Chacun a pu commenter à souhait la "purge" opérée par le prince Mohammed Bin Salman la semaine dernière au sein de la famille royale et des hauts responsables de la sécurité du Royaume.
Comme je l'écrivais, la démission pratiquement concomitante du Premier ministre Hariri, depuis Riyad, sa ville natale, ne pouvait être le fruit du hasard.
Depuis quelques jours, les déclarations se sont multipliées, plus inquiétantes les unes que les autres.
Monsieur Nasrallah, figure emblématique du Hezbollah libanais, a d'abord condamné cette démission téléguidée, d'après lui par Mohammed Bin Salman, comme portant atteinte à la souveraineté du Liban, puis les autres leaders de la région ont exprimé leurs inquiétudes.
Inquiétude de voir le Liban déstabilisé de nouveau, en proie à des démons, les siens mais aussi ceux de ses voisins qui depuis plus de 40 ans règlent leurs différends dans le pays du Cèdre.
Et voilà bien ce qui se profile.
Les déclarations multiples et publiques de responsables saoudiens, affirmant que le Liban avait déclaré la guerre au Royaume, ne font sourire personne.
Cette affirmation est surréaliste, comment ce pays à peine remis de mois d'instabilité, choqué par la démission annoncée de son Premier ministre emblématique, comment le Liban pourrait-il penser à déclarer la guerre à l'Arabie Saoudite!
L'Arabie Saoudite, amie qui devait contribuer financièrement à son équipement militaire l'an dernier pour des centaines de millions, gelés par suite de la politique de Saad Hariri, trop complaisante d'après elle à l'égard du Hezbollah.
Tout ceci n'a aucun sens, aucun sens sauf si l'on considère le Liban par extrapolation et fantasme comme un proxy chiite de l'Iran.
Alors cette déclaration prend sens.
L'Iran qui arme les Houtis du Yémen cherchant à construire un Hezbollah aux frontières du royaume saoudien, l'Iran qui arme les minorités (qui sont en fait majoritaires) chiites du royaume de Bahreïn et ont provoqué les insurrections de la place de la Perle, l'Iran qui de façon directe ou indirecte est responsable de tous les maux, l'Iran enfin qui a pu obtenir un renversement d'alliance inouïe, inexplicable, inattendu, inadmissible sous le mandat de Barack Obama avec la signature de l'accord sur le nucléaire iranien.
L'Iran de retour sur le scène internationale comme puissance régionale est un fait insoutenable pour l'Arabie Saoudite.
L'Iran qui manipule, arme et actionne le Hezbollah au Liban, l'Iran c'est le Hezbollah, le Hezbollah c'est le Liban.
L'Iran est l'ennemi, donc le Liban est ennemi.
Au terme de cette équation mortifère, le Liban devient l'ennemi annoncé.
Des rumeurs circulent à Beyrouth ce matin sur un bref passage de Saad Hariri qui présenterait sa démission avant d'annuler son retrait de la vie politique et de s'exiler en France, tout comme on parle de la volonté de Mohammed Bin Salman de le remplacer à la tête du courant du Futur par son frère aîné Bahaa, dont le profil est bien plus proche du sien.
L'Arabie Saoudite a construit ses dernières années un véritable croissant anti-chiite.
L'Égypte, armée de Rafales et de navires payés par l'Arabie Saoudite à prix d'or à la France, et comme remerciement, le retour de deux îles dont la propriété égyptienne était contestée et une lutte commune contre les "frères musulmans " et leurs proxies.
Le Royaume a aussi renoué des liens avec la Turquie et son Président.
Enfin la mise au ban des Pays du Golfe, du Qatar, pour ses liens réels ou supposés avec les Frères musulmans et l'Iran, permet de solidifier ce croissant anti-chiite et antiiranien dont la carte se dessine clairement.
Les Pays du Golfe, sans le Qatar et avec une neutralité traditionnelle et sage du Sultanat d'Oman, la Turquie, l'Egypte, avec comme joker des liens avoués avec Israël qui ne peut que se frotter les mains d'une telle aubaine.
Le tout renforcé par la politique de Donald Trump, il n'en faut pas plus pour enflammer toute une région poudrière sui generis.
La prochaine étape serait-elle une attaque israélienne au Sud Liban?
Chacun attend et redoute la suite de ce terrible feuilleton, dont dépend la paix et la sécurité de la région, mais aussi d'un monde totalement désorienté et d'une communauté internationale totalement inefficace et inaudible.
Dans ce jeu perdant-perdant la France peut et doit intervenir rapidement, prendre attache des parties concernées et se poser clairement comme défenseur de l'intégrité territoriale du Liban.
La France doit aussi se faire médiateur entre l'Arabie Saoudite et l'Iran, le monde ne peut pas faire les frais d'un mécano diabolique et infantile entre géants, dont la maturité politique est inversement proportionnelle aux moyens de mort dont ils disposent.
La France est attendue et espérée, son silence serait une faute irréparable.
