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Égypte : des lendemains qui (dé)chantent ?

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  • Égypte : des lendemains qui (dé)chantent ?

    CHRONIQUE. Après avoir purgé la société de ses opposants, le maréchal al-Sissi a choisi de redresser son pays en appliquant la posologie du FMI. Un prix bien élevé.

    L'historien Christopher Clark expliquait dans Les Somnambules comment le désastre de 1914 avait été préparé par une succession de mauvaises décisions prises par des dirigeants « avançant dans l'histoire à tâtons ». Un siècle plus tard, après les funérailles du Printemps arabe décrétées par Sissi, les Égyptiens encaissent une seconde secousse. Dans la foulée de la Tunisie, le régime d'Hosni Moubarak s'était affaissé comme un château de sable au printemps 2011. Les élections avaient alors propulsé les Frères musulmans au pouvoir. Deux ans plus tard, l'armée procédait à un coup d'État qu'elle légitimait par des manifestations de rue. La confrérie fondée par Hassan Al-Bana a alors subi des arrestations par dizaines de milliers (l'un de ses leaders vient de mourir en prison). On pourrait s'arrêter à cette lecture simpliste : les méchants barbus remisés aux cachots par un maréchal épris de liberté. Outre que Sissi est un musulman très pratiquant, celui-ci bénéficie ouvertement du soutien des salafistes. Sissi n'a pas limité sa chasse aux Frères. Tout opposant est devenu un ennemi du régime. Qu'il soit journaliste, avocat, militant…

    Une économie en chute libre
    Parallèlement à l'extinction des feux démocratiques – qu'on le veuille ou non, les Frères musulmans avaient gagné les élections –, l'économie a poursuivi sa descente aux enfers. L'appel au FMI était inévitable. L'institution de Bretton Woods a proposé un prêt de douze milliards de dollars étalé sur trois ans en échange de réformes. Celles-ci ont été menées à la hussarde : dévaluation de la monnaie de moitié (par rapport à l'euro et au dollar), coupes à la machette dans les produits subventionnés (la fameuse « caisse de compensation » qui sévit en Algérie, en Tunisie…), tels que les carburants, les énergies, les produits pudiquement catalogués « non prioritaires ». Conséquence mécanique : l'inflation a dépassé les 32 %. Satisfait, le FMI a procédé à deux virements en faveur de l'Égypte pour un total de quatre milliards de dollars. En décembre, façon étrennes, la troisième tranche de deux milliards devrait être délivrée. La survie financière du régime est à ce prix. Prix que la population se prend de plein fouet : plus de quarante millions d'Égyptiens sont quotidiennement affectés par cette série de mesures. Deux millions bénéficieraient du fonds Solidarité et Dignité mis en place par l'État avec l'appui du FMI.

    Économie et droits de l'homme : 1-0
    Sans devenir un parangon de vertu, « le désordre me fait horreur, la vertu me donne la nausée », faisait dire Audiard à Delon dans Mort d'un pourri, un de ces « droits de l'hommiste » vomi par bon nombre de dirigeants d'Arabie et d'ailleurs, sans sombrer dans une vision manichéenne du bien et du mal, on peut se demander où vogue le navire égyptien. Sous la férule de Sissi, difficile pour la société civile de broncher sans risquer la matraque et l'embastillement. Certes, le FMI ne s'occupe – en théorie – que d'économie. Lorsqu'un pays fait appel à son secours, l'institution financière se plonge dans ses finances publiques. Et délivre une ordonnance. Que le régime égyptien a appliqué à la lettre. Les satisfecit accordés par le FMI à ce dernier posent quelques équations politiques. Désormais, Le Caire peut se prévaloir de ce diplôme de bon élève ès réformes. Réformes appliquées sans soubresauts populaires, la crainte engendrée par le pouvoir y pourvoyant. Tout cela relève cependant du court terme, à savoir éteindre l'incendie économique qui couvait avant 2011.

    Quelle Égypte dans dix ans ?
    Le cas égyptien est révélateur d'une histoire qui n'avance guère. D'une impossibilité à se projeter dans le XXIe siècle. D'une absence de vision à moyen et long terme qui ronge de nombreux pays de cette région. De l'impossibilité quasi pathologique à s'extraire du schéma « le bâton ou les barbus » pour dire les choses sommairement. Sauf que « le bâton » en question, celui du maréchal Sissi, tente d'occire les Frères musulmans tout en cajolant les salafistes. Ce qui vaut au Caire les bienveillances rémunérées de Riyad. Au nom de la lutte contre les Frères, on mitonne des lendemains sociaux et fanatiques inquiétants. Que le FMI soit satisfait le 26 septembre 2017, fort bien. Mais si l'on raisonne à dix ans… Des somnambules.

    le Point fr
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