Annonce

Réduire
Aucune annonce.

180 patients tués : l'Allemagne face au pire tueur en série de son histoire

Réduire
X
 
  • Filtre
  • Heure
  • Afficher
Tout nettoyer
nouveaux messages

  • 180 patients tués : l'Allemagne face au pire tueur en série de son histoire

    La nuit, l'infirmier Högel avait pour l'habitude de pénétrer discrètement dans la chambre des malades pour leur injecter une surdose de médicaments. Une routine macabre dont il a, au fur et à mesure des années, perdu le fil. Aujourd'hui incarcéré à vie pour 6 meurtres, il en a officiellement confessé une trentaine. Auprès d'un co-détenu, il avait ensuite lâché le chiffre d'une cinquantaine d'homicides.

    Mais lundi 28 août, les enquêteurs allemands en charge du dossier ont jeté un pavé dans la mare. Deux ans après la condamnation à perpétuité de Niels Högel, et après 134 exhumations et des centaines de témoignages, le chef de l'enquête Arne Schmidt se dit en mesure de pouvoir "prouver au moins 90 meurtres". Un chiffre qui ne serait encore que la partie émergée de l'iceberg :

    "Il y en a au moins autant qu'on ne peut pas prouver. [...] Ce nombre est exceptionnel, unique, dans l'histoire de la République fédérale."

    Comment un simple infirmier aurait-il pu tuer 180 personnes en toute discrétion entre 1999 et 2005 ? C'est l'effarante équation que tente de résoudre ce mardi 29 août la presse allemande. Pendant sa courte carrière dans les unités de soins intensifs (de 22 à 28 ans), Niels Högel n'a semblé montrer aucune "préférence" d'âge ou de sexe pour ses victimes. Tout juste ciblait-il plutôt "les patients se trouvant dans un état très critique", indique la police. En aggravant volontairement l'état des patients, il provoquait leur placement en unité de soins intensifs où il pouvait démontrer son talent pour les ramener à la vie, expliquait-il à son procès, invoquant comme autre mobile "l'ennui". Sauf que bien souvent, les patients mouraient.

    Un infirmier si dévoué

    Le "Süddeutsche Zeitung" retrace "l'histoire d'une série de meurtres sans précédent", "la pire commise en Allemagne par un individu depuis la guerre". "C'était un infirmier très dévoué, parfois d'une manière un peu étrange", se souvient un collègue au tribunal. Un médecin se rappelle l'avoir vu sortir d'une chambre juste avant la crise cardiaque d'un patient. Car l'affaire est aussi celle des dysfonctionnements dans les deux cliniques où Högel a travaillé. Toutes deux sont aujourd'hui visées par une enquête pour déterminer les responsabilités.

    Dès août 2001, les médecins de l'unité 211 de la clinique d'Oldenbourg s'interrogeaient sur la recrudescence des réanimations et des décès. Otto Dapunt, ancien médecin de la clinique, déclare même au tribunal :

    "Les réanimations étaient systématiques lorsque Niels était de service."

    Il y avait des indices, des soupçons, un malaise, le sentiment que quelque chose d'anormal se déroulait", témoigne l'actuel directeur de la clinique. Et pourtant, aucun mécanisme interne n'a donné l'alerte. La direction d'Oldenbourg tente même de se débarrasser discrètement de Niels Högel, lui promettant une lettre de recommandation s'il part de lui-même. En 2002, l'infirmier arrive à la clinique de Delmenhorst, à 40 kilomètres de là, dans la banlieue de Brême.

    Impossible de dire si Högel y reprend aussitôt ses mortelles habitudes. Mais en juin 2005, alors que la méfiance de ses collègues grandit, une infirmière de Delmenhorst saisit Högel sur le fait, en train d'administrer un traitement non prescrit à un patient. Inexplicablement, ce dernier est pris d'une crise cardiaque alors que Högel est dans la chambre. Le test sanguin est positif au Gilurytmal : un médicament contre l'arythmie cardiaque dont la consommation a mystérieusement explosé de 400% l'année précédente dans l'hôpital.

    L'enquête a traîné pendant une décennie

    L'année suivante, l'infirmier est condamné par la cour d'Oldenbourg à cinq ans de prison pour tentative d'homicide, jugement cassé en cour fédérale. A la stupeur générale, il est autorisé à reprendre son métier, qu'il exerce encore deux années.

    En juin 2008, lors de la révision de son procès, Högel est cette fois condamné à sept ans et demi de prison. Alertée par la médiatisation de l'affaire, une femme exprime des doutes quant au décès de sa mère. Plusieurs corps sont exhumés et les enquêteurs trouvent des traces de substances suspectes chez cinq d'entre eux, concluant dans trois cas à des injections mortelles et dans les deux autres à une "cause possible" de la mort. Mais, à cause de la négligence des procureurs successifs, il faut attendre les aveux de Högel auprès d'un psychiatre pour que soit enfin formée, en 2014, une commission d'enquête spéciale, baptisée "Kardio", vouée à mettre au clair 200 cas suspects.

    Sur les 134 corps exhumés, 27 portent les traces du traitement contre l'arythmie cardiaque administré par Högel. A plusieurs reprises, l'infirmier a aussi tué avec du potassium.

    "Il se sentait détenteur du droit de vie et de mort", analyse le "profiler" Axel Petermann, interviewé par le tabloïd "Bild".

    "Les patients n'étaient que des jouets pour vous – ils faisaient partie d'un jeu où vous seul pouviez gagner et eux pouvaient tout perdre", accusait le président du tribunal lors de son procès en 2015.

    Mais l'infirmier Högel est aussi le produit d'un système. La culture du secret en milieu hospitalier est largement montrée du doigt en Allemagne ce mardi, comme dans "Bild" où le président de la Fondation allemande pour la protection des patients, Eugen Brysch, réclame haut et fort des systèmes de contrôle et d'alerte indépendants. Deux ex-médecins et le chef de l'unité de Delmenhorst sont actuellement poursuivis pour homicide involontaire par omission.

    l'OBS
Chargement...
X