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Partenariat Public-Privé, Intégration avec la Tunisie, l’avenir comme ligne rouge présidentielle

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  • Partenariat Public-Privé, Intégration avec la Tunisie, l’avenir comme ligne rouge présidentielle

    La chronique économique hebdomadaire d’El Kadi Ihsane sur El Watan traite des sujets brulants de l’actualité sous l’angle de la trajectoire stratégique. Le verrou politique borne l’horizon au plus près.

    Le président Bouteflika vient d’annuler le pacte du partenariat public privé signé en grandes pompes par le gouvernement Ouyahia avec les partenaires sociaux.Douche froide sur les affaires publiques. Réminiscence de la séquence Tebboune l’été dernier. Désordre virant à l’entropie. Bouteflika traque ce qui est pour lui le contournement de l’interdiction de céder des actifs publics au privé. Il pense que le marqueur de son pouvoir politique doit rester invariablement visible jusqu’à ce que mort s’en suive. Son marqueur, ce sont les lignes rouges qu’il ne faut pas dépasser.

    En économie, il en existe quelques unes plus ou moins rouges foncées. L’endettement extérieur, les privatisations, le 51-49%. Triple non. Bien sur l’Algérie a besoin d’un triple oui sur ces trois fronts. Mais le président ne l’entend pas ainsi. Ses premiers ministres font des figures de circonvolutions pour contourner son interdiction. On peut se demander par exemple comment a été « vendue » au président, l’emprunt de 900 millions de dollars à la banque africaine de développement réalisé en 2016, soutien déguisé à la balance des paiements. Une opération de coopération technique ? La perception du monde selon le président Bouteflika révèle sa généalogie dans ses phobies. L’emprunt extérieurs et les investissements directs étrangers feraient perdre de la souveraineté politique à l’Algérie.

    Les privatisations déplaceraient une partie de la base sociale de la bureaucratie bourgeoise de l’Etat vers l’autre frange de la bourgeoisie – pourtant consanguine- celle des affaires. Or il n’est pas question – dans le système de référence de pensée de Abdelaziz Bouteflika, de céder de l’influence à qui que ce soit. Ni les bailleurs de fonds extérieurs, ni les multinationales, ni les investisseurs algériens. Et si quelqu’un s’avise d’expliquer que les pays émergents sont ceux qui ont marié un secteur privé national conquérant, des investissements directes étrangers massifs et de l’attractivité pour la création de richesse, Bouteflika a une armée bureaucratique de réserve pour soutenir qu’il ne faut surtout rien changer à un modèle qui gagne.

    Les lignes rouges présidentielles sont donc toujours là. Elles se déclinent dans tous les domaines de la vie publique : pas de vrais télévisions algériennes, pas d’ouverture de la bande FM à la Radio Privée, pas de suppression du monopole de Algérie Télécom sur Internet, Pas d’opérateurs privés des services GPS, tout comme auparavant, pas de fonds souverain algérien, pas de réduction de la subvention indirecte à l’énergie et à l’eau, ou encore pas de réouverture de la frontière terrestre avec le Maroc. Le président Bouteflika défends ce qu’il perçoit comme les éléments de la pérennité de son pouvoir politique. Le cout de cette perception archéologique pouvait être « caché » par le pétrole à plus de 100 dollars. Il est devenu insoutenable. Donc systémiquement dangereux pour l’avenir de l’Algérie.

    De quoi la fièvre tunisienne est elle le nom ?

    La Tunisie connaît ce mois de janvier sa troisième poussée de la fièvre sociale en moins deux ans.Les manifestations ont couvert un territoire plus grand que celles du début de 2016 et du printemps de 2017. Effet direct de la stagnation économique des trois dernières années. Le modèle tunisien ne pouvait pas se renouveler rapidement dans un contexte post révolutionnaire. Il était construit sur la sous-traitance industrielle pour les donneurs d’ordre européens en berne depuis dix ans, et sur l’économie des services (tourisme) en crise depuis la révolution et la montée du risque sécuritaire.

    Les trous d’air de 2015 et de 2016 (à peine plus de 1% de croissance du PIB) ont remis la Tunisie sous contrainte de plan d’ajustement FMI. Et les 2,3% - à valider- de croissance en 2017 sont loin de renverser la courbe du chômage (14%) et des déficits publics grandissants (70% de dettes publiques). Les réponses de politique publique sont classiques. L’Etat cherche à réduire ses dépenses en coupant dans notamment dans les subventions, et à améliorer ses revenus fiscaux en augmentant la TVA. Tableau noir pour les populations précaires des Régions, ancienne plaie territoriale de l’ère Benali.

