Lourde est la responsabilité de la France même quand on oublie un instant les martyrs de la guerre de Libération. Il suffit de savoir que des centaines d’essais nucléaires atmosphériques, souterrains et même bactériologiques, ont été effectués dans le Sahara algérien.
La France coloniale a effectué 17 essais nucléaires à l’extrême sud-est et à l’ouest du pays entre 1960 : 4 essais atmosphériques à Reggane, 13 essais souterrains dans la montagne du Taourit Tan Affela, près de d’In-Ekker, et 193 essais atmosphériques et souterrains en Polynésie française, entre 1966 et 1996. Reggane, de par les dizaines d’expérimentations des armes chimiques et nucléaires, demeure l’image du crime contre l’humanité commis par les forces françaises en Algérie.
La France est interpellée sur son passé colonial et nucléaire en Algérie et dans les territoires d’outre-mer. Les traces demeurent encore, et les effets sur une population qui, à son insu, servait de cobaye à des militaires qui avait mis les résultats de leurs expérimentations au-dessus de toutes les considérations humaines. Lourde aussi, la culpabilité de la France qui avait systématisé ses essais nucléaires dans tous les pays lointains qu’elle avait pris pour colonies. La Polynésie a ses vétérans et l’Algérie aussi, victimes, a leur corps défendant, de contamination par le plutonium qui avait irradié, au gré du vent et de la puissance des essais, a plus de 200 km à la ronde.
La force de frappe française est née un certain 13 février 1960 sur le polygone de Reggane, dans la wilaya d’Adrar. Ces essais atmosphériques confirment la technologie meurtrière, la capacité de nuisance et l’équilibre de la terreur et démontrent que la France coloniale, en Algérie, a utilisé la dissuasion comme instrument aussi redoutable que celui de ses autres alliés.
Aucun agresseur ne s’attaquerait à un pays en sachant que sa conquête lui coûterait plus cher qu’elle ne lui rapporterait. Quant aux conditions dans lesquelles ont été effectuées ces expérimentations sur le sol Algérien, on ne saurait trop le dire.
A ces questions, une réponse possible : le 13 février 1960, au lieu dit plateau Hamoudia, distant d’environ 60 km de la commune de Reggane, 2 500 personnes, militaires et civils, occupées à préparer la première explosion nucléaire française. Deux autres, plus redoutables, l’une le 13 juillet 1960 et l’autre le 1er mai 1962, ont été expérimentées sur le même site, en l’occurrence a Hamoudia.
Les témoignages des civils algériens, originaires de la commune de Reggane, qui ont exercé sur le site, racontent cette terrible expérience d’un crime contre l’humanité : «Le bruit de l’explosion déferla sur le plateau et s’éloigna en grondant. Puis il se forma au sommet de la boule un immense chou-fleur, rouge sang, ensuite couleur de rouille, puis blanc, s’immobilisa dans le ciel et s’effaça, laissant derrière lui des poussières invisibles», explique Moulay Ali, un sexagénaire ayant travaillé dans la base comme ouvrier. Le vieux Abdallah, le compagnon de Moulay Ali, se souvient de l’apocalypse de Hamoudia : «Une boule de feu qui avait jailli, dégageant une terrible bouffée de chaleur. Des millions de degrés, l’air se dilata brusquement. La pression était mille fois plus forte que celle de la pression atmosphérique, le souffle éteignit les incendies d’expériences allumés dans les alentours ciblés. Il véhiculait de la ferraille et des pierres, vu la puissance de l’explosion.»
L’expérience vécue par ces simples travailleurs et même des nomades, qui ont survécu et qui se rappellent cette onde sismique laquelle, soulignons-le, avait été ressentie à plus de 200 km à la ronde. Ces nomades qui ont parcouru ce champ de bataille, le champ de la mort où on voyait un décor lunaire, le vieux Boudjemaâ dira : «Des hommes, portant des cagoules blanches, qui se promenaient autour de l’endroit où notre campement était installé, ont réquisitionné notre bétail, par la suite, ils l’ont réuni par groupes disposés tous les cent mètres et exposés au rayonnement, le réduisant à un amas sans vie.»
