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Les origines du nouvel an amazigh : Elles remontent à 2968 ans

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  • Les origines du nouvel an amazigh : Elles remontent à 2968 ans

    Mais comment peut-on savoir qu’une chose en vaut la peine quand on n’a pas la fierté de son identité ?

    Mohand Arab Bessaoud

    Yennayer, Yennar ou Nnayer est le nom donné au premier mois du calendrier amazigh. Chaque année, le premier jour de ce mois, qui coïncide avec le 12 janvier, est célébré, depuis des millénaires dans toute l’Afrique du Nord : Algérie, Maroc, Tunisie, Libye…
    Cette année, la tradition sera sans doute perpétuée. Les festivités du nouvel an berbère auront, encore plus, un cachet particulier, notamment en Algérie, puisque cette journée vient d’être consacrée par les plus hautes autorités du pays comme fête nationale et journée chômée et payée, au même titre que le premier jour de l'an Hégire et le nouvel an chrétien.
    En effet, selon les échos parvenus des quatre coins du pays, aussi bien les autorités locales que le mouvement associatif sont mobilisés et à pied d’œuvre, ces jours-ci, pour célébrer avec faste cette fête ancestrale.
    La reconnaissance de cette journée, faut-il le rappeler, n’est que le couronnement d’une longue lutte menée par tout un mouvement culturel et ce, depuis des décennies.
    La consécration de Yennayer est considérée, par ailleurs, comme une grande victoire et un acquis pour tout le peuple algérien qui n’a eu de cesse d’œuvrer, inlassablement et au prix de grands sacrifices, pour se réconcilier avec son histoire, sa culture et son patrimoine.
    D’aucuns estiment même que cette énième victoire est la plus importante dans toute la genèse du mouvement berbère, bien plus que les acquis arrachés dans les années 1990, comme l’introduction de tamazight dans les secteurs de l’éducation et de l’information. Yennayer, argumente-t-on, a une grande symbolique surtout qu’il est fêté par la majorité du peuple algérien. En effet, hormis peut-être dans la région targuie, le nouvel an berbère est célébré partout dans le pays, aussi bien par la communauté berbérophone que la communauté arabophone.
    L’événement peut, ainsi, constituer une halte et aussi une occasion propice pour rassembler tous les Algériens et renforcer les liens intercommunautaires en vue de consolider notre cohésion nationale. Il peut également participer, de par son authenticité, à unir tous les peuples de l’Afrique du Nord qui pourraient ainsi s’y retrouver et s’y reconnaître, loin des démagogies arabo-baathistes et des carcans chimériques, tels que “de Dunkerque à Tamanrasset” ou “du Golfe à l’Atlantique” renvoyant à des nations utopiques qui n’existent pas dans la réalité.

    Mais comment Nnayer, cette fête millénaire, qui peut éventuellement fédérer tous les peuples de Tamazgha, s’est-elle maintenue, malgré les vicissitudes de l’histoire, dans les traditions nord-africaines ?
    Et à quand remonte exactement sa consécration officieuse comme premier jour du calendrier berbère ?
    Si, d’un point de vue académique, il est difficile de répondre à la première question, il n’en demeure pas moins que cette journée a une grande symbolique puisque sa célébration, selon beaucoup de spécialistes, remonte à des siècles lointains. Il s’agit donc d’une fête ancestrale et d’une pratique aussi ancienne que bon nombre de rites hérités de l’époque “païenne” et que les Berbères fêtent depuis des lustres jusqu’à nos jours, notamment dans certaines régions du pays, comme par exemple Bu Ini (la fête du foyer), Tifeswin (la fête du printemps), Anzar (Rite de la pluie), le carnaval de l’Ayred (lion en berbère) etc.
    Si l’on interroge par ailleurs la mémoire populaire, l’on se retrouve là complètement dérouté par les différentes interprétations que celle-ci donne à cette date. En effet, il existe une multitude de versions quant à l’origine de cet événement. Dans certaines régions des Aurès, par exemple, le premier jour de Yennayer est qualifié de Ass n Feraoun (le jour du Pharaon), sans pour autant que tous sachent vraiment le sens d’une telle appellation.
    Le mérite revient donc à cette association dont le président fondateur n’est autre qu’Ammar Negadi, un des membres de l’académie berbère (1966-1978). En effet, selon les témoignages, ce fut à l’occasion d’une réunion de militants à Paris que Negadi eut l’idée de donner un référent millénaire aux Imazighen, en proposant un calendrier qui remonterait à la date de l’intronisation de l’aguellid berbère Chechnaq 1er comme Pharaon d'Égypte. L’événement fut grandiose car, selon lui, “ce roi berbère réussit à unifier l’Égypte pour aller ensuite envahir la Palestine et s’emparer des trésors du temple de Jérusalem”. Cet événement est mentionné, écrit-il, “dans les anciens textes et constitue, par là-même, la première date de l’histoire berbère sur un support écrit”. L’anthropologue Ali Sayad, qui a bien connu Negadi dans les année 1970 et qui a même assuré des cours de tamazight dans les locaux de son association, confirme cette information, précisant toutefois qu’il existait au départ “deux autres événements historiques qui ont autant suscité l’intérêt de Ammar et dont il voulait faire des dates commémoratives, réunissant tous les Berbères de l’Afrique du Nord : la date anniversaire de la mort de Jugurtha et la date de la conquête de la presqu’île ibérique par le chef berbère Tarek Ibn Ziad”, nous dit-t-il.
    Finalement, seule la date la prise du pouvoir par Chechnaq fut retenue pour en faire un repère historique pour tous les Imazighen.
    L’abandon des autres évènements et le choix porté sur cette date n’étaient pas fortuits.
    Selon Djemaâ Djoghlal, une militante auressienne et néanmoins grande amie de Negadi, celui-ci était, à cette époque, constamment en quête de son identité. Il lisait ainsi beaucoup et collectait tout ouvrage traitant de la Berbérie. “Il était sidéré par les historiens qui ont eu à écrire l’histoire de son pays, puisque l’on parlait dans les livres de la période gallo-romaine, arabo-musulmane, ottomane, française mais jamais de la période berbère”, témoigna-t-elle.
    Ainsi, en choisissant cette date, Negadi voulait-il décoloniser notre histoire millénaire en faisant remonter ce calendrier à l’ère pharaonique, transcendant ainsi toutes les époques (grecque, carthaginoise, romaine, byzantine, arabe) de ceux qui, par le passé, ont occupé l’Afrique du Nord et écrit fallacieusement son histoire.