Nathalie Goulet
Sénateur UDI de l'Orne, Vice-Présidente de la Commission Affaires Etrangères
Huffpost
Comme je l'écrivais, la démission pratiquement concomitante du Premier ministre Hariri, depuis Riyad, sa ville natale, ne pouvait être le fruit du hasard.
Depuis quelques jours, les déclarations se sont multipliées, plus inquiétantes les unes que les autres.
Monsieur Nasrallah, figure emblématique du Hezbollah libanais, a d'abord condamné cette démission téléguidée, d'après lui par Mohammed Bin Salman, comme portant atteinte à la souveraineté du Liban, puis les autres leaders de la région ont exprimé leurs inquiétudes.
Inquiétude de voir le Liban déstabilisé de nouveau, en proie à des démons, les siens mais aussi ceux de ses voisins qui depuis plus de 40 ans règlent leurs différends dans le pays du Cèdre.
Et voilà bien ce qui se profile.
Les déclarations multiples et publiques de responsables saoudiens, affirmant que le Liban avait déclaré la guerre au Royaume, ne font sourire personne.
Cette affirmation est surréaliste, comment ce pays à peine remis de mois d'instabilité, choqué par la démission annoncée de son Premier ministre emblématique, comment le Liban pourrait-il penser à déclarer la guerre à l'Arabie Saoudite!
L'Arabie Saoudite, amie qui devait contribuer financièrement à son équipement militaire l'an dernier pour des centaines de millions, gelés par suite de la politique de Saad Hariri, trop complaisante d'après elle à l'égard du Hezbollah.
Tout ceci n'a aucun sens, aucun sens sauf si l'on considère le Liban par extrapolation et fantasme comme un proxy chiite de l'Iran.
Alors cette déclaration prend sens.
L'Iran qui arme les Houtis du Yémen cherchant à construire un Hezbollah aux frontières du royaume saoudien, l'Iran qui arme les minorités (qui sont en fait majoritaires) chiites du royaume de Bahreïn et ont provoqué les insurrections de la place de la Perle, l'Iran qui de façon directe ou indirecte est responsable de tous les maux, l'Iran enfin qui a pu obtenir un renversement d'alliance inouïe, inexplicable, inattendu, inadmissible sous le mandat de Barack Obama avec la signature de l'accord sur le nucléaire iranien.
L'Iran de retour sur le scène internationale comme puissance régionale est un fait insoutenable pour l'Arabie Saoudite.
L'Iran qui manipule, arme et actionne le Hezbollah au Liban, l'Iran c'est le Hezbollah, le Hezbollah c'est le Liban.
L'Iran est l'ennemi, donc le Liban est ennemi.
Au terme de cette équation mortifère, le Liban devient l'ennemi annoncé.
Des rumeurs circulent à Beyrouth ce matin sur un bref passage de Saad Hariri qui présenterait sa démission avant d'annuler son retrait de la vie politique et de s'exiler en France, tout comme on parle de la volonté de Mohammed Bin Salman de le remplacer à la tête du courant du Futur par son frère aîné Bahaa, dont le profil est bien plus proche du sien.
L'Arabie Saoudite a construit ses dernières années un véritable croissant anti-chiite.
L'Égypte, armée de Rafales et de navires payés par l'Arabie Saoudite à prix d'or à la France, et comme remerciement, le retour de deux îles dont la propriété égyptienne était contestée et une lutte commune contre les "frères musulmans " et leurs proxies.
Le Royaume a aussi renoué des liens avec la Turquie et son Président.
Enfin la mise au ban des Pays du Golfe, du Qatar, pour ses liens réels ou supposés avec les Frères musulmans et l'Iran, permet de solidifier ce croissant anti-chiite et antiiranien dont la carte se dessine clairement.
Les Pays du Golfe, sans le Qatar et avec une neutralité traditionnelle et sage du Sultanat d'Oman, la Turquie, l'Egypte, avec comme joker des liens avoués avec Israël qui ne peut que se frotter les mains d'une telle aubaine.
Le tout renforcé par la politique de Donald Trump, il n'en faut pas plus pour enflammer toute une région poudrière sui generis.
La prochaine étape serait-elle une attaque israélienne au Sud Liban?
Chacun attend et redoute la suite de ce terrible feuilleton, dont dépend la paix et la sécurité de la région, mais aussi d'un monde totalement désorienté et d'une communauté internationale totalement inefficace et inaudible.
Dans ce jeu perdant-perdant la France peut et doit intervenir rapidement, prendre attache des parties concernées et se poser clairement comme défenseur de l'intégrité territoriale du Liban.
La France doit aussi se faire médiateur entre l'Arabie Saoudite et l'Iran, le monde ne peut pas faire les frais d'un mécano diabolique et infantile entre géants, dont la maturité politique est inversement proportionnelle aux moyens de mort dont ils disposent.
La France est attendue et espérée, son silence serait une faute irréparable.
Nathalie Goulet
Sénateur UDI de l'Orne, Vice-Présidente de la Commission Affaires Etrangères
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