Une exposition, présentée depuis le 24 octobre à Paris, insiste sur les passerelles existant entre les cultes juif, chrétien et musulman.
Parfois perçues comme des ferments de division au sein de la société, les religions peuvent aussi être envisagées, à l'inverse, comme des facteurs d'union et de concorde. Étymologiquement, une « religion » n'est-elle pas ce qui relie ? Pour autant, cette promesse peut-elle s'exercer au sein d'une communauté plurielle, composée d'hommes et de femmes qui ne partagent pas tous la même croyance ? Cette interrogation traverse l'audacieuse exposition qui vient d'ouvrir au Musée national de l'histoire de l'immigration (1).
« La question des identités religieuses est l'une des plus sensibles du XXIe siècle : à chacun son Dieu, ses écritures, ses saints, croit-on. Pourtant, depuis leurs origines, les trois monothéismes partagent des croyances, des valeurs, des rites, des figures tutélaires et des sanctuaires », explique l'anthropologue Dionigi Albera, à l'origine de cette exposition avec Manoël Pénicaud, un autre chercheur du CNRS.
Sans céder à une vision irénique ni gommer les dissensions entre les cultes, les deux hommes insistent sur les points de convergence existant entre les trois grandes traditions que constituent le judaïsme, le christianisme et l'islam. Une démarche qui vise à « dépasser les stéréotypes dans lesquels on enferme le réel, à rétablir certains faits et à présenter un récit fondé scientifiquement », commente l'historien Benjamin Stora, président du Conseil d'orientation de l'établissement.
La possibilité d'un dialogue
Malgré les disputes théologiques, les circulations des populations d'une rive à l'autre de la Méditerranée ont favorisé l'essor de lieux saints communs. C'est à l'évocation de ces sites qui forment le socle d'un patrimoine partagé que s'attache l'itinéraire de l'exposition. Le voyage débute en Israël et dans les territoires palestiniens que les croyants, soucieux de surmonter les déchirures qui traversent ces entités géographiques, ont surnommé « Terre sainte ».
Le point de départ de cette exposition étonnante est une salle circulaire où des « châsses » posées sur des autels renferment des objets de culte évoquant les principales religions de la planète. L'une d'entre elles est vide. « Pour évoquer les athées », sourit Dionigi Albera. Suit un périple en forme de chemin initiatique. De Jérusalem à Haïfa, en passant par Bethléem, Dionigi Albera et Manoël Pénicaud nous font découvrir les lieux investis par les trois spiritualités sous un prisme nouveau. On y apprend que le tombeau des patriarches d'Hébron jouxte un chêne millénaire où les trois traditions placent un événement fondateur commun : celui de la visitation d'Abraham par trois personnages, présentés comme des anges.
« Cet épisode fondamental de la Torah, de la Bible et du Coran insiste sur la générosité et l'hospitalité d'Abraham puisque celui-ci accueille dans sa tente ces trois étrangers dont il ne sait rien », évoque Manoël Pénicaud. Le voyage se poursuit dans la grotte d'Élie, au pied du mont Carmel à Haïfa. « Dans cette ville multiculturelle où coexistent des populations juives, musulmanes et druzes, des pèlerins de toutes les confessions viennent prier au même endroit sans que cela pose de problème », s'enthousiasme Dionigi Albera.
Une promesse réconfortante de paix
Constituée d'objets illustrant les pratiques religieuses des cultes évoqués, photographies et reportages, l'exposition nous offre l'occasion de pointer les similitudes qui démontrent que les guerres de religion ne sont pas une fatalité. Ce faisant, elle laisse entendre qu'une coexistence pacifique est possible. « Notre exposition est une modeste contribution à la nécessité d'un débat public apaisé et aux interrogations que le retour du religieux a soulevées dans le grand public », émet Hélène Orain, directrice générale du musée d'accueil.
Cette possibilité de dialogue est réconfortante. Pas étonnant dès lors que les musées du monde entier s'arrachent cette exposition. Après Marseille (où elle a été présentée au Mucem en 2015), elle devrait être présentée à Tunis, Thessalonique, Marrakech et New York en 2018. « Les retours sont à chaque fois excellents, car nous tentons chaque fois d'adapter son format aux lieux que l'on nous propose, mais surtout aux questions qui traversent les sociétés auxquelles nous nous adressons », glisse Manoël Pénicaud. Une exposition d'utilité publique, on vous dit !
