ambassadeur de France en Algérie, Xavier Driencourt, a choisi d’accorder une interview à TSA. Plus de trois mois après son retour en Algérie en tant qu’ambassadeur, M. Driencourt aborde dans cet entretien tous les thèmes. De la visite du président Macron en Algérie qui se fait attendre à la coopération économique entre les deux pays, en passant par les questions mémorielles toujours en suspens, l’ambassadeur de France répond à toutes nos questions. Entretien. La visite du président Macron est-elle toujours d’actualité ?
Oui évidemment. C’est une visite qui est d’actualité car on peine à imaginer, du côté français comme du côté algérien, un quinquennat ou une séquence politique sans une visite en Algérie du président de la République française. Depuis le président Mitterrand, il y a eu à chaque quinquennat ou septennat une de ces visites. Le président Mitterrand était venu à Alger, le président Bouteflika s’est rendu à Paris, le président Chirac est venu deux fois en Algérie, le président Sarkozy est venu deux fois, le président Hollande est venu deux fois en Algérie… Donc une visite du président de la République Emmanuel Macron est bien évidemment souhaitée, prévue, mais elle n’est pas encore annoncée car la visite d’un chef de l’État, cela se prépare. Le quinquennat du côté français ne fait que commencer. La visite aura lieu, il y a une date à fixer. Au mois de juillet, le président Macron avait écrit une lettre au président Bouteflika dans laquelle il indiquait qu’il souhaitait se rendre en Algérie.
Quelle est la réponse des autorités algériennes lorsque vous évoquez le sujet de la visite du président Macron ?
J’ai rappelé à mes différents interlocuteurs algériens que le président de la République souhaite faire une visite officielle en Algérie, qu’il a écrit à ce sujet au président Bouteflika. Mes interlocuteurs me répondent que c’est le souhait également du côté algérien et qu’il faut que l’on fixe ensemble les modalités pratiques de la visite. Lavisite d’un chef d’État, en particulier celle du président français, et en particulier celle d’un chef d’État comme Emmanuel Macron, ne peut pas s’improviser.
Le président Bouteflika a adressé récemment une invitation à la chancelière allemande Angela Merkel, et a renouvelé cette invitation peu de temps après. En a-t-il fait de même avec le président Macron ces derniers temps ?
À ma connaissance, le président Bouteflika a écrit à la chancelière à l’occasion de la fête nationale d’Allemagne, donc cela fait partie du rituel en quelque sorte pour les fêtes nationales. En ce qui nous concerne, il y a eu des échanges de lettres au moment du 14 Juillet, mais à ma connaissance, je ne crois pas qu’il y ait eu un échange de lettres depuis cette période-là.
En revanche, il faut savoir que nous avons depuis le 1er septembre un calendrier bilatéral chargé. Nous avons eu le 25 septembre la visite du secrétaire général des Affaires étrangères français qui est venu voir son homologue algérien et qui a été reçu par le Premier ministre Ouyahia, auquel il a remis un message du Premier ministre français. Il y aura en novembre une rencontre entre M. Le Drian (ministre des Affaires étrangères français, ndlr), M. Le Maire (ministre de l’Économie français, ndlr) et leurs homologues algériens. Et début décembre, il y aura une rencontre entre les deux Premiers ministres à Paris. Nous avons donc un calendrier bien nourri jusqu’à la fin de l’année. Comme le dit l’expression : « Chaque chose en son temps ».
Le candidat Macron durant la campagne présidentielle avait qualifié la colonisation française de « crime contre l’humanité ». Quelle est la position du président Emmanuel Macron sur la question ?
Ce sera au président Emmanuel Macron de donner sa position. Mais tel que je vois les choses, le président Macron est quelqu’un qui aborde ces questions sans tabou particulier. Il est d’une génération qui n’a pas été marquée par la guerre d’indépendance. Moi, je suis né en 1954, année capitale pour l’Algérie. Le président Macron regarde cette période-là avec la distanciation et la sérénité de quelqu’un de sa génération.
Pour ma part, en 1962 j’avais 8 ans. J’ai encore en tête les coups de klaxons « Algérie française » qu’on entendait à Paris. J’ai encore dans ma mémoire les affiches « Oui à De Gaulle » ou « Non à De Gaulle » car cette période-là fait partie de ma mémoire et non pas de l’histoire.
Pour le président Macron, c’est différent : cette période ne relève pas de la mémoire personnelle mais de l’Histoire avec un grand H. Le président de la République regarde cette période avec le regard d’un chef de l’État français qui sait que cela a été une période difficile, compliquée pour la France et pour les Français ainsi que pour ses prédécesseurs qui ont été chefs de l’État. Mais en même temps, c’est un homme de conviction qui a dit des choses, qui les a assumées comme candidat – cela n’a pas été facile car il a été critiqué en France – et qui les assumera comme président de la République parce que c’est un homme de conviction et ses propos du mois de février lui servent de point d’appui pour se positionner en tant que président de la République.
Le président Macron utilisera-t-il ce point d’appui pour envisager de présenter des excuses officielles pour les crimes et exactions commis durant la colonisation ?
