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LIBYE – Risques de conflagration dans le Croissant pétrolier

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  • LIBYE – Risques de conflagration dans le Croissant pétrolier

    Malgré l’expulsion de l’État islamique (EI) en Libye de Syrte et Benghazi en 2016 déjà, le groupe terroriste a commencé à se réorganiser et a pu attaquer à la fois l’Armée nationale libyenne (ANL – fidèle à l’homme fort de l’est du pays, le maréchal Khalifa Haftar, qui règne à Benghazi) et les milices de Misrata. En mai 2017, le groupe a pris pour cible un convoi appartenant à la Troisième Force de Misrata (une milice controversée soupçonnée de crimes de guerre lors du « massacre de Brak al-Shati », base aérienne du sud-libyen où, le 18 mai 2017, la Troisième Force tua 134 personnes dans les rangs de l’ANL et parmi les civils, plusieurs militaires ayant été tout simplement exécutés)


    Depuis l’été 2017, l’EI sévit dans une zone située entre les terminaux pétroliers d’as-Sidra / Ras Lanuf et Syrte en effectuant des patrouilles de sécurité, en établissant des points de contrôle et en menant des attaques par embuscades et avec des IED (engins explosifs improvisés). Fin septembre 2017, 17 militants de l’EI ont été tués dans des frappes de drones armés de l’US Air Force dans un camp situé à 240 km au sud-est de Syrte. Le 4 octobre, l’État islamique a revendiqué l’attentat suicide contre un complexe judiciaire de la ville libyenne de Misrata en tuant au moins quatre personnes et en blessant près de 40…

    Ces attaques montrent que l’EI a encore la capacité de lancer des opérations terroristes à plus grande échelle. Plus récemment, les 17 et 19 novembre 2017, les forces américaines ont mené deux frappes aériennes de drones près de Fuqaha, dans le centre de la Libye, contre des militants de l’EI, en coordination avec le Gouvernement d’Accord national (GNA) qui règne à Tripoli et contrôle l’ouest du pays.

    Malgré la résurgence de l’État islamique et l’envoi de renforts par l’ANL et les milices d’al-Bunyan al-Marsous dans une zone située entre Syrte et les terminaux pétroliers, le gouvernement de Tripoli et le maréchal Haftar, les deux forces principales qui se partagent le contrôle de la Libye, ne parviennent pas à un rapprochement au sein d’une « salle d’opération commune » pour combattre le même ennemi. Au contraire, les tensions augmentent alors que de nouveaux massacres et crimes de guerre sont commis par les deux camps. En effet, alors que des exécutions extrajudiciaires semblent avoir eu lieu fin octobre 2017 dans le district d’Al-Abyar (situé à 50 km à l’est de Benghazi), où 36 hommes ont été tués dans un style d’exécution en général attribué au major Mahmoud Al-Warfali (un officier des forces spéciales al-Saiqa, une unité des forces spéciales de l’ANL), déjà sous mandat d’arrestation pour crimes de guerre par la CPI, les forces affiliées au GNA sont quant à elles accusées d’avoir tué 28 personnes (dont des soldats de l’ANL) au sud-ouest de Tripoli, à Wershafana, après des combats entre les forces du Conseil militaire de Zintan et la Quatrième Brigade de l’ANL…

    À cela, il faut ajouter le massacre de 20 civils à Derna, lorsque l’armée de l’air égyptienne a effectué des frappes aériennes sur la position de prétendus militants prêts à rejoindre l’EI et à traverser la frontière égypto-libyenne.

    La dynamique actuelle fait le jeu des groupes extrémistes, en particulier de l’État islamique, mais aussi des groupes liés à Al-Qaïda. La crainte d’une attaque sur les infrastructures du croissant pétrolier inquiète le gouvernement de l’est libyen (Benghazi/Tobrouk), comme l’a indiqué le porte-parole de l’ANL fin septembre 2017 déjà.

