par Maher Chmaytelli
ERBIL, Irak (Reuters)
- La Turquie et l'Irak ont haussé le ton mardi pour contester la validité du référendum d'indépendance organisé la veille au Kurdistan irakien, le gouvernement turc brandissant explicitement la menace d'une intervention armée pour étouffer cette initiative dont il redoute l'effet de contagion.
Le président turc Recep Tayyip Erdogan a dénoncé d'une manière très agressive ce qu'il a qualifié de "trahison" de Massoud Barzani, le président du gouvernement régional du Kurdistan (KRG), qui a maintenu la consultation référendaire en dépit des mises en garde.
Erdogan redoute que ce vote alimente les velléités séparatistes des populations installées en Syrie et dans le sud-est de la Turquie et constitue une menace pour la sécurité de son pays.
Le dirigeant turc a brandi à la menace de sanctions économiques, notamment sur le transit d'hydrocarbures, tandis que son ministre des Affaires étrangères Mevlut Cavusoglu a évoqué une intervention militaire conjointe avec l'armée irakienne.
Des soldats irakiens participent actuellement à des manoeuvres communes avec l'armée turque dans la région d'Habur dans le sud-est de la Turquie.
"Ils n'auront plus rien si nous commençons à imposer nos sanctions", a affirmé Erdogan dans un discours retransmis en direct à la télévision. "Si nous fermons les robinets à pétrole, c'en sera fini. Tous leurs revenus vont disparaître. Et ils seront incapables de trouver de la nourriture lorsque nos camions cesseront d'aller dans le nord de l'Irak", a-t-il poursuivi.
Des centaines de milliers de barils de pétrole transitent chaque jour par la Turquie via un oléoduc approvisionné depuis les champs pétrolifères du nord irakien, notamment autour de la ville de Kirkouk contrôlée par les Kurdes depuis 2014.
Le couvre-feu imposée dans cette ville, qui abrite également des communautés arabe et turkmène, toutes deux opposées au scrutin, a été levé.
BAGDAD EXCLUT DE NÉGOCIER
Alors que le référendum organisé lundi a été un succès avec
une participation de 72% et alors que le "oui" à l'indépendance devrait dépasser les 90%, Erdogan estime que les Kurdes sont incapables de constituer un Etat.
"Ils n'ont aucune idée de ce qu'est un Etat. Ils pensent qu'on devient un Etat juste en le disant. Cela ne peut pas se produire et cela ne se produira pas", a-t-il promis.
De son côté, le gouvernement irakien a exclu toute discussion sur la sécession du Kurdistan irakien anticipant la demande de Barzani qui expliquait que le vote de lundi lui fournirait un mandat pour négocier avec Bagdad et ses voisins un processus pacifique de sécession.
"Nous ne sommes pas prêts à discuter ou à avoir un dialogue sur les résultats de ce référendum car il est anticonstitutionnel", a déclaré le Premier ministre irakien Haïdar al Abadi dans un discours retransmis à la télévision lundi soir.
"Le référendum s'est déroulé sans la moindre reconnaissance internationale (...) Nous n'accepterons pas son résultat, pas plus que la communauté internationale ou toute autre partie", a-t-il poursuivi.
L'effet de contagion a commencé à se faire sentir dès mardi puisque des milliers de Kurdes ont manifesté dans les rues de Marivan et de Baneh, villes du nord-ouest de l'Iran, lundi soir.
Comme les Turcs et les Irakiens, les Iraniens estiment que cette initiative est une menace pour la stabilité dans la région.
USA, EUROPE ET RUSSIE INQUIETS
Trente millions de Kurdes de souche vivent disséminés dans quatre pays du Moyen-Orient depuis le démantèlement de l'empire ottoman à la fin de la Première guerre mondiale.
Sur ce nombre, huit à dix millions sont iraniens, aussi Téhéran redoute-t-il toute velléité de sécession de cette importante minorité qui se bat de longue date pour tenter d'obtenir des droits politiques.
Le général Yahya Rahim Safavi, conseiller spécial d'Ali Khamenei, guide suprême de la révolution iranienne, a plaidé pour une coopération de la Syrie, de la Turquie, de l'Irak et de l'Iran pour bloquer les frontières du Kurdistan, rapporte l'agence de presse Irna.
Le département d'Etat américain s'est déclaré "profondément déçu" par la décision du gouvernement autonome kurde, tout en affirmant que les relations historiques entre Washington et la région autonome ne changeraient pas.
L'Union européenne a estimé, pour sa part, que l'essentiel était l'unité de l'Irak afin de répondre à la menace des combattants de l'Etat islamique.
La Russie a insisté sur la nécessité de maintenir l'intégrité territoriale et politique des Etats de la région pour garantir la sécurité et la stabilité déjà mises à mal par de nombreux problèmes.
De son côté, le gouvernement syrien a annoncé être ouvert à l'idée de négociations avec les Kurdes de Syrie pour examiner leurs demandes d'autonomie.
"Ce sujet est ouvert à la négociation et à la discussion et lorsque nous aurons éliminé Daech, nous pourrons nous asseoir avec nos fils kurdes et parvenir à un accord sur une formule pour l'avenir", a déclaré Walid al Moualem, ministre syrien des Affaires étrangères.
