Le roi de l'acier, l'Indien Lakshmi Mittal, habite l'énorme bâtisse victorienne du 18. L'oligarque russo-américain Len Blavatnik occupe les 15, 15A et 15B. Le roi d'Arabie saoudite, Abdallah, est propriétaire du 12. Jon Hunt, fondateur de Foxtons, la plus grosse agence immobilière d'Angleterre, possède le 10. Le numéro 20 appartient au sultan de Brunei. Un autre oligarque de renom, Boris Berezovski, a acquis deux appartements dans les immeubles de brique rouge de Palace Green, situés près de la porte sud.
A côté de ces six milliardaires, vivent une kyrielle de simples millionnaires, enrichis dans les hedge funds spéculatifs, l'informatique, les matières premières... Ils ont acheté les nouveaux condominiums du 8 Kensington Palace Gardens.
La large avenue, légèrement inclinée, bordée d'arbres, accueille également une douzaine d'ambassades et de résidences diplomatiques. Le drapeau français flotte ainsi au numéro 11, depuis son achat en 1944 par René Massigli, ex-secrétaire général du Quai d'Orsay, héros de la France libre et anglophile, qui restera en poste jusqu'en 1954.
"KPG", pour les initiés, est de surcroît, estampillé du label Windsor, symbolisé par le palais de Kensington qui jouxte l'héliport réservé aux vols royaux. Depuis sa construction en 1843, cette enclave située en plein centre-ville, encastrée entre deux arrondissements cossus de la capitale - Notting Hill et Kensington -, appartient au Crown Estate, le domaine foncier de la couronne d'Angleterre. By Appointment to The Queen...
Jusqu'à la seconde guerre mondiale, ces immenses hôtels particuliers appartenaient à de vieilles et élégantes familles aristocratiques du royaume - les Wellesley, Marlborough, et Cholmondeley - auxquelles s'étaient adjointes les nouvelles dynasties financières du XIXe siècle, tels les Rothschild.
Aujourd'hui Kensington Palace Gardens est l'avenue résidentielle la plus chère de Londres, voire au monde. "Billionnaires'Row" (l'allée des Milliardaires) : ce surnom actuel est à lui seul toute une légende, Ici, dans cette oasis de verdure et de calme, loge une communauté très, très riche. Son code postal W8 4QP est le plus recherché du royaume. L'endroit peut se targuer du mètre carré résidentiel le plus cher de Londres, loin devant New York, Monaco, Genève ou Newport, qui se posent en rivales.
Les ambassadeurs ont du mal à garder leur flegme devant les folles excentricités de leurs voisins à l'argent nouveau. A tout seigneur tout honneur, première fortune du Royaume-Uni, Lakshmi Mittal a racheté sa demeure en 2004 à Bernie Ecclestone, le patron de la formule 1, pour 57 millions de livres, record absolu sur le marché de l'immobilier londonien. L'épouse de "Bernie", Slavica, trouvait l'endroit sinistre. Len Blavatnik a payé 41 millions de livres pour le 15, après une bataille d'enchères mémorables avec son compère, Roman Abramovich, propriétaire du club de foot de Chelsea. Ce dernier a été forcé de se rabattre sur une maison moins prestigieuse d'Eaton Square, à Belgravia. Le PDG de Foxtons, lui, a fait une belle affaire en déboursant seulement 14 millions pour son "pied-à-terre."
Les diplomates ne s'étonnent guère des lubies du sultan de Brunei, un original, dont les voitures sont toutes immatriculées "20 KPG". De même, ils sont restés indifférents aux rumeurs selon lesquelles la piscine de Mittal était sertie de diamants de couleur, ce qu'a démenti l'intéressé. Ils s'émeuvent à peine, chaque matin, devant l'invasion sonore d'une armée de livreurs, domestiques, agents de sécurité, jardiniers, conseillers financiers et hommes d'affaires venus en métro, en taxi ou en camion.
"Circulez. Il est interdit de prendre des photos", lance sans aménité à deux touristes japonais le policier, la mitraillette en bandoulière, planté devant l'ambassade d'Israël. Mais à l'exception de ce Fort Knox, l'îlot qu'est "KPC" n'est pas barricadé par un dispositif de sécurité impressionnant. L'artère est certes fermée à la circulation automobile par des barrières actionnées depuis deux petits chalets d'un vert profond placés aux deux entrées.
Les gardes de sécurité, qui connaissent leur monde, inspectent respectueusement les laissez-passer des voitures autorisées. Mais, en dépit des risques posés à la sécurité, cyclistes et piétons peuvent librement l'emprunter dans la plus pure tradition démocratique britannique.
