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Le trottoir plus grand des librairies en Egypte

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  • Le trottoir plus grand des librairies en Egypte

    Pour se cultiver en Egypte, il faut «faire le trottoir». Ce ne sont pas les grandes maisons d’édition, ni les grandes librairies, ni même la Foire internationale du livre du Caire qui font les succès de librairie en Egypte, «ce sont les étals de trottoirs».


    La Foire du livre fait un tiers des ventes annuelles, les librairies classiques moins d’un quart et les trottoirs près de la moitié.
    Chaque matin, en achetant leurs journaux au Caire, à Alexandrie et même dans les villages, des milliers d’Egyptiens jettent un coup d’œil sur les livres étalés sur le trottoir à côté de la presse et des magazines : une mine d’informations rien qu’en lisant les titres et en regardant les couvertures.
    Et, au moins une fois par mois, les clients habitués repartent avec un livre au milieu des journaux. Parfois même ils commandent un livre dont ils ont lu la critique dans les journaux. Dans le quartier résidentiel d’Héliopolis, au nord-est du Caire, sur la grande place al-Higaz, se trouve une de ces librairies de trottoir.
    Elle est tenue par Saad Ibrahim qui appartient à la nouvelle génération de vendeurs de journaux libraires. Saad a fait des études et il en est fier. Il expose pas moins de 200 titres dans un savant désordre. Les succès de librairie et les dernières parutions sont du côté du feu rouge pour les clients pressés.
    Les romans égyptiens ou traduits sont du côté trottoir, sur la grande place, pour les flâneurs. Le classement comprend aussi un dosage de livres bon marché à côté de livres chers «pour tirer la patte des clients». Les ouvrages vont de 10 livres (1 euro = 20 livres) à 400 livres mais la plupart sont à moins de 50 livres. Dans un pays où le Smic est à 1 200 livres, les livres doivent se rapprocher du prix plancher ou «trottoir». Des discussions passionnées Comme dans les librairies classiques, des discussions s’engagent entre les clients et des habitués du trottoir des livres.
    Selon les points de vue, libéraux ou conservateurs, vieux ou jeunes, on décortique les diverses influences sur le monde des livres. Le soulèvement contre l’ex-président Moubarak en 2011 a libéré les esprits et l’édition.
    La traduction de 1984 de George Orwell devient un succès des librairies de trottoir à tel point qu’apparaissent des éditions pirates moins chères.
    L’arrivée au pouvoir des Frères musulmans et la déception qu’ils provoquent affectent très fortement le livre religieux qui se fait allègrement coiffer par les essais politiques et surtout les romans, et, notamment, ceux à caractère historique.
    Le rêve de Saad Ibrahim, libraire du trottoir, est d’obtenir un permis pour l’ouverture d’un kiosque à l’emplacement de son étal, tout comme le kiosque à cigarettes de l’autre côté de la chaussée.
    Mais les pouvoirs successifs, de Moubarak à aujourd’hui, n’ont jamais accordé le précieux sésame. Un vieux client jette, goguenard : «Les cigarettes sont mauvaises pour la santé mais la culture est mauvaise pour le pouvoir, quel que soit le pouvoir : religieux, militaire ou de l’argent». S’engage une longue discussion passionnée sur la définition de la culture.
    Conclusion des courses : ce n’est ni la capacité de lire et d’écrire, ni les diplômes, ni la quantité de savoir engrangé qui compte, c’est la capacité à exercer un jugement. L’ombre de Montaigne qui préconisait «mieux vaut une tête bien faite qu'une tête bien pleine» aurait-elle plané sur ce trottoir ensoleillé de la place al-Higaz ?

    La Nouvelle République.
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