L’incroyable show de Jawad Bendaoud au tribunal
Le Parisien / Pascale Egré 25 janvier 2018, 22h58
Jawad Bendaoud, exalté, hâbleur et bavard, jugé pour avoir hébergé deux terroristes du 13 novembre, a livré sa version des faits jeudi au tribunal, entre rires de l’assistance et agacements des proches des victimes.
Une boule de nerfs… Il parle avec les mains, bombe le torse en sautillant, répète à la présidente qu’il ne veut pas «lui manquer de respect» mais ne cesse de l’interrompre. «Venons-en aux faits, madame !»
Jawad Bendaoud, «logeur» de deux des djihadistes du 13 novembre 2015, c’est un flot de mots en mode tchatche de cité pour répéter qu’il était «à mille kilomètres d’imaginer qu’[il] allai[t] héberger des terroristes». Avec ce genre de variantes : «Mohamed Soumah qui me ramène des terroristes, c’est comme JoeyStarr qui rentre à Daech !» dit-il, évoquant son principal coprévenu. Ou encore : «On me prend pour un abruti ! Je donne 100 euros au type qui me ramène des terros ? C’est comme si Snoop Dogg faisait des soirées avec Ben Laden.» Alors on rit avec la salle, mais un peu jaune.
Jawad Bendaoud, bouffon malgré lui, dit l’inconscience pathétique d’un petit délinquant du 9-3 embarqué dans un drame trop grand pour lui. Et peut-être, pense-t-on après cette audience aux allures de comparution immédiate, dans un procès trop grand pour lui. Il lâche ainsi, soucieux d’empathie mais bien maladroit : «Y a eu 130 morts et 400 blessés, je vais pas raconter les choses comme si c’était un vol de sac à main.»
«Y a un billet à prendre, je vais pas cracher dessus »
Eh bien, si. Sa version, lui qui encourt six ans de prison, voire douze, pour «recel de malfaiteurs terroristes» dans un squat du centre-ville de Saint-Denis, est bête et méchante : «Moi, je voulais me faire un billet. Je suis marocain d’origine, berbère, on est un peu commerçant […] Y a un billet à prendre, je vais pas cracher dessus !»
L’interrogatoire, disons-le, est mené de main de maître par une présidente appliquée à ce que ce prévenu rageur, qui invoque ses « vingt-sept mois à l’isolement », n’explose pas de colère. Ton égal, Isabelle Prévost-Desprez n’en balaye pas moins tous les éléments du dossier.
A l’époque, apprend-on, Bendaoud, multirécidiviste au casier judiciaire chargé, est en semi-liberté. Il vient de perdre un emploi de préparateur de commandes. « Quinze jours avant mon interpellation sur BFMTV », précise-t-il drôlement, rappelant ces images surréalistes du 18 novembre qui en ont fait la risée des réseaux sociaux. Son quotidien : amours, défonce, trafic de stups et gestion de squats. « J’en avais vendu deux pour 3 000 €, il m’en restait deux. »
Il réserve l’un de ceux de la rue du Corbillon, l’« appartement conspiratif » plus tard cerné par le Raid, aux moments de ses « redescentes ». « Faut quelques heures, madame […] La coke, un trait, deux traits, et puis c’est pic et pic et colégram.» Avec Soumah, vieille connaissance de prison, il vient de monter un « bizness » fructueux : « C’est moi qui lui ai montré la technique pour transformer 1 g (de cocaïne) en 100 € (de crack). »
«J’étais pas au courant que deux personnes étaient en cavale »
Quand celui-ci lui présente une « copine », Hasna Aït Boulahcen, qui lui achète « sept boulettes » et « cherche un appartement », il y voit « une aubaine ». « Elle me dit que son frère (NDLR : en réalité son cousin) s’est pris la tête avec sa femme, qu’il fait la prière, qu’il a deux enfants… Moi, je lui fais 150 € les trois-quatre nuits. »
Le soir du 17 novembre 2015, Bendaoud accueille ses « locataires », Abdelhamid Abaaoud, cerveau présumé des attaques de Paris et Saint-Denis, et Chakib Akrouh, membre du commando des terrasses. Le premier lui demande « où est le sens de la prière ». « Oui, y avait des signes que j’ai pas su interpréter, admet Bendaoud. Mais j’étais pas au courant que deux personnes étaient en cavale ! Oui, j’ai pas percuté. Mais après l’assaut, c’est facile ! » A l’aube du 18 novembre, assailli de textos, il appelle sa copine : « Ah, j’aurais dû m’en douter, c’est moi le trou du *** ! »
Le Parisien / Pascale Egré 25 janvier 2018, 22h58
Jawad Bendaoud, exalté, hâbleur et bavard, jugé pour avoir hébergé deux terroristes du 13 novembre, a livré sa version des faits jeudi au tribunal, entre rires de l’assistance et agacements des proches des victimes.
