les transactions entre les participants.
Fini le pouvoir de poujadistes mesquins qui traquent les “intermédiaires” ! Nous voilà dans une économie décentralisée et collaborative. Le potentiel est immense. Il dépend directement du nombre d’utilisateurs d’applications blockchain. Leur atout est d’être transparentes, sécurisées et surtout sans organe central de contrôle. À ce jour, l’application la plus connue est la monnaie numérique Bitcoin. Ce qui inquiète fort les milieux financiers : les transactions sont validées sans avoir besoin de la caution qu’offre une banque centrale.
“L’originalité du système tient à une technologie totalement décentralisée qui relie les ordinateurs entre eux sur la base d’un consensus collectif qui fabrique de la confiance”
C’est pourquoi les métiers dont l’intermédiation est la vocation sont tous en première ligne face à la disruption blockchain, banques et assurances en tête. Le processus pourrait bien sûr s’étendre à d’autres secteurs : les producteurs fournissant alors directement les produits aux adeptes des “chaînes de blocs”. Mais sur cette route, il y a encore des obstacles à surmonter, notamment ceux d’une totale sécurité et d’une vraie confidentialité des applications blockchain.
Jean-Michel Lamy
Consomm’acteur,
du pouvoir d’achat au pouvoir de nuisance
Transformer son pouvoir en un véritable pouvoir, voilà le défi du consommateur, et il entend bien en user dans ce nouveau rapport de force, hier si déséquilibré à son désavantage, entre fournisseur et client. De nouvelles caisses de résonance donnent à sa voix une amplitude jamais égalée, et il compte bien désormais la faire entendre. Les réseaux sociaux comme les sites dédiés donnent tant d’importance à ses opinions que les marques en redoutent l’influence négative. Une plainte argumentée et bien tournée ou un témoignage assassin, et voilà nombre d’éventuels clients découragés.
“Les réseaux sociaux comme les sites dédiés donnent tant d’importance à ses opinions que les marques en redoutent l’influence négative”
Tout a changé. Le pouvoir de nuisance du “consomm’acteur” est centuplé. Il l’utilise désormais pour influencer de belle façon la stratégie des producteurs. Plus question d’accepter passivement, sans broncher, les prestations et produits à la qualité défaillante. Et si les marques se montrent autistes à ses observations, alors le consomm’acteur peut dégainer l’arme fatale : l’appel au boycott. En théorie, ce dernier est plutôt engagé dans les combats de l’éthique, de la production responsable et équitable. Son comportement – donc ses achats – traduit cet engagement. Qui peut, aussi, avoir une expression positive. Avec le “buycott” par exemple. Cet activisme consiste alors à récompenser une entreprise pour son engagement en appelant à acheter ses produits.
Patrick Arnoux
Le bien commun,
l’autre nom de l’intérêt général
Face à une économie de marché accusée de transformer le monde en une vaste marchandisation de tous les biens, la notion de “bien commun” gagne des points. Le Prix Nobel Jean Tirole livre cette analyse : “la recherche du bien commun passe en grande partie par la construction d’institutions visant à concilier autant que faire se peut l’intérêt individuel et l’intérêt général”. Au plan philosophique, la démarche peut aussi s’interpréter comme une quête du bien-être.
La définition la plus large du bien commun recouvre l’ensemble des ressources qui relèvent d’une exploitation collective et/ou d’une utilisation collective. Le climat et la biodiversité en sont les marqueurs emblématiques. En particulier, l’air pur est un exemple des plus parlants : c’est une ressource naturelle que chacun consomme. Naguère, personne ne se souciait ni de sa préservation, ni de sa qualité, ni de son prix. Mais un bouleversement se prépare. Les biens communs pourraient se voir attribuer des prix négociés collectivement au nom de la défense de tel ou tel objectif.
“La définition la plus large du bien commun recouvre l’ensemble des ressources qui relèvent d’une exploitation collective et/ou d’une utilisation collective”
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