Les Saoud et leurs alliés et complices israéliens se croient investis pour l’éternité. En réalité, ils sont en sursis car ils ne disposent que d’un bail emphytéotique qui, en toute logique, pourrait fort bien expirer avant 2023 pour les premiers et 2047 pour les seconds. D'où la tentation du pire pour se maintenir ?
Le monde arabo-musulman n’est pas seulement partagé entre chiites et sunnites mais entre peuples, nations et courants dynastiques rivaux. Et ce n’est pas parce que les Ibn Saoud règnent sur l’Arabie depuis 1924 que l’Arabie sera toujours saoudite. Les Saoud le savent plus que tous autres et l’agitation qui y prévaut au plus haut niveau depuis que le prince Salman en a pris les rênes ne relève pas, à mon sens, d’une stratégie offensive mais défensive. Eux qui, dans le passé, n’ont jamais régné autrement que par la violence, ont pu s’en passer pendant leurs trente glorieuses, c’est-à-dire, au temps où les pétrodollars coulaient à flots et où les pays arabes étaient tous unis contre Israël. Depuis l’intervention américaine de 1991 contre Saddam Hussein, à laquelle ils ont prêté la main en permettant à l’US Army d’ouvrir des bases sur son territoire, ils se sont mis à dos la quasi-totalité des Musulmans, y compris en Arabie même. Pour mémoire, il y eut dans le pays des attentats inspirés par Ben Laden dès 1993 pour protester contre ce qu’il considérait comme le viol d’un territoire sacré par « les infidèles ». Les Saoud et leurs alliés/complices israéliens se croient investis pour l’éternité. Or, du point de vue des peuples auxquels ils se sont imposés, ils sont illégitimes au regard de l'Histoire. Les Saoudiens se sont imposés par la force en contravention avec une tradition coranique : seuls les membres de la famille du Prophète ont, selon ses adeptes, le droit de régner sur les lieux saints de l'Islam. Les Israéliens, eux, reposent leur revendication d'un état juif sur la promesse biblique d'une "Terre promise". En réalité, ils sont en sursis car ils ne disposent que d’un bail emphytéotique qui, en toute logique, pourrait fort bien expirer avant 2023 pour les premiers et 2047 pour les seconds. En effet, cette tradition coranique et cette promesse biblique n'engagent que ceux qui s'en prévalent.
L’Arabie saoudite sous sa forme actuelle n’existe que depuis moins d’un siècle. Sa création fut la conséquence de près de deux siècles de conflits qui ont, depuis le pacte entre Mohammed ibn Saoud et le prédicateur salafiste Mohammed ibn Abdelwahab en 1744, opposé les trois clans les plus puissants de la péninsule : les Chamars, dont la famille la plus importante, les Al Rachid, régnait sur le Haïl, les Quraïch du Hedjaz, auquel appartenait le Chérif de la Mecque Hussein Ben Ali, et les Banu Hanifa du Nejd dont la famille Saoud fait partie. Ces trois tribus ont essaimé partout au Levant et en Afrique du Nord.
La première fois que les Wahhabites se sont emparés des lieux saints, ils ne tinrent que huit ans, de 1808 à 1816, les Ottomans les ayant poursuivis jusqu’à leur capitale, al-Diriyah qu’ils détruisirent en 1818. Le deuxième royaume saoudien, confiné aux alentours de Ryad, tint soixante-sept ans. Finalement vaincus par l'émir d'Haïl Mohammed ben Abdallah Al Rachid en 1891, les survivants de la dynastie se réfugièrent au Koweït sous contrôle britannique. De là, Abdelaziz ben Abderrahmane Al Saoud reprit l’offensive en 1902 et s’empara de Riyad puis des provinces proches du Qasim (Buraydah) et du Hasa (Al-Hasa), obtenant ainsi la reconnaissance du Sultan ottoman comme wali (préfet) du Nejd en 1914. La suite est mieux connue : c’est, à partir de 1921, la reconquête de l’oasis du Haïl aux dépens du clan Al Rachid puis la guerre contre les Hachémites qui se conclut avec la défaite d’Hussein en 1924.
Chassé d’Arabie, Hussein ben Ali se réfugia en Transjordanie, elle aussi sous protectorat britannique. On admirera au passage la duplicité de la perfide Albion. Dans cette affaire, elle a joué les deux camps simultanément, attisant les haines réciproques pour, en définitive, rester maîtresse du jeu. C’est ainsi que deux des fils d’Hussein furent faits émirs et rois de dominions britanniques : la Syrie puis d’Irak pour Fayçal, la Jordanie pour Abdallah. Fayçal fut d’abord chassé de Syrie par les Français qui inaugurèrent en juillet 1920 un mandat qui durera jusqu’à 1947. Fait en 1923 roi d’Irak sous protectorat britannique, il mena le pays à une indépendance formelle en 1932, un an avant son décès. Son fils Ghazi lui succède puis, en 1936, son petit-fils Fayçal âgé de quatre ans. Il périra, ainsi qu’une grande partie de sa famille et ses principaux ministres, lors du coup d’état sanglant qui mit au pouvoir en juillet 1958 le parti Baas (ou Baath, « Parti socialiste de la résurrection arabe ») qui marque la véritable indépendance de l’Irak.
