« Pensez-vous que son évaluation soit correcte ? » C’était le sujet d’un courriel que j’ai récemment reçu d’un bon ami. Le message se référait à l’article de Paul Craig Roberts « One Day Tomorrow Won’t Arrive » (Un jour, demain n’arrivera pas) qui affirmait que « l’armée des États-Unis est aujourd’hui une armée de seconde classe en comparaison de l’armée russe ». L’article énumérait ensuite un certain nombre de systèmes d’armement russes qui étaient clairement supérieurs à leurs homologues américains (lorsque ceux-ci existaient).
Ma réponse a été brève : « Fondamentalement oui. Les États-Unis ont certainement l’avantage quantitatif, mais en termes de qualité et de formation, la Russie est en avance. Tout cela dépend de scénarios spécifiques, mais oui, PCR est tout à fait pertinent. » Cet échange de courriels a eu lieu après une rencontre intéressante que j’ai eue avec un ami américain bien informé qui, contrairement à PCR, insistait sur le fait que les États-Unis avaient une suprématie totale sur tous les autres pays et que la seule chose les retenant de faire usage de leur force militaire écrasante était peut-être que les dirigeants américains ne croyaient pas à « l’usage brutal et illimité de la force ». Donc que se passe-t-il ici ? Pourquoi des personnes généralement très bien informées ont-elles des points de vue aussi contradictoires ?
D’abord, un avertissement. Pour parler avec une quelconque autorité de ce sujet, je devrais avoir accès à de nombreuses données classifiées, tant sur les forces armées américaines que sur les russes. Hélas, je n’y ai pas accès. Donc ce qui suit est entièrement basé sur des sources accessibles au public, des conversations avec certains contacts personnels mêlés, disons, à des hypothèses éclairées. Pourtant, j’ai confiance que ce qui suit est factuellement correct et analysé de manière logique.
Pour résumer l’état actuel des choses, je dirais que le fait que les forces armées étasuniennes soient dans un grave état de décomposition n’est pas en soi aussi surprenant que le fait que cet état presque impossible à cacher est presque universellement ignoré. Donc séparons les deux choses en « ce qui s’est passé » et « pourquoi personne ne semble en être conscient ».
Ce qui s’est passé
Commençons par le commencement : les forces armées étasuniennes n’ont jamais été la force invincible que la propagande américaine (y compris Hollywood) voudrait vous faire croire qu’elles étaient. J’ai examiné le rôle des Alliés occidentaux dans ma « Lettre à mes amis américains » et je ne répéterai pas tout ici. Disons seulement que le plus grand avantage que les États-Unis ont eu sur tous les autres pendant la Seconde Guerre mondiale est une base industrielle totalement intacte qui a permis de produire un nombre incroyable d’armes et d’équipements dans des conditions proches de l’idéal. Certains Américains « patriotes », pour le dire gentiment, ont interprété cela comme un signe de la « vigueur » et de la « supériorité » de l’organisation économique capitaliste alors qu’en réalité, c’était tout simplement le résultat direct du fait que les États-Unis étaient protégés par deux immenses océans (les Soviétiques, en revanche, ont dû déplacer toute leur base industrielle en Oural et au-delà, et que les Allemands ont dû produire sous des bombardements incessants). Le résultat a été le suivant : les forces américaines étaient mieux équipées (quantitativement et parfois aussi qualitativement) que les autres et elles pouvaient concentrer leur puissance de feu dans une mesure difficile à atteindre pour leurs ennemis. Et oui, cela a conféré un fort avantage aux forces étasuniennes, mais les a à peine rendues « meilleures » en soi.
Après la Seconde Guerre mondiale, les États-Unis étaient le seul grand pays industrialisé sur la planète dont l’industrie n’avait pas été réduite à néant, et pendant les quelques décennies qui ont suivi, ils ont joui d’une situation de monopole quasi total. Cela, de nouveau, a énormément profité à leurs forces armées, mais il est bientôt devenu clair, en Corée et au Vietnam, que cet avantage, quoique réel, n’aboutissait pas nécessairement à une victoire américaine. Après le Vietnam, les politiciens étasuniens ont essentiellement limité leurs agressions à des pays beaucoup plus petits, qui n’avaient absolument aucune chance de résister de manière significative, encore moins de vaincre. Si nous examinons la liste des agressions militaires des États-Unis après le Vietnam (voir ici et ici), nous voyons clairement que l’armée américaine s’est spécialisée dans l’attaque de pays sans défense.
