Réplique sans langue de bois à l’avocat général de la Cour européenne de justice
Le 10 janvier 2018, les conclusions de l’avocat général dans l’affaire C-266/16 relative à l’accord de pêche et au protocole fixant les possibilités de pêche ont été présentées à la Cour européenne par son avocat général.
Un long exposé où est déroulé un argumentaire articulé qui laisse transparaître un effort inlassable de persuasion de son auteur pour convaincre la Cour que «l’accord de pêche et le protocole de 2013 sont incompatibles avec l’article 3, paragraphe 5, TUE (Traité sur Union Européenne), l’article 21, paragraphe 1, premier alinéa TUE, qui imposent à l’Union que son action extérieure respecte strictement le droit international». (Paragraphe 286 des conclusions de l’avocat général). Ces conclusions participent intimement au processus de décision qui sera rendue à l’issue du procès devant la Cour cette année 2018.
Nous sommes dans le cadre d’un processus juridictionnel, la question essentielle que ces conclusions soulèvent n’est pas celle de se demander si la Cour va les suivre ou va s’en écarter.
La question pressante est plutôt de savoir si les parties à ce recours (dont la Confédération marocaine de l’agriculteur et du développement rural, Comader), (paragraphe 33 des conclusions) peuvent, et de quelle manière, discuter les conclusions de ce juge, contrer ses arguments, contester sa motivation, critiquer ses prémisses et lui apporter en tout point discutable la contradiction, argument contre argument. La réponse à cette question de principe est négative.
Il est regrettable que les conclusions de l’avocat général ne puissent pas être contradictoirement débattues devant la Cour; cette impossibilité procédurale qui est une vraie interdiction est inscrite dans l’article 82 du Règlement de procédure de la Cour qui dicte: «le président [de la Cour] prononce la clôture de la phase orale de la procédure après la présentation des conclusions de l’avocat général».
Au regard des principes du contradictoire, de l’égalité des armes dont le respect s’impose dans tout procès judiciaire, je ne peux que critiquer cette immunité de critique attachée, sans être justifiée, aux conclusions de l’avocat général.
Le fait que son raisonnement, ses arguments et les solutions qu’il a proposées à la Cour d’adopter sur l’accord de pêche, soient totalement soustraites à la controverse qui est l’essence de la logique judiciaire est en soi un indice suffisant de ce que, dans son ensemble, le procès de l’accord de pêche, auquel ces conclusions se rattachent, n’est pas un procès équitable.
La justice ne doit pas seulement être dite, elle doit également donner le sentiment qu’elle a été bien rendue.
Si aucun ne peut légalement discuter, devant la Cour, la validité des conclusions de l’avocat général, il faut néanmoins pouvoir les dénoncer en pointant l’incohérence des prémisses de l’avocat général, l’ancrage politiquement marqué de son raisonnement, l’instrumentalisation qu’il a fait des sources du droit international et surtout ce que peuvent être les visées lointaines de ses conclusions.
Sur quarante (40) pages d’exposé et deux cent soixante-dix-neuf (279) notes de renvoi, l’avocat général assène son point de vue avec une certitude contraignante qui emprunte à son analyse l’impression d’une vérité définitive alors qu’il n’y a point en droit de démonstration absolue. Il y a des justifications plus au moins convaincantes dont on fait, par le recours à une autorité juridictionnelle, une décision qu’on tient pour être la norme juridique. La vérité juridique n’a jamais été le critère de l’évidence.
Pourquoi l’avocat général dans ses conclusions (paragraphe 62) pose-t-il comme prémisse que «l’interprétation de l’accord de pêche et du protocole de 2013 conforme à l’article 31 de la convention de Vienne sur le droit des traités aboutit à la conclusion qu’ils sont bien applicables au territoire du Sahara occidental et aux eaux y adjacentes»?
Dans ses conclusions prononcées le 13 septembre 2016 dans l’affaire C-104/16 du 21 décembre 2016 (Conseil/Front Polisario), le même avocat général avait conclu que «ni l’accord d’association UE-Maroc ni l’accord sur la libéralisation des échanges des produits agricoles et de la pêche ne s’appliquent au Sahara occidental.»
On peine à saisir la rationalité de l’avocat général lorsqu’il considère que l’accord de pêche s’applique alors qu’il a catégoriquement opiné en défaveur de l’application de l’accord agricole. Vérité en deçà des Pyrénées, erreur au-delà!
Je ne vais pas élaborer davantage sur les raisons techniques que l’avocat général a avancées aussi bien en faveur qu’on défaveur de l’application des accords, mais ce qui vaut surtout la peine d’être souligné ici, c’est l’incohérence des prémisses de base dans son raisonnement.
Il serait simpliste de qualifier cette incohérence de fortuite vu les enjeux que posent ces accords surtout pour l’Union européenne.