    Mais qui est Ammar Negadi et quel a été le parcours de ce militant exceptionnel qui est considéré aujourd’hui comme le principal initiateur du calendrier amazigh ?
    Ammar Negadi, plus connu dans les milieux d’émigration en France par son pseudonyme “Ammar Achaoui” est considéré aujourd’hui dans les Aurès comme le doyen du mouvement berbère. Il est né en 1943 à Merouana dans la wilaya de Batna.
    Très jeune, il prit conscience de son identité amazighe puisqu’il commença à militer dès les premières années de l’indépendance. Sa prise de conscience identitaire était donc précoce surtout qu’en ces temps-là, l’on ne faisait que panser les blessures et renouer peu à peu avec la paix dans une région meurtrie par sept ans de guerre.
    Durant la même période, l’Algérie connut l’installation d’un régime totalitaire et liberticide où seule l’idéologie baâthiste avait droit de cité. Toute voix discordante remettant en cause cette politique était vite étouffée par l’appareil répressif du parti unique. Le jeune Negadi, ne pouvant plus s’accommoder de cette atmosphère faite d’unanimisme politique et de régression culturelle, choisit alors l’exil, à la recherche d’un cadre propice pour continuer son combat en vue de la reconnaissance de l’identité de son peuple.
    Arrivé en France, il adhéra dès 1974 à l’Académie berbère dirigée à l’époque par l’autre grand militant, en l’occurrence Mohand Arab Bessaoud qui l’avait chaleureusement accueilli en le faisant même élire secrétaire général au comité d’Agraw Imazighen (l’Académie berbère) dans la région parisienne.
    Ses écrits et surtout ses multiples correspondances avec ses compatriotes auressiens eurent un impact positif dans la région puisqu’elles ont contribué à y essaimer au maximum le tifinagh, sensibiliser les masses et répandre les idées qui sous-tendent le combat identitaire.
    En 1978, il quitta l’Académie berbère suite à une grave crise qui a secoué cette organisation et qui a vu Mohand Arab Bessaoud expulsé de France vers l’Angleterre.
    Il créa alors une nouvelle association dénommée Union du peuple amazigh UPA mais demeura, néanmoins, en étroite relation avec d’anciens camarades. Tout en se mettant en réserve à cette époque, il suivit toutefois avec beaucoup d’intérêt les activités du mouvement qui commençait à prendre de l’ampleur aussi bien en France qu’en Algérie.
    La rupture avec l’Agraw Imazighen fut dictée par “les infiltrations de tous genres où chacun menait rumeurs et surenchères.
    Les agitateurs finiront par prendre le dessus (…)” écrivit-t-il dans ses mémoires.
    La crise de 1978 qui fera dissoudre l’Académie berbère n’était en réalité, selon Negadi, “qu’une machination ourdie par les amicalistes FLN contre Mohand Arab Bessaoud qui dérangeait à l’époque de par son statut d’ancien maquisard et surtout son dévouement irréprochable pour la cause amazighe”. Au-delà de sa militance au sein des associations, Ammar Negadi était aussi un homme d’une grande culture. Son amour pour le livre était tel qu’il a ouvert en 1970 la première librairie amazighe Adlis Amazigh rue Léon Frot à Paris. Une librairie où se rencontraient tous les amazighs avides de connaissances sur leur culture et leur identité. Nous lui devons également de nombreuses recherches en toponymie et sur les prénoms berbères. Plus de 750 prénoms amazighs ont été en effet recueillis et édités par ses soins en 1975. Ammar Negadi s’est éteint malheureusement le premier décembre 2008 dans un hôpital parisien après un long combat contre la maladie. Le pionnier du mouvement berbère dans les Aurès est parti sans pour autant réaliser son dernier rêve qui consistait à créer dans sa région une bibliothèque qui réunirait tous ses ouvrages (plus de 1500 livres et documents) qu’il a rassemblés au cours de sa vie, afin de permettre aux jeunes d’apprendre l’Histoire de leur peuple.
    Et comme pour exaucer son rêve, sa famille a décidé de faire don de tous ces ouvrages à l’université de Batna. Malheureusement, l’acheminement de ce fond ainsi que celui de son amie de toujours Mme Djemaâ Djoghlal, dont une bonne partie se trouve présentement au niveau de l’ambassade d’Algérie en France, traine et connaît toujours un retard inexpliqué. Les mandataires de ces fonds, en l’occurrence Laghrour et Kebaïri s’impatientent et sont même aujourd’hui prêts à lancer prochainement un appel citoyen pour financer les coûts du transport de ces fonds vers l’Algérie.