Il y a eu ensuite l’effondrement de l’Union soviétique, la Première guerre du Golfe et la Guerre mondiale contre le terrorisme lorsque les politiciens américains croyaient à l’évidence à leur propre propagande sur le fait qu’ils étaient « l’unique superpuissance » ou une « hyperpuissance » et qu’ils se sont engagés dans des attaques militaires potentiellement beaucoup plus complexes, dont l’invasion à grande échelle de l’Afghanistan et de l’Irak. Ces guerres passeront dans l’histoire comme cas d’école de ce qui arrive lorsque des politiciens croient à leur propre propagande. Alors que Dobelyou a proclamé la victoire sitôt l’invasion achevée, il est rapidement devenu clair pour tout le monde que cette guerre était un désastre dont les États-Unis s’étaient révélés incapables de se sortir (même les Soviétiques en avaient tiré les conclusions et se sont retirés d’Afghanistan plus rapidement que les Américains !). Alors qu’est-ce que cela nous dit sur les forces armées étasuniennes (sans ordre particulier) :
Elles sont grandes, beaucoup plus grandes que toutes les autres.
Elles ont des capacités de projection (de mobilité) inégalées (dans le monde entier).
Elles sont riches de haute technologie, ce qui leur procure un grand avantage dans certains types de conflits.
Elles ont les moyens (armes nucléaires) d’effacer n’importe quel pays de la surface de la terre.
Elles contrôlent les océans et les points de passage stratégiques.
Est-ce suffisant pour gagner une guerre ?
En fait non, cela ne suffit pas. Tout ce qu’il faut pour annuler ces avantages, c’est un ennemi qui en a conscience et qui refuse de mener ce que j’appelle « le style de guerre américain » (sur ce concept, voir ici). Les récentes guerres au Liban, au Kosovo, en Afghanistan et en Irak ont clairement montré que des tactiques bien adaptées enlèvent la plupart du temps aux forces armées américaines les avantages énumérés ci-dessus ou, du moins, les rendent inopérants.
Si nous acceptons la thèse de Clausewitz disant que « la guerre est la continuation de la politique par d’autres moyens », il devient clair que les États-Unis n’ont pas gagné de véritable guerre depuis longtemps et que la liste des pays prêts à défier ouvertement Oncle Sam augmente constamment (et comprend maintenant non seulement l’Iran et la RPDC, mais aussi l’Afghanistan, l’Irak, le Yémen, la Syrie, le Venezuela et même la Russie et la Chine). Cela signifie que parmi les pays que les États-Unis essaient de menacer et d’intimider pour les soumettre, un consensus émerge voulant que malgré toutes leurs menaces et la propagande, les États-Unis ne sont pas des ennemis aussi redoutables que certains voudraient le faire croire.
Pourquoi personne ne semble en être conscient
Le paradoxe est que, bien que ce soit tout à fait compris dans les pays que les États-Unis tentent actuellement de menacer et de pousser à la soumission, c’est aussi totalement ignoré et négligé à l’intérieur des États-Unis eux-mêmes. La plupart des Américains, même les mieux informés, croient sincèrement que leurs forces armées sont « inégalées » et que les États-Unis pourraient écraser n’importe quel ennemi qui oserait désobéir ou défier l’Empire anglosioniste. Généralement, lorsque des preuves sont apportées que l’US Air Force, l’US Navy et l’OTAN n’ont même pas pu vaincre l’armée serbe au Kosovo ou qu’en Afghanistan les performances militaires américaines sont très inférieures à ce que la 40e Armée soviétique a réalisé (avec principalement des conscrits !), mes interlocuteurs répondent toujours la même chose : « Ouais, peut-être, mais si nous voulions, nous pourrions les atomiser ! » C’est à la fois vrai et faux. Les pays qui sont des cibles nucléaires potentielles pour les États-Unis peuvent être répartis en trois catégories :
Les pays qui, s’ils sont frappés par des armes nucléaires, pourraient totalement effacer les États-Unis de la surface de la terre (la Russie) ou, au moins, leur infliger d’immenses dommages (la Chine).
Les pays que les États-Unis pourraient frapper avec des armes nucléaires sans craindre des représailles, mais qui pourraient toujours infliger d’énormes dommages conventionnels et asymétriques à eux et à leurs alliés (l’Iran, la RPDC).
Les pays que les États-Unis pourraient atomiser relativement impunément mais qu’ils pourraient également écraser avec des forces conventionnelles, rendant l’usage d’armes atomiques inutile (le Venezuela, Cuba).
