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Dans le "triangle de la mort" irakien

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  • Dans le "triangle de la mort" irakien

    En tenue de combat fraîchement repassée, un colonel irakien donne ses ordres devant une grande carte murale. Entraînés depuis trois ans par les militaires américains, les officiers de son bataillon en ont adopté les uniformes mouchetés de points blancs mais aussi le style. Leurs cheveux sont presque ras et leur moustache est plus courte qu'à l'époque de Saddam Hussein. Les méthodes aussi ont changé : « Traitez humainement les prisonniers ! », précise le colonel.

    Seuls la tringle dorée, le rideau de voilages qui entoure la carte et les luminaires kitsch de la salle d'opérations de la 4e brigade irakienne de Mahmoudiyah, grosse bourgade au sud de Bagdad, donnent un air oriental à la réunion. Le briefing se tient au milieu de la nuit, quelques heures à peine avant le début de l'opération. « Si nous donnons les ordres plus tôt, nous risquons qu'un soldat avec de mauvaises fréquentations téléphone à des amis mal placés », explique le capitaine américain Andrew Visser, commandant de l'unité américaine (batterie B du 2/15 régiment d'artillerie de campagne), qui participe à l'opération. Les officiers américains sont harnachés comme des cosmonautes, dans leurs treillis gris couverts de pixels comme une photo numérique trop agrandie. Gilets pare-éclats, porte-chargeurs garnis, lunettes de protection et pistolets portés bas sur la cuisse, ils tapent dans le dos de leurs homologues irakiens. Pour plus de communication, ils doivent passer par « Mike » et « Dave », les deux interprètes irakiens de l'unité. Pataugeant dans une boue épaisse, les officiers rejoignent les colonnes de véhicules dans la nuit. Les pluies de l'hiver ont transformé en bourbier les basses terres agricoles qui entourent Mahmoudiyah, sur les rives de l'Euphrate. Des chiens hurlent à la mort alors que les moteurs démarrent.

    « L'objectif est d'avancer le système de postes avancés irakiens vers l'ouest, en direction de Youssoufiyah », explique le capitaine Visser. Diplômé de West Point, c'est un colosse avec de petites lunettes d'intellectuel, qui passe sans peine d'un français à la grammaire impeccable à l'argot militaire de l'US Army. C'est son deuxième séjour en Irak. Son unité, la 10e division de montagne, s'est taillé une réputation de spécialiste de la guerre contre-insurrectionnelle. Le colonel Keershaw, commandant du 2e bataillon, a décoré son bureau avec une photo du colonel Mathieu, l'officier français de La Bataille d'Alger, le film de l'italien Pontecorvo. Au PC du bataillon, on laisse entendre que l'on n'a pas attendu la nouvelle doctrine du général Petraeus, nommé il y a deux semaines commandant en chef des forces américaines en Irak, pour appliquer ses méthodes.

    Empêcher l'ennemi de se déplacer « comme un poisson dans l'eau » et s'appuyer au maximum sur les alliés irakiens sont les nouveaux mots d'ordre de l'armée américaine. Les Américains ont dû réapprendre depuis 2003 les difficiles leçons de la guérilla, face à un ennemi invisible, qui harcèle les troupes par des tirs isolés ou des IED (engins explosifs improvisés) placés au bord des routes. Appliquant les vieilles méthodes des guerres coloniales, ils tentent de contrôler le terrain en multipliant les postes statiques de l'armée irakienne, tout en donnant la chasse aux insurgés.

    « Nous allons, en une journée, construire un nouveau poste irakien sur l'axe»Sue*, vers le village de al-Janabi, dit le capitaine Visser. Pour protéger les travaux, nous allons lancer une série de raids contre des villages suspects au sud de cet axe. »

    Terres agricoles coupées de canaux et de palmeraies, les basses terres situées entre Mahmoudiyah, Youssoufiyah et Latifiyah, à l'est de l'Euphrate, ont été surnommées le « triangle de la mort ». La zone est un bastion de l'insurrection sunnite. Plusieurs étrangers ont été enlevés ou tués dans ce secteur. La région, située à quelques dizaines de kilomètres au sud-ouest de Bagdad, abrite de nombreuses caches d'armes et sert de base arrière aux insurgés qui font régner la terreur dans la capitale. Comme vus à travers les parois d'un aquarium, des bouquets de palmiers qui émergent de la brume et les champs inondés défilent par les vitres blindées des Humvee, dans la lumière sale du petit jour.

    Les sous-officiers américains ont répété les consignes : « Si un putain d'IED explose, mais que votre véhicule peut encore rouler, ne vous arrêtez pas. » Fabriquées avec des obus d'artillerie, ces mines déclenchées au passage des convois ont coûté à l'armée américaine près du tiers de ses pertes depuis 2003. Une violente explosion résonne dans l'air humide, faisant décoller des vols d'oiseaux. Les sapeurs du génie viennent de faire exploser l'un de ces engins, sur la route de la colonne. Les soldats irakiens et américains débarquent et progressent en file indienne dans les chemins bourbeux. Des hélicoptères Apache volent au-dessus des palmiers.

    En tête de liste des suspects figure un certain Abou Naufal. Dans la première ferme, grosse maison à toit plat, les chiens aboient et la basse-cour caquette. Ses enfants blottis sous le porche autour de sa femme voilée de noir, un homme en keffieh explique qu'il ne sait rien d'Abou Naufal. Les soldats irakiens fouillent la maison. Ils n'en sortent qu'une vieille kalachnikov familiale rouillée. L'homme est emmené jusqu'à la ferme suivante. « Je sais, comme d'habitude, vous ne savez rien », ironise le lieutenant Ruckdaschel, le chef de section américain, en interrogeant le paysan suivant. Le groupe de prisonniers, emmené de ferme en ferme, grossit. Les soldats irakiens, commandés par le capitaine Firas, commencent à trouver le temps long. Le soleil tape dur et la boue épaisse est lourde sous les bottes. La plupart des « joundis », comme les surnomment les Américains, sont des jeunes recrues à peine sorties de l'instruction, qui paniquent dès que claquent des coups de feu. Ils portent des prénoms typiquement chiites, comme Abbas ou Hussein. On les sent mal à l'aise dans ces régions à dominante sunnite. Les villageois, eux, cachent à peine leur mépris.

    Dans les roseaux d'un canal, les soldats irakiens ont découvert des mitrailleuses antiaériennes de 14,5 dissimulées dans des couvertures avec leurs munitions. La plupart des suspects sont libérés, faute de preuves. Pendant les ratissages, les merlons pliants du génie américain ont été remplis de terre pour former une enceinte au bord de la route « Sue ». Un poste fortifié de plus au coeur du « triangle de la mort ». Mais une fois les troupes rembarquées dans les véhicules, des coups de feu partent d'une « diguette ». Les mitrailleuses des Humvee ouvrent un feu nourri. Les points rouges des balles traçantes filent vers la digue avant de ricocher vers le ciel. Les insurgés n'ont pas dit leur dernier mot.

    Par Le figaro

  • #2
    l'Irak entière est le triangle de la mort !
    Mr NOUBAT

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