Annonce

Réduire
Aucune annonce.

Donald Trump, médias, démocrates... Hillary Clinton règle ses comptes

Réduire
X
 
  • Filtre
  • Heure
  • Afficher
Tout nettoyer
nouveaux messages

  • Donald Trump, médias, démocrates... Hillary Clinton règle ses comptes

    Surprise: le livre de Hillary Clinton, qui revient sur la campagne de 2016 et sort ce mercredi en France, est tout sauf langue de bois. Parfois auto-apitoyé, souvent sincère, mélange d'exercice thérapeutique et de règlement de comptes, il y en a pour tous: Donald Trump, la classe politique et les médias. Le public ne s'y est pas trompé: le livre fait un malheur.

    Cela devait être un exercice pénible, un mauvais moment à passer pour la famille démocrate: Hillary Clinton allait déballer son linge sale et rouvrir des plaies encore à vif. Quel besoin avait-elle de se vautrer dans sa défaite? Trump, lui, ricanait dans son coin, retweetant à côté de la couverture du livre,"What happened" ("ce qui s'est passé"), un "I happened" narquois…

    Sauf que tout le monde s'est trompé. La publication du livre de Hillary Clinton, qui paraît en France ce mercredi chez Fayard, avec le titre "Ça s'est passé comme ça", n'a rien d'un chemin de croix ou d'une page que l'on souhaite voir vite tournée. C'est une véritable séance de psychanalyse à laquelle se livre l'Amérique, avec ses outrances, ses crises de nerfs, ses haines à couper au couteau mais, aussi, ses moments de lucidité et d'intelligence collective.

    En un clin d'œil, le livre s'est installé en tête des best-sellers. Champion dans la catégorie "essais", il est aussi, depuis lundi, la meilleure vente de livres d'Amazon toutes catégories confondues. Du jamais vu! Et à chaque séance de dédicace, les groupies affluent par milliers. A New York, une queue interminable s'est déployée devant la librairie Barnes & Noble, les plus accro passant la nuit sur le trottoir pour être les premiers à faire signer leur bouquin. A Brookfield, dans le Connecticut, la séance de signature a rappelé à une journaliste de télé locale "le lancement d'un iPhone ou d'un livre Harry Potter".

    Les américains n'aiment pas les perdants
    En face, les Hillaryphobes sont tout aussi remontés. Amazon a effacé une multitude de critiques négatives du livre, des notes "une étoile" "suspectes" selon le site spécialisé ReviewMeta, venant de non-lecteurs enragés. De son côté, Trump – encore lui – a retweeté un montage vidéo où la balle de golf qu'il frappe atteint Hillary dans le dos. Classieux. Quant à la presse anti-Clinton, elle n'a rien perdu de son venin. Hillary est "sourde et ne comprend pas l'Américain moyen ou se fiche de lui", elle est "d'une rapacité insatiable" et, bien entendu, "elle rêverait de pouvoir retenter sa chance en 2020", lâche le "New York Post" de Rupert Murdoch (ce que dément formellement l'intéressée).

    Que ce soit en sport ou en politique, les Américains aiment les gagnants et tournent le dos aux perdants. Sauf qu'avec Hillary, c'est plus compliqué. Elle a été battue malgré une avance de 3 millions de voix, et celui qui l'a vaincue est aujourd'hui le président le plus impopulaire de toute l'histoire américaine moderne. Mais il y autre chose. "Ca s'est passé comme ça" n'a rien d'un pensum, c'est un livre sans fard, direct, l'opposé absolu des précédents ouvrages de Clinton où elle pesait chaque mot au trébuchet d'une prudence extrême. "C'est un livre intéressant, qui mérite d'être lu, et qui soulève des questions auxquelles la presse, en particulier, ne s'est pas assez confrontée", note le journaliste vétéran James Fallows, dans "The Atlantic". Un style que Clinton justifie dans les interviews qu'elle a données en lançant son livre: "Je ne peux pas changer ce que je suis. Je suis qui je suis".

    Sarah Westwood, correspondante à la Maison Blanche du très droitier "Washington Examiner", s'est empressée de se fendre d'un tweet narquois, à la sortie du livre: "J'ai à peine lu quelques chapitres, et voici toutes les choses auxquelles Clinton attribue sa défaite". Et de lister 7 facteurs. Sauf que, à y regarder de près, sa liste est plutôt convaincante, elle va de l'ingérence du Kremlin à l'obsession des médias avec l'"emailgate" en passant par une "fatigue à propos des Clinton", "des courants profonds de ressentiment et de colère traversant notre culture" ou le fait qu'aucun démocrate (non président) n'a succédé à président démocrate ayant accompli deux mandats depuis 1836.

    Séance de thérapie
    Tous ces points sont légitimes, et l'autopsie de Clinton n'a rien d'inutile. On peut contester tel ou tel facteur, estimer par exemple que l'ex-candidate donne un trop grand rôle au sexisme pour expliquer sa défaite. On s'agacera aussi de sa tendance à admettre des torts sans vraiment les admettre. Ses discours grassement rémunérés par Wall Street, explique-t-elle, étaient une erreur… mais pas sur le fond. Leur seul défaut est d'avoir été mal perçus de l'opinion, non d'avoir acoquiné la candidate avec les grandes banques. La preuve ? "Le Président Obama a levé plus d'argent auprès de Wall Street que tout autre, et cela ne l'a pas empêché d'imposer des règles strictes pour limiter le risque et prévenir de futures crises financières. J'aurais fait la même chose et mes donateurs le savaient". On pourra aussi s'étonner du peu de place que l'ex-candidate, dans son livre, consacre à des mots comme "charisme", "empathie" ou "chaleur", qui ont pourtant été au cœur de ses difficultés avec l'électorat.

    Ce qui est vrai, c'est que Clinton a dû se battre contre une multitude de moulins. Elle n'était, tout simplement, pas la candidate du moment. Dans une interview où elle discute du livre avec Ezra Klein (Vox), l'un des rares journalistes en qui elle a confiance, elle se lâche: "Quand vous décrochez seulement 32 minutes, sur une année entière, pour parler de vos propositions de politique, que se passe-t-il? Est-ce le fait que les gens ne sont pas intéressés, ou bien que cela n'est pas attirant pour la presse parce que le type en face mène un show de téléréalité dont on n'arrive pas à détourner les yeux?" Il y a, dans cette campagne de 2016, un mélange de tragédie grecque et de névrose collective. Hillary elle-même le reconnaît au détour d'une phrase, dans sa conversation avec Ezra Klein: "J'ai l'impression d'être dans une séance de thérapie"…

    Challenges
Chargement...
X