Pourquoi l’avocat général dans ses conclusions a cru devoir écrire (paragraphe 2) «ces questions [demande préjudicielle visant les accords internationaux conclus par l’Union, ainsi que leurs actes de conclusion] sont d’une importance primordiale en ce qui concerne le contrôle juridictionnel de l’action extérieure de l’Union et le processus de décolonisation du Sahara occidental qui est en cours depuis les années 1960».?
Si le contrôle juridictionnel de l’action extérieure de l’Union européenne est un attribut reconnu à la Cour de justice de l’Union au sujet duquel l’avocat général est désigné pour émettre un avis, il en est différemment de ce que, ce même haut magistrat, qualifie de «processus de décolonisation du Sahara occidental.»
La jonction de cette problématique politique avec une question technique de contrôle juridictionnel ne peut se justifier, de sa part, que par un mobile de militantisme judiciaire.
Objectivement, la procédure C-266/16 porte sur quatre (4) questions préjudicielles posées par la Haute Cour de justice d’Angleterre, selon la technique du renvoi préjudiciel, à la Cour européenne sur l’accord de pêche entre l’Union européenne et le Maroc.
Le mécanisme du renvoi préjudiciel découle de l’article 267 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), il a pour finalité de statuer sur la validité et l’interprétation des actes pris par les institutions, organes ou organismes de l’Union.
Lorsque l’avocat général rattache à la question juridique de la validité de l’accord de pêche, par conjonction, le «processus de décolonisation de Sahara occidental» il se pose à lui-même une nouvelle question qui ne fait pas partie de celles que la juridiction du renvoi (la Haute Cour d’Angleterre) a posées à la Cour européenne. Il suffit pour s’en convaincre de se reporter à ses quatre (4) questions que le Journal officiel de l’Union européenne a publiées dans son numéro C260/32 daté du 18 juillet 2017.
Il faut clairement poser ici que l’avocat général commet un abus, il a rendu un avis sur une question qui n’a pas été formulée par la juridiction du renvoi, il a excédé tant l’objet que la finalité de la procédure préjudicielle. Le fait est que dans l’état actuel des choses, cette erreur ne peut pas, à regret, être réparée car les conclusions de l’avocat général ne sont soumises à aucun contrôle.
L’absence de contrôle et le défaut de débat contradictoire caractérisent les conclusions de l’avocat général.
Pourquoi l’avocat général s’est-il cru autorisé à préempter les efforts déployés par le Conseil et la Commission européenne en vue de trouver des bases juridiques compatibles avec l’application de l’accord agricole après l’arrêt de la Cour C-104 du 21 décembre 2016 en formulant ouvertement dans ses conclusions des doutes sur la possibilité juridique de rendre applicable au Sahara l’accord agricole.
Le 10 janvier 2018, les conclusions de l’avocat général dans l’affaire C-266/16 relative à l’accord de pêche et au protocole fixant les possibilités de pêche ont été présentées à la Cour européenne par son avocat général.
Un long exposé où est déroulé un argumentaire articulé qui laisse transparaître un effort inlassable de persuasion de son auteur pour convaincre la Cour que «l’accord de pêche et le protocole de 2013 sont incompatibles avec l’article 3, paragraphe 5, TUE (Traité sur Union Européenne), l’article 21, paragraphe 1, premier alinéa TUE, qui imposent à l’Union que son action extérieure respecte strictement le droit international». (Paragraphe 286 des conclusions de l’avocat général). Ces conclusions participent intimement au processus de décision qui sera rendue à l’issue du procès devant la Cour cette année 2018.
Nous sommes dans le cadre d’un processus juridictionnel, la question essentielle que ces conclusions soulèvent n’est pas celle de se demander si la Cour va les suivre ou va s’en écarter.
La question pressante est plutôt de savoir si les parties à ce recours (dont la Confédération marocaine de l’agriculteur et du développement rural, Comader), (paragraphe 33 des conclusions) peuvent, et de quelle manière, discuter les conclusions de ce juge, contrer ses arguments, contester sa motivation, critiquer ses prémisses et lui apporter en tout point discutable la contradiction, argument contre argument. La réponse à cette question de principe est négative.
Il est regrettable que les conclusions de l’avocat général ne puissent pas être contradictoirement débattues devant la Cour; cette impossibilité procédurale qui est une vraie interdiction est inscrite dans l’article 82 du Règlement de procédure de la Cour qui dicte: «le président [de la Cour] prononce la clôture de la phase orale de la procédure après la présentation des conclusions de l’avocat général».
Au regard des principes du contradictoire, de l’égalité des armes dont le respect s’impose dans tout procès judiciaire, je ne peux que critiquer cette immunité de critique attachée, sans être justifiée, aux conclusions de l’avocat général.
Le fait que son raisonnement, ses arguments et les solutions qu’il a proposées à la Cour d’adopter sur l’accord de pêche, soient totalement soustraites à la controverse qui est l’essence de la logique judiciaire est en soi un indice suffisant de ce que, dans son ensemble, le procès de l’accord de pêche, auquel ces conclusions se rattachent, n’est pas un procès équitable.
La justice ne doit pas seulement être dite, elle doit également donner le sentiment qu’elle a été bien rendue.
