Tièdes durant la dernière présidence de M. Barack Obama, les relations entre l’Arabie saoudite et les États-Unis se sont réchauffées depuis l’entrée en fonctions de M. Donald Trump. Une amélioration surprenante quand on connaît la virulence des attaques de ce dernier contre la monarchie wahhabite avant son élection, mais qui doit beaucoup à l’efficacité du lobby américain prosaoudien.
Ce n’est pas sans raison que l’Arabie saoudite a accueilli avec inquiétude la victoire de M. Donald Trump en novembre dernier. Après tout, sa vieille amie Hillary Clinton ne tarissait pas d’éloges sur le royaume, qu’elle présentait comme une force de paix et de stabilité, alors que son adversaire républicain en disait pis que pendre depuis des années. Concernant les attentats de septembre 2001, M. Trump avait accusé Riyad d’être « le plus gros bailleur de fonds mondial du terrorisme » : la monarchie pétrolière, écrivait-il, utilise « nos pétrodollars — notre argent à nous — pour financer les terroristes qui cherchent à détruire notre peuple pendant que les Saoudiens comptent sur nous pour les protéger (1) ». Durant sa campagne électorale, il a menacé de bloquer les importations de pétrole saoudien si le royaume n’intensifiait pas sa lutte contre l’Organisation de l’État islamique (OEI).
Pourtant, sept mois seulement après son élection, le président américain a choisi Riyad pour sa première visite officielle à l’étranger. À peine sur place, il a confirmé sa volte-face diplomatique en appelant à un changement de régime en Iran et en annonçant un contrat de 110 milliards de dollars (un peu plus de 98 milliards d’euros) de ventes d’armes — auxquels pourraient s’ajouter 240 milliards de contrats la décennie suivante. Certes, on peut douter de la capacité du gouvernement saoudien à honorer cette fastueuse commande, compte tenu d’un déficit des comptes publics de 22 % du produit intérieur brut consécutif à la chute des prix du pétrole ; mais c’est une autre affaire. Plusieurs sources à la Maison Blanche laissent entendre que ces contrats de ventes d’armes formeront la base d’une future « OTAN arabe » destinée à combattre à la fois l’Iran et l’OEI (2).
Revirement spectaculaire
De la fureur à l’adoration en quelques mois : le revirement de M. Trump paraît spectaculaire. Il n’était pourtant pas totalement imprévisible. D’abord, à cause du pétrole : malgré la révolution du gaz de schiste, les États-Unis restent dépendants des pompes saoudiennes pour un million de barils par jour. Ensuite, en raison des intérêts bien compris de l’industrie militaire américaine : l’appétit apparemment insatiable de Riyad pour les missiles Patriot et les hélicoptères Blackhawk représente une manne qu’il serait imprudent de négliger. S’y ajoute un troisième facteur : l’Iran, cible d’une même hostilité de la part des États-Unis et de l’Arabie saoudite (ainsi que d’Israël), qui le considèrent comme la principale source d’instabilité au Proche-Orient. Enfin, il existe une quatrième raison : le puissant réseau de sympathies américaines que les Saoudiens ont patiemment tissé au fil des ans, en bonne intelligence avec d’autres monarchies pétrolières du Golfe.
Ce réseau, composé de think tanks et de centres d’études, de compagnies d’avocats et de consultants en relations publiques, de conseillers et de lobbyistes, aurait reçu de Riyad au moins 18 millions de dollars depuis 2015. La somme peut paraître modique au regard des 130 milliards de dollars par an que le pays perçoit en revenus pétroliers. Mais elle fournit un indice de la facilité avec laquelle les Saoudiens se procurent des garanties contre les risques de disgrâce.
Depuis les attentats du 11-Septembre, dont quinze auteurs sur dix-neuf (sans parler d’Oussama Ben Laden lui-même) étaient de nationalité saoudienne, les relations entre les deux pays se sont considérablement refroidies. L’administration de M. George W. Bush limite d’abord les dégâts en dissimulant des informations compromettantes sur le rôle du gouvernement saoudien pour mieux pointer du doigt Saddam Hussein. Sous la présidence de M. Barack Obama, en revanche, l’entente entre les deux alliés connaît de sérieux revers. Le jeudi 2 octobre 2014, le vice-président Joseph Biden se confie devant une assemblée d’étudiants à l’université Harvard : les Saoudiens, les Turcs et les Émiratis, dit-il en termes peu diplomatiques, seraient « si déterminés à éliminer [le président syrien Bachar Al-Assad] qu’ils ont fait pleuvoir des centaines de millions de dollars et des dizaines de milliers de tonnes d’armements sur ceux qui se battaient contre Assad, sauf que les bénéficiaires de ces livraisons étaient Al-Nosra, Al-Qaida et les éléments extrémistes des djihadistes venus d’autres parties du monde (3) ».
