‘‘La mentalité centraliste fait la guerre, non seulement à la diversité, mais aussi à la créativité et à l’initiative humaines. Mais loin d’être une fin, ses attributs, l’uniformité et la conformité sont au service de l’objectif ultime – le pouvoir, l’absolutisme, la domination et le contrôle. Voilà pourquoi il nous faut dénoncer le mensonge.”
Wole Soyinka, prix Nobel de littérature 1986
En analysant ses rapports avec l’État central, il y a un fait établi, et largement admis maintenant : la région de Kabylie vit une crise d’intégration endémique et profonde. Cette crise, après avoir pris naissance sous une forme d’une opposition à un régime politique en 1963, avec le FFS, est passée par une contestation identitaire et démocratique jusqu’à la fin des années 1990, pour aboutir à une remise en cause forte de l’État-nation, après les évènements de 2001. Des voix peuvent toujours soutenir que les problèmes ou les revendications soulevés par la Kabylie sont d’ordre national, mais personne ne peut nier, aujourd’hui, qu’une conscience politique a progressivement évolué vers une conscience communautaire, voire nationalitaire en Kabylie. Ainsi, ceux qui ont fait l’hypothèse que la reconnaissance – bien que formelle et symbolique, faut-il le souligner – de la langue amazighe en tant que langue nationale et officielle allait aboutir vers une “réconciliation” de la Kabylie avec l’État algérien, n’ont pas longtemps attendu pour constater que leur démarche de normalisation a lamentablement échoué. Pour preuve, la crise est toujours là, et certainement sa conjonction avec la nature autoritaire du pouvoir va encore l’accentuer et la renforcer. La récente protesta de la jeunesse kabyle en donne la plus édifiante illustration, pour ne pas dire qu’elle sonne comme un avertissement. Donc, la Kabylie se singularise de plus en plus du reste du pays, et en se singularisant elle s’affirme dans une identité ethno-territoriale qui ne peut trouver de réponse dans un modèle centralisateur de l’État unitaire.
Alors qu’il y a un consensus assez largement partagé dans la classe politique sur la nécessité d’aller vers une décentralisation du pouvoir, la question de la régionalisation demeure taboue comme nous le renseigne le sort réservé au travail de la commission Sebih sur la réforme de l’État et dont le rapport n’est étrangement pas rendu public jusqu’à ce jour. S’agit-il d’une interrogation sur le modèle territorial à adopter en Algérie ou bien d’une appréhension que la reconnaissance des régions va accentuer le risque d’un démembrement national ?
En réponse à cette problématique, le RPK (Rassemblement pour la Kabylie) que nous avons fondé, a apporté une nouvelle vision. Mouvement politique qui se veut un mouvement démocratique et moderne, il est porteur d’un projet politique qui repose sur deux valeurs fondamentales : le droit à la reconnaissance et la tolérance pour la diversité. Pour résumer notre objectif, nous avons adopté la devise suivante : “Pour une Kabylie autonome dans une Algérie plurielle et démocratique”.
Ce mot d’ordre est, pour ainsi dire, la quintessence de notre texte fondateur rendu public le 7 décembre 2014 sous le titre : “Manifeste pour la reconnaissance constitutionnelle d’un statut politique particulier de la Kabylie”. On peut aisément retrouver ce texte dans son intégralité sur notre page Facebook, sur notre site ou sur le Net de manière générale. Il est bon de rappeler, au passage, qu’avant de nous engager sur l’initiative politique qui a donné naissance au RPK, après la Convention politique que nous avons tenue le 24 février 2017 à Arous, nous avons mis en amont des idées. Ces idées ont été consignées dans ce manifeste pour, à la fois, engager le débat sur les questions qui nous paraissent essentielles et pour initier une nouvelle démarche politique en rupture avec les pratiques que nous avons vécues par le passé, individuellement ou collectivement. Ce manifeste a été élaboré comme une synthèse de la pensée autonomiste kabyle qui a émergé au milieu des années 1990, pour être portée politiquement par des militants venus principalement de la matrice du Mouvement culturel berbère.