    Une telle menace semble de plus en plus plausible, tandis que la force aérienne de l’ANL intensifie ses missions de reconnaissance et mène des raids contre des militants présumés de l’EI et contre des convois de véhicules au sud de Ras Lanouf. Les dernières frappes aériennes ont eu lieu le 15 novembre 2017, contre une installation de stockage et une cache situées à 90 km au sud de Harawah.

    Par le passé, les infrastructures du Croissant pétrolier ont été attaquées à plusieurs reprises par des groupes armés, comme la Saraya Defend Benghazi (SDB – également connue sous le nom de Brigade de Défense de Benghazi), une milice islamiste liée à al-Qaïda qui s’est formée en juin 2016, en coordination avec des membres de la Garde des Installations pétrolières (PFG) d’Ibrahim Jadhran. Début décembre 2016, un convoi d’environ 150 véhicules a quitté al-Jufrah dans le centre de la Libye et s’est scindé en deux sections à l’approche du Croissant pétrolier. Une des deux sections du convoi a attaqué Nofaliya, puis la ville de Bin Jawad, située à une trentaine de km à l’ouest d’as-Sider ; et l’autre section s’est précipitée pour rentrer directement au contact des forces terrestres de l’ANL, apparemment pour rendre plus difficile les frappes des hélicoptères et Migs de Haftar qui auraient pu mettre en danger les forces amies. Malgré cela, l’aviation de l’ANL a frappé fort et a repoussé l’attaque. Trois mois plus tard, un convoi de 50 véhicules de la SDB, incluant des membres de la PFG et de la Brigade al-Marsa de Misrata a attaqué simultanément an-Nawfaliya, Bin Jawad, as-Sider et Ras Lanouf. Il semble que le convoi n’ait pas été détecté, bien que les Émirats Arabes Unis aient déployé des drones Wing Loong sur la base aérienne libyenne d’al-Khadim afin de soutenir Haftar. L’offensive de la SDB a pris Haftar (et même le monde) au dépourvu ; surtout si l’on considère les efforts de Haftar pour renforcer ses positions dans le Croissant pétrolier depuis l’assaut précédent. Mais cette fois-ci, les assaillants sont parvenus à capturer leurs objectifs. Dix jours plus tard, après plusieurs contre-attaques, l’ANL reprenait les villes une par une, ainsi que l’aéroport de Ras Lanouf, avec le soutien aérien probable des Émirats Arabes Unis ou de l’Égypte (ou des deux), puisque l’ANL était (et est toujours) à court de force aérienne.

    L’Égypte ne cache plus son soutien direct au gouvernement de Tobrouk. Fin mai, en utilisant comme prétexte les assassinats de 28 chrétiens coptes dans un monastère de la province égyptienne de Minya, l’armée de l’air égyptienne a effectué de nombreux raids aériens contre le Conseil de la Shura des Mujahideen de Derna (DMSC – une coalition de milices islamistes affiliée à Al-Qaïda formée en décembre 2014) et Hun (le bastion de la SDB), dans la région d’al-Jufrah.

    Le Caire a accusé le DMSC d’avoir soutenu l’attaque de l’EI, bien que ce soit ce même DMSC qui ait chassé Daech de Derna en 2015… Suite aux multiples pertes au sein de son armée de l’air (principalement dues à des problèmes techniques sur des avions anciens), l’ANL n’a plus la capacité de contrer seule une future attaque sur les terminaux pétroliers.

    Une conflagration dans le Croissant pétrolier ramènerait la Libye à la situation d’il y a trois ans. Des véhicules suicides de l’État islamique qui attaqueraient Ras Lanuf ou es-Sider pourraient mettre en feu des réservoirs de stockage de pétrole. D’autre part, un nouvel assaut maritime de prétendus militants de l’EI (comme tenté en janvier 2016 sur le port pétrolier de Zueitina) semble improbable puisque les hélicoptères de surveillance maritime de l’ANL (notamment les Agusta A109 et les Mi-35) patrouillent en permanence le long de la côte.

    Néanmoins, une série d’attaques coordonnées à différents points stratégiques ne peut être exclue avant la fin de l’année 2017…

    le courrier du Maghreb et de l'orient
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