Puis, en juillet 2015, Washington met un terme au contentieux du nucléaire iranien en signant un accord historique avec Téhéran, ennemi de toujours de Riyad (4). En avril 2016, dans un entretien accordé au mensuel The Atlantic, M. Obama accuse les Saoudiens de soutenir le terrorisme sunnite et leur suggère d’apprendre à « partager » le Proche-Orient avec leurs adversaires iraniens. Trois mois plus tard, l’administration déclassifie un chapitre du rapport d’enquête parlementaire de 2002 sur le 11-Septembre, qui indique que les dirigeants saoudiens ont versé des fonds à au moins deux membres du commando impliqué et qu’ils ont ensuite fait obstruction aux investigations des enquêteurs américains. En septembre de la même année, le Congrès, à une écrasante majorité, permet aux proches des victimes du 11-Septembre d’aller en justice pour réclamer des dommages et intérêts à la monarchie saoudienne, en allant à l’encontre du veto opposé par le président Obama à cette loi. En octobre, WikiLeaks divulgue un courriel de 2014 dans lequel Mme Clinton se plaint des autorités saoudiennes et qataries, soupçonnées de fournir « un soutien financier et logistique clandestin à l’OEI et à d’autres groupes sunnites radicaux dans la région ».
La rhétorique antisaoudienne martelée par M. Trump au cours de la campagne électorale semblait donc l’aboutissement logique d’un divorce déjà bien engagé. Jusqu’à ce qu’une armada hétéroclite de démocrates, de néoconservateurs, d’agences de renseignement et d’autres figures de l’« État profond » s’engage dans une bataille idéologique pour faire barrage à tout rapprochement avec la Russie et ses deux principaux alliés dans la région, la Syrie et l’Iran.
Chancelant sous l’accusation d’être un « candidat sibérien » téléguidé par M. Vladimir Poutine, M. Trump tente alors de se protéger sur son aile droite en s’entourant de vieux faucons aussi viscéralement anti-iraniens qu’antirusses. Parmi eux, le général Herbert Raymond McMaster, nommé au poste de conseiller à la sécurité nationale, et le général à la retraite du corps des marines James Mattis, alias « Mad Dog » (« chien fou »), nommé ministre de la défense — celui-là même qui a déclaré en 2012, en réponse à une question sur les trois menaces les plus graves pour la sécurité américaine : « L’Iran, l’Iran, l’Iran. »
Campagne de lobbying
La Russie et l’Iran redevenant les principaux ennemis des États-Unis au Proche-Orient, l’Arabie saoudite doit logiquement reprendre sa place d’alliée favorite. Le lobby prosaoudien y contribue fortement en diffusant un flot continu d’entretiens, d’articles et de rapports appelant à une action graduée à l’encontre de Damas et de Téhéran. Le 14 novembre 2016, le Conseil de l’Atlantique (Atlantic Council) — un think tank qui a reçu 2 millions de dollars en 2015 de la part des Émirats arabes unis et de bienfaiteurs proches de Riyad — rappelle de sa retraite le général David H. Petraeus, membre de son conseil de direction, pour fustiger une « activité iranienne maligne » ; il exhorte l’armée à lancer des opérations de guerre au cas où l’Iran violerait l’accord de 2015 en renouant avec son programme d’enrichissement de l’uranium. Quelques semaines plus tard, le Centre d’études stratégiques et internationales (CSIS), autre organisme influent arrosé — 600 000 dollars en 2015 de la part de Riyad et d’Abou Dhabi —, envoie l’un de ses porte-parole au Congrès afin d’y prêcher le lancement d’« opérations directes et indirectes » pour empêcher l’Iran de convoyer des armes à ses alliés en Syrie et au Yémen (5).
