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Evacuations violentes, lynchages : les épisodes antimigrants se multiplient en Italie

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  • Evacuations violentes, lynchages : les épisodes antimigrants se multiplient en Italie

    La tradition d'accueil de la péninsule semble s'effriter peu à peu

    Les incidents antimigrants se multiplient en Italie. Episodes d’intolérance, conflits de voisinage, rejets racistes… Comme si la péninsule, qui est l'un des principaux pays européens pour l’accueil des migrants (181.000 en 2016 et près de 100.000 depuis le début de l’année), était en train de basculer dans une forme d’intolérance, comme si l'Italie rompait avec sa tradition d'accueil. Résultat : on compte près de 5 millions d’immigrés (réguliers ou pas) pour une population de 60 millions d’habitants.

    Dérapages verbaux et physiques

    Ce virage est illustré par de nombreux épisodes. D’abord par les quelque 800 réfugiés délogés le 25 août de l’immeuble qu’ils occupaient abusivement depuis 2013 aux abords de la gare de Termini à Rome. Ils ont ensuite été chassés par de puissants jets d'eau glacée des campements qu’ils avaient improvisés Piazza Indipendenza, le tout sous les applaudissements.

    Le deuxième épisode concerne un prêtre de la banlieue de Pistoia, en Toscane. Le prêtre – surnommé "Don Accoglienza", "Père Accueil" – et réputé pour sa capacité à intégrer Erythréens et Somaliens dans sa paroisse de Santa Maria Maggiore. La semaine dernière, il a emmené une dizaine de jeunes migrants se baigner dans la piscine municipale, avant de poster des photos sur Facebook. Bien mal lui en a pris : les militants du groupe d’extrême droite CasaPound l’ont "dénoncé" et ont décidé de boycotter ses messes. Don Massimo Biancalani, loin de se laisser intimider, a annoncé qu’il voulait emmener ces mêmes jeunes à la mer.

    Autre événement, cette fois à Cagliari, en Sardaigne : un marchand ambulant sénégalais a risqué le lynchage : des baigneurs voulaient s'emparer de sa marchandise et refusaient de payer. A Margherita di Savoia, dans les Pouilles, deux touristes cubains jugés "trop noirs" se sont vus refuser lundi 28 août un "bed and breakfast" qu’ils avaient pourtant réservé.

    Mais l’épisode le plus grave a eu lieu dans le quartier périphérique de la Tiburtina, dans la banlieue est de Rome où un réfugié érythréen souffrant de problèmes psychiques a été bousculé et frappé dans la matinée du 30 août à l’intérieur du centre de la Croix-Rouge où il réside légalement (ce n’est pas un clandestin). Ses agresseurs étaient convaincus qu’il voulait s’approcher trop de leurs enfants. L'homme est encore à l’hôpital.

    Pour finir, le 8 août dernier, trois adolescents d’Acqui Terme (Piémont) ont provoqué un réfugié sénégalais qui observait tranquillement des ruines, avant de le frapper. La scène a été filmée et diffusée sur internet avec des commentaires rigolards. Le Sénégalais a été conduit à l'hôpital et souffre d'un traumatisme crânien.

    "Un coup de frein"

    "L’antique esprit d’accueil a vacillé", analyse l’éditorialiste de "la Repubblica", Marco Lodoli. On semble en tout cas à des années-lumière de la tranquille approbation, du flux continu de migrants qui s’éparpillait tranquillement dans la péninsule. Aujourd'hui, cette acceptation s'apparente plutôt à du fatalisme. Au risque que "Basta les migrants" devienne le slogan le plus populaire de la prochaine campagne électorale.

    Daniela Pompei, responsable des migrants pour la communauté de Sant Egidio, confirme en partie :

    "Oui, on constate un coup de frein, c’est vrai, un changement de climat mais qui est moins dû à l'humeur des péninsulaires qu’aux exagérations des médias et aux déclarations de politiciens en mal de propagande, qu'ils soient de la Ligue du Nord ou d’ailleurs. La souffrance des périphéries a fait le reste, les gens croyant avoir trouvé la raison de la crise dans ces pauvres parmi les pauvres qu’ils accusent de 'voler' le travail aux Italiens."

    L'argent est aussi pointé du doigt. "Les gens racontent que les 35 euros par jour versés pour l’assistance de chaque migrant finissent directement dans leur poche. La vérité est que chaque migrant reçoit deux euros dans la meilleure des hypothèses et que le reste est destiné au système d’accueil qui crée ainsi des postes de travail. Comme quoi, loin de voler des boulots, le migrant en crée", poursuit Daniela Pompei.

    Mais la vraie raison du virage antimigrants est ailleurs, dans l’impréparation avec laquelle les structures d’accueil officielles ont subi pendant des années les multiples débarquements sans prendre de décisions organisationnelles. "Il est étonnant que les politiques découvrent seulement aujourd'hui par exemple que les biens confisqués à la mafia et restés inutilisés pourraient être transformés en logements pour réfugiés", soutient Deborah Diodati, présidente de la Croix-Rouge (Rome) qui gère le centre d’accueil des migrants de la Tiburtina où ont eu les incidents du 30 août. Le centre est désormais sous la protection de la police.

    l'OBS
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