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Algérie - Plans de relance : la chronique d'un échec annoncé ?

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  • Algérie - Plans de relance : la chronique d'un échec annoncé ?

    ANALYSE. Les nombreuses initiatives prises par le gouvernement pour sortir de la crise vont-elles vraiment donner des résultats probants ? Rien n'est moins sûr.

    PAR AMAYAS ZMIRLI, À ALGER

    Dimanche 1er octobre, le Premier ministre a annoncé lors de sa première visite sur le terrain la révision de la loi sur les hydrocarbures pour attirer les investisseurs étrangers. « L'Algérie doit se mettre au diapason, notamment dans le secteur pétrolier, pour attirer les investisseurs étrangers et améliorer les recettes financières du pays », a déclaré Ahmed Ouyahia depuis Oran. Ce dernier a également évoqué le retour vers l'exploitation du gaz de schiste. Une piste abandonnée deux ans plus tôt à la suite d'une contestation sociale sans précédent au sud du pays.

    « Nous traversons une situation infernale »
    Quelques jours auparavant, le Premier ministre s'était déplacé au Parlement pour défendre le plan d'action de son gouvernement qui propose notamment le recours au financement interne non conventionnel, communément appelé la planche à billets. Ce mode de financement du déficit budgétaire sera mis en place dès l'adoption, dimanche 8 octobre, du projet de loi portant révision de la loi sur la monnaie et le crédit. « Nous traversons une situation infernale. Je vous avais dit que l'État pourrait ne pas payer les salaires [des fonctionnaires] de novembre. Au 31 août 2017, il n'y avait que 50 milliards de dinars dans les caisses publiques. Pas plus », a lâché Ahmed Ouyahia.

    Ce dernier est interpellé notamment par les élus sur les causes de la crise, le Premier ministre évoque la chute drastique des recettes pétrolières. Sa réponse ne convainc pas. L'opposition demande des comptes. « Depuis 2014, vous avez trouvé en la chute du prix du pétrole le coupable dans la faillite économique actuelle », a lancé Mohcine Belabbas, président du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD) dans son intervention à l'APN. Dans un entretien à El Watan, ce député ajoute : « Monsieur Ouyahia nous dit que nous sommes en situation de quasi-faillite, ce qui est vrai. Il oublie d'ajouter que cette faillite est essentiellement le résultat de ses propres politiques. En gros, il nous déclare : J'ai tout faux, mais je suis le meilleur. »

    Comment cela est-il arrivé ?
    Dans le pays, les causes de la crise qui contraignent le gouvernement à recourir à la planche à billets suscitent la polémique. Une seule question revient en boucle : comment est-on donc arrivé à cette situation de quasi-faillite après des années d'aisance financière ? Pour l'opposition comme pour les experts économiques, le recours au financement interne non conventionnel du déficit budgétaire signe l'échec de tous les plans de développement économique lancés en Algérie par les différents gouvernements du président Bouteflika durant les années 2000. Entre 1999 et 2013, « les rentrées budgétaires sont passées de 950,5 milliards de dinars en 1999 à 5 957,5 milliards en 2013 », notait le site d'information TSA en 2015. Durant cette période, l'Algérie a pu bénéficier d'une hausse importante des cours du pétrole. Ses recettes se sont « multipliées par près de 6,2 [+ 526 %] en l'espace de 15 ans », affirmait le média.

    Des plans de relance aux résultats mitigés
    L'un des premiers plans de développement remonte à avril 2001. Il s'agit du Plan de soutien à la relance économique (PSRE) qui a été doté d'un budget de 525 milliards de dinars. De nombreux projets ont été inscrits au programme. Les dépenses ont finalement dépassé les 620 milliards de dinars. Ce plan est « le premier dérèglement majeur de la politique économique suivie depuis l'élection du président Bouteflika en 1999 », écrit Abdelatif Benachenhou, ancien ministre algérien des Finances, dans La Fabrication de l'Algérie, paru en 2009. « Moins par son volume que par la force idéologique de sa justification, l'imprécision de ses objectifs et l'empressement de ses partisans, il [le PSRE] va altérer la politique de demande tournant le dos à toute politique ambitieuse de l'offre, synonyme évidemment de réformes importantes de structure », ajoute l'auteur, qui était en poste à l'époque.