C’est durant les événements du printemps noir de 2001 qu’elle fait irruption par l’action d’un groupe, sous le sigle du MKL (Mouvement pour la Kabylie libre), pour se fondre ensuite dans un mouvement plus large qu’est le MAK (Mouvement pour le l’autonomie de la Kabylie). L’évolution de ce dernier vers l’option de l’autodétermination d’abord et de l’indépendance de la Kabylie par la suite, a créé une fracture au sein de cette famille de pensée, par la naissance d’une nouvelle option : le courant indépendantiste kabyle.
Pour lever les confusions et les incompréhensions, il importe de resituer cette fracture sur le plan idéologique.
Ce qui nous différentie des indépendantistes
Si pour les indépendantistes kabyles, le salut de la Kabylie est dans la construction d’un État-nation kabyle, nous, autonomistes kabyles, considérons que c’est précisément dans le dépassement de l’État-nation, par la refondation de l’État et l’acceptation de la nature multiculturelle de la nation algérienne, qu’il y a lieu d’engager à la fois notre réflexion et notre action pour défendre les intérêts propres de la Kabylie sans pour autant aller jusqu’à déconstruire l’Algérie.
Ce qui nous différencie des indépendantistes, ne peut donc pas être réduit à une question de démarche, de stratégie politique et encore moins de leadership personnel. La différence fondamentale qui nous sépare ce sont les valeurs politiques : le RPK fait du multiculturalisme et de la démocratie consensuelle, les principes de base de sa philosophie politique. Aussi, pour notre part, en disant que la Kabylie fait partie de l’Algérie, nous ne l’affirmons pas par calcul politicien et, loin s’en faut, nous ne sentons aucunement perdre quelque chose de notre identité kabyle. Notre pensée politique est inscrite dans le paradigme du pluralisme et s’oppose à une vision “ethniciste”, même si nous soutenons que les Kabyles forment légitimement, en soi, un peuple.
Cela peut paraître incongru ou inespéré pour certains, mais nous croyons que le vivre-ensemble dans l’Algérie est non seulement possible, mais toujours un objectif à construire dès lors qu’on prend conscience qu’en s’enfermant dans la contingence historique, le manque de discernement peut amener jusqu’à confondre l’Algérie avec le pouvoir algérien. Car, sauf à s’y méprendre, si à chaque crise d’un État s’ensuivait l’éclatement d’une nation, jamais l’État-nation n’aurait existé.
Wole Soyinka, prix Nobel de littérature 1986
En analysant ses rapports avec l’État central, il y a un fait établi, et largement admis maintenant : la région de Kabylie vit une crise d’intégration endémique et profonde. Cette crise, après avoir pris naissance sous une forme d’une opposition à un régime politique en 1963, avec le FFS, est passée par une contestation identitaire et démocratique jusqu’à la fin des années 1990, pour aboutir à une remise en cause forte de l’État-nation, après les évènements de 2001. Des voix peuvent toujours soutenir que les problèmes ou les revendications soulevés par la Kabylie sont d’ordre national, mais personne ne peut nier, aujourd’hui, qu’une conscience politique a progressivement évolué vers une conscience communautaire, voire nationalitaire en Kabylie. Ainsi, ceux qui ont fait l’hypothèse que la reconnaissance – bien que formelle et symbolique, faut-il le souligner – de la langue amazighe en tant que langue nationale et officielle allait aboutir vers une “réconciliation” de la Kabylie avec l’État algérien, n’ont pas longtemps attendu pour constater que leur démarche de normalisation a lamentablement échoué. Pour preuve, la crise est toujours là, et certainement sa conjonction avec la nature autoritaire du pouvoir va encore l’accentuer et la renforcer. La récente protesta de la jeunesse kabyle en donne la plus édifiante illustration, pour ne pas dire qu’elle sonne comme un avertissement. Donc, la Kabylie se singularise de plus en plus du reste du pays, et en se singularisant elle s’affirme dans une identité ethno-territoriale qui ne peut trouver de réponse dans un modèle centralisateur de l’État unitaire.
Alors qu’il y a un consensus assez largement partagé dans la classe politique sur la nécessité d’aller vers une décentralisation du pouvoir, la question de la régionalisation demeure taboue comme nous le renseigne le sort réservé au travail de la commission Sebih sur la réforme de l’État et dont le rapport n’est étrangement pas rendu public jusqu’à ce jour. S’agit-il d’une interrogation sur le modèle territorial à adopter en Algérie ou bien d’une appréhension que la reconnaissance des régions va accentuer le risque d’un démembrement national ?