Moulay Boudjemaâ, Abdeslam, ami Abdellah et les autres anonymes racontent à leur manière cette tragédie et la manière avec laquelle la puissance coloniale française s’est servi des Algériens comme cobayes et même des vétérans de leur propre armée.
Des chars spécialement équipés ont avancé vers le point 0 pour recueillir des échantillons au sol. Des hommes en scaphandre sont entrés dans la zone contaminée et ont ramassé le matériel, cobayes humains et animaux. Le 13 février 1960, on appuya sur le bouton de l’horreur qui déclenchait cette double tumescence qui s’éleva comme un ballon d’air chaud, gigantesque, où s’engouffra le sable.
De Hamoudia à Reggane, combien d’autres cobayes humains a-t-on exposés ? Ces questions sont le plus souvent esquivées. On préfère dire le matériel-cobaye. Allusion faite aux carcasses d’avions et au matériel militaire reformés, dont on a voulu savoir s’ils éclateraient sous l’onde de choc. Tout autour de cette onde de choc, de l’avis des vétérans, des rescapés et des historiens, il y avait des nomades installés autour du périmètre ciblé. Que sont-ils devenus ?
Dans un autre contexte, durant le mois de septembre 1997, Ahmed Attaf, alors à l’époque chef de la diplomatie algérienne, avait déclaré : «Nous n’avons pas de raison de douter du respect de l’engagement pris par les autorités françaises». Mais, concède-t-il, «nous allons prendre contact avec le gouvernement français pour des explications… »
On préfère se perdre dans les interrogations sans suite possible d’un colonisateur et ses alliés dans une stratégie nucléaire et ses subtilités. Les accords d’Evian comporteraient-ils de spécifiques années de distractions épouvantables des forces d’occupation, qui traitaient des activités de la force de frappe atomique et chimique sur le sol algérien jusqu’en 1967 ? Aussi, est-il concevable que de 1967 à 1978, la France en temps de paix ait utilisé des expérimentations à B2-Namous dans la wilaya de Béchar ? L’histoire coloniale de la France, revisitée, s’avère effrayante et lourde de toutes les responsabilités. Le pays des droits de l’homme est-il prêt, aujourd’hui, à payer pour ses crimes ? C’est en cela que la responsabilité de l’Etat algérien est engagée, lui qui doit, à l’instar de ceux qui revisitent l’histoire pour demander à l’Allemagne de réparer l’Holocauste, défendre les droits des citoyens algériens qui continuent, voire peut-être également leurs enfants, à souffrir dans leur chair par la simple fait que la France, loin de chez elle, a pris la terre d’Algérie pour un laboratoire à ciel ouvert. Des chiffres le montrent, à travers lesquels on perçoit aisément l’ampleur du désastre. Aussi a-t-on besoin encore de le dire ? Que la France des droits humains était loin de se soucier de la vie de quelques milliers de citoyens dont elle scellait à jamais le destin et dont le statut d’indigènes,comme ce fut le cas des Polynésiens, les vouait déjà à la «solution finale».
Le docteur Jean-Louis Valatx, un ancien médecin chef de l’armée française ayant travaillé a Reggane, et président de l’Aven (Association des vétérans des essais nucléaires), dira au cours d’une interview qui nous accordée en 2006 : «Les parlementaires algériens doivent s’impliquer pour faire éclater la vérité ! » En effet, ni les parlementaires ni les officielles n’ont daigné agiter l’épouvantail, à l’exemple des Polynésiens, qui se sont constitués en une association pour exiger vérité et justice.
Bruno Barrillot, co-fondateur et directeur du Centre de documentation et de recherche sur la paix et les conflits (CDPRC) et coordinateur du réseau international de Paris sur les essais nucléaires, auteur de plusieurs ouvrages sur, notamment, les essais atmosphériques, essais souterrains, simulations, et du fameux livre les Irradiés de la république, mais aussi, sur l’uranium appauvri, qui sont des dossiers explosifs, dira qu’ils ont fait en sorte qu’au niveau du CDPRC, on se bat pour que la «vérité et la justice» soient rendues aux victimes des essais nucléaires en Algérie et en Polynésie. Des observateurs potentiels diront à ce sujet que : «Bruno Barrillot a été la mèche lente pour propulser et faire valoir les droits des victimes algériennes devant le Sénat français.» Un exemple à suivre !