    Par : Salim Guettouchi
    Universitaire
    LIBERTE
    dz(0000/1111)dz

  • #2
    Si l’on interroge par ailleurs la mémoire populaire, l’on se retrouve là complètement dérouté par les différentes interprétations que celle-ci donne à cette date. En effet, il existe une multitude de versions quant à l’origine de cet événement. Dans certaines régions des Aurès, par exemple, le premier jour de Yennayer est qualifié de Ass n Feraoun (le jour du Pharaon), sans pour autant que tous sachent vraiment le sens d’une telle appellation.
    Le mérite revient donc à cette association dont le président fondateur n’est autre qu’Ammar Negadi, un des membres de l’académie berbère (1966-1978). En effet, selon les témoignages, ce fut à l’occasion d’une réunion de militants à Paris que Negadi eut l’idée de donner un référent millénaire aux Imazighen, en proposant un calendrier qui remonterait à la date de l’intronisation de l’aguellid berbère Chechnaq 1er comme Pharaon d'Égypte. L’événement fut grandiose car, selon lui, “ce roi berbère réussit à unifier l’Égypte pour aller ensuite envahir la Palestine et s’emparer des trésors du temple de Jérusalem”. Cet événement est mentionné, écrit-il, “dans les anciens textes et constitue, par là-même, la première date de l’histoire berbère sur un support écrit”. L’anthropologue Ali Sayad, qui a bien connu Negadi dans les année 1970 et qui a même assuré des cours de tamazight dans les locaux de son association, confirme cette information, précisant toutefois qu’il existait au départ “deux autres événements historiques qui ont autant suscité l’intérêt de Ammar et dont il voulait faire des dates commémoratives, réunissant tous les Berbères de l’Afrique du Nord : la date anniversaire de la mort de Jugurtha et la date de la conquête de la presqu’île ibérique par le chef berbère Tarek Ibn Ziad”, nous dit-t-il.
    Finalement, seule la date la prise du pouvoir par Chechnaq fut retenue pour en faire un repère historique pour tous les Imazighen.

    L’abandon des autres évènements et le choix porté sur cette date n’étaient pas fortuits.
    Selon Djemaâ Djoghlal, une militante auressienne et néanmoins grande amie de Negadi, celui-ci était, à cette époque, constamment en quête de son identité. Il lisait ainsi beaucoup et collectait tout ouvrage traitant de la Berbérie. “Il était sidéré par les historiens qui ont eu à écrire l’histoire de son pays, puisque l’on parlait dans les livres de la période gallo-romaine, arabo-musulmane, ottomane, française mais jamais de la période berbère”, témoigna-t-elle.
    Ainsi, en choisissant cette date, Negadi voulait-il décoloniser notre histoire millénaire en faisant remonter ce calendrier à l’ère pharaonique, transcendant ainsi toutes les époques (grecque, carthaginoise, romaine, byzantine, arabe) de ceux qui, par le passé, ont occupé l’Afrique du Nord et écrit fallacieusement son histoire.
    ok ....donc y avait plusieurs choix pour fixer la date d'un évènement dont on ignore l'origine

    puisqu'on est dans l'aboubri, pourquoi ne pas retenir comme date du départ du calendrier berbère la date de l'officialisation du tamazight ou bien la date de la décision de fakhamatouhou de faire du 1er yanayer une journée chômée ça ne souffre d'aucune imprécision !