    La situation est tendue mais non critique nous disent les collègues journalistes et analystes à Tunis. Comparé à l’ajustement algérien rampant, le tunisien a glissé sur plusieurs années et aurait laissé un peu plus de temps aux classes moyennes pour s’adapter à leur perte de pouvoir d’achat. L’inflation n’a pas dépassé les 6,4% en 2017 alors même que le dinar tunisien perdait 18% de sa valeur face à l’Euro et 10 % face au dollar US depuis le 1ER janvier 2017. En réalité la conjoncture tunisienne combine les éléments d’un challenge habituel. Les effets de la relance de l’offre – et donc de l’embauche et des revenus distribués – arrivent plus tard que ceux de l’austérité et de l’inflation. L’intervalle temporel est un couloir de la mort politique. En Tunisie, il menace aujourd’hui clairement la survie de la coalition Nidaa Tounes- Ennahda qui a permis jusque là de piloter le troisième moment postrévolutionnaire, celui de l’après Moncef Marzouki et de la Koutla. Il faudra pour le gouvernement Chahed trouver les artifices qui maintiendront le cap sous la pression.

    Les premiers résultats expansifs post-ajustement aidés par le redressement des revenus du tourisme, devraient se ressentir en 2018 et 2019 ou la croissance prévisionnelle (banque mondiale) devrait repasser au dessus de la barrière symbolique des 3% (3,5% en 2019). L’incertitude politique est d’ailleurs le principal retenu dans l’évaluation de l’agence de notation Fitch Ratings dans son rapport sur la Tunisie pour les deux prochaines années. Le risque Tunisie est maintenu à B+ avec perspectives stables, après avoir été déprécié au début de 2016 par Fitch Ratings. Le risque de déstabilisation sécuritaire à partir de la Libye est mieux maitrisé depuis deux années. La reprise des visites touristiques devrait se poursuivre en 2018 et contribuer à contenir le déficit de la balance des paiements (-8% en 2017). Sur le fil du rasoir. La mutation de l’économie tunisienne pour sortir du modèle étriqué de la sous-traitance industrielle et des services de niches n’a, elle, plus de temps à perdre.

    Algérie-Tunisie synchronie

    Les cycles de conjoncture des deux économies algérienne et tunisienne sont synchrones depuis 2014. Cela a rarement été le cas par le passé. Baisse des revenus extérieurs, déficits de la balance courante extérieure, politique d’austérité. Cela devrait interpeller les politiques. Il y’a enfin sans doute quelque chose à faire pour faire converger des politiques publiques contra-cycliques. Le président Marzouki avait rappelé en 2012 la volonté de son pays de respecter les cinq libertés de l’Union du Maghreb Arabe dont la libre circulation du travail et du capital. Le président Bouteflika a manqué alors une occasion historique de faire avancer l’intégration des deux économies dans un contexte favorable.

    L’Algérie pouvait apporter un soutien financier beaucoup plus important à la transition tunisienne que les facilités accordées (50 millions $ en don et 100 millions en crédit préférentiel). Sur un plan de stratégie géopolitique il y avait sans doute mieux à faire. L’Algérie a engagé une mise à disposition en réserve de pres de 5 milliards de dollars pour le compte du FMI (qui finalement ne l’a pas utilisée) . La moitié de ce montant directement prêté à l’Etat tunisien sous la forme de plusieurs lignes de crédit liée à des projets, notamment d’intégration et de mise à niveau en infrastructure, aurait ouvert une voie royale aux produits, aux services et aux investissements des Algériens en Tunisie. Et inversement.

    Les deux économies auraient sans doute retrouvé une plus grande profondeur de marché avec une marche accélérée vers le grand projet qui peut changer la dynamique de la région, l’union douanière. L’intégration de la Libye au dispositif aurait apporté rapidement un booster à la part du PIB réalisé par chacun des pays dans l’échange avec les autres. Marginal face aux enjeux de la crise ? Sans doute pas si l’on réfléchit un peu en prospective de moyen terme. L’avenir est bien au grand ensemble. L’avenir c’est maintenant. Oui mais l’avenir est aussi une ligne rouge de Monsieur Abdelaziz Bouteflika.
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