De son côté, le Centre pour le progrès américain (CAP) — un think tank choyé lui aussi par les Émiratis (1 million de dollars) et fondé par l’ancien directeur de campagne de Mme Clinton, M. John Podesta, dont le frère Tony est dûment enregistré comme lobbyiste prosaoudien — publie un rapport enjoignant à l’administration d’intervenir en Syrie si M. Al-Assad persiste à bloquer la livraison d’« aide humanitaire » aux zones rebelles. La liste serait incomplète si l’on oubliait de mentionner la Brookings Institution (21,6 millions de dollars de dons en provenance du Qatar depuis 2011, et au moins 3 millions des Émirats depuis mi-2014), qui milite sans surprise pour des sanctions plus sévères contre Damas.
Cette campagne de lobbying vise à la fois à attiser l’hostilité envers l’Iran, à promouvoir l’Arabie saoudite et à discréditer tout point de vue dissonant. Elle se révèle d’autant plus efficace qu’elle entre en résonance avec l’offensive antirusse menée simultanément par les démocrates, le Federal Bureau of Investigation (FBI) et la Central Intelligence Agency (CIA). Elle coïncide également avec les efforts déployés par M. Trump pour faire la preuve de sa fibre néoconservatrice en bombant le torse contre les adversaires traditionnels de Washington au Proche-Orient. Neuf jours à peine après avoir pris ses fonctions, il donne l’ordre d’un raid militaire sur un site yéménite présenté comme un repaire d’Al-Qaida. Le 7 avril, il lance une pluie de missiles Tomahawk sur une base aérienne en Syrie.
Le lobby prosaoudien est comblé. M. Mohammed Alyahya, un expert en contre-terrorisme saoudien membre du Conseil de l’Atlantique, explique au New York Times : « Les gens exultent en ce moment dans le Golfe. Il est clair que Trump a compris ce que la puissance américaine pouvait faire changer, et il est décidé à s’en servir (6). » Dans le Washington Post, David Ignatius qualifie le bombardement en Syrie de « constructeur de confiance », au motif qu’il « rapproche une administration erratique des piliers de la politique américaine traditionnelle », avant d’appeler l’ancien conseiller à la sécurité nationale de M. Obama, M. Tom Donilon, membre du directoire de la Brookings Institution, à soutenir le retour à la raison de M. Trump (7). « J’approuve totalement l’intervention en Syrie, répond M. Donilon. Envers la Russie, la Chine et la Syrie, il y a eu des changements de politique tout à fait remarquables. »
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Ce n’est pas sans raison que l’Arabie saoudite a accueilli avec inquiétude la victoire de M. Donald Trump en novembre dernier. Après tout, sa vieille amie Hillary Clinton ne tarissait pas d’éloges sur le royaume, qu’elle présentait comme une force de paix et de stabilité, alors que son adversaire républicain en disait pis que pendre depuis des années. Concernant les attentats de septembre 2001, M. Trump avait accusé Riyad d’être « le plus gros bailleur de fonds mondial du terrorisme » : la monarchie pétrolière, écrivait-il, utilise « nos pétrodollars — notre argent à nous — pour financer les terroristes qui cherchent à détruire notre peuple pendant que les Saoudiens comptent sur nous pour les protéger (1) ». Durant sa campagne électorale, il a menacé de bloquer les importations de pétrole saoudien si le royaume n’intensifiait pas sa lutte contre l’Organisation de l’État islamique (OEI).
Pourtant, sept mois seulement après son élection, le président américain a choisi Riyad pour sa première visite officielle à l’étranger. À peine sur place, il a confirmé sa volte-face diplomatique en appelant à un changement de régime en Iran et en annonçant un contrat de 110 milliards de dollars (un peu plus de 98 milliards d’euros) de ventes d’armes — auxquels pourraient s’ajouter 240 milliards de contrats la décennie suivante. Certes, on peut douter de la capacité du gouvernement saoudien à honorer cette fastueuse commande, compte tenu d’un déficit des comptes publics de 22 % du produit intérieur brut consécutif à la chute des prix du pétrole ; mais c’est une autre affaire. Plusieurs sources à la Maison Blanche laissent entendre que ces contrats de ventes d’armes formeront la base d’une future « OTAN arabe » destinée à combattre à la fois l’Iran et l’OEI (2).
