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Liban : défaillance institutionnelle et ingérence étrangère

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  • Liban : défaillance institutionnelle et ingérence étrangère

    Quelle lecture peut-on faire de la crise libanaise actuelle ?

    Par Amir Mastouri.

    Quoique n’étant pas formellement conforme à la Constitution de la République Libanaise, la démission du Premier ministre Saad Hariri continue à produire ses effets politiques : confusion chez l’opinion publique libanaise, inquiétude internationale, et tension entre les géants saoudien et iranien.

    La crise actuelle vient lever le voile sur des problématiques que les protagonistes ont fait semblant de jeter à l’oubli pendant la courte vie de la coalition gouvernementale dirigée par l’homme d’affaires. Souveraineté, ingérence étrangère, et sectarisme, autant de quasi-tabous qui font revenir le fantôme de la guerre civile.

    Quelle lecture peut-on faire de la crise libanaise actuelle ?

    UN PAYS ASPHYXIÉ PAR L’INGÉRENCE ÉTRANGÈRE

    Le Premier ministre démissionnaire est à la fois citoyen libanais, saoudien, et français. Sa situation personnelle traduit pertinemment la mise à genou de l’État libanais devant une ingérence étrangère flagrante. D’ailleurs, sa démission s’insère dans un contexte de tension entre deux forces régionales, à savoir l’Iran et l’Arabie-Saoudite.

    De son côté, l’Arabie-Saoudite ambitionne de sécuriser le leadership qu’elle exerce sur l’Axe arabo-sunnite, en faisant sortir le Liban de la sphère d’influence iranienne. En ce qui la concerne, Téhéran, allié stratégique de Moscou, veut s’affirmer en tant qu’acteur géopolitique incontournable, en renforçant sa présence au Liban, en Syrie, à Gaza, au Yémen, voire au Bahreïn.

    Si le Liban accepte de s’aligner sur la position iranienne-ce que veut le Hezbollah-il risque d’être téléguidé par le Guide suprême de la Révolution islamique, depuis Téhéran. La Révolution de 1979 aura ainsi achevé sa deuxième mission qui fut stoppée par Saddam Hussein, celle d’exporter le modèle révolutionnaire chiite vers d’autres pays de la région.

    Si le Liban choisit de s’aligner sur la position saoudienne-ce que veut Saad Hariri- il risque de devenir un espace V.I.P réservé aux seuls Saoudiens, Israéliens et Américains. Tel-Aviv aura dans ce cas la possibilité de faire mainmise sur le pays, et pourra plus facilement exterminer toute forme de résistance à son projet expansionniste dans la région.

    De ce fait, le Liban devrait rester neutre. C’est sa neutralité qui assurera sa pérennité. Cependant, cela est très difficile à mettre en œuvre, car l’imbrication des intérêts étrangers dans le pays est d’une complexité telle qu’une remise à zéro ne sera tolérée.

    LA PROBLÉMATIQUE DU HEZBOLLAH

    Il ne fait aucun doute que le Hezbollah est aujourd’hui au centre de la crise politique libanaise. Certains pensent que toute solution excluant ce parti serait inéluctablement vouée à l’échec, puisqu’il représente les chiites. D’autres considèrent que le Liban serait en paix, si on parvenait à une démilitarisation totale du Hezbollah.

    En effet, le Hezbollah, parce qu’il fut une création iranienne, ne peut disparaître qu’avec le consentement de Téhéran. Plus précisément, la libanisation du Hezbollah est conditionnée par la disparition des raisons ayant produit sa naissance.

    Autrement dit, pour que le Hezbollah disparaisse en tant que force militaire, il faut que celui qui l’a créé, le finance et l’arme soit disparaisse lui-même, soit abandonne sa voie expansionniste. Or, en l’état, l’Iran ne semble ni devoir ni vouloir changer de stratégie. Mieux encore, le Nuclear Deal est venu stabiliser la position de la République Islamique, voire la consolider.

    LE HEZBOLLAH PUISSAMMENT ARMÉ

    De plus, l’émergence du Hezbollah en tant que puissance militaire régionale se justifie par l’attachement de Tel-Aviv à sa philosophie expansionniste fondatrice. Ainsi, même 17 ans après le retrait complet de ses forces du Sud Libanais, la menace israélienne demeure et persiste.

    En présence d’un Hezbollah puissamment armé, il serait quasi-inconcevable que les tanks israéliens puissent se promener tranquillement dans les rues de Beyrouth, comme c’était le cas en 1982.

    Toutefois, cela ne devrait pas mener à conclure que le Hezbollah est effectivement un phénomène sain. En principe, la force militaire est du domaine exclusif de l’État. Aucune entité extérieure à l’État n’est habilitée à détenir des armes, encore moins une armée.

    Ici, on est en face d’un cas très exceptionnel, et donc, anormal. D’ailleurs, la seule présence d’une armée différente de l’armée officielle, rend nécessairement défaillant l’État au Liban. C’est l’existence même de cet État qui est en jeu. Le Hezbollah incarne donc une situation maladive qui aura été permise par la nature sectaire de la construction politique du Liban postcolonial.

    L’accord de Taëf, sur la base duquel est régie la répartition du pouvoir politique au Liban depuis 1989, s’effiloche progressivement. Ce compromis caractérise une défaillance institutionnelle qui rend confus l’avenir du pays.

    Pour bâtir un État libanais souverain fondé non sur le sectarisme, mais sur la citoyenneté, des principes fondateurs nouveaux devront être conçus. Néanmoins, cette ambition ne sera concrétisée qu’à la seule condition que les acteurs étrangers se retirent volontairement du théâtre libanais.

    CONCLUSION

    L’Histoire politique du Liban n’est qu’une série d’événements périodiquement répétés. L’instabilité politique, ajoutée à une menace quasi-imminente de guerre, entraînent bien des difficultés économiques. Le tout vient faire état d’un échec global dépassant le seul aspect politique. Cet échec, seule la population libanaise continuera malheureusement à en payer le prix jusqu’à nouvel ordre.


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