    Dans son ouvrage, cet ancien ministre affirme avoir exprimé sa réticence à l'époque par rapport à ce plan en expliquant notamment que « la situation économique et sociale est bonne », qu'une « injection supplémentaire de pouvoir d'achat n'impulsera pas la croissance de manière significative » et qu'il « faut continuer les réformes pour libérer l'offre locale ». Des économistes tirent également la sonnette d'alarme sur l'augmentation de la dépense publique. « On perçoit immédiatement dans le cas de l'économie algérienne que la politique de relance de l'activité économique par l'augmentation des dépenses publiques ne débouche principalement que sur un supplément de dotation du pays en infrastructures de base [ce qui est positif en soi], donc de l'activité du secteur du BTPH et... en augmentation des importations de biens ! [en inflation si nos capacités d'importation étaient limitées] », prévenait, dès 2004, Djamel Benbelkacem, vice-gouverneur de la banque centrale. Mais les programmes de relance aux budgets colossaux se poursuivent.

    Durant ces années, un Plan national de développement agricole est également mis sur les rails. Objectif : relancer le secteur de l'agriculture. Des milliers de projets ont été inscrits au programme auquel des milliards de dinars ont été consacrés. Un deuxième plan de soutien à la relance économique est mis en œuvre entre 2005 et 2009. Le budget annoncé pour ce nouveau programme est de 50 milliards de dollars. « Jamais l'Algérie n'a mobilisé un budget aussi important pour relancer son économie », soulignait le quotidien El Watan à l'époque. C'est durant ces années 2000 que des mégaprojets, dont celui de l'autoroute Est-Ouest (1 216 KM) sont lancés. C'est également durant cette période que les plus grands scandales de corruption éclatent dans le pays, dont celui de l'autoroute financée sur les fonds propres de l'État.

    Pas de remise en question et la vie continue
    Le prix du pétrole qui grimpe fait oublier la nécessaire remise en question d'une politique économique basée sur la dépense publique. D'autres programmes de construction d'infrastructures et de logements sont engagés par l'État. Le choc intervient en 2014 avec l'effondrement des cours du pétrole. « À l'instar des autres pays exportateurs de pétrole, l'économie nationale subit la baisse des prix du baril qui est une source de vulnérabilité importante pour la balance des paiements et les finances publiques. Après avoir évolué dans la fourchette de 108,35 à 113 dollars/baril en moyenne mensuelle au cours du premier semestre 2014 (109,92 dollars en moyenne semestrielle), le prix du pétrole algérien s'est établi à 100,97 dollars/baril en moyenne au troisième trimestre 2014, pour baisser ensuite à 77,06 dollars/baril au quatrième trimestre 2014. En moyenne mensuelle, il est passé de 113 dollars/baril en juin 2014 à 96,02 dollars/baril en septembre 2014 et à 65,83 dollars/baril en décembre 2014 », note la banque d'Algérie dans une note de conjoncture.

    À ce stade, l'exécutif algérien semblait encore parier sur une hypothétique remontée des prix des hydrocarbures. Le Premier ministre vantera la résilience de l'économie algérienne jusqu'en 2017. « Depuis juillet 2014, les cours [du pétrole] se sont effondrés et on a perdu 70 % de nos recettes pétrolières. On a tenu, on tient et on tiendra », avait affirmé en avril dernier, Abdelmalek Sellal, encore Premier ministre à l'époque lors de la conférence de presse avec son homologue français, Bernard Cazeneuve. Il faut attendre le mois d'août 2017 pour écouter Ahmed Ouyahia reconnaître très officiellement que l'État pouvait être dans l'incapacité de payer les fonctionnaires en novembre afin de justifier le recours au financement interne non conventionnel et donc à la planche à billets.

    Sans aucune surprise, le Parlement vote son plan d'action comme il validera, dimanche prochain, le projet de loi sur la monnaie et le crédit avant de commencer à débattre le projet de loi de finances pour 2018. Le texte adopté mercredi 4 octobre en conseil du gouvernement présidé par le président Abdelaziz Bouteflika propose l'augmentation des droits de douane pour plusieurs produits importés afin de réduire la facture des importations. Il instaure d'autres taxes et un impôt pour la fortune. Ce projet de loi qui devrait être adopté très rapidement par le Parlement promet d'alimenter davantage le débat sur les causes majeures de la crise qui frappe le pays.

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