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L'Afrique se libère-t-elle progressivement de ses vieux dirigeants ?

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  • L'Afrique se libère-t-elle progressivement de ses vieux dirigeants ?

    INTERVIEW - Avec le Zimbabwe, trois pays en 2017 ont dit adieu à des présidents en poste depuis plus de vingt ans. Mariane Séverin, politologue, revient sur cette progressive tendance vers l'alternance politique, qu'il convient de prendre avec des pincettes.
    Et de trois. Après José Eduardo dos Santos qui a renoncé au pouvoir en Angola après 38 années de pouvoir en août dernier et Yahya Jammeh, dirigeant de la Gambie pendant 23 ans, Robert Mugabe est le troisième «vieux lion africain» à dire adieu au pouvoir en 2017. Dans chacun des cas, leur départ ne s'est pas effectué dans les mêmes conditions: intervention de l'armée ou non, répression de la population... Ils témoignent néanmoins d'une usure du pouvoir visible lorsque les dirigeants sont en poste depuis des décennies. Interrogée par Le Figaro, Mariane Séverin, chercheuse associée au laboratoire Les Afriques dans le Monde à Science Po Bordeaux, analyse cette progressive tendance vers l'alternance démocratique. Mais la politologue rappelle que la présence d'institutions stables et d'une société civile active est loin d'être un acquis dans la majorité des pays africains.
    INTERVIEW - Avec le Zimbabwe, trois pays en 2017 ont dit adieu à des présidents en poste depuis plus de vingt ans. Mariane Séverin, politologue, revient sur cette progressive tendance vers l'alternance politique, qu'il convient de prendre avec des pincettes.

    Et de trois. Après José Eduardo dos Santos qui a renoncé au pouvoir en Angola après 38 années de pouvoir en août dernier et Yahya Jammeh, dirigeant de la Gambie pendant 23 ans, Robert Mugabe est le troisième «vieux lion africain» à dire adieu au pouvoir en 2017. Dans chacun des cas, leur départ ne s'est pas effectué dans les mêmes conditions: intervention de l'armée ou non, répression de la population... Ils témoignent néanmoins d'une usure du pouvoir visible lorsque les dirigeants sont en poste depuis des décennies. Interrogée par Le Figaro, Mariane Séverin, chercheuse associée au laboratoire Les Afriques dans le Monde à Science Po Bordeaux, analyse cette progressive tendance vers l'alternance démocratique. Mais la politologue rappelle que la présence d'institutions stables et d'une société civile active est loin d'être un acquis dans la majorité des pays africains.

    LE FIGARO - Peut-on faire un lien entre la chute de Mugabe, celle de dos Santos et celle de Jammeh?

    Mariane SEVERIN - Le départ de Mugabe est avant tout le résultat d'un concours de circonstances. Il y avait des différends entre les dirigeants du parti au pouvoir, des personnes complètement corrompues. Le taux de chômage du pays dépasse les 90% et Mugabe cumulait plus de richesses que son propre pays. L'importance de l'armée a aussi été primordiale puisque les généraux avaient assez de légitimité pour pouvoir passer à l'action.
    En Angola, le président a lui-même renoncé à se présenter. Tandis qu'en Gambie, Yahya Jammeh a contesté sa défaite, instauré un état d'urgence débouchant sur une intervention de l'armée sénégalaise. Les situations ne sont donc pas forcément comparables et il est utile de prendre en considération le facteur humain, la réaction des dirigeants eux-mêmes.

    Est-ce une bonne nouvelle pour l'alternance démocratique dans le pays, et plus généralement en Afrique?

    C'est un frémissement, un signal encourageant qui indique que les choses sont en train de changer. Mais il faut être prudent et attendre une véritable transition démocratique avant de crier victoire. Emmerson Mnangagwa, qui prend la succession de Mugabe, était très proche de lui. C'est en partie lui qui l'a poussé à rester autant d'années! Et éloigner un homme de 93 ans du pouvoir pour installer quelqu'un de 75 ans, qui pourrait rester au moins 20 ans, ce n'est pas forcément une bonne nouvelle. Il est utile de regarder maintenant ce qu'il va se passer dans le pays. Va-t-il y avoir un renouvellement de l'élite au pouvoir? Un changement du système politique?

    La chute de Mugabe a-t-elle été bien accueillie dans le reste du continent?

    Depuis le début de la crise au Zimbabwe, j'observe ce qui se dit sur les réseaux sociaux. J'ai été particulièrement étonnée de la virulence d'une partie de l'Afrique francophone pour qui Robert Mugabe était un père de la nation, un révolutionnaire. Ces gens-là voient d'un mauvais oeil ce départ. Ils ont aussi, évidemment, en tête l'exemple de la Libye et ce qu'il se passe depuis la chute de Kadhafi. Il faut avoir conscience que dans certains pays c'est la peur de l'inconnu qui domine.

    Au Cameroun par exemple, où Paul Biya est au pouvoir depuis 35 ans, le sentiment de la population est partagé entre fatalisme et peur. Une peur suscitée par le terrorisme de Boko Haram, qui fait préférer la stabilité sans démocratie plutôt que la terreur des djihadistes.

    Mais à l'inverse, les exemples de la Tunisie, du Burkina Faso ou du Bénin sont encourageants...

    Oui, il y a un mouvement de fond de démocratisation du continent, c'est évident. Mais cela prend du temps. Au Burkina Faso, Roch Marc Christian Kaboré est arrivé en 2015, après le soulèvement de la population contre le président Blaise Compaoré, à la tête du pays pendant 27 ans. Il y a eu de la violence, des affrontements, mais le pays avance. La chute de Mugabe est un vrai élan d'espoir pour beaucoup d'Africains qui se trouvent dans la même situation. Je pense notamment au Togo, où depuis plusieurs semaines des manifestants se mobilisent contre le président Faure Gnassingbé Eyadema, au pouvoir depuis 12 ans. Les choses évoluent mais il ne faut pas oublier d'observer les événements sur le long cours. Tout ne se fera pas en quelques années, comme en France, après la Révolution Française.

    Avec onze dirigeants africains au pouvoir depuis plus de 15 ans, la chute de Mugabe pourrait avoir un effet domino. Quels autres pays faut-il surveiller ces prochains mois?

    Tous les pays entrant en période préélectorale! L'Afrique du Sud élira en 2019 un nouveau président et la campagne pour diriger les partis débute dès maintenant. Nkosazana Dlamini-Zuma, la femme du président Jacob Zuma tente de s'imposer à la tête de l'ANC (African National Congress), parti majoritaire. Au Zimbabwe, la chute du président est également due aux ambitions de sa femme, Grâce Mugabe, qui s'immisçait de plus en plus en politique. La présence de l'épouse de Jacob Zuma pourrait donc faire monter la grogne. En octobre 2018, le Cameroun procédera également a des élections présidentielles sous tension.
    À l'image de l'Afrique du Sud, il faut également avoir à l'oeil les pays où la société civile se mobilise contre les abus de l'État ou du secteur privé. Par exemple au Kenya, où le pays est sous tension depuis plusieurs semaines après la réélection contestée d'Uhuru Kenyatta.

    LE FIGARO.fr
    Dernière modification par azed164, 24 novembre 2017, 14h40.
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