(1) « Il était trois fois... », Musée national de l'histoire de l'immigration. Palais de la porte dorée. 293, avenue Daumesnil, Paris 12e. Du mardi au dimanche. Jusqu'au 21 janvier 2018. Tarif: 6 euros. Gratuit pour les moins de 26 ans.
le Point fr
Parfois perçues comme des ferments de division au sein de la société, les religions peuvent aussi être envisagées, à l'inverse, comme des facteurs d'union et de concorde. Étymologiquement, une « religion » n'est-elle pas ce qui relie ? Pour autant, cette promesse peut-elle s'exercer au sein d'une communauté plurielle, composée d'hommes et de femmes qui ne partagent pas tous la même croyance ? Cette interrogation traverse l'audacieuse exposition qui vient d'ouvrir au Musée national de l'histoire de l'immigration (1).
« La question des identités religieuses est l'une des plus sensibles du XXIe siècle : à chacun son Dieu, ses écritures, ses saints, croit-on. Pourtant, depuis leurs origines, les trois monothéismes partagent des croyances, des valeurs, des rites, des figures tutélaires et des sanctuaires », explique l'anthropologue Dionigi Albera, à l'origine de cette exposition avec Manoël Pénicaud, un autre chercheur du CNRS.
Sans céder à une vision irénique ni gommer les dissensions entre les cultes, les deux hommes insistent sur les points de convergence existant entre les trois grandes traditions que constituent le judaïsme, le christianisme et l'islam. Une démarche qui vise à « dépasser les stéréotypes dans lesquels on enferme le réel, à rétablir certains faits et à présenter un récit fondé scientifiquement », commente l'historien Benjamin Stora, président du Conseil d'orientation de l'établissement.
La possibilité d'un dialogue
Malgré les disputes théologiques, les circulations des populations d'une rive à l'autre de la Méditerranée ont favorisé l'essor de lieux saints communs. C'est à l'évocation de ces sites qui forment le socle d'un patrimoine partagé que s'attache l'itinéraire de l'exposition. Le voyage débute en Israël et dans les territoires palestiniens que les croyants, soucieux de surmonter les déchirures qui traversent ces entités géographiques, ont surnommé « Terre sainte ».
Le point de départ de cette exposition étonnante est une salle circulaire où des « châsses » posées sur des autels renferment des objets de culte évoquant les principales religions de la planète. L'une d'entre elles est vide. « Pour évoquer les athées », sourit Dionigi Albera. Suit un périple en forme de chemin initiatique. De Jérusalem à Haïfa, en passant par Bethléem, Dionigi Albera et Manoël Pénicaud nous font découvrir les lieux investis par les trois spiritualités sous un prisme nouveau. On y apprend que le tombeau des patriarches d'Hébron jouxte un chêne millénaire où les trois traditions placent un événement fondateur commun : celui de la visitation d'Abraham par trois personnages, présentés comme des anges.
« Cet épisode fondamental de la Torah, de la Bible et du Coran insiste sur la générosité et l'hospitalité d'Abraham puisque celui-ci accueille dans sa tente ces trois étrangers dont il ne sait rien », évoque Manoël Pénicaud. Le voyage se poursuit dans la grotte d'Élie, au pied du mont Carmel à Haïfa. « Dans cette ville multiculturelle où coexistent des populations juives, musulmanes et druzes, des pèlerins de toutes les confessions viennent prier au même endroit sans que cela pose de problème », s'enthousiasme Dionigi Albera.
Une promesse réconfortante de paix
Constituée d'objets illustrant les pratiques religieuses des cultes évoqués, photographies et reportages, l'exposition nous offre l'occasion de pointer les similitudes qui démontrent que les guerres de religion ne sont pas une fatalité. Ce faisant, elle laisse entendre qu'une coexistence pacifique est possible. « Notre exposition est une modeste contribution à la nécessité d'un débat public apaisé et aux interrogations que le retour du religieux a soulevées dans le grand public », émet Hélène Orain, directrice générale du musée d'accueil.
Cette possibilité de dialogue est réconfortante. Pas étonnant dès lors que les musées du monde entier s'arrachent cette exposition. Après Marseille (où elle a été présentée au Mucem en 2015), elle devrait être présentée à Tunis, Thessalonique, Marrakech et New York en 2018. « Les retours sont à chaque fois excellents, car nous tentons chaque fois d'adapter son format aux lieux que l'on nous propose, mais surtout aux questions qui traversent les sociétés auxquelles nous nous adressons », glisse Manoël Pénicaud. Une exposition d'utilité publique, on vous dit !
(1) « Il était trois fois... », Musée national de l'histoire de l'immigration. Palais de la porte dorée. 293, avenue Daumesnil, Paris 12e. Du mardi au dimanche. Jusqu'au 21 janvier 2018. Tarif: 6 euros. Gratuit pour les moins de 26 ans.
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