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    • #3
      L’événement fut grandiose car, selon lui, “ce roi berbère réussit à unifier l’Égypte pour aller ensuite envahir la Palestine et s’emparer des trésors du temple de Jérusalem”. Cet événement est mentionné, écrit-il, “dans les anciens textes et constitue, par là-même, la première date de l’histoire berbère sur un support écrit”.
      toute mes azulations infinité and djigo

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      • #4

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        • #5
          I/ Les Berbères, Chachnaq et la localisation d’un événement fondateur

          Qu’est-ce au juste qu’un Berbère ? D’après Ibn Khaldoun, qui leur a consacré son traité L’histoire des Berbères et des dynasties musulmanes de l’Afrique septentrionale, les Berbères résident au Maghreb depuis fort longtemps et se sont approprié l’espace maghrébin. Puis, un certain Ifricos, fils de Qaïs Ibn Saïfi, roi du Yémen, se serait emparé du Maghreb et de l’Ifriqiya après avoir défait le roi El Djerdjis [25]. Non content de léguer son nom à cette région du monde, Ifricos se serait écrié en entendant le langage des autochtones « quelle berbera est la vôtre ! » [26]. Traditionnellement, on pense que les Berbères tirent leur nom du grec barbaroï, qui a donné « barbare » [27], et de l’arabe brabra, désignant un charabia [28] incompréhensible. Comme dans le récit étiologique d’Ibn Khaldoun, c’est donc, avant tout la langue qui les définit.
          Les langues berbères font partie du phylum [29] afroasiatique et regroupent une trentaine de sous-groupes dont les locuteurs s’étendent de l’Océan Atlantique à l’oasis de Siwa, d’ouest en est, et de la Méditerranée jusqu’au Sahara et à la boucle du Niger, du nord au sud. Pour ces langues, essentiellement parlées par des peuples nomades, on parle de « stratigraphie horizontale » en termes de linguistique aréale [30] du fait de l’amplitude du territoire concerné et de l’éparpillement des parlers locaux. Le déchiffrement de l’alphabet libyque, reposant essentiellement sur deux bilingues du IIe siècle av. J.-C., trouvées à Dougga en Tunisie sur le site du Mausolée d’Atban, n’est pas totalement achevé mais la très imparfaite connaissance que nous avons de la langue libyque, qui a résulté du comparatisme avec les langues berbères, permet tout de même de rattacher la première aux secondes, sans toutefois pouvoir affiner la généalogie qui en découlerait du point de vue de la linguistique génétique [31].
          Cet état de fait nourrit par conséquent une certaine confusion dans les représentations identitaires. Ainsi, sur la toile se multiplient blogs, forums et autres sites consacrés aux coutumes, aux mythes fondateurs et aux caractéristiques de l’identité berbère [32] , garants d’une distinction sociale qui se veut conservatoire d’un patrimoine.
          On y lit, parmi les grandes dates rituelles qui jalonnent le calendrier berbère, que la célébration de Yennayer, le 12 janvier, a acquis une importance capitale de nos jours. On commémore à cette occasion la victoire de Chachnaq, chef berbère ou amazigh - nous y reviendrons - qui aurait infligé une lourde défaite au pharaon d’Egypte Ramsès II [33] ou Ramsès III [34] en 951 ou 950 av. J.-C. en un lieu nommé Iwa [35] ou dans la wilaya de Tlemcen [36].
          « Iwa » désigne très certainement l’oasis de Siwa après aphérèse. Rien de plus logique que la mention de Siwa dans la mesure où il s’agit d’un foyer berbérophone en territoire égyptien à quelques encablures de la Libye. On y parle le jlan n Isiwan langue des Siwi [37]. Quant à la mention erronée de la wilaya de Tlemcen, elle provient d’une vieille tradition appelée Ayrad (« lion » en berbère) et qui consistait, pour les jeunes habitants de Béni Senous de Lakhmis (Tlemcen), à défiler vêtus de peaux de bœufs et moutons (haidoura) au son des bendirs à l’occasion de la fête de Yennayer [38].
          On le voit, les nombreux raccourcis opérés par les web-berbéristes nécessitent impérativement quelques éclaircissements.