Revirement spectaculaire
De la fureur à l’adoration en quelques mois : le revirement de M. Trump paraît spectaculaire. Il n’était pourtant pas totalement imprévisible. D’abord, à cause du pétrole : malgré la révolution du gaz de schiste, les États-Unis restent dépendants des pompes saoudiennes pour un million de barils par jour. Ensuite, en raison des intérêts bien compris de l’industrie militaire américaine : l’appétit apparemment insatiable de Riyad pour les missiles Patriot et les hélicoptères Blackhawk représente une manne qu’il serait imprudent de négliger. S’y ajoute un troisième facteur : l’Iran, cible d’une même hostilité de la part des États-Unis et de l’Arabie saoudite (ainsi que d’Israël), qui le considèrent comme la principale source d’instabilité au Proche-Orient. Enfin, il existe une quatrième raison : le puissant réseau de sympathies américaines que les Saoudiens ont patiemment tissé au fil des ans, en bonne intelligence avec d’autres monarchies pétrolières du Golfe.
Ce réseau, composé de think tanks et de centres d’études, de compagnies d’avocats et de consultants en relations publiques, de conseillers et de lobbyistes, aurait reçu de Riyad au moins 18 millions de dollars depuis 2015. La somme peut paraître modique au regard des 130 milliards de dollars par an que le pays perçoit en revenus pétroliers. Mais elle fournit un indice de la facilité avec laquelle les Saoudiens se procurent des garanties contre les risques de disgrâce.
Depuis les attentats du 11-Septembre, dont quinze auteurs sur dix-neuf (sans parler d’Oussama Ben Laden lui-même) étaient de nationalité saoudienne, les relations entre les deux pays se sont considérablement refroidies. L’administration de M. George W. Bush limite d’abord les dégâts en dissimulant des informations compromettantes sur le rôle du gouvernement saoudien pour mieux pointer du doigt Saddam Hussein. Sous la présidence de M. Barack Obama, en revanche, l’entente entre les deux alliés connaît de sérieux revers. Le jeudi 2 octobre 2014, le vice-président Joseph Biden se confie devant une assemblée d’étudiants à l’université Harvard : les Saoudiens, les Turcs et les Émiratis, dit-il en termes peu diplomatiques, seraient « si déterminés à éliminer [le président syrien Bachar Al-Assad] qu’ils ont fait pleuvoir des centaines de millions de dollars et des dizaines de milliers de tonnes d’armements sur ceux qui se battaient contre Assad, sauf que les bénéficiaires de ces livraisons étaient Al-Nosra, Al-Qaida et les éléments extrémistes des djihadistes venus d’autres parties du monde (3) ».
Puis, en juillet 2015, Washington met un terme au contentieux du nucléaire iranien en signant un accord historique avec Téhéran, ennemi de toujours de Riyad (4). En avril 2016, dans un entretien accordé au mensuel The Atlantic, M. Obama accuse les Saoudiens de soutenir le terrorisme sunnite et leur suggère d’apprendre à « partager » le Proche-Orient avec leurs adversaires iraniens. Trois mois plus tard, l’administration déclassifie un chapitre du rapport d’enquête parlementaire de 2002 sur le 11-Septembre, qui indique que les dirigeants saoudiens ont versé des fonds à au moins deux membres du commando impliqué et qu’ils ont ensuite fait obstruction aux investigations des enquêteurs américains. En septembre de la même année, le Congrès, à une écrasante majorité, permet aux proches des victimes du 11-Septembre d’aller en justice pour réclamer des dommages et intérêts à la monarchie saoudienne, en allant à l’encontre du veto opposé par le président Obama à cette loi. En octobre, WikiLeaks divulgue un courriel de 2014 dans lequel Mme Clinton se plaint des autorités saoudiennes et qataries, soupçonnées de fournir « un soutien financier et logistique clandestin à l’OEI et à d’autres groupes sunnites radicaux dans la région ».
La rhétorique antisaoudienne martelée par M. Trump au cours de la campagne électorale semblait donc l’aboutissement logique d’un divorce déjà bien engagé. Jusqu’à ce qu’une armada hétéroclite de démocrates, de néoconservateurs, d’agences de renseignement et d’autres figures de l’« État profond » s’engage dans une bataille idéologique pour faire barrage à tout rapprochement avec la Russie et ses deux principaux alliés dans la région, la Syrie et l’Iran.
