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Démission de Saad Hariri : deux mois après, on en apprend plus sur cet épisode rocambolesque

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  • Démission de Saad Hariri : deux mois après, on en apprend plus sur cet épisode rocambolesque

    Camping dans le désert, portable confisqué et son frère Bahaa Hariri en embuscade : les coulisses de la démission de Saad Hariri en Arabie Saoudite

    Ce fut pour lui un épisode embarrassant. Le premier ministre libanais Saad Hariri a toujours nié avoir été forcé à démissionner en Arabie Saoudite le 4 novembre dernier. Pourtant, les révélations publiées lundi 25 décembre par le New York Times étayent encore davantage la thèse d'une démission orchestrée par le prince hériter d'Arabie Saoudite, Mohammed ben Salmane. Selon le quotidien new-yorkais, l'objectif du royaume saoudien était bien d'obliger Saad Hariri à démissionner pour faire pression sur l'Iran et l'Hezbollah, parti politique influent au sein du gouvernement libanais.

    Le déroulé de l'intrigue diplomatique qui a chamboulé le Moyen-Orient en novembre dernier commence avec un message surprise à l'adresse de Saad Hariri, l'invitant à se rendre à Ryad immédiatement. Quelques heures plus tôt, le premier ministre libanais rencontrait le diplomate iranien Ali Akbar Velayati pour discuter de la coopération entre les deux pays. Les deux événements sont-ils liés? La même semaine, un ministre saoudien avait accusé le Hezbollah d'être en guerre avec l'Arabie Saoudite.

    Insultes, menaces et portable confisqué
    Le message en question invitait Saad Hariri, qui possède la nationalité saoudienne, à venir voir le roi d'Arabie Saoudite. Selon une autre source, le Premier ministre avait été invité à venir camper dans le désert avec le prince Mohammed ben Salmane le temps d'une journée. Mais à son arrivée, les autorités lui demandent d'attendre dans sa maison. Le prince doit l'y rejoindre mais il ne vient pas.

    En l'absence de l'habituel convoi royal, Saad Hariri prend sa propre voiture pour se rendre au palais. Malmené et insulté par les autorités, privé de son portable, il s'est depuis contenté d'admettre aux diplomates libanais que cette matinée avait été "pire que ce qu'ils avaient pu en entendre". En début d'après-midi, il annonce sa démission depuis une pièce voisine du bureau de Mohammed ben Salmane, flanqué d'un costume qu'il a dû emprunter au palais : les gardes ne l'ont pas laissé repasser chez lui alors qu'il était habillé en jean et T-shirt pour ce qu'il pensait être une journée de camping.

    Que s'est-il passé dans ce laps de temps? L'Arabie Saoudite dispose de plusieurs moyens de pression sur Saad Hariri. Le pays compte 250 000 travailleurs libanais qui pourraient être expulsés. Compte-tenus de ses liens économiques avec l'Arabie Saoudite, Saad Hariri pouvait aussi être menacé personnellement. Un diplomate arabe cité par le New-York Times évoque également des menaces d'accusation de corruption. Quelques heures après l'allocution de démission de Saad Hariri, Ryad a encore augmenté la pression en arrêtant deux hommes d'affaires proches du dirigeant libanais. Une façon de souligner la vulnérabilité du premier ministre libanais.

    Le plan saoudien : son frère Bahaa Hariri au pouvoir ?
    Alors que Saad Hariri est retenu dans sa maison saoudienne, on craint à Beyrouth que Ryad ne veuille déstabiliser les camps palestiniens au Liban, où le maintien de l'ordre est déjà précaire. Plusieurs sources diplomatiques ont confirmé y avoir redouté la formation de milices anti-Hezbollah, une situation jugée explosive. Une hypothèse que les factions djihadistes ont elles-mêmes rejetée, tant elles jugeaient l'idée dangereuse.

    Les versions divergent sur que les Saoudiens espéraient obtenir de cet épisode. Selon certains officiels cités par la chaîne américaine ABC, Mohammed ben Salmane espérait remplacer Saad Hariri par son frère Bahaa Hariri, connu pour son ton plus dur envers le Hezbollah. Déstabiliser le pays du Cèdre ou tenter réduire l'influence du Hezbollah dans le paysage politique libanais : dans tous les cas le résultat n'a pas été à la hauteur des attentes saoudiennes. Le royaume du Golfe attendait une mobilisation populaire de la droite libanaise anti-Hezbollah. Il n'en fut rien. Au contraire, les acteurs politiques ont affiché à l'unisson un grand scepticisme à l'égard du rôle saoudien dans cette affaire.

    Le Liban, otage de la lutte d'influence régionale
    Portées notamment par la France d'Emmanuel Macron, les négociations diplomatiques qui ont permis à Saad Hariri de revenir au Liban pour finalement annuler sa démission ont une contrepartie : convaincre le Hezbollah de se retirer du Yémen, où l'Arabie saoudite intervient militairement dans une lutte d'influence avec l'Iran. Une demande qui dévoile le manque de connaissance du prince héritier sur le dossier yéménite : le Hezbollah ne dispose que d'une cinquantaine de combattants aux côtés des rebelles. Interrogé par Paris Match après sa démission, Saad Hariri s'était en tout cas montré très sybillin et avait loué le rôle de la France dans la résolution de la crise : "Le président Macron a agi dans l’intérêt de la France, du Liban et de la région. Il a agi pour éviter une autre guerre, et il sera dit un jour qu’il a joué un rôle historique."

    La démission de Saad Hariri s'inscrit aussi au Moyen-Orient dans un contexte de lutte d'influence ravivée entre les axes chiites et sunnites, emmenés respectivement par l'Iran et l'Arabie Saoudite. Elle illustre aussi l'infatigable volonté du prince héritier d'Arabie Saoudite d'asseoir son leadership régional, quitte à prendre des risques sur le plan diplomatique. Certes, le gouvernement libanais fait désormais pression pour que le Hezbollah cesse de durcir le ton contre l'Arabie Saoudite. Certes, Saad Hariri a récemment ordonné la fermeture d'une chaîne de télévision pro-rebelles yéménites. La tempête diplomatique de l'épisode saoudien de Saad Hariri était-elle nécessaire pour obtenir de telles concessions?

    le JDD
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