          II/ L’historicité de Chachnaq

          [39]
          Tout d’abord, qu’en est-il de l’historicité de ce « Chachnaq » (tifinagh ⵛⴻⵛⵓⵏⴽ) ? Sous ce nom, déformé par la culture berbère, se cache le pharaon Shéshonq Ier (943-923 av. J.-C.) connu des égyptologues pour avoir fondé la XXIIe dynastie dite « bubastite », c’est-à-dire originaire de Bubastis (Tell Basta, dans le delta oriental du Nil). Il est aussi et surtout resté célèbre grâce à l’Ancien Testament qui le nomme Shishak (שִישַּק) et évoque sa campagne militaire en Palestine jusqu’au pillage du Temple de Jérusalem auquel il est censé s’être livré (I Rois XIV, 25-26 ; II Chroniques XII, 2-9). C’est sur ses traces que se lancent Indiana Jones et les Nazis dans Les aventuriers de l’Arche Perdue (1981) sur le site de Tanis (San el-Hagar, delta oriental).
          Quant au Ramsès qu’il affronte, il ne peut s’agir ni du deuxième du nom (1279-1213 av. J.-C.) ni du troisième (1187-1157 av. J.-C.) pour des raisons évidentes d’anachronisme. D’ailleurs, force est de constater qu’il n’affronte aucun Ramsès !
          En réalité, le dernier pharaon de la XXIe dynastie, Psousennès II (v. 967-944 av. J.-C.), semble avoir adoubé son successeur, le grand chef de la tribu des Meshouesh, une tribu libyenne installée depuis fort longtemps en Egypte. Il s’agit d’un dénommé Shéshonq B, le futur Shéshonq Ier. On constate donc que la tradition amazigh a passé à la moulinette mémorielle la chronologie égyptienne pour n’en conserver que des grandes figures édificatrices liées de près ou de loin aux tribus libyennes frontalières.
          La question des Libyens d’Egypte depuis les Ramessides de la XIXe dynastie (1292-1191 av. J.-C.) jusqu’à la Première Domination Perse (526-404 av. J.-C.) constitue une sous-spécialité en soi dans le champ égyptologique [40] et les débats sur la libyannité de ces individus égyptianisés depuis des générations restent vifs [41]. Pour autant, depuis l’éclatante lumière que P. Montet a jeté sur ces rois « libyens » en communiquant dans la presse sur les découvertes du site de Tanis dont il a dirigé les fouilles entre 1929 et 1939, la libyannité de Shéshonq intéresse aussi les berbéristes de tout poil.
          Nous observons, par ailleurs, un procédé d’inversion mémorielle dans le récit de Chachnaq, supposé, d’après la tradition, avoir refoulé une invasion du pharaon d’Egypte à la frontière égypto-libyenne [42], fait attesté dans le sens contraire à l’époque de Ramsès II, Merenptah [43], contre qui ils se liguent avec les Peuples de la Mer, ou encore Ramsès III. Ajoutons-y Ramsès VI, Ramsès VIII et Ramsès X, ayant tous eu maille à partir avec les tribus libyennes. Si « Ramsès » il y eut donc dans l’histoire des Libyens, il défendait la terre d’Egypte des incursions libyennes et certainement pas le contraire !
          Dernière modification par etudiant, 12 janvier 2018, 00h13.

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          • #6
            III/ L’ère de Chachnaq, le calendrier berbère et la fête de Yennayer