Je ne peux pas répondre à sa place. Je ne suis que l’Ambassadeur de France en Algérie, c’est lui le président de la République. C’est un sujet clé, capital dans l’histoire des relations algéro-françaises. Encore une fois, le président de la République, pour en avoir parlé avec lui il y a quelques mois, est un homme de conviction qui assume ce qu’il a dit.
Qu’en est-il de l’impact des essais nucléaires effectués par la France dans le désert algérien ? Le président Macron a-t-il pour ambition d’aborder la question ?
Cette question a déjà été abordée par différents textes français. J’étais en Algérie en 2010 quand a été adoptée la « loi Morin » sur l’indemnisation des victimes des essais nucléaires français, qui a été modifiée en février 2017. C’est un sujet extrêmement technique et compliqué. Il y a des paramètres médicaux, scientifiques, techniques… Il y a les principes définis par cette loi. Il y a des dossiers qui ont été soumis du côté algérien. Les choses suivent leur cours, mais elles sont extrêmement compliquées et techniques.
Y a-t-il la volonté de mener à bout ce processus ?
S’il n’y avait pas la volonté, il n’y aurait pas eu le vote de cette loi, qui est une percée majeure.
La loi ayant été votée il y a sept ans déjà, peut-on considérer que les choses avancent à une vitesse idoine ?
Encore une fois, ce sont des sujets extrêmement techniques. Il y a eu des essais nucléaires qui ont été faits à Reggane, de même qu’il y a eu des essais nucléaires qui ont été faits en Polynésie française. Ce sont des sujets qu’on ne peut pas traiter uniquement avec le désir de régler d’une façon totale et définitive. Il y a des aspects médicaux, des aspects scientifiques, bien évidemment des aspects financiers… Ce n’est pas simple.
Évidemment, on pourrait dire que depuis 2010 les choses avancent trop lentement. Elles avancent, mais il n’est pas forcément nécessaire de faire toute la publicité sur des sujets très compliqués.
Pour parler d’autre chose qui avance lentement, les négociations concernant la restitution des archives de l’époque coloniale sont en cours depuis plus de trente ans. Le président Macron a-t-il pour ambition d’accélérer ces négociations afin qu’elles soient menées à leur terme ?
Il y aura certainement là-aussi des avancées. Les discussions ont commencé, elles doivent reprendre bientôt. Moi-même j’irai voir le directeur des archives algériennes sous peu, puisque je le connaissais bien dans mon mandat précédent et j’avais noué des rapports très directs et très francs avec lui. Il ne faut pas non plus conclure que les choses n’avancent pas.
Plus de trente ans de négociations, est-on en droit de considérer que les choses n’avancent pas ?
Les archives sont par définition quelque chose qui recouvre le passé ; donc forcément cela prend du temps.
Oui évidemment. C’est une visite qui est d’actualité car on peine à imaginer, du côté français comme du côté algérien, un quinquennat ou une séquence politique sans une visite en Algérie du président de la République française. Depuis le président Mitterrand, il y a eu à chaque quinquennat ou septennat une de ces visites. Le président Mitterrand était venu à Alger, le président Bouteflika s’est rendu à Paris, le président Chirac est venu deux fois en Algérie, le président Sarkozy est venu deux fois, le président Hollande est venu deux fois en Algérie… Donc une visite du président de la République Emmanuel Macron est bien évidemment souhaitée, prévue, mais elle n’est pas encore annoncée car la visite d’un chef de l’État, cela se prépare. Le quinquennat du côté français ne fait que commencer. La visite aura lieu, il y a une date à fixer. Au mois de juillet, le président Macron avait écrit une lettre au président Bouteflika dans laquelle il indiquait qu’il souhaitait se rendre en Algérie.
Quelle est la réponse des autorités algériennes lorsque vous évoquez le sujet de la visite du président Macron ?
J’ai rappelé à mes différents interlocuteurs algériens que le président de la République souhaite faire une visite officielle en Algérie, qu’il a écrit à ce sujet au président Bouteflika. Mes interlocuteurs me répondent que c’est le souhait également du côté algérien et qu’il faut que l’on fixe ensemble les modalités pratiques de la visite. Lavisite d’un chef d’État, en particulier celle du président français, et en particulier celle d’un chef d’État comme Emmanuel Macron, ne peut pas s’improviser.
Le président Bouteflika a adressé récemment une invitation à la chancelière allemande Angela Merkel, et a renouvelé cette invitation peu de temps après. En a-t-il fait de même avec le président Macron ces derniers temps ?
À ma connaissance, le président Bouteflika a écrit à la chancelière à l’occasion de la fête nationale d’Allemagne, donc cela fait partie du rituel en quelque sorte pour les fêtes nationales. En ce qui nous concerne, il y a eu des échanges de lettres au moment du 14 Juillet, mais à ma connaissance, je ne crois pas qu’il y ait eu un échange de lettres depuis cette période-là.
