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Monongahela: un Algérien tombe du ciel (I)

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  • Monongahela: un Algérien tombe du ciel (I)

    Larbi Zouaimia
    Analyste Economique et Politique




    Voilà. On replonge dans le temps vers cette journée automnale de 1756, quelque-part à l'ouest de Staunton dans le Commonwealth Virginia, là où débute la jungle de Monongahela actuellement celle qui sépare l'État du Kentucky des deux Virginies.

    1756. Et oui ... ! Soit 261 années passées et 20 ans avant l'Independence des 13 colonies américaines, gérées jusque-là par une charte royale britannique, des entités territoriales qui allaient devenir les Etats Unis d'Amérique.

    Ce jour, Samuel Givins pris par l'habitude de céder à son escapade favorite, la chasse, sortit de sa maison accompagné de son chien et de son cheval pour aller s'engouffrer dans la vaste forêt du compté Ouest d'Augusta.

    Mais au moment où il amorça la descente d'un petit ravin, Samuel vit une créature étendue ; plongée complètement au milieu des feuilles et des branches. Un moment d'hésitation empêcha le chasseur d'utiliser son Musket Silex (fusil), préférant s'approcher avec prudence, pour voir de plus prés.

    Givins découvrît alors un homme complètement inconscient, chétif et dans un état désastreux... tout un corps malade enveloppé dans des vêtements en lambeaux. Il le mit alors sur son cheval et prit vite le chemin du retour. La nouvelle se répandît illico dans ce village de fermiers protestants et l'Eglise s'y mêla.
    Le lendemain, la foule déferlant des environs, campa près de la demeure de Samuel pour dénicher des nouvelles. On avait, tout d'abord, pensé à l'ennemi espagnol qui tenait garnison un peu plus au sud; à la limite de la Savana ,entre la Caroline et Géorgie, mais le pasteur traitant évoqua la blancheur de la peau mais surtout un organe génital circoncis !

    Un juif? Non. Un quoi alors ?... Le premier juif recensé en Amérique date de 1643, un siècle avant ... Donc ça ne peut pas être de sa descendance .... ! Mais curieusement à Roanoke, à 150 km plus au Sud, ça peut être sa descendance ! Mais enfin, qui est cet étranger trouvé dans le bois ?

    Mystère et boule de gomme ! Cependant, l'espoir raviva le soulagement et le remède administré apporta finalement guérison car après quelques jours, l'homme fut rétabli, et devint capable de monter à cheval.

    Samuel et ses visiteurs s'aperçoivent alors qu'il y a un autre handicap : l'inconnu dont ils tentent de connaitre l'histoire, ne parle pas leur langue (anglais).

    Ainsi et sur demande du Colonel Dickerson de la Place, Samuel accepta que son invité aille habiter chez la famille de l'officier. Ses enfants se sont chargés de lui apprendre l'Anglais et le Colonel était impressionné par le fait de constater, chaque jour, une progression évidente.

    Dickerson un homme généreux et gentil, emmène parfois son invité lors de ses visites à la maison de la justice, au siège administratif et à la chapelle.

    Mais voila qu'un jour, en se trouvant au milieu des livres de la bibliothèque de l'église, l'étranger vit un document en grec, il commence alors à lire. Le révérend ne croyait pas ses yeux. Parler et lire le grec ancien est un fait rare dans le nouveau monde.



    Et le jour J arriva. Fin 1757 pour les uns, début 1758 pour les autres. L'étranger fut enfin prêt à raconter son histoire devant les notables de Staunton. "Je me nomme Salim je suis de Djzayerr ou Dzyer (Algiers), je suis Mahométan (Musulman) j'appartiens à une famille riche de la cité.

    Je suis étudiant à Istanbul des Ottomans. Après des vacances chez mes parents et sur le chemin du retour, les pirates "spaniards" (Espagnols) ont intercepté notre bateau. Je fus emmené à Séville puis dans la mer des ténèbres (Atlantique), ils m'ont vendu à des trappeurs français.

    Ces derniers prenaient la direction vers l'embouchure du Mississipi à la nouvelle Orléans Française. Là, j'ai pu me sauver vers le nord puis vers l'Est.

    L'assistance hébétée laissa tomber Istanbul pour chercher "Algiers"... connue par Tripton l'ambassadeur d'Elizabeth Une vers les 1580, mais pas par les fermiers de Staunton en 1757 ... Et on commençait à deviner ... Prés de Saint Domingo, non ? Plus loin que l'Angleterre, oui ? Plus proche que le Vatican, oui ... !

