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L’énigme de Mohammed ben Salman, Prince héritier d'Arabie saoudite

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  • L’énigme de Mohammed ben Salman, Prince héritier d'Arabie saoudite

    Le Prince héritier d'Arabie Saoudite Mohammed ben Salman séduit autant qu’il inquiète. Jusqu’où ira-t-il dans l’ouverture de la société saoudienne ? Et pour conforter son pouvoir ?
    Le prince héritier Mohammed ben Salman dit « MBS » ne souffre pas la contestation. En témoigne la « purge » de ce week-end. Le politiste Laurent Bonnefoy s’inquiète de la brutalité de sa stratégie.

    Comment expliquer l’ascension fulgurante de MBS ?
    Cette ascension, il la doit d’abord à son père, le roi Salman, dont il est le fils préféré au point que celui-ci a réordonné la ligne de succession au sein d’une famille royale déjà fragmentée. Jusque-là, cette succession se disputait entre frères, fils des fondateurs du royaume. Les plus jeunes sont déjà sexagénaires mais attendaient leur tour. Le roi Salman, en mettant en avant son fils, a bouleversé la donne.
    MBS n’était pas le mieux placé…
    Il n’a pas fait de longues études à l’étranger au contraire des autres postulants au sein de la famille royale, plus diplômés et plus expérimentés. Son niveau d’anglais est faible, un handicap sur la scène internationale et étonnant pour quelqu’un né en 1985. Mais il a, pour lui, d’avoir été à la tête du cabinet du roi Salman, son père, et d’incarner une nouvelle génération.
    Pourquoi cette purge sous couvert de corruption ?
    La purge de ce week-end est la suite d’interpellations qui, depuis juin, ont vu rivaux et intellectuels assignés à résidence ou emprisonnés. Cette méthode extrêmement brutale marque un durcissement du régime. Quant à la corruption des élites, si elle est bien réelle, MBS en a lui-même sans doute largement profité. Il a acquis un yacht et un château dans les Yvelines pour respectivement 400 millions et 275 millions d’euros.





    MBS s’appuie sur une popularité certaine ?
    Sa jeunesse est certainement un atout dans un pays où 70 % de la population a moins de 30 ans. Il incarne indéniablement un saut générationnel et entend répondre aux attentes de la population en termes d’ouverture sur le monde. Mais il serait faux de penser que son empressement constitue un atout. Une part de la jeunesse continue d’être attachée à certaines traditions et notamment à la religion. Or, il a jeté en prison début septembre une autre figure très populaire auprès des jeunes, Salman al-Awda, suivi sur Twitter par 13 millions d’internautes. Engager ainsi une répression d’un segment significatif de la société a bien des chances de se révéler contre-productif.
    Despote éclairé ou autocrate opportuniste ?
    Sa capacité à réformer effectivement la société saoudienne ne se mesurera que sur le long terme. Les défis sont nombreux certes, mais MBS ne peut aspirer à imiter le modèle des Émirats Arabes Unis, fondé sur une libéralisation économique et sociétale alliée à une répression politique, qu’en faisant abstraction de certaines réalités démographiques et économiques. Contraitrement aux autres émirats du Golfe, l’Arabie Saoudite, forte de ses 25 millions d’habitants, est confrontée à de véritables enjeux liés, par exemple, au chômage de masse et à la pauvreté et ne peut se permettre d’acheter la paix sociale à coup de pétrodollars. Il ne pourra durablement continuer à agir à l’échelle internationale de façon aussi agressive qu’il le fait au Yémen depuis bientôt trois ans où son action est responsable d’une crise humanitaire sans précédent et de crimes de guerre.
    Cette centralisation du pouvoir est-elle un atout pour l’essor du projet « vision 2030 » ?
    Le mouvement de diversification pour anticiper la diminution de la rente pétrolière n’a pas attendu le Prince héritier dont les prévisions paraissent par ailleurs bien optimistes, en particulier quant à la cession d’une partie de la compagnie pétrolière nationale. La brutalité de sa stratégie et l’instabilité régionale qu’elle génère pourraient par ailleurs affecter la confiance des investisseurs internationaux. Sans ces derniers, les ambitions économiques de MBS resteront illusoires.
    Une opération de communication plutôt réussie
    « La fascination qu’exerce MBS auprès, notamment, des pays occidentaux n’est pas sans rappeler celles de Saddam Hussein dans les années 1980, puis, au début des années 2000, de Bachar el Assad », note le politiste Laurent Bonnefoy. »
    « L’onéreuse opération de communication qui vise à changer l’image de l’Arabie Saoudite a, poursuit-il, porté ses fruits, entre droit des femmes à conduire et promotion affichée d’un islam modéré quand, en réalité, sa politique étrangère aventureuse l’amène, comme au Yémen, à soutenir des combattants djihadistes et à ignorer les effets de long terme de ses actions. Dans ce contexte, sans doute les diplomates européens seraient-ils bien inspirés de se montrer plus prudents et critiques, quitte à abandonner quelques contrats d’armements. »

    Dernier livre. Laurent Bonnefoy, Le Yémen. De l’Arabie heureuse à la guerre, Fayard.
    Interview réalisée par Jérôme Pilleyre
    [email protected]
    la montagne
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