Et, bien sûr, dans tous ces cas, la première utilisation d’armes atomiques par les États-Unis provoquerait un formidable contre-coup politique avec des conséquences totalement imprévisibles et potentiellement catastrophiques. Par exemple, je crois personnellement qu’utiliser des armes atomiques contre l’Iran marquerait la fin de l’OTAN en Europe car un tel acte nuirait irrémédiablement aux relations entre l’UE et les États-Unis. De même, utiliser des armes atomiques contre la RPDC provoquerait une énorme crise en Asie avec, potentiellement, la fermeture des bases américaines en Corée et au Japon. Il ne fait aucun doute que d’autres ne seraient pas d’accord.
Résultat : les armes nucléaires américaines ne sont utiles que comme moyen de dissuasion contre d’autres puissances nucléaires ; pour tous les autres rôles, elles sont fondamentalement inutiles. Et puisque ni la Russie ni la Chine n’envisageraient jamais de frapper les premières les États-Unis, vous pourriez dire qu’elles sont presque totalement inutiles (je dis presque, parce que dans le monde réel, les États-Unis ne peuvent pas simplement se reposer sur la santé mentale et la bonne volonté d’autres nations ; donc, en réalité, leur arsenal nucléaire est vraiment une composante vitale de leur sécurité nationale).
Ce qui laisse la Marine et l’armée. La Marine contrôle déjà la haute mer et les points de passage stratégiques, mais cela devient de plus en plus insignifiant, en particulier dans le contexte de guerres locales. D’ailleurs, la Marine US reste obstinément centrée sur les porte-avions, ce qui montre que la vision stratégique arrive loin derrière l’inertie bureaucratique et institutionnelle. Quant à l’armée américaine, elle est devenue depuis longtemps une sorte de force de soutien aux Opérations spéciales et aux Marines, quelque chose qui a du sens dans les guerres mineures (Panama, peut-être le Venezuela), mais qui est totalement inadapté pour les guerres de moyennes et de grandes intensités.
Qu’en est-il du fait que les États-Unis dépensent plus pour leur « défense » (lire « guerres d’agression ») que tout le reste de la planète ? Cela doit sûrement compter pour quelque chose.
En fait non, cela ne compte pas. Tout d’abord parce que la plus grande partie de cet argent est dépensé pour gonfler les poches de toute une classe de parasites du complexe militaro-industriel qui se font des milliards de dollars grâce à l’« aubaine » que constitue ce budget de « défense » ridiculement gonflé. La réalité jamais mentionnée est que, comparé aux États-Unis, même la hiérarchie militaire ukrainienne a l’air seulement « modérément corrompue » !
Ma réponse a été brève : « Fondamentalement oui. Les États-Unis ont certainement l’avantage quantitatif, mais en termes de qualité et de formation, la Russie est en avance. Tout cela dépend de scénarios spécifiques, mais oui, PCR est tout à fait pertinent. » Cet échange de courriels a eu lieu après une rencontre intéressante que j’ai eue avec un ami américain bien informé qui, contrairement à PCR, insistait sur le fait que les États-Unis avaient une suprématie totale sur tous les autres pays et que la seule chose les retenant de faire usage de leur force militaire écrasante était peut-être que les dirigeants américains ne croyaient pas à « l’usage brutal et illimité de la force ». Donc que se passe-t-il ici ? Pourquoi des personnes généralement très bien informées ont-elles des points de vue aussi contradictoires ?
D’abord, un avertissement. Pour parler avec une quelconque autorité de ce sujet, je devrais avoir accès à de nombreuses données classifiées, tant sur les forces armées américaines que sur les russes. Hélas, je n’y ai pas accès. Donc ce qui suit est entièrement basé sur des sources accessibles au public, des conversations avec certains contacts personnels mêlés, disons, à des hypothèses éclairées. Pourtant, j’ai confiance que ce qui suit est factuellement correct et analysé de manière logique.
Pour résumer l’état actuel des choses, je dirais que le fait que les forces armées étasuniennes soient dans un grave état de décomposition n’est pas en soi aussi surprenant que le fait que cet état presque impossible à cacher est presque universellement ignoré. Donc séparons les deux choses en « ce qui s’est passé » et « pourquoi personne ne semble en être conscient ».