(Avec Ece Toksabay à Ankara, Umit Bektas à Habur, Pierre Sérisier pour le service français)
ERBIL, Irak (Reuters)
- La Turquie et l'Irak ont haussé le ton mardi pour contester la validité du référendum d'indépendance organisé la veille au Kurdistan irakien, le gouvernement turc brandissant explicitement la menace d'une intervention armée pour étouffer cette initiative dont il redoute l'effet de contagion.
Le président turc Recep Tayyip Erdogan a dénoncé d'une manière très agressive ce qu'il a qualifié de "trahison" de Massoud Barzani, le président du gouvernement régional du Kurdistan (KRG), qui a maintenu la consultation référendaire en dépit des mises en garde.
Erdogan redoute que ce vote alimente les velléités séparatistes des populations installées en Syrie et dans le sud-est de la Turquie et constitue une menace pour la sécurité de son pays.
Le dirigeant turc a brandi à la menace de sanctions économiques, notamment sur le transit d'hydrocarbures, tandis que son ministre des Affaires étrangères Mevlut Cavusoglu a évoqué une intervention militaire conjointe avec l'armée irakienne.
Des soldats irakiens participent actuellement à des manoeuvres communes avec l'armée turque dans la région d'Habur dans le sud-est de la Turquie.
"Ils n'auront plus rien si nous commençons à imposer nos sanctions", a affirmé Erdogan dans un discours retransmis en direct à la télévision. "Si nous fermons les robinets à pétrole, c'en sera fini. Tous leurs revenus vont disparaître. Et ils seront incapables de trouver de la nourriture lorsque nos camions cesseront d'aller dans le nord de l'Irak", a-t-il poursuivi.
Des centaines de milliers de barils de pétrole transitent chaque jour par la Turquie via un oléoduc approvisionné depuis les champs pétrolifères du nord irakien, notamment autour de la ville de Kirkouk contrôlée par les Kurdes depuis 2014.
Le couvre-feu imposée dans cette ville, qui abrite également des communautés arabe et turkmène, toutes deux opposées au scrutin, a été levé.
BAGDAD EXCLUT DE NÉGOCIER
Alors que le référendum organisé lundi a été un succès avec
une participation de 72% et alors que le "oui" à l'indépendance devrait dépasser les 90%, Erdogan estime que les Kurdes sont incapables de constituer un Etat.
"Ils n'ont aucune idée de ce qu'est un Etat. Ils pensent qu'on devient un Etat juste en le disant. Cela ne peut pas se produire et cela ne se produira pas", a-t-il promis.
De son côté, le gouvernement irakien a exclu toute discussion sur la sécession du Kurdistan irakien anticipant la demande de Barzani qui expliquait que le vote de lundi lui fournirait un mandat pour négocier avec Bagdad et ses voisins un processus pacifique de sécession.
"Nous ne sommes pas prêts à discuter ou à avoir un dialogue sur les résultats de ce référendum car il est anticonstitutionnel", a déclaré le Premier ministre irakien Haïdar al Abadi dans un discours retransmis à la télévision lundi soir.
"Le référendum s'est déroulé sans la moindre reconnaissance internationale (...) Nous n'accepterons pas son résultat, pas plus que la communauté internationale ou toute autre partie", a-t-il poursuivi.
L'effet de contagion a commencé à se faire sentir dès mardi puisque des milliers de Kurdes ont manifesté dans les rues de Marivan et de Baneh, villes du nord-ouest de l'Iran, lundi soir.
Comme les Turcs et les Irakiens, les Iraniens estiment que cette initiative est une menace pour la stabilité dans la région.
USA, EUROPE ET RUSSIE INQUIETS
Trente millions de Kurdes de souche vivent disséminés dans quatre pays du Moyen-Orient depuis le démantèlement de l'empire ottoman à la fin de la Première guerre mondiale.
Sur ce nombre, huit à dix millions sont iraniens, aussi Téhéran redoute-t-il toute velléité de sécession de cette importante minorité qui se bat de longue date pour tenter d'obtenir des droits politiques.
Le général Yahya Rahim Safavi, conseiller spécial d'Ali Khamenei, guide suprême de la révolution iranienne, a plaidé pour une coopération de la Syrie, de la Turquie, de l'Irak et de l'Iran pour bloquer les frontières du Kurdistan, rapporte l'agence de presse Irna.
Le département d'Etat américain s'est déclaré "profondément déçu" par la décision du gouvernement autonome kurde, tout en affirmant que les relations historiques entre Washington et la région autonome ne changeraient pas.
L'Union européenne a estimé, pour sa part, que l'essentiel était l'unité de l'Irak afin de répondre à la menace des combattants de l'Etat islamique.
La Russie a insisté sur la nécessité de maintenir l'intégrité territoriale et politique des Etats de la région pour garantir la sécurité et la stabilité déjà mises à mal par de nombreux problèmes.
De son côté, le gouvernement syrien a annoncé être ouvert à l'idée de négociations avec les Kurdes de Syrie pour examiner leurs demandes d'autonomie.
"Ce sujet est ouvert à la négociation et à la discussion et lorsque nous aurons éliminé Daech, nous pourrons nous asseoir avec nos fils kurdes et parvenir à un accord sur une formule pour l'avenir", a déclaré Walid al Moualem, ministre syrien des Affaires étrangères.
(Avec Ece Toksabay à Ankara, Umit Bektas à Habur, Pierre Sérisier pour le service français)
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