En revanche, il faut savoir que nous avons depuis le 1er septembre un calendrier bilatéral chargé. Nous avons eu le 25 septembre la visite du secrétaire général des Affaires étrangères français qui est venu voir son homologue algérien et qui a été reçu par le Premier ministre Ouyahia, auquel il a remis un message du Premier ministre français. Il y aura en novembre une rencontre entre M. Le Drian (ministre des Affaires étrangères français, ndlr), M. Le Maire (ministre de l’Économie français, ndlr) et leurs homologues algériens. Et début décembre, il y aura une rencontre entre les deux Premiers ministres à Paris. Nous avons donc un calendrier bien nourri jusqu’à la fin de l’année. Comme le dit l’expression : « Chaque chose en son temps ».
Le candidat Macron durant la campagne présidentielle avait qualifié la colonisation française de « crime contre l’humanité ». Quelle est la position du président Emmanuel Macron sur la question ?
Ce sera au président Emmanuel Macron de donner sa position. Mais tel que je vois les choses, le président Macron est quelqu’un qui aborde ces questions sans tabou particulier. Il est d’une génération qui n’a pas été marquée par la guerre d’indépendance. Moi, je suis né en 1954, année capitale pour l’Algérie. Le président Macron regarde cette période-là avec la distanciation et la sérénité de quelqu’un de sa génération.
Pour ma part, en 1962 j’avais 8 ans. J’ai encore en tête les coups de klaxons « Algérie française » qu’on entendait à Paris. J’ai encore dans ma mémoire les affiches « Oui à De Gaulle » ou « Non à De Gaulle » car cette période-là fait partie de ma mémoire et non pas de l’histoire.
Pour le président Macron, c’est différent : cette période ne relève pas de la mémoire personnelle mais de l’Histoire avec un grand H. Le président de la République regarde cette période avec le regard d’un chef de l’État français qui sait que cela a été une période difficile, compliquée pour la France et pour les Français ainsi que pour ses prédécesseurs qui ont été chefs de l’État. Mais en même temps, c’est un homme de conviction qui a dit des choses, qui les a assumées comme candidat – cela n’a pas été facile car il a été critiqué en France – et qui les assumera comme président de la République parce que c’est un homme de conviction et ses propos du mois de février lui servent de point d’appui pour se positionner en tant que président de la République.
Le président Macron utilisera-t-il ce point d’appui pour envisager de présenter des excuses officielles pour les crimes et exactions commis durant la colonisation ?
Je ne peux pas répondre à sa place. Je ne suis que l’Ambassadeur de France en Algérie, c’est lui le président de la République. C’est un sujet clé, capital dans l’histoire des relations algéro-françaises. Encore une fois, le président de la République, pour en avoir parlé avec lui il y a quelques mois, est un homme de conviction qui assume ce qu’il a dit.
Qu’en est-il de l’impact des essais nucléaires effectués par la France dans le désert algérien ? Le président Macron a-t-il pour ambition d’aborder la question ?
Cette question a déjà été abordée par différents textes français. J’étais en Algérie en 2010 quand a été adoptée la « loi Morin » sur l’indemnisation des victimes des essais nucléaires français, qui a été modifiée en février 2017. C’est un sujet extrêmement technique et compliqué. Il y a des paramètres médicaux, scientifiques, techniques… Il y a les principes définis par cette loi. Il y a des dossiers qui ont été soumis du côté algérien. Les choses suivent leur cours, mais elles sont extrêmement compliquées et techniques.
Y a-t-il la volonté de mener à bout ce processus ?
S’il n’y avait pas la volonté, il n’y aurait pas eu le vote de cette loi, qui est une percée majeure.
La loi ayant été votée il y a sept ans déjà, peut-on considérer que les choses avancent à une vitesse idoine ?
Encore une fois, ce sont des sujets extrêmement techniques. Il y a eu des essais nucléaires qui ont été faits à Reggane, de même qu’il y a eu des essais nucléaires qui ont été faits en Polynésie française. Ce sont des sujets qu’on ne peut pas traiter uniquement avec le désir de régler d’une façon totale et définitive. Il y a des aspects médicaux, des aspects scientifiques, bien évidemment des aspects financiers… Ce n’est pas simple.
Évidemment, on pourrait dire que depuis 2010 les choses avancent trop lentement. Elles avancent, mais il n’est pas forcément nécessaire de faire toute la publicité sur des sujets très compliqués.
Pour parler d’autre chose qui avance lentement, les négociations concernant la restitution des archives de l’époque coloniale sont en cours depuis plus de trente ans. Le président Macron a-t-il pour ambition d’accélérer ces négociations afin qu’elles soient menées à leur terme ?
Il y aura certainement là-aussi des avancées. Les discussions ont commencé, elles doivent reprendre bientôt. Moi-même j’irai voir le directeur des archives algériennes sous peu, puisque je le connaissais bien dans mon mandat précédent et j’avais noué des rapports très directs et très francs avec lui. Il ne faut pas non plus conclure que les choses n’avancent pas.
Plus de trente ans de négociations, est-on en droit de considérer que les choses n’avancent pas ?
Les archives sont par définition quelque chose qui recouvre le passé ; donc forcément cela prend du temps.
Ps : c le deuxième entretien en 2 semaines
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