Ce qui s’est passé
Commençons par le commencement : les forces armées étasuniennes n’ont jamais été la force invincible que la propagande américaine (y compris Hollywood) voudrait vous faire croire qu’elles étaient. J’ai examiné le rôle des Alliés occidentaux dans ma « Lettre à mes amis américains » et je ne répéterai pas tout ici. Disons seulement que le plus grand avantage que les États-Unis ont eu sur tous les autres pendant la Seconde Guerre mondiale est une base industrielle totalement intacte qui a permis de produire un nombre incroyable d’armes et d’équipements dans des conditions proches de l’idéal. Certains Américains « patriotes », pour le dire gentiment, ont interprété cela comme un signe de la « vigueur » et de la « supériorité » de l’organisation économique capitaliste alors qu’en réalité, c’était tout simplement le résultat direct du fait que les États-Unis étaient protégés par deux immenses océans (les Soviétiques, en revanche, ont dû déplacer toute leur base industrielle en Oural et au-delà, et que les Allemands ont dû produire sous des bombardements incessants). Le résultat a été le suivant : les forces américaines étaient mieux équipées (quantitativement et parfois aussi qualitativement) que les autres et elles pouvaient concentrer leur puissance de feu dans une mesure difficile à atteindre pour leurs ennemis. Et oui, cela a conféré un fort avantage aux forces étasuniennes, mais les a à peine rendues « meilleures » en soi.
Après la Seconde Guerre mondiale, les États-Unis étaient le seul grand pays industrialisé sur la planète dont l’industrie n’avait pas été réduite à néant, et pendant les quelques décennies qui ont suivi, ils ont joui d’une situation de monopole quasi total. Cela, de nouveau, a énormément profité à leurs forces armées, mais il est bientôt devenu clair, en Corée et au Vietnam, que cet avantage, quoique réel, n’aboutissait pas nécessairement à une victoire américaine. Après le Vietnam, les politiciens étasuniens ont essentiellement limité leurs agressions à des pays beaucoup plus petits, qui n’avaient absolument aucune chance de résister de manière significative, encore moins de vaincre. Si nous examinons la liste des agressions militaires des États-Unis après le Vietnam (voir ici et ici), nous voyons clairement que l’armée américaine s’est spécialisée dans l’attaque de pays sans défense.
Il y a eu ensuite l’effondrement de l’Union soviétique, la Première guerre du Golfe et la Guerre mondiale contre le terrorisme lorsque les politiciens américains croyaient à l’évidence à leur propre propagande sur le fait qu’ils étaient « l’unique superpuissance » ou une « hyperpuissance » et qu’ils se sont engagés dans des attaques militaires potentiellement beaucoup plus complexes, dont l’invasion à grande échelle de l’Afghanistan et de l’Irak. Ces guerres passeront dans l’histoire comme cas d’école de ce qui arrive lorsque des politiciens croient à leur propre propagande. Alors que Dobelyou a proclamé la victoire sitôt l’invasion achevée, il est rapidement devenu clair pour tout le monde que cette guerre était un désastre dont les États-Unis s’étaient révélés incapables de se sortir (même les Soviétiques en avaient tiré les conclusions et se sont retirés d’Afghanistan plus rapidement que les Américains !). Alors qu’est-ce que cela nous dit sur les forces armées étasuniennes (sans ordre particulier) :
Elles sont grandes, beaucoup plus grandes que toutes les autres.
Elles ont des capacités de projection (de mobilité) inégalées (dans le monde entier).
Elles sont riches de haute technologie, ce qui leur procure un grand avantage dans certains types de conflits.
Elles ont les moyens (armes nucléaires) d’effacer n’importe quel pays de la surface de la terre.
Elles contrôlent les océans et les points de passage stratégiques.
Est-ce suffisant pour gagner une guerre ?
En fait non, cela ne suffit pas. Tout ce qu’il faut pour annuler ces avantages, c’est un ennemi qui en a conscience et qui refuse de mener ce que j’appelle « le style de guerre américain » (sur ce concept, voir ici). Les récentes guerres au Liban, au Kosovo, en Afghanistan et en Irak ont clairement montré que des tactiques bien adaptées enlèvent la plupart du temps aux forces armées américaines les avantages énumérés ci-dessus ou, du moins, les rendent inopérants.
Si nous acceptons la thèse de Clausewitz disant que « la guerre est la continuation de la politique par d’autres moyens », il devient clair que les États-Unis n’ont pas gagné de véritable guerre depuis longtemps et que la liste des pays prêts à défier ouvertement Oncle Sam augmente constamment (et comprend maintenant non seulement l’Iran et la RPDC, mais aussi l’Afghanistan, l’Irak, le Yémen, la Syrie, le Venezuela et même la Russie et la Chine). Cela signifie que parmi les pays que les États-Unis essaient de menacer et d’intimider pour les soumettre, un consensus émerge voulant que malgré toutes leurs menaces et la propagande, les États-Unis ne sont pas des ennemis aussi redoutables que certains voudraient le faire croire.