Émir en 1921 de Transjordanie britannique puis roi de Transjordanie indépendante en 1946, Abdallah fut assassiné en 1951 par des nationalistes palestiniens mécontents de sa complaisance envers Israël mais son royaume lui survécut. Ceci n’est pas anodin car la monarchie jordanienne, hachémite, fait de plus en plus figure de modèle, même si l’actuel roi Abdallah de Jordanie n’a pas (pas encore ?) l’aura de son père Hussein. Depuis la Guerre des Six Jours en 1967, la Jordanie n’a connu ni conflit extérieur ni révolution hormis, en 1974, la répression du mouvement armé palestinien qui s’y était installé comme un état dans l’état. Elle n’a pas participé militairement à la Guerre du Kippour en 1973 et a signé un traité de paix avec Israël en 1994. Autant dire que la Jordanie apparaît comme un ilot de paix au milieu du maëlstrom arabe, cependant qu’une autre monarchie chérifienne, celle du Maroc, donne l’exemple d’un état musulman résolument mais prudemment ouvert à la modernité occidentale. Il n’est pas exclu que, dans l’avenir, un courant favorable à la restauration de la famille Hussein Ben Ali sur le trône de l’Arabie voie le jour. Ce, d’autant plus que ça permettrait de remettre dans le jeu politique « normal » les tenants du rétablissement du califat qui se sont ralliés au chef de l’État islamique (autrement dit Daech) Abou Bakr al-Baghdadi.
Ainsi, toutes les conditions sont en place pour une guerre de succession sur fond d’illégitimité des Saoud à régner sur les lieux saints de l’islam, une guerre qui, en réalité, se joue déjà en Syrie et en Irak. Parmi les protagonistes de la guerre civile syrienne, certaines personnalités sont favorables au retour de la dynastie hachémite mais aucun courant ne le revendique ouvertement. Pour l’instant ! Et il ne serait pas étonnant qu’on y pense sérieusement quand il faudra assurer la paix en Syrie et en Irak car il est impensable que les tribus sunnites qui soutiennent Daech à la suite de leur éviction – et de leur persécution – par le pouvoir chiite de Bagdad, notamment les Chamars d’Irak et de Mossoul, restent hors du jeu politique et sans territoire dédié. « Une chose est certaine, l’appartenance de nombre de protagonistes des guerres d’Irak et de Syrie aux clans rivaux des Saoud n’est pas pour rassurer la dynastie régnante en Arabie. » C’est ce que j’écrivais en octobre 2015 dans l’article de ma série de neuf consacré au drame syrien intitulé Retour vers le passé : Syrie année zéro. On y est !
Le monde arabo-musulman n’est pas seulement partagé entre chiites et sunnites mais entre peuples, nations et courants dynastiques rivaux. Et ce n’est pas parce que les Ibn Saoud règnent sur l’Arabie depuis 1924 que l’Arabie sera toujours saoudite. Les Saoud le savent plus que tous autres et l’agitation qui y prévaut au plus haut niveau depuis que le prince Salman en a pris les rênes ne relève pas, à mon sens, d’une stratégie offensive mais défensive. Eux qui, dans le passé, n’ont jamais régné autrement que par la violence, ont pu s’en passer pendant leurs trente glorieuses, c’est-à-dire, au temps où les pétrodollars coulaient à flots et où les pays arabes étaient tous unis contre Israël. Depuis l’intervention américaine de 1991 contre Saddam Hussein, à laquelle ils ont prêté la main en permettant à l’US Army d’ouvrir des bases sur son territoire, ils se sont mis à dos la quasi-totalité des Musulmans, y compris en Arabie même. Pour mémoire, il y eut dans le pays des attentats inspirés par Ben Laden dès 1993 pour protester contre ce qu’il considérait comme le viol d’un territoire sacré par « les infidèles ». Les Saoud et leurs alliés/complices israéliens se croient investis pour l’éternité. Or, du point de vue des peuples auxquels ils se sont imposés, ils sont illégitimes au regard de l'Histoire. Les Saoudiens se sont imposés par la force en contravention avec une tradition coranique : seuls les membres de la famille du Prophète ont, selon ses adeptes, le droit de régner sur les lieux saints de l'Islam. Les Israéliens, eux, reposent leur revendication d'un état juif sur la promesse biblique d'une "Terre promise". En réalité, ils sont en sursis car ils ne disposent que d’un bail emphytéotique qui, en toute logique, pourrait fort bien expirer avant 2023 pour les premiers et 2047 pour les seconds. En effet, cette tradition coranique et cette promesse biblique n'engagent que ceux qui s'en prévalent.
L’Arabie saoudite sous sa forme actuelle n’existe que depuis moins d’un siècle. Sa création fut la conséquence de près de deux siècles de conflits qui ont, depuis le pacte entre Mohammed ibn Saoud et le prédicateur salafiste Mohammed ibn Abdelwahab en 1744, opposé les trois clans les plus puissants de la péninsule : les Chamars, dont la famille la plus importante, les Al Rachid, régnait sur le Haïl, les Quraïch du Hedjaz, auquel appartenait le Chérif de la Mecque Hussein Ben Ali, et les Banu Hanifa du Nejd dont la famille Saoud fait partie. Ces trois tribus ont essaimé partout au Levant et en Afrique du Nord.