Une boule de nerfs… Il parle avec les mains, bombe le torse en sautillant, répète à la présidente qu’il ne veut pas «lui manquer de respect» mais ne cesse de l’interrompre. «Venons-en aux faits, madame !»
Jawad Bendaoud, «logeur» de deux des djihadistes du 13 novembre 2015, c’est un flot de mots en mode tchatche de cité pour répéter qu’il était «à mille kilomètres d’imaginer qu’[il] allai[t] héberger des terroristes». Avec ce genre de variantes : «Mohamed Soumah qui me ramène des terroristes, c’est comme JoeyStarr qui rentre à Daech !» dit-il, évoquant son principal coprévenu. Ou encore : «On me prend pour un abruti ! Je donne 100 euros au type qui me ramène des terros ? C’est comme si Snoop Dogg faisait des soirées avec Ben Laden.» Alors on rit avec la salle, mais un peu jaune.
Jawad Bendaoud, bouffon malgré lui, dit l’inconscience pathétique d’un petit délinquant du 9-3 embarqué dans un drame trop grand pour lui. Et peut-être, pense-t-on après cette audience aux allures de comparution immédiate, dans un procès trop grand pour lui. Il lâche ainsi, soucieux d’empathie mais bien maladroit : «Y a eu 130 morts et 400 blessés, je vais pas raconter les choses comme si c’était un vol de sac à main.»
«Y a un billet à prendre, je vais pas cracher dessus »
Eh bien, si. Sa version, lui qui encourt six ans de prison, voire douze, pour «recel de malfaiteurs terroristes» dans un squat du centre-ville de Saint-Denis, est bête et méchante : «Moi, je voulais me faire un billet. Je suis marocain d’origine, berbère, on est un peu commerçant […] Y a un billet à prendre, je vais pas cracher dessus !»
L’interrogatoire, disons-le, est mené de main de maître par une présidente appliquée à ce que ce prévenu rageur, qui invoque ses « vingt-sept mois à l’isolement », n’explose pas de colère. Ton égal, Isabelle Prévost-Desprez n’en balaye pas moins tous les éléments du dossier.
A l’époque, apprend-on, Bendaoud, multirécidiviste au casier judiciaire chargé, est en semi-liberté. Il vient de perdre un emploi de préparateur de commandes. « Quinze jours avant mon interpellation sur BFMTV », précise-t-il drôlement, rappelant ces images surréalistes du 18 novembre qui en ont fait la risée des réseaux sociaux. Son quotidien : amours, défonce, trafic de stups et gestion de squats. « J’en avais vendu deux pour 3 000 €, il m’en restait deux. »
Il réserve l’un de ceux de la rue du Corbillon, l’« appartement conspiratif » plus tard cerné par le Raid, aux moments de ses « redescentes ». « Faut quelques heures, madame […] La coke, un trait, deux traits, et puis c’est pic et pic et colégram.» Avec Soumah, vieille connaissance de prison, il vient de monter un « bizness » fructueux : « C’est moi qui lui ai montré la technique pour transformer 1 g (de cocaïne) en 100 € (de crack). »
«J’étais pas au courant que deux personnes étaient en cavale »
Quand celui-ci lui présente une « copine », Hasna Aït Boulahcen, qui lui achète « sept boulettes » et « cherche un appartement », il y voit « une aubaine ». « Elle me dit que son frère (NDLR : en réalité son cousin) s’est pris la tête avec sa femme, qu’il fait la prière, qu’il a deux enfants… Moi, je lui fais 150 € les trois-quatre nuits. »
Le soir du 17 novembre 2015, Bendaoud accueille ses « locataires », Abdelhamid Abaaoud, cerveau présumé des attaques de Paris et Saint-Denis, et Chakib Akrouh, membre du commando des terrasses. Le premier lui demande « où est le sens de la prière ». « Oui, y avait des signes que j’ai pas su interpréter, admet Bendaoud. Mais j’étais pas au courant que deux personnes étaient en cavale ! Oui, j’ai pas percuté. Mais après l’assaut, c’est facile ! » A l’aube du 18 novembre, assailli de textos, il appelle sa copine : « Ah, j’aurais dû m’en douter, c’est moi le trou du *** ! »
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