Pourquoi personne ne semble en être conscient
Le paradoxe est que, bien que ce soit tout à fait compris dans les pays que les États-Unis tentent actuellement de menacer et de pousser à la soumission, c’est aussi totalement ignoré et négligé à l’intérieur des États-Unis eux-mêmes. La plupart des Américains, même les mieux informés, croient sincèrement que leurs forces armées sont « inégalées » et que les États-Unis pourraient écraser n’importe quel ennemi qui oserait désobéir ou défier l’Empire anglosioniste. Généralement, lorsque des preuves sont apportées que l’US Air Force, l’US Navy et l’OTAN n’ont même pas pu vaincre l’armée serbe au Kosovo ou qu’en Afghanistan les performances militaires américaines sont très inférieures à ce que la 40e Armée soviétique a réalisé (avec principalement des conscrits !), mes interlocuteurs répondent toujours la même chose : « Ouais, peut-être, mais si nous voulions, nous pourrions les atomiser ! » C’est à la fois vrai et faux. Les pays qui sont des cibles nucléaires potentielles pour les États-Unis peuvent être répartis en trois catégories :
Les pays qui, s’ils sont frappés par des armes nucléaires, pourraient totalement effacer les États-Unis de la surface de la terre (la Russie) ou, au moins, leur infliger d’immenses dommages (la Chine).
Les pays que les États-Unis pourraient frapper avec des armes nucléaires sans craindre des représailles, mais qui pourraient toujours infliger d’énormes dommages conventionnels et asymétriques à eux et à leurs alliés (l’Iran, la RPDC).
Les pays que les États-Unis pourraient atomiser relativement impunément mais qu’ils pourraient également écraser avec des forces conventionnelles, rendant l’usage d’armes atomiques inutile (le Venezuela, Cuba).
Et, bien sûr, dans tous ces cas, la première utilisation d’armes atomiques par les États-Unis provoquerait un formidable contre-coup politique avec des conséquences totalement imprévisibles et potentiellement catastrophiques. Par exemple, je crois personnellement qu’utiliser des armes atomiques contre l’Iran marquerait la fin de l’OTAN en Europe car un tel acte nuirait irrémédiablement aux relations entre l’UE et les États-Unis. De même, utiliser des armes atomiques contre la RPDC provoquerait une énorme crise en Asie avec, potentiellement, la fermeture des bases américaines en Corée et au Japon. Il ne fait aucun doute que d’autres ne seraient pas d’accord.
Résultat : les armes nucléaires américaines ne sont utiles que comme moyen de dissuasion contre d’autres puissances nucléaires ; pour tous les autres rôles, elles sont fondamentalement inutiles. Et puisque ni la Russie ni la Chine n’envisageraient jamais de frapper les premières les États-Unis, vous pourriez dire qu’elles sont presque totalement inutiles (je dis presque, parce que dans le monde réel, les États-Unis ne peuvent pas simplement se reposer sur la santé mentale et la bonne volonté d’autres nations ; donc, en réalité, leur arsenal nucléaire est vraiment une composante vitale de leur sécurité nationale).
Ce qui laisse la Marine et l’armée. La Marine contrôle déjà la haute mer et les points de passage stratégiques, mais cela devient de plus en plus insignifiant, en particulier dans le contexte de guerres locales. D’ailleurs, la Marine US reste obstinément centrée sur les porte-avions, ce qui montre que la vision stratégique arrive loin derrière l’inertie bureaucratique et institutionnelle. Quant à l’armée américaine, elle est devenue depuis longtemps une sorte de force de soutien aux Opérations spéciales et aux Marines, quelque chose qui a du sens dans les guerres mineures (Panama, peut-être le Venezuela), mais qui est totalement inadapté pour les guerres de moyennes et de grandes intensités.
Qu’en est-il du fait que les États-Unis dépensent plus pour leur « défense » (lire « guerres d’agression ») que tout le reste de la planète ? Cela doit sûrement compter pour quelque chose.
En fait non, cela ne compte pas. Tout d’abord parce que la plus grande partie de cet argent est dépensé pour gonfler les poches de toute une classe de parasites du complexe militaro-industriel qui se font des milliards de dollars grâce à l’« aubaine » que constitue ce budget de « défense » ridiculement gonflé. La réalité jamais mentionnée est que, comparé aux États-Unis, même la hiérarchie militaire ukrainienne a l’air seulement « modérément corrompue » !
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