La France coloniale a effectué 17 essais nucléaires à l’extrême sud-est et à l’ouest du pays entre 1960 : 4 essais atmosphériques à Reggane, 13 essais souterrains dans la montagne du Taourit Tan Affela, près de d’In-Ekker, et 193 essais atmosphériques et souterrains en Polynésie française, entre 1966 et 1996. Reggane, de par les dizaines d’expérimentations des armes chimiques et nucléaires, demeure l’image du crime contre l’humanité commis par les forces françaises en Algérie.
La France est interpellée sur son passé colonial et nucléaire en Algérie et dans les territoires d’outre-mer. Les traces demeurent encore, et les effets sur une population qui, à son insu, servait de cobaye à des militaires qui avait mis les résultats de leurs expérimentations au-dessus de toutes les considérations humaines. Lourde aussi, la culpabilité de la France qui avait systématisé ses essais nucléaires dans tous les pays lointains qu’elle avait pris pour colonies. La Polynésie a ses vétérans et l’Algérie aussi, victimes, a leur corps défendant, de contamination par le plutonium qui avait irradié, au gré du vent et de la puissance des essais, a plus de 200 km à la ronde.
La force de frappe française est née un certain 13 février 1960 sur le polygone de Reggane, dans la wilaya d’Adrar. Ces essais atmosphériques confirment la technologie meurtrière, la capacité de nuisance et l’équilibre de la terreur et démontrent que la France coloniale, en Algérie, a utilisé la dissuasion comme instrument aussi redoutable que celui de ses autres alliés.
Aucun agresseur ne s’attaquerait à un pays en sachant que sa conquête lui coûterait plus cher qu’elle ne lui rapporterait. Quant aux conditions dans lesquelles ont été effectuées ces expérimentations sur le sol Algérien, on ne saurait trop le dire.
A ces questions, une réponse possible : le 13 février 1960, au lieu dit plateau Hamoudia, distant d’environ 60 km de la commune de Reggane, 2 500 personnes, militaires et civils, occupées à préparer la première explosion nucléaire française. Deux autres, plus redoutables, l’une le 13 juillet 1960 et l’autre le 1er mai 1962, ont été expérimentées sur le même site, en l’occurrence a Hamoudia.
Les témoignages des civils algériens, originaires de la commune de Reggane, qui ont exercé sur le site, racontent cette terrible expérience d’un crime contre l’humanité : «Le bruit de l’explosion déferla sur le plateau et s’éloigna en grondant. Puis il se forma au sommet de la boule un immense chou-fleur, rouge sang, ensuite couleur de rouille, puis blanc, s’immobilisa dans le ciel et s’effaça, laissant derrière lui des poussières invisibles», explique Moulay Ali, un sexagénaire ayant travaillé dans la base comme ouvrier. Le vieux Abdallah, le compagnon de Moulay Ali, se souvient de l’apocalypse de Hamoudia : «Une boule de feu qui avait jailli, dégageant une terrible bouffée de chaleur. Des millions de degrés, l’air se dilata brusquement. La pression était mille fois plus forte que celle de la pression atmosphérique, le souffle éteignit les incendies d’expériences allumés dans les alentours ciblés. Il véhiculait de la ferraille et des pierres, vu la puissance de l’explosion.»
L’expérience vécue par ces simples travailleurs et même des nomades, qui ont survécu et qui se rappellent cette onde sismique laquelle, soulignons-le, avait été ressentie à plus de 200 km à la ronde. Ces nomades qui ont parcouru ce champ de bataille, le champ de la mort où on voyait un décor lunaire, le vieux Boudjemaâ dira : «Des hommes, portant des cagoules blanches, qui se promenaient autour de l’endroit où notre campement était installé, ont réquisitionné notre bétail, par la suite, ils l’ont réuni par groupes disposés tous les cent mètres et exposés au rayonnement, le réduisant à un amas sans vie.»
Moulay Boudjemaâ, Abdeslam, ami Abdellah et les autres anonymes racontent à leur manière cette tragédie et la manière avec laquelle la puissance coloniale française s’est servi des Algériens comme cobayes et même des vétérans de leur propre armée.