C'est la seule chose au demeurant que le promeneur peut se permettre. Protégées par des sas hermétiques, l'oeil des caméras et des vigiles, ces demeures, bien entendu, ne se visitent pas. Les riches sont obsédés par leur sécurité ou la crainte des enlèvements ou des attentats. Alors, faisons une visite non guidée au numéro 15 que s'est offert en juillet 2004 le magnat du pétrole Blavatnik. D'après le prospectus du Crown Estate, l'immeuble de style victorien a de quoi faire fantasmer, affichant sans complexe le mode de vie de l'endroit : quatre salles de réception, une dizaine de chambres à coucher, neuf salles de bains, une piscine de 25 m2 en sous-sol décorée de statues grecques, un sauna, un ascenseur, un garage pour 8 limousines, etc.
Pour décorer cet hôtel particulier, des spécialistes ont chiné chez Sotheby's et chez Christie's pendant des mois à la recherche de mobilier, de tableaux, d'objets d'antiquité. Une bonne trentaine de domestiques sont nécessaires pour assurer la bonne marche de la maison. A noter que l'intéressé, qui auparavant avait voulu racheter l'appartement new-yorkais de la comédienne Mary Tyler Moore, en a été empêché par les copropriétaires de l'immeuble de Manhattan, inquiets de prétendues liaisons mafieuses. Mais, c'est bien connu, depuis des lustres, les Britanniques ont su s'accommoder des richesses d'autrui sans se poser trop de questions sur l'origine des capitaux investis.
Malgré l'éclat de la richesse, rien ne se passe vraiment à Kensington Palace Gardens, à l'exception de rares disputes de voisinage vite étouffées par le Foreign Office. Ainsi en 2003, l'ambassadeur du Népal a vu son potager saccagé. Quant au représentant de la Fédération de Russie, son voisin, quelle ne fut pas surprise de constater un matin que toutes ses balles de tennis avaient été à moitié dévorées. Les coupables ? Des renards qui auraient été nourris par l'ambassadeur de Finlande ? En 1986, le chien de la princesse Michael de Kent, locataire de Kensington Palace, a tué le chat du 15.
La presse tabloïd en a fait ses choux gras. Vingt ans plus tôt, au début de la guerre froide, le jeune roi Fayçal d'Irak a lancé son ballon dans le jardin du 13, abritant alors l'ambassade soviétique, qui a refusé de le rendre, provoquant une bataille diplomatique de plusieurs années. Broutilles que tout cela !
A côté de ces six milliardaires, vivent une kyrielle de simples millionnaires, enrichis dans les hedge funds spéculatifs, l'informatique, les matières premières... Ils ont acheté les nouveaux condominiums du 8 Kensington Palace Gardens.
La large avenue, légèrement inclinée, bordée d'arbres, accueille également une douzaine d'ambassades et de résidences diplomatiques. Le drapeau français flotte ainsi au numéro 11, depuis son achat en 1944 par René Massigli, ex-secrétaire général du Quai d'Orsay, héros de la France libre et anglophile, qui restera en poste jusqu'en 1954.
"KPG", pour les initiés, est de surcroît, estampillé du label Windsor, symbolisé par le palais de Kensington qui jouxte l'héliport réservé aux vols royaux. Depuis sa construction en 1843, cette enclave située en plein centre-ville, encastrée entre deux arrondissements cossus de la capitale - Notting Hill et Kensington -, appartient au Crown Estate, le domaine foncier de la couronne d'Angleterre. By Appointment to The Queen...
Jusqu'à la seconde guerre mondiale, ces immenses hôtels particuliers appartenaient à de vieilles et élégantes familles aristocratiques du royaume - les Wellesley, Marlborough, et Cholmondeley - auxquelles s'étaient adjointes les nouvelles dynasties financières du XIXe siècle, tels les Rothschild.
Aujourd'hui Kensington Palace Gardens est l'avenue résidentielle la plus chère de Londres, voire au monde. "Billionnaires'Row" (l'allée des Milliardaires) : ce surnom actuel est à lui seul toute une légende, Ici, dans cette oasis de verdure et de calme, loge une communauté très, très riche. Son code postal W8 4QP est le plus recherché du royaume. L'endroit peut se targuer du mètre carré résidentiel le plus cher de Londres, loin devant New York, Monaco, Genève ou Newport, qui se posent en rivales.