En réponse à cette problématique, le RPK (Rassemblement pour la Kabylie) que nous avons fondé, a apporté une nouvelle vision. Mouvement politique qui se veut un mouvement démocratique et moderne, il est porteur d’un projet politique qui repose sur deux valeurs fondamentales : le droit à la reconnaissance et la tolérance pour la diversité. Pour résumer notre objectif, nous avons adopté la devise suivante : “Pour une Kabylie autonome dans une Algérie plurielle et démocratique”.
Ce mot d’ordre est, pour ainsi dire, la quintessence de notre texte fondateur rendu public le 7 décembre 2014 sous le titre : “Manifeste pour la reconnaissance constitutionnelle d’un statut politique particulier de la Kabylie”. On peut aisément retrouver ce texte dans son intégralité sur notre page Facebook, sur notre site ou sur le Net de manière générale. Il est bon de rappeler, au passage, qu’avant de nous engager sur l’initiative politique qui a donné naissance au RPK, après la Convention politique que nous avons tenue le 24 février 2017 à Arous, nous avons mis en amont des idées. Ces idées ont été consignées dans ce manifeste pour, à la fois, engager le débat sur les questions qui nous paraissent essentielles et pour initier une nouvelle démarche politique en rupture avec les pratiques que nous avons vécues par le passé, individuellement ou collectivement. Ce manifeste a été élaboré comme une synthèse de la pensée autonomiste kabyle qui a émergé au milieu des années 1990, pour être portée politiquement par des militants venus principalement de la matrice du Mouvement culturel berbère.
C’est durant les événements du printemps noir de 2001 qu’elle fait irruption par l’action d’un groupe, sous le sigle du MKL (Mouvement pour la Kabylie libre), pour se fondre ensuite dans un mouvement plus large qu’est le MAK (Mouvement pour le l’autonomie de la Kabylie). L’évolution de ce dernier vers l’option de l’autodétermination d’abord et de l’indépendance de la Kabylie par la suite, a créé une fracture au sein de cette famille de pensée, par la naissance d’une nouvelle option : le courant indépendantiste kabyle.
Pour lever les confusions et les incompréhensions, il importe de resituer cette fracture sur le plan idéologique.
Ce qui nous différentie des indépendantistes
Si pour les indépendantistes kabyles, le salut de la Kabylie est dans la construction d’un État-nation kabyle, nous, autonomistes kabyles, considérons que c’est précisément dans le dépassement de l’État-nation, par la refondation de l’État et l’acceptation de la nature multiculturelle de la nation algérienne, qu’il y a lieu d’engager à la fois notre réflexion et notre action pour défendre les intérêts propres de la Kabylie sans pour autant aller jusqu’à déconstruire l’Algérie.
Ce qui nous différencie des indépendantistes, ne peut donc pas être réduit à une question de démarche, de stratégie politique et encore moins de leadership personnel. La différence fondamentale qui nous sépare ce sont les valeurs politiques : le RPK fait du multiculturalisme et de la démocratie consensuelle, les principes de base de sa philosophie politique. Aussi, pour notre part, en disant que la Kabylie fait partie de l’Algérie, nous ne l’affirmons pas par calcul politicien et, loin s’en faut, nous ne sentons aucunement perdre quelque chose de notre identité kabyle. Notre pensée politique est inscrite dans le paradigme du pluralisme et s’oppose à une vision “ethniciste”, même si nous soutenons que les Kabyles forment légitimement, en soi, un peuple.
Cela peut paraître incongru ou inespéré pour certains, mais nous croyons que le vivre-ensemble dans l’Algérie est non seulement possible, mais toujours un objectif à construire dès lors qu’on prend conscience qu’en s’enfermant dans la contingence historique, le manque de discernement peut amener jusqu’à confondre l’Algérie avec le pouvoir algérien. Car, sauf à s’y méprendre, si à chaque crise d’un État s’ensuivait l’éclatement d’une nation, jamais l’État-nation n’aurait existé.
Commentaire