Des chars spécialement équipés ont avancé vers le point 0 pour recueillir des échantillons au sol. Des hommes en scaphandre sont entrés dans la zone contaminée et ont ramassé le matériel, cobayes humains et animaux. Le 13 février 1960, on appuya sur le bouton de l’horreur qui déclenchait cette double tumescence qui s’éleva comme un ballon d’air chaud, gigantesque, où s’engouffra le sable.
De Hamoudia à Reggane, combien d’autres cobayes humains a-t-on exposés ? Ces questions sont le plus souvent esquivées. On préfère dire le matériel-cobaye. Allusion faite aux carcasses d’avions et au matériel militaire reformés, dont on a voulu savoir s’ils éclateraient sous l’onde de choc. Tout autour de cette onde de choc, de l’avis des vétérans, des rescapés et des historiens, il y avait des nomades installés autour du périmètre ciblé. Que sont-ils devenus ?
Dans un autre contexte, durant le mois de septembre 1997, Ahmed Attaf, alors à l’époque chef de la diplomatie algérienne, avait déclaré : «Nous n’avons pas de raison de douter du respect de l’engagement pris par les autorités françaises». Mais, concède-t-il, «nous allons prendre contact avec le gouvernement français pour des explications… »
On préfère se perdre dans les interrogations sans suite possible d’un colonisateur et ses alliés dans une stratégie nucléaire et ses subtilités. Les accords d’Evian comporteraient-ils de spécifiques années de distractions épouvantables des forces d’occupation, qui traitaient des activités de la force de frappe atomique et chimique sur le sol algérien jusqu’en 1967 ? Aussi, est-il concevable que de 1967 à 1978, la France en temps de paix ait utilisé des expérimentations à B2-Namous dans la wilaya de Béchar ? L’histoire coloniale de la France, revisitée, s’avère effrayante et lourde de toutes les responsabilités. Le pays des droits de l’homme est-il prêt, aujourd’hui, à payer pour ses crimes ? C’est en cela que la responsabilité de l’Etat algérien est engagée, lui qui doit, à l’instar de ceux qui revisitent l’histoire pour demander à l’Allemagne de réparer l’Holocauste, défendre les droits des citoyens algériens qui continuent, voire peut-être également leurs enfants, à souffrir dans leur chair par la simple fait que la France, loin de chez elle, a pris la terre d’Algérie pour un laboratoire à ciel ouvert. Des chiffres le montrent, à travers lesquels on perçoit aisément l’ampleur du désastre. Aussi a-t-on besoin encore de le dire ? Que la France des droits humains était loin de se soucier de la vie de quelques milliers de citoyens dont elle scellait à jamais le destin et dont le statut d’indigènes,comme ce fut le cas des Polynésiens, les vouait déjà à la «solution finale».
Le docteur Jean-Louis Valatx, un ancien médecin chef de l’armée française ayant travaillé a Reggane, et président de l’Aven (Association des vétérans des essais nucléaires), dira au cours d’une interview qui nous accordée en 2006 : «Les parlementaires algériens doivent s’impliquer pour faire éclater la vérité ! » En effet, ni les parlementaires ni les officielles n’ont daigné agiter l’épouvantail, à l’exemple des Polynésiens, qui se sont constitués en une association pour exiger vérité et justice.
Bruno Barrillot, co-fondateur et directeur du Centre de documentation et de recherche sur la paix et les conflits (CDPRC) et coordinateur du réseau international de Paris sur les essais nucléaires, auteur de plusieurs ouvrages sur, notamment, les essais atmosphériques, essais souterrains, simulations, et du fameux livre les Irradiés de la république, mais aussi, sur l’uranium appauvri, qui sont des dossiers explosifs, dira qu’ils ont fait en sorte qu’au niveau du CDPRC, on se bat pour que la «vérité et la justice» soient rendues aux victimes des essais nucléaires en Algérie et en Polynésie. Des observateurs potentiels diront à ce sujet que : «Bruno Barrillot a été la mèche lente pour propulser et faire valoir les droits des victimes algériennes devant le Sénat français.» Un exemple à suivre !
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