    Les documents britanniques allaient servir de secours et c'est ainsi que le Colonel Dickerson et Jean Graig, le chef des "Presbyterian Protestants" décidèrent d'envoyer des émissaires à Williamsburg, capitale de la colonie à cette époque, afin de connaitre davantage sur Djzair.

    Ainsi et dès cet instant, le titre de North African Educated Student allait suivre Salim jusqu'à sa mort. Tout d'abord en 1762 ou 1763, lors de la rencontre avec un étudiant spécial nommé Thomas Jefferson ... le suivre à l'université de Williams and Mary comme dans ses derniers jours dans un auspice juste après la création la confédération américaine en 1787 à Philadelphie ...

    Salim, venu du siège de la régence qui gouvernait ce que le monde chrétien appelait dans ce temps le Central Barbarian State ... en haut ... en Afrique Blanche.

    A suivre ...


    références:
    1-Georges Graham .American Monthly Magazine 1855
    2-United-States-Library-Congress Jan 98 notes prises Zouaimia
    3-Peyton's History of Augusta Chapter VIII
    4-Katie Letcher Lyle University of North Carolina- Selim the Algerian
    5-Mark St John Erickson Orlando Sentinel Florida April 2013
    6-Selim The Prisoner of Spain, France and Shawnee By Andrew Price 1924
    7-Ammon Stapleton Christian Life 1906
    8-Philip Vickers Fithian . Journal and letters 1665-1774 published in 1900
    9-Colonial Williamsburg Journal
    10-History of Great Kanawha Valley (West Virginia) Page 157
    11-Annals of Bath County Virginia by Oren F Morten
    12 - Zouaimia Nouvelle République Mars 1998
    La Réalité est la Perception, la Perception est Subjective

  • #2
    Un Algérien tombe du ciel: l'itinéraire (II)



    De toutes les histoires touchant à la présence algérienne dans le Nouveau Monde, parfois vendues par nos aliénateurs aux moyen-orientaux, celle de Salim l'étudiant reste éminemment la plus inédite et la plus exceptionnelle.

    Ainsi, nous sommes donc tentés, en consultant certaines références, de répéter - comme l'avait si bien dit l'historienne Judith Trucker de Georgetown University - que l'histoire est fantastique ... si elle est vraie.

    Ce vrai conditionnel ne concerne nullement un doute sur l'existence d'un personnage dont les sources mentionnent sa venue, mais sur ce qu'il a bien pu raconter par rapport à sa mésaventure.

    Il demeure essentiel qu'à travers cet essai, notre intérêt est de faire sortir toutes les informations capables de nous aider à rendre cohérents les éléments d'une telle hagiographie élogieuse.

    Par conséquent, ceci peut aussi contribuer à recadrer et d'une manière très simple, l'historicité des événements lesquels deviennent indispensables pour toute lecture sur le cas de cet Algérien de la deuxième moitié des années 1700.



    Résumons donc les différents segments de la genèse. Salim, étudiant algérien à Constantinople, aurait été capturé par les Espagnols au large d'Alger, puis transféré vers la région de Séville exactement au port de Cadiz, ouest de Gibraltar. C'est là qu'il fut remis à des trappeurs d'un vaisseau français.

    Il traverse donc l'Atlantique et c'est à la Nouvelle Orléans en Louisiane française, à l'embouchure du Mississippi, qu'on le fît débarquer pour être vendu ou envoyé (sent up) vers les Indiens de Shawnee dans l'Etat Actuel de l'Ohio.

    Cependant, des versions parlent beaucoup plus d'un séjour de Salim dans le statut d'esclave à la Nouvelle-Orléans, avant qu'il réussît à fuir la région dans l'espoir de revoir un jour ses parents. Juste à signaler que les Français sont venus dans ces contrées de l'Amérique en 1699.

    La suite serait donc très logique ... convenons-en ! Dans un itinéraire qui repose incontestablement sur le repère fluvial du Mississippi. Ceci dit que le captif algérien aurait normalement choisi le nord en contournant Bâton Rouge, l'actuelle capitale de la Louisiane, pour éviter après une marche de presque 800 km, le fort de Memphis (dans l'actuel Tennessee).