Chancelant sous l’accusation d’être un « candidat sibérien » téléguidé par M. Vladimir Poutine, M. Trump tente alors de se protéger sur son aile droite en s’entourant de vieux faucons aussi viscéralement anti-iraniens qu’antirusses. Parmi eux, le général Herbert Raymond McMaster, nommé au poste de conseiller à la sécurité nationale, et le général à la retraite du corps des marines James Mattis, alias « Mad Dog » (« chien fou »), nommé ministre de la défense — celui-là même qui a déclaré en 2012, en réponse à une question sur les trois menaces les plus graves pour la sécurité américaine : « L’Iran, l’Iran, l’Iran. »
Campagne de lobbying
La Russie et l’Iran redevenant les principaux ennemis des États-Unis au Proche-Orient, l’Arabie saoudite doit logiquement reprendre sa place d’alliée favorite. Le lobby prosaoudien y contribue fortement en diffusant un flot continu d’entretiens, d’articles et de rapports appelant à une action graduée à l’encontre de Damas et de Téhéran. Le 14 novembre 2016, le Conseil de l’Atlantique (Atlantic Council) — un think tank qui a reçu 2 millions de dollars en 2015 de la part des Émirats arabes unis et de bienfaiteurs proches de Riyad — rappelle de sa retraite le général David H. Petraeus, membre de son conseil de direction, pour fustiger une « activité iranienne maligne » ; il exhorte l’armée à lancer des opérations de guerre au cas où l’Iran violerait l’accord de 2015 en renouant avec son programme d’enrichissement de l’uranium. Quelques semaines plus tard, le Centre d’études stratégiques et internationales (CSIS), autre organisme influent arrosé — 600 000 dollars en 2015 de la part de Riyad et d’Abou Dhabi —, envoie l’un de ses porte-parole au Congrès afin d’y prêcher le lancement d’« opérations directes et indirectes » pour empêcher l’Iran de convoyer des armes à ses alliés en Syrie et au Yémen (5).
De son côté, le Centre pour le progrès américain (CAP) — un think tank choyé lui aussi par les Émiratis (1 million de dollars) et fondé par l’ancien directeur de campagne de Mme Clinton, M. John Podesta, dont le frère Tony est dûment enregistré comme lobbyiste prosaoudien — publie un rapport enjoignant à l’administration d’intervenir en Syrie si M. Al-Assad persiste à bloquer la livraison d’« aide humanitaire » aux zones rebelles. La liste serait incomplète si l’on oubliait de mentionner la Brookings Institution (21,6 millions de dollars de dons en provenance du Qatar depuis 2011, et au moins 3 millions des Émirats depuis mi-2014), qui milite sans surprise pour des sanctions plus sévères contre Damas.
Cette campagne de lobbying vise à la fois à attiser l’hostilité envers l’Iran, à promouvoir l’Arabie saoudite et à discréditer tout point de vue dissonant. Elle se révèle d’autant plus efficace qu’elle entre en résonance avec l’offensive antirusse menée simultanément par les démocrates, le Federal Bureau of Investigation (FBI) et la Central Intelligence Agency (CIA). Elle coïncide également avec les efforts déployés par M. Trump pour faire la preuve de sa fibre néoconservatrice en bombant le torse contre les adversaires traditionnels de Washington au Proche-Orient. Neuf jours à peine après avoir pris ses fonctions, il donne l’ordre d’un raid militaire sur un site yéménite présenté comme un repaire d’Al-Qaida. Le 7 avril, il lance une pluie de missiles Tomahawk sur une base aérienne en Syrie.
Le lobby prosaoudien est comblé. M. Mohammed Alyahya, un expert en contre-terrorisme saoudien membre du Conseil de l’Atlantique, explique au New York Times : « Les gens exultent en ce moment dans le Golfe. Il est clair que Trump a compris ce que la puissance américaine pouvait faire changer, et il est décidé à s’en servir (6). » Dans le Washington Post, David Ignatius qualifie le bombardement en Syrie de « constructeur de confiance », au motif qu’il « rapproche une administration erratique des piliers de la politique américaine traditionnelle », avant d’appeler l’ancien conseiller à la sécurité nationale de M. Obama, M. Tom Donilon, membre du directoire de la Brookings Institution, à soutenir le retour à la raison de M. Trump (7). « J’approuve totalement l’intervention en Syrie, répond M. Donilon. Envers la Russie, la Chine et la Syrie, il y a eu des changements de politique tout à fait remarquables. »
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