Si aucun ne peut légalement discuter, devant la Cour, la validité des conclusions de l’avocat général, il faut néanmoins pouvoir les dénoncer en pointant l’incohérence des prémisses de l’avocat général, l’ancrage politiquement marqué de son raisonnement, l’instrumentalisation qu’il a fait des sources du droit international et surtout ce que peuvent être les visées lointaines de ses conclusions.
Sur quarante (40) pages d’exposé et deux cent soixante-dix-neuf (279) notes de renvoi, l’avocat général assène son point de vue avec une certitude contraignante qui emprunte à son analyse l’impression d’une vérité définitive alors qu’il n’y a point en droit de démonstration absolue. Il y a des justifications plus au moins convaincantes dont on fait, par le recours à une autorité juridictionnelle, une décision qu’on tient pour être la norme juridique. La vérité juridique n’a jamais été le critère de l’évidence.
Pourquoi l’avocat général dans ses conclusions (paragraphe 62) pose-t-il comme prémisse que «l’interprétation de l’accord de pêche et du protocole de 2013 conforme à l’article 31 de la convention de Vienne sur le droit des traités aboutit à la conclusion qu’ils sont bien applicables au territoire du Sahara occidental et aux eaux y adjacentes»?
Dans ses conclusions prononcées le 13 septembre 2016 dans l’affaire C-104/16 du 21 décembre 2016 (Conseil/Front Polisario), le même avocat général avait conclu que «ni l’accord d’association UE-Maroc ni l’accord sur la libéralisation des échanges des produits agricoles et de la pêche ne s’appliquent au Sahara occidental.»
On peine à saisir la rationalité de l’avocat général lorsqu’il considère que l’accord de pêche s’applique alors qu’il a catégoriquement opiné en défaveur de l’application de l’accord agricole. Vérité en deçà des Pyrénées, erreur au-delà!
Je ne vais pas élaborer davantage sur les raisons techniques que l’avocat général a avancées aussi bien en faveur qu’on défaveur de l’application des accords, mais ce qui vaut surtout la peine d’être souligné ici, c’est l’incohérence des prémisses de base dans son raisonnement.
Il serait simpliste de qualifier cette incohérence de fortuite vu les enjeux que posent ces accords surtout pour l’Union européenne.
Pourquoi l’avocat général dans ses conclusions a cru devoir écrire (paragraphe 2) «ces questions [demande préjudicielle visant les accords internationaux conclus par l’Union, ainsi que leurs actes de conclusion] sont d’une importance primordiale en ce qui concerne le contrôle juridictionnel de l’action extérieure de l’Union et le processus de décolonisation du Sahara occidental qui est en cours depuis les années 1960».?
Si le contrôle juridictionnel de l’action extérieure de l’Union européenne est un attribut reconnu à la Cour de justice de l’Union au sujet duquel l’avocat général est désigné pour émettre un avis, il en est différemment de ce que, ce même haut magistrat, qualifie de «processus de décolonisation du Sahara occidental.»
La jonction de cette problématique politique avec une question technique de contrôle juridictionnel ne peut se justifier, de sa part, que par un mobile de militantisme judiciaire.
Objectivement, la procédure C-266/16 porte sur quatre (4) questions préjudicielles posées par la Haute Cour de justice d’Angleterre, selon la technique du renvoi préjudiciel, à la Cour européenne sur l’accord de pêche entre l’Union européenne et le Maroc.
Le mécanisme du renvoi préjudiciel découle de l’article 267 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), il a pour finalité de statuer sur la validité et l’interprétation des actes pris par les institutions, organes ou organismes de l’Union.
Lorsque l’avocat général rattache à la question juridique de la validité de l’accord de pêche, par conjonction, le «processus de décolonisation de Sahara occidental» il se pose à lui-même une nouvelle question qui ne fait pas partie de celles que la juridiction du renvoi (la Haute Cour d’Angleterre) a posées à la Cour européenne. Il suffit pour s’en convaincre de se reporter à ses quatre (4) questions que le Journal officiel de l’Union européenne a publiées dans son numéro C260/32 daté du 18 juillet 2017.
Il faut clairement poser ici que l’avocat général commet un abus, il a rendu un avis sur une question qui n’a pas été formulée par la juridiction du renvoi, il a excédé tant l’objet que la finalité de la procédure préjudicielle. Le fait est que dans l’état actuel des choses, cette erreur ne peut pas, à regret, être réparée car les conclusions de l’avocat général ne sont soumises à aucun contrôle.
L’absence de contrôle et le défaut de débat contradictoire caractérisent les conclusions de l’avocat général.
Pourquoi l’avocat général s’est-il cru autorisé à préempter les efforts déployés par le Conseil et la Commission européenne en vue de trouver des bases juridiques compatibles avec l’application de l’accord agricole après l’arrêt de la Cour C-104 du 21 décembre 2016 en formulant ouvertement dans ses conclusions des doutes sur la possibilité juridique de rendre applicable au Sahara l’accord agricole.
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