    Pas loin de Memphis, il continue encore vers le nord mais après 200 kilomètres de parcours, il s'est vu coincé dans le triangle qui sépare les Etats actuels du Missouri, du Kentucky et de l'Illinois, là où le fleuve de l'Ohio commence à se détacher du Mississippi, vers le Nord-Est délimitant aujourd'hui, l'Etat du Kentucky de l'Ohio.

    Il est tout a fait vraisemblable que Salim n'eut pas suivi le Nord-Ouest Mississipi par peur d'être à nouveau capturé par les français stationnés à 50 km plus loin, lesquels détenaient sur les abords du tracé fluviale et depuis 1733, un poste de traite de fourrures, dénommé Cap Girardeau, devenu une ville dans l'actuel Etat du Missouri.

    Ce plan d'évasion prouve une fois que Salim n'était pas seulement instruit mais encore intelligent et capable de parcourir de telles distances dans une "terra incognita", lui qui arriva dans ces régions inhospitalière en pleine guerre des Sept Ans (soit 1754- 1761 avec enfin un traité de paix en 1763).
    En résumé, La guerre des Sept Ans ou décrite par les britanniques de (French Indian War) est une guerre de conflits de territoires, opposant la France à la Grande-Bretagne ... en terre américaine.

    Les Français avaient pour alliés les tribus indiennes suivantes: les Abenaki, les Mi'kmaqs les Algonquins, les Lenapes, les Ojibwas, les Ottawas,les Wyandots et les Shawnees.

    Toutefois, parler de Louisiane à ce moment précis, ne concerne pas l'Etat actuel avec capital Bâton rouge, mais toute la partie centrale des USA avec 2,2 millions de kilomètres, commençant à la ville de Détroit dans le Michigan, et finissant au Golf du Mexique.

    Le pacte commercial intitulé: "Louisiana Pourchase" de 1803 mit fin à la présence française aux Etats Unis. Le rachat de tous ces territoires, aurait coûté au président Thomas Jefferson, la somme de 15 millions de dollars équivaut à 277 millions en 2017.



    Revenenons à Salim qui continue à avancer vers le Nord-Est. Il est évident qu'en fonction du zigzag de la rivière Ohio, l'évadé aurait fait quelques 280 km de plus pour arriver aux abords de Louisville dans l'actuel Kentucky. Louisville, bien entendu, qu'il évite pour poursuivre du côté de la même rivière.
    De Louisville, Salim touche enfin aux environs de Cincinnati après avoir parcouru encore et a côté du cours d'eau, 150 km. Ici, le fleuve change de direction pour aller au sud-est.

    L'Algérien aurait vu se dessiner devant lui le grand espoir ... l'espoir de la direction Est du soleil ... Tout ce qu'il y a de beau dans l'Est ... sa famille. Malheureusement sa lancée fut vite interrompue.

    A quelques 120 km à l'Est de Cincinnati, son voyage s'arrêta après avoir fait dans le bois entre 1500 et 1600 km. L'équation distance- temps couplée au terrain, combiné à sa condition physique, nous donne facilement un maximum de 4 mois en pleine jungle.



    L'Algérien venait de se faire attraper par les Shawnees, une frange d'indiens qui l'emmènent à leur campement principal dans une vallée à l'Est de la ville de Chillicothe en Ohio (nous y reviendrons dans la partie qui suivra).

    Ce schéma retraçant ce qui nous semblait l'itinéraire le plus logique, nous pousse à dire que c'est à l'est de Cincinnati et au Sud de Columbus dans l'Etat de l'Ohio que Salim aurait été capturé par les les Shawnees alliés des Français. Cette donne devient une certitude.

    Ici, les données géographiques comme topographiques indiquent que les territoires de cette confédération autochtone de l'Ohio se trouvent dans la dite région avec des camp-grounds de prédilections pour les chefs tribaux ... quelque part au sud-est, sur les rives de Scioto, à 25 km de la ville de Chillicothe.

    Ce détail de Scioto River est de taille. Il porte la précision irréfutable. Il émane d'un livre trouvé dans la collection historique de la librairie de New York, livre appartenant à Charlotte Yonge et édité en 1879.

    Aussi, le fait de dire que Salim s'est échappé de son camp d'internement pour traverser en 45 jours les Appalaches, toucher la jungle Monongahela et franchir les montagnes de Shenandoah pour se trouver exténué à la limite Ouest du Compté d'Augusta en Virginie, renforce encore la déduction Chillicothe- Scioto comme zone d'emprisonnement de l'étranger ... dans ces années là.