            La date de 951 ou 950 av. J.-C. retenue comme fondatrice du calendrier berbère appartient-elle à une quelconque tradition orale ou écrite susceptible d’être retracée ? De plus, qu’en est-il du calendrier berbère ? La fête de Yennayer possède-t-elle quelque caractère d’historicité ?
            Il importe en premier lieu d’établir le point de départ de cette tradition. L’ère de Chachnaq est fixée à l’initiative de l’Académie berbère de Paris, fondée le 14 juin 1966 par A. Rahmani, M. S. Hanouz, N Amar, K. M. Amokrane, T. Amrouche et M. A. Bessaoud et parrainée par J. Bénet.
            Ce n’est donc qu’à partir de la toute fin des années 1960 que certains Berbères considèrent la date de 950 av. J.-C. comme marquant le début du calendrier amazigh en tant qu’événement fondateur. Elle est considérée comme la première attestation d’un haut fait amazigh dans l’histoire mondiale. L’Académie berbère est dissoute en 1978 à la suite de pressions exercées sur le gouvernement français par le régime d’Alger. Néanmoins, le calendrier qu’elle lègue aux communautés berbères est resté et s’est répandu dans toute l’Afrique du Nord tant et si bien que nul n’en interroge l’ancienneté et, mieux, que tous le font remonter à des temps immémoriaux.
            La fête de Yennayer elle-même, associée à cet événement fondateur de 950 av. J.-C., a connu une histoire mouvementée. Elle a failli disparaître et ne s’est maintenue que par une chaîne de transmission assez étonnante dont le chercheur Y. Plantade a réussi à rassembler les segments disjoints [44].
            Le terme pan-nord-africain « Yennayer », orthographié aussi bien ennayer, yannayer ou yannayr, se retrouve dans les divers parlers berbères d’Afrique du Nord ainsi que dans les variantes locales de l’arabe dialectal. Il remonte au calendrier julien, établi par Jules César en 45 av. J.-C. et inventé par l’astronome Sosigène d’Alexandrie. Le calendrier julien a servi de base au calendrier grégorien actuellement en usage en Occident et né d’une réforme initiée par le pape Grégoire XIII, le 4 octobre 1582.
            C’est donc du côté de Rome que nous devons nous tourner pour nous enquérir de l’origine de cette fête. Les « calendes de Janvier » sont ainsi attestées chez Tertullien, Père de l’Église né à Carthage, qui condamne les échanges de présents qui ont lieu à l’occasion de cette célébration, dans une mosaïque du calendrier mural du site de Thysdrus (El Jem, Tunisie), daté entre 222 et 235, qui associe à la figure de Ianirius la consommation de fruits, et enfin chez Saint Augustin d’Hippone, né à Thagaste dans l’Algérie orientale, et qui condamne, à l’instar de Tertullien, ces fêtes païennes des calendes de Janvier.
            La fête semble disparaître tandis que l’Empire romain cède sa place dans la région aux Vandales (439-533), aux Byzantins (533-711) puis aux Omeyyades. La conquête musulmane remplace définitivement le calendrier julien par un calendrier lunaire en usage dans tout le dar el-Islam. Il faut attendre l’ouvrage de l’historien et géographe mutazilite al-Mas’ūdi, Muruj adh-dhahab wa ma’adin al-jawahir (Les prairies d’or et les mines de gemmes), en 947, pour qu’apparaissent la mention des calendes de Janvier (latin calendae, arabisé qalandas) chez les Chrétiens de Syrie et d’Irak. L’auteur d’un opuscule de didactique, Abū l-Hasan al-Qābisi, décrit à la fin du Xe siècle la persistance des Calendes en Afrique du Nord orientale. Point de Yennayer dans le texte pourtant !
            Au XIIe siècle, ce qui restait de Chrétiens gardiens de la tradition calendaire latine, disparaît après que les Zirides ont échoué à freiner Roger II de Sicile, à son tour expulsé par les Almohades qui chassent les minorités chrétiennes d’Ifriqiya.
            Le « chaînon manquant » de la transmission du calendrier julien en Afrique du Nord se trouve donc en Andalousie musulmane. Dans le Calendrier de Cordoue, composé en 961 par Recemundo, évêque chrétien d’Elvira, appelé Rabî ibn Zayd par les sources arabes, reprend le calendrier julien. Or, sa diffusion est très large parmi les agronomes musulmans d’Al-Andalous.
            Alors, les conditions sont réunies pour une renaissance du nom julien du mois de Janvier en Afrique du Nord. Le poète Muhammad Ibn Quzman (XI-XIIe siècle) utilise l’expression « ‘aïd al Yannayr » dans les poèmes 40 et 79 de son Diwan en parlant des fêtes de janvier. Dans sa description de la fête, il précise que les Mozarabes qui la célèbrent mangent des fruits frais. Puis, cette expression de l’arabe vernaculaire andalou passe au Maghreb par l’intermédiaire d’Abou al Abbas al-Azafi et de son fils Abou al-Qasim al-Azafi (milieu du XIIIe siècle), le premier étant grand cadi de Ceuta. Leur ouvrage commun, Al-durr al-munazam, conserve une réaction alarmiste face au constat de popularité de la fête de Yennayer. Il est patent que cette popularité soit due à la diffusion chez les agronomes arabophones de cette région du monde et jusqu’au Mali du Calendrier de Recemundo.
            À l’issue de cette déconstruction opérée par Y. Plantade, on constate donc qu’une fête païenne, d’origine romaine a été diffusée en Afrique du Nord puis oubliée au gré des circonstances historiques avant d’être réimplantée via une bouture andalouse. L’ironie veut aussi que les Pères de l’Église d’origine maghrébine ait condamné cette fête païenne, avant que leurs homologues musulmans n’en fassent de même sous le prétexte qu’il se serait agi d’une fête chrétienne !
            La fête de Yennayer intègre donc des éléments de la tradition romaine, comme le nom, la date et la consommation de fruits, des célébrations mozarabes andalouses, comme le port de masques (héritage, néanmoins, du dieu tutélaire de Janvier, Janus) et bien plus tard, de la redécouverte par l’égyptologie de la figure de Shéshonq, parfait candidat au titre de héros fondateur et donc éponyme de l’an 1 du calendrier amazigh.
            Il nous reste désormais à comprendre dans quel mouvement de reconnaissance identitaire s’inscrit la popularité de cette fête et l’emploi d’une figure de légitimation ab antiquo.