La première fois que les Wahhabites se sont emparés des lieux saints, ils ne tinrent que huit ans, de 1808 à 1816, les Ottomans les ayant poursuivis jusqu’à leur capitale, al-Diriyah qu’ils détruisirent en 1818. Le deuxième royaume saoudien, confiné aux alentours de Ryad, tint soixante-sept ans. Finalement vaincus par l'émir d'Haïl Mohammed ben Abdallah Al Rachid en 1891, les survivants de la dynastie se réfugièrent au Koweït sous contrôle britannique. De là, Abdelaziz ben Abderrahmane Al Saoud reprit l’offensive en 1902 et s’empara de Riyad puis des provinces proches du Qasim (Buraydah) et du Hasa (Al-Hasa), obtenant ainsi la reconnaissance du Sultan ottoman comme wali (préfet) du Nejd en 1914. La suite est mieux connue : c’est, à partir de 1921, la reconquête de l’oasis du Haïl aux dépens du clan Al Rachid puis la guerre contre les Hachémites qui se conclut avec la défaite d’Hussein en 1924.
Chassé d’Arabie, Hussein ben Ali se réfugia en Transjordanie, elle aussi sous protectorat britannique. On admirera au passage la duplicité de la perfide Albion. Dans cette affaire, elle a joué les deux camps simultanément, attisant les haines réciproques pour, en définitive, rester maîtresse du jeu. C’est ainsi que deux des fils d’Hussein furent faits émirs et rois de dominions britanniques : la Syrie puis d’Irak pour Fayçal, la Jordanie pour Abdallah. Fayçal fut d’abord chassé de Syrie par les Français qui inaugurèrent en juillet 1920 un mandat qui durera jusqu’à 1947. Fait en 1923 roi d’Irak sous protectorat britannique, il mena le pays à une indépendance formelle en 1932, un an avant son décès. Son fils Ghazi lui succède puis, en 1936, son petit-fils Fayçal âgé de quatre ans. Il périra, ainsi qu’une grande partie de sa famille et ses principaux ministres, lors du coup d’état sanglant qui mit au pouvoir en juillet 1958 le parti Baas (ou Baath, « Parti socialiste de la résurrection arabe ») qui marque la véritable indépendance de l’Irak.
Émir en 1921 de Transjordanie britannique puis roi de Transjordanie indépendante en 1946, Abdallah fut assassiné en 1951 par des nationalistes palestiniens mécontents de sa complaisance envers Israël mais son royaume lui survécut. Ceci n’est pas anodin car la monarchie jordanienne, hachémite, fait de plus en plus figure de modèle, même si l’actuel roi Abdallah de Jordanie n’a pas (pas encore ?) l’aura de son père Hussein. Depuis la Guerre des Six Jours en 1967, la Jordanie n’a connu ni conflit extérieur ni révolution hormis, en 1974, la répression du mouvement armé palestinien qui s’y était installé comme un état dans l’état. Elle n’a pas participé militairement à la Guerre du Kippour en 1973 et a signé un traité de paix avec Israël en 1994. Autant dire que la Jordanie apparaît comme un ilot de paix au milieu du maëlstrom arabe, cependant qu’une autre monarchie chérifienne, celle du Maroc, donne l’exemple d’un état musulman résolument mais prudemment ouvert à la modernité occidentale. Il n’est pas exclu que, dans l’avenir, un courant favorable à la restauration de la famille Hussein Ben Ali sur le trône de l’Arabie voie le jour. Ce, d’autant plus que ça permettrait de remettre dans le jeu politique « normal » les tenants du rétablissement du califat qui se sont ralliés au chef de l’État islamique (autrement dit Daech) Abou Bakr al-Baghdadi.
Ainsi, toutes les conditions sont en place pour une guerre de succession sur fond d’illégitimité des Saoud à régner sur les lieux saints de l’islam, une guerre qui, en réalité, se joue déjà en Syrie et en Irak. Parmi les protagonistes de la guerre civile syrienne, certaines personnalités sont favorables au retour de la dynastie hachémite mais aucun courant ne le revendique ouvertement. Pour l’instant ! Et il ne serait pas étonnant qu’on y pense sérieusement quand il faudra assurer la paix en Syrie et en Irak car il est impensable que les tribus sunnites qui soutiennent Daech à la suite de leur éviction – et de leur persécution – par le pouvoir chiite de Bagdad, notamment les Chamars d’Irak et de Mossoul, restent hors du jeu politique et sans territoire dédié. « Une chose est certaine, l’appartenance de nombre de protagonistes des guerres d’Irak et de Syrie aux clans rivaux des Saoud n’est pas pour rassurer la dynastie régnante en Arabie. » C’est ce que j’écrivais en octobre 2015 dans l’article de ma série de neuf consacré au drame syrien intitulé Retour vers le passé : Syrie année zéro. On y est !
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