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Commerce maritime international: la piraterie politique n’y a pas sa place

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    Commerce maritime international: la piraterie politique n’y a pas sa place



    La nouvelle édition de la Gazette de la Chambre arbitrale maritime de Paris consacre son édito aux saisies de cargaisons de phosphates au Panama et en Afrique du sud. Le texte est signé par Philippe Delebecque Président de cette Chambre arbitrale, juriste reconnu, qui fait autorité dans le domaine du droit maritime en France.
    Philippe Delebecque rend hommage à la décision d’OCP de ne pas prendre part au procès en Afrique du sud, salue la décision du Panama qui est conforme au droit et dénonce ce qui s’est passé en Afrique du Sud comme un acte de “piraterie politique“.
    Contacté par nos soins, il nous a autorisés à publier le texte que voici.
    “Cet été, une entreprise marocaine a pris une décision difficile, mais remarquable. En effet, une décision de la justice sud-africaine avait autorisé d’arraisonner un navire transportant une cargaison de phosphates en provenance du Sahara, et avait ordonné la saisie conservatoire de cette dernière.
    “Cette procédure, qui visait le Groupe OCP, leader mondial des phosphates, vient de connaître un nouveau rebondissement: l’entreprise a annoncé qu’elle refusait catégoriquement de prendre part au procès qui lui est fait.
    “Ceci n’est que le dernier événement en date d’une longue série qui ne manque pas de susciter de vives inquiétudes: l’issue de cette affaire nous dira en effet s’il est désormais concevable, sur le plan juridique, que le commerce international - qui représente près de 90% du commerce mondial - puisse être pris en otage par une forme de piraterie politique, inédite et de surcroît virulente.
    “Mais revenons d’abord sur la genèse de l’affaire.
    “Le phosphate en question avait été extrait au Sahara occidental, que les Nations Unies définissent comme étant un “territoire non-autonome”, un statut politique assujetti à un processus de négociation bien rodé, et piloté par l'ONU.
    Peu satisfait de voir le processus suivre son cours, un groupe séparatiste armé de la région, après avoir observé les mouvements de chargement des navires du Groupe OCP, a décidé de s’adresser aux tribunaux; d’abord en Afrique du Sud, puis au Panama, dans l'espoir d’obtenir un ordre d'immobilisation des navires.
    “En Afrique du Sud comme au Panama, les premières délibérations furent conduites “ex parte”, sans la participation de l’armateur. C’est ainsi que les deux vraquiers furent arraisonnés.
    “La cour maritime du Panama fut la première à statuer : le 5 mai 2017, la juridiction saisie déboutait les requérants en réaffirmant le principe selon lequel les juridictions nationales ne sont pas une enceinte de règlement des affaires diplomatiques et politiques, telles que celles portant sur la propriété d’une cargaison de phosphates extraits au Sahara.
    “Le tribunal soulignait également que les requérants n’apportaient aucune preuve du droit de propriété qu’ils entendaient exercer sur ladite cargaison. Décision on ne peut plus fondée et raisonnable.
    “Pourtant, quelques jours plus tard, le tribunal sud-africain s’estimait compétent et décidait à son tour de statuer sur cette affaire.
    “Parallèlement, le 13 juillet, le Groupe OCP prenait une décision particulièrement courageuse et dénonçait la vraie nature de la procédure en cours, tout en refusant d’y participer:
    «En décidant de renvoyer l’affaire du navire “Cherry Blossom” au fond, observait l’OCP, la cour sud-africaine rend une décision éminemment politique et commet un grave abus de pouvoir: non seulement elle s’arroge une compétence à statuer qui contrevient aux principes élémentaires du droit international mais, de surcroît, sa décision constitue une ingérence politique dans le processus mené sous l’égide du Conseil de Sécurité des Nations Unies. OCP et sa filiale Phosboucraa dénient donc à la cour sud-africaine toute légitimité pour se prononcer sur le fond d’une affaire suivie au plus haut niveau international.»
    “Les professionnels du commerce maritime ne peuvent que féliciter le Groupe OCP et la cour panaméenne. Cette dernière notamment, en charge de l’application du droit sur l’une des routes maritimes les plus fréquentées au monde, n’a pas hésité à réaffirmer ce principe de raison qui veut que les questions juridiques soient distinguées des considérations politiques, surtout lorsque celles-ci sont inscrites dans un processus de résolution établi de longue date.
    “Ce principe est essentiel et joue pour le problème du Sahara occidental comme pour tout autre conflit de même nature.
    “Au regard des résolutions des Nations Unies, il existe 17 territoires non-autonomes dans le monde; la plupart accueillent des groupements séparatistes et n’ont pas une diplomatie très élaborée.
    “Le droit de la saisie des navires, qu’il soit national ou international, subordonne l’immobilisation d’un navire à deux conditions. Le demandeur doit d’abord produire une requête maritime, i.e. faire état d’un maritime claim. Il doit ensuite établir que le bien saisi appartient à son débiteur.
    “Au demeurant, immobiliser un navire est une chose, saisir sa cargaison en est une autre. En d’autres termes, afin de saisir une cargaison, il n’est pas possible de “saisir” le navire qui la transporte. Seul, le créancier de l’armateur qui fait état d’une créance maritime est habilité à saisir le navire. S’agissant de la cargaison, le créancier de son propriétaire pourrait la saisir, s’il justifiait précisément d’une créance contre ce propriétaire. Le propriétaire de la cargaison elle-même pourrait la saisir entre les mains d’un tiers, en exerçant une saisie revendication, mais encore faudrait-il qu’il justifie de son droit de propriété.
    “Or, en l’espèce, la cargaison, objet de la saisie, est, jusqu’à preuve du contraire, la propriété du Groupe OCP ou de ses clients, et certainement pas celle du mouvement séparatiste armé du Sahara.
    “L’industrie maritime dépend de normes cohérentes et respectées dans les nombreuses zones qu’elle irrigue. Les pirates politiques d’aujourd'hui, quant à eux, préfèrent les charges fallacieuses au feu des canons de leurs ancêtres, bien qu’il s’agisse toujours de piller les mers et de s’approprier le bien d’autrui.
    “Aucune nation vivant des fruits du commerce international ne peut accepter un seul instant de leur laisser une chance d’imposer leur logique“. [Fin du texte]
    L’article original a été publié par la Gazette de la Chambre d’arbitrage maritime de Paris.
    media24
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