    Mais l'exercice serait encore plus intéressant si on essaye de déterminer approximativement l'âge de Salim l'Algérien trouvé par Samuel Givens en septembre de l'année 1756 prés de Deerfield à l'Ouest de l'actuelle ville de Staunton (Virginia).

    Lors d'un voyage en 2011 qui nous a conduits à l'université Virginia Tech au sud de l'Etat, nous avons passé toute une journée à Staunton dans le but de connaître un peu plus sur cette histoire. Ce fut un grand lot d'échecs, car un tel travail mérite beaucoup plus d'efforts et de recherches afin de niveler les contradictions lesquelles ont maculé les dates comme les lieux.

    Aujourd'hui, les partisans de l'année 1756 sont plus nombreux que ceux de 1759 par exemple, à l'image de Lewis Peyton qui a écrit le récit dans la rubrique de l'histoire d'Augusta (Virginia) daté en latin MDCCCLXXII: 1872 soit un siècle après.

    Or si nous avons choisi Monongahela comme point de chute, c'est tout simplement pour être en ligne médiane par rapport à un autre récit qui évoque le compté de Pocahontas (actuellement dans l'Etat de West-Virginia mais pas Virginia).

    Ensuite, le quiproquo sur l'année du décès de Salim. Enfin, les données qu'on a pu récolter convergent toutes sur l'après 1800. L'Algérien serait décédé aux Etats-Unis d'Amérique en 1805, ce qui veut dire sous le règne du président Thomas Jefferson (1801-1809).



    On est tenté de croire avec assez de vraisemblance que Salim avait l'âge entre 18 et 21 ans lors de son arrivée aux USA en 1752-1753. Et si on prend en compte sa mésaventure depuis la ville de la Nouvelle-Orléans (actuel Etat de la Louisiane), puis sa fuite vers le nord en suivant la voie du Fleuve Mississippi et enfin sa capture par les indiens de Shawnee, prés de Scioto River dans l'Etat de l'Hio, on peut lui rajouter 3 ans: le chiffre qui tend à corriger la date d'arrivée sur le sol américain ...

    Donc avant de s'échapper de Scioto et prendre le direction vers l'est en 1756, Salim était âgé entre 21 et 24 ans, le même âge lorsqu'il franchit la Monongahela à la limite de la Virginie constituée en une seule colonie à cette époque, avant la création des Etats et avant la guerre Nord-Sud. Ce compte de 21 ou 24 ans repose sur un débarquement en 1753 aux USA.

    Notre déduction vise à élaborer une approximation, celle qui consiste à mentionner que le captif Algérien serait né à Alger (du Berbère Djzair de Ziri) entre 1732 et 1735 dans une ère où la capitale des Deys qui gérait les 3 province beylicales (Constantine Oran et Médéa) était administrée par un certain khaznadar Ibrahim Dey de la lignée des Baba (Cheikh en Turque).

    C'est à cause de cette caste que la famine vint frapper la régence en 1743 alors qu'elle (caste) se plaisait à acheter la vaisselle en porcelaine d'Italie. Elle (la caste des Baba) boucla aussi avec ses ancêtres comme pérennisa avec ses progénitures, les grandes spoliations des terres des autochtones...

    Dans la Metija, les [babas] mirent sur pieds des domaines agricoles portant honteusement jusqu'à ce jour, les appellations de Baba Hassen et Baba Ali.Tout leur appartenait, y compris les mulets qui transportaient les fruits et légumes vers la Casbah de Djzair la berbère.

    A sa mort aux USA, Salim avait soit l'âge de 70 ans soit l'âge de 73 ans. Thomas Jefferson devenu le 3e président des USA est né exactement en 1743 moins âgé que l'immigrant Algérien ... mais a vu le jour curieusement, à 70 km au Sud-Est de Staunton.

    Les circonstances se sont faites pour qu'ils se rencontrent en 1763 à l'Université Williams and Marry de Williamsburg, l'ancienne capitale de la Colonie Commonwealth de Virginie ...




    Salim aurait séjourné ici pour apprendre l'anglais chez les Dickenson (1756-1757). Cette zone est située à Millboro (Virginie)


    A suivre ...
    La Réalité est la Perception, la Perception est Subjective

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