le 26.12.17 | EL WATAN
Les compagnies aériennes émiraties ont décidé d’interdire les Tunisiennes sur leurs vols le week-end dernier. La Tunisie a réagi en interdisant l’atterrissage des avions émiratis sur ses aéroports. Les premiers suspectent un risque sécuritaire. Les seconds déplorent une sanction collective.
Même si les autorités tunisiennes refusent de parler de crise avec les Emirats arabes unis, c’en est une, à en juger les tracas rencontrés, durant les trois derniers jours, par les Tunisiennes devant passer par un aéroport de ce pays, qu’il soit leur destination ou, même si elles y atterrissent pour transit. Des familles entières ont été dans l’impossibilité d’embarquer, suite à cette interdiction, pourtant elles ne venaient pas particulièrement de Tunis. La décision concernait toutes les Tunisiennes, d’où qu’elles viennent et où qu’elles aillent.
«Une décision débile, qui nous renvoie à l’ère des sanctions collectives», déplore Radhia Jerbi, présidente de l’Union nationale des femmes tunisiennes (UNFT), qui n’accepte pas les justifications des Emiratis invoquant des raisons sécuritaires. «C’est inacceptable. Les Emiratis n’ont qu’à renforcer leurs dispositifs sécuritaires. Le risque terroriste existe et la veille est de mise comme dans tous les aéroports du monde», martèle la présidente de l’UNFT.
Si l’on en croit les tweets de certains médias émiratis, des renseignements parvenus aux autorités des EAU parlent de centaines de Tunisiennes, rentrant de Syrie et d’Irak, portant l’idéologie de Daech et faisant partie des «escadrons de la mort». «Elles s’apprêtent à agir, alors que les autorités tunisiennes n’ont rien fait pour les contrer», souligne le portail Masdar News, qui dit relayer le Washington Post.
Mais il n’a pas été possible de confirmer l’information à la source. Le rédacteur en chef du portail El Ayn, le Dr Ali Naimi, a, lui-aussi, posté sur Twitter que «des considérations d’ordre sécuritaire ont été derrière cette décision d’interdiction des Tunisiennes sur les vols des compagnies émiraties et que cela peut arriver partout dans le monde».
Les faits
Les Tunisiens — présidence de la République, gouvernement, société civile et citoyens — ne l’entendent pas de cette oreille. La Tunisie a annoncé, avant-hier soir, la suspension des vols d’Emirats Airlines de et vers les aéroports tunisiens, jusqu’à ce que la compagnie se conforme aux lois et traités internationaux. Le ministre des Affaires étrangères, Khemaies Jehinaoui, a déclaré que les Emiratis ont présenté des excuses orales. Mais, la partie tunisienne demande des excuses écrites.
Durant la réunion tenue hier au siège du ministère tunisien du Transport entre les Tunisiens et les représentants de la compagnie aérienne Emirates Airlines, pour examiner les suites de la décision tunisienne, les Emiratis ont affirmé que le différend a été levé et que les Tunisiennes peuvent désormais voyager sur leurs lignes. Mais, la partie tunisienne a demandé un engagement écrit.
Les réactions ne se limitent pas à la sphère officielle. En milieu partisan et associatif, les condamnations fusent de toutes parts. La démarche des Emiratis, connus pour leur hostilité aux pays du Printemps arabe, a provoqué, à juste titre, un tollé général. Les partis de la majorité gouvernementale, Ennahdha et Nidaa, sont intervenus dans la foulée de l’annonce officielle de suspension des vols, pour soutenir la Tunisie.
Dans son communiqué, Ennahdha a dit appuyer la décision de l’Etat tunisien, de suspendre les vols des Emirats, en riposte «à l’atteinte à la dignité des Tunisiennes et Tunisiens, et à la souveraineté de l’Etat tunisien». Le mouvement a condamné une décision «discriminatoire», et «une humiliation pour les femmes tunisiennes».
Condamnations
Nidaa Tounes a, pour sa part, condamné «cette interdiction injustifiée et contraire aux usages et traités internationaux». Le parti a appelé la diplomatie tunisienne à œuvrer davantage en vue de prendre les mesures nécessaires pour la défense des intérêts des Tunisiennes et Tunisiens, et de circonscrire cette crise. Le parti affirme que la femme tunisienne est le symbole de la «fierté nationale», signalant que «ce genre d’incident accentue notre conviction qu’il n’y a d’autre choix devant les Tunisiens, que l’unité nationale».
Une tension qui peut servir les Frères musulmans, Ennahdha en l’occurrence, à faire ressortir leur allié qatari, Doha, qui deviendrait une alternative pour transiter par le Golfe. Le parti Machrouaa Tounes de Mohsen Marzouk, plutôt tête de pont des Emiratis, essaie, par contre, de trouver un consensus viable entre les deux parties.
Sellami Mourad
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