Les ambassadeurs ont du mal à garder leur flegme devant les folles excentricités de leurs voisins à l'argent nouveau. A tout seigneur tout honneur, première fortune du Royaume-Uni, Lakshmi Mittal a racheté sa demeure en 2004 à Bernie Ecclestone, le patron de la formule 1, pour 57 millions de livres, record absolu sur le marché de l'immobilier londonien. L'épouse de "Bernie", Slavica, trouvait l'endroit sinistre. Len Blavatnik a payé 41 millions de livres pour le 15, après une bataille d'enchères mémorables avec son compère, Roman Abramovich, propriétaire du club de foot de Chelsea. Ce dernier a été forcé de se rabattre sur une maison moins prestigieuse d'Eaton Square, à Belgravia. Le PDG de Foxtons, lui, a fait une belle affaire en déboursant seulement 14 millions pour son "pied-à-terre."
Les diplomates ne s'étonnent guère des lubies du sultan de Brunei, un original, dont les voitures sont toutes immatriculées "20 KPG". De même, ils sont restés indifférents aux rumeurs selon lesquelles la piscine de Mittal était sertie de diamants de couleur, ce qu'a démenti l'intéressé. Ils s'émeuvent à peine, chaque matin, devant l'invasion sonore d'une armée de livreurs, domestiques, agents de sécurité, jardiniers, conseillers financiers et hommes d'affaires venus en métro, en taxi ou en camion.
"Circulez. Il est interdit de prendre des photos", lance sans aménité à deux touristes japonais le policier, la mitraillette en bandoulière, planté devant l'ambassade d'Israël. Mais à l'exception de ce Fort Knox, l'îlot qu'est "KPC" n'est pas barricadé par un dispositif de sécurité impressionnant. L'artère est certes fermée à la circulation automobile par des barrières actionnées depuis deux petits chalets d'un vert profond placés aux deux entrées.
Les gardes de sécurité, qui connaissent leur monde, inspectent respectueusement les laissez-passer des voitures autorisées. Mais, en dépit des risques posés à la sécurité, cyclistes et piétons peuvent librement l'emprunter dans la plus pure tradition démocratique britannique.
C'est la seule chose au demeurant que le promeneur peut se permettre. Protégées par des sas hermétiques, l'oeil des caméras et des vigiles, ces demeures, bien entendu, ne se visitent pas. Les riches sont obsédés par leur sécurité ou la crainte des enlèvements ou des attentats. Alors, faisons une visite non guidée au numéro 15 que s'est offert en juillet 2004 le magnat du pétrole Blavatnik. D'après le prospectus du Crown Estate, l'immeuble de style victorien a de quoi faire fantasmer, affichant sans complexe le mode de vie de l'endroit : quatre salles de réception, une dizaine de chambres à coucher, neuf salles de bains, une piscine de 25 m2 en sous-sol décorée de statues grecques, un sauna, un ascenseur, un garage pour 8 limousines, etc.
Pour décorer cet hôtel particulier, des spécialistes ont chiné chez Sotheby's et chez Christie's pendant des mois à la recherche de mobilier, de tableaux, d'objets d'antiquité. Une bonne trentaine de domestiques sont nécessaires pour assurer la bonne marche de la maison. A noter que l'intéressé, qui auparavant avait voulu racheter l'appartement new-yorkais de la comédienne Mary Tyler Moore, en a été empêché par les copropriétaires de l'immeuble de Manhattan, inquiets de prétendues liaisons mafieuses. Mais, c'est bien connu, depuis des lustres, les Britanniques ont su s'accommoder des richesses d'autrui sans se poser trop de questions sur l'origine des capitaux investis.
Malgré l'éclat de la richesse, rien ne se passe vraiment à Kensington Palace Gardens, à l'exception de rares disputes de voisinage vite étouffées par le Foreign Office. Ainsi en 2003, l'ambassadeur du Népal a vu son potager saccagé. Quant au représentant de la Fédération de Russie, son voisin, quelle ne fut pas surprise de constater un matin que toutes ses balles de tennis avaient été à moitié dévorées. Les coupables ? Des renards qui auraient été nourris par l'ambassadeur de Finlande ? En 1986, le chien de la princesse Michael de Kent, locataire de Kensington Palace, a tué le chat du 15.
La presse tabloïd en a fait ses choux gras. Vingt ans plus tôt, au début de la guerre froide, le jeune roi Fayçal d'Irak a lancé son ballon dans le jardin du 13, abritant alors l'ambassade soviétique, qui a refusé de le rendre, provoquant une bataille diplomatique de plusieurs années. Broutilles que tout cela !
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