            Commentaire


            • #7
              IV/ Le Printemps berbère et la revendication identitaire

              L’Académie berbère de Paris, dont nous avons déjà parlée, a également joué un rôle prépondérant dans la fixation d’un alphabet « néo-tifinagh ». L’alphabet tifinagh était utilisé par les Touaregs ; les membres de l’Académie souhaitèrent l’adapter aux parlers berbères d’Algérie, regroupés sous l’expression commode de tamazight.
              Mais qu’est-ce au juste qu’un amazigh [45] ? Les Imazighen (pluriel d’amazigh) seraient, d’après certaines étymologies proposées, les « hommes libres », de zegh, « se rebeller ». Comme endonyme [46] , on ne trouve le terme réactivé qu’à partir des années 1940 sous l’impulsion du mouvement berbériste kabyle. Ibn Khaldoun explique leur nom par un ancêtre éponyme, Mazigh. Bref, certains éléments d’un mythe de fondation propre à l’ethnogenèse et à la politogenèse existent à l’état de latence mais ne s’articulent entre eux, dans une vision cohérente, qu’à partir des premiers frimas de « l’hiver colonial » algérien.
              Depuis 1939, le Parti du Peuple Algérien (PPA) est interdit pour « connivence avec l’Allemagne d’Hitler » et la voix de Messali Hadj ne se fait entendre que de sa prison. La tentative insurrectionnelle de 1945, qui a donné lieu, en réaction, aux massacres de Sétif, Guelma et Khettara laisse des traces dans les consciences algériennes et prépare le terrain à la Toussaint Rouge de 1954 et à l’insurrection réussie du FLN (Front de Libération Nationale), après une radicalisation du mouvement nationaliste dans les années 1946-1954 sous l’égide du MTLD (Mouvement pour le Triomphe des Libertés Démocratiques) de Messali Hadj et de sa branche occulte l’Organisation spéciale.
              Dans le tumulte de ces actions nationalistes, les partisans de la thèse de l’« Algérie algérienne » tentent d’inscrire, à toutes les étapes des mouvements d’émancipation, l’identité berbère dans les fondations de la nation algérienne naissante. De 1949 à 1954, on assiste ainsi à une crise berbériste dans les rangs du PPA-MTLD, entre partisans d’une Algérie arabo-musulmane d’inspiration panarabiste et partisans d’une identité berbère. Les berbéristes sont largement écartés et même interdits et pourchassés, voire assassinés.
              À partir des accords d’Evian et jusqu’à 1980, le mouvement berbériste ne s’est que peu exprimé. En mars 1980, les responsables de la wilaya de Tizi Ouzou interdisent la conférence de l’écrivain Mouloud Mammeri sur la poésie kabyle sans autre explication. Des manifestations s’organisent alors à Tizi Ouzou, suivies de grèves en Kabylie et à Alger. La révolte gagne l’Université de Tizi Ouzou. C’est le Printemps berbère . S’ensuit une répression brutale de Chadli Bendjedid pour lequel l’Algérie est un pays « arabe, musulman, algérien ». Pas de place pour des identités locales qui remettraient en question l’unanimisme nationaliste de 1962 ! La grève s’étend et le mouvement se généralise : la Kabylie fait, en quelque sorte, sécession et rejette tout caractère d’arabité. Dès 1981, l’activité culturelle, la promotion de la langue par S. Chaker à l’Université d’Alger, la contestation et l’action politique pacifistes prennent de l’ampleur.
              C’est un fait notoire que le « Printemps berbère » de 1980-1981 préfigure les émeutes de Constantine et d’Alger en 1986 et 1988 et annonce la grave crise politique qui ouvre la décennie noire algérienne. Le « Printemps berbère » ouvre la voie à une génération d’intellectuels engagés, ardents défenseurs de l’identité berbère. Le combat pour la reconnaissance linguistique gagne le Maroc qui reconnaît le tamazight comme langue officielle à côté de l’arabe en 2011, suivi en 2016 par l’Algérie, d’où était parti le mouvement.
              Conclusion

              Ainsi donc, ni la figure historique de Massinissa, ni celles de Juba ou de Jugurtha, ni même celle de la Kahena n’ont suffi à la soif de légitimité du berbérisme. Il fallait une plus grande antiquité, plus vénérable, celle de la prestigieuse civilisation pharaonique qui, en effet, à un moment de son histoire a été gouvernée par d’anciens pasteurs libyens, enracinés et acculturés en Egypte.
              C’est à un moment très particulier de l’histoire du mouvement de revendication de l’identité berbère qu’apparaît la référence au pharaon Shéshonq Ier comme héros fondateur : la fin des années 1960. La diaspora berbère de France, libérée de l’étouffement nationaliste qui sévit en Algérie, pose les premiers jalons d’une construction identitaire manquant de repères, d’ancrage in illo tempore. Les échos de la recherche égyptologique gagnent bien vite ce mouvement en mal d’événement fondateur. La fête de Yennayer, elle-même combinaison de plusieurs couches temporelles et culturelles, offre un cadre parfait pour l’enracinement légitimant d’un mythe moderne comme acte fondateur de l’ethnogenèse berbère, ou mieux, pan-berbériste : une campagne militaire du premier des Imazighen à avoir brillé dans l’histoire.
              Comme bien souvent dans les processus de légitimation identitaire, on s’aperçoit ainsi que les mythes fondateurs sont non seulement d’origine hétérogène mais, en outre, ils sont tout à fait récents et répondent à des enjeux sociopolitiques parfaitement contemporains. Bref, une nouvelle fois, l’Antiquité égyptienne devient un instrument de construction identitaire bien loin de sa réalité première.

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              • #8
                Quant à la mention erronée de la wilaya de Tlemcen, elle provient d’une vieille tradition appelée Ayrad (« lion » en berbère) et qui consistait, pour les jeunes habitants de Béni Senous de Lakhmis (Tlemcen), à défiler vêtus de peaux de bœufs et moutons (haidoura) au son des bendirs à l’occasion de la fête de Yennayer
                intéressant ...pour le tourisme !

                Les « calendes de Janvier » sont ainsi attestées chez Tertullien, Père de l’Église né à Carthage, qui condamne les échanges de présents qui ont lieu à l’occasion de cette célébration, dans une mosaïque du calendrier mural du site de Thysdrus (El Jem, Tunisie), daté entre 222 et 235, qui associe à la figure de Ianirius la consommation de fruits, et enfin chez Saint Augustin d’Hippone, né à Thagaste dans l’Algérie orientale, et qui condamne, à l’instar de Tertullien, ces fêtes païennes des calendes de Janvier.
                ah, ces intégristes ....!

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                • #9
                  texte intéressant et très informatif et qui "déconforte" la fable berberiste. A diffuser sur une large échelle, il serait souhaitable d'avoir la source et les références pour l'étayer.

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                  • #10
                    @Étudiant

                    J'ai toujours adoré le Tertullien, un vrai carré bien de chez-nous et comme je les aiment ...
                    "L'armée ne doit être que le bras de la nation, jamais sa tête" [Pio Baroja, L'apprenti conspirateur, 1913]

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                    • #11
                      Qui dit vrai alors ?
                      Pour faire la gueule vous faites travailler 65 muscles, pour sourire 10 suffisent. Alors souriez ...

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                      • #12
                        @CarpDiem

                        Par rapport à quoi ?
                        "L'armée ne doit être que le bras de la nation, jamais sa tête" [Pio Baroja, L'apprenti conspirateur, 1913]

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                        • #13
                          Bonjour Harrachi

                          Entre le texte posté plus haut et les légendes berbères ?
                          Pour faire la gueule vous faites travailler 65 muscles, pour sourire 10 suffisent. Alors souriez ...

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                          • #14
                            @CarpeDiem

                            Bah, en fait, ce qu'il y a retenir c'est qu'il n'existes pas de légende à proprement parler. Il s'agit d'une fête agraire très ancienne qui a persisté, sans qu'une tradition précise (signification, commémoration ... etc.) ait été gardée à son sujet.

                            Ces histoires de Chouchneq et consort ne sont pas des légendes au sens de traditions transmises, mais une mythologie toute moderne qui a essayé d'expliquer, à posteriori, le sens de cette pratique qui, pour sa part, est effectivement réelle et ancienne.
                            "L'armée ne doit être que le bras de la nation, jamais sa tête" [Pio Baroja, L'apprenti conspirateur, 1913]

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                            • #15
                              Les origines du nouvel an amazigh : Elles remontent à 2968 ans
                              Il y'a eu confusion volontaire par l'académie berbère entre un événement culturel et social très ancien yennayer fêté traditionnellement le 12 janvier dans pratiquement toute l'aire culturelle nord africaine et le calendrier amazigh calqué sur un calendrier agraire dont le début du décompte a été fixé à postériori (dans les années 60) par l'intronisation de sheshonq comme pharaon d'Egypte.
                              il n'ya aucun rapport entre les deux événements , sheshonq en Egypte et la dynsatie bubastide est une date qui a compté évidemment dans l'histoire Égyptienne,ce n'est pas n'est vraiment le cas dans l'histoire nord africaine.
                              Dernière modification par xenon, 12 janvier 2018, 16h57.
                              ارحم من في الارض يرحمك من في السماء
                              On se fatigue de voir la bêtise triompher sans combat.(Albert Camus)

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