Les sociétés ont, de tout temps, voulu dater les événements qui les ont marqués puis, en devenant plus complexes, noter tous leurs aspects temporels. C’est la fonction de l’ère historique.
Le calendrier, quant à lui, a d’abord servi aux autorités religieuses à fixer les fêtes sacrées puis à rythmer les saisons. La plupart des calendriers connus ont commencé par être lunaires — comme le premier calendrier, le sumérien, établi il y a environ 5 000 ans — avant de devenir luni-solaires ou solaires. Une des exceptions notables est le calendrier musulman qui est resté uniquement lunaire. Le calendrier est évoqué dans le Coran et nous pouvons penser que le mode lunaire choisi donne une portée universelle au message coranique où, par exemple, le jeûne du mois de Ramadhan se déroule à travers toutes les saisons afin de ne privilégier aucune région du monde habité.
Le calendrier chinois ou hébraïque, par exemple, est luni-solaire, c’est-à-dire que les mois sont lunaires et le calendrier est ajusté régulièrement pour se conformer à l’année solaire. L’ancien calendrier romain était d’abord lunaire puis luni-solaire avant de devenir complètement solaire avec le calendrier julien du nom de Jules César qui le promulgue en 45 avant Jésus-Christ. À la fondation de Rome en 753 avant Jésus-Christ, le calendrier ne comportait que 10 mois dont les quatre premiers avaient des noms de divinités, le premier étant Mars, le dieu de la Guerre, et les six autres, leur nom était leur rang dans la liste, c’est-à-dire en traduisant en français le cinquième, le sixième et ainsi de suite jusqu’au dernier, le dixième. Le début de l’année commençait aux environs du printemps, le 15 mars.
Le début de l’année devait avoir une profonde signification et le choix du début du printemps n’était pas arbitraire car il symbolisait le renouveau. Sous d’autres cieux, le choix fut autre. En Egypte, par exemple, l’année débutait le 29 ou le 30 août, selon que l’année soit bissextile ou non, car c’était la date de la crue du Nil, moment de l’année le plus important pour le pays.
La première réforme du calendrier romain fut attribuée au deuxième roi légendaire de Rome, Numa Pompilius, qui ajouta deux autres mois à la fin de la liste, Ianuarius, du nom du dieu Janus, que les Arabes du pourtour méditerranéen ont prononcé Yennayer et Februarius en l’honneur du dieu Februus.
En 153 av. J.-C., il fut décidé que l’élection des consuls qui avait lieu le premier Ianuarius (janvier en français) serait consacrée comme le début de l’année. Les deux derniers mois, janvier et févier, devinrent alors les deux premiers mois.
La réforme julienne maintient cette chronologie et c’est ainsi que le nom des mois conserve de nos jours cette anomalie d’appellation puisque, par exemple, le dernier mois, le douzième est appelé décembre, c’est-à-dire le dixième. C’est aussi le cas des trois avant-derniers mois car entre-temps le cinquième mois de la liste originelle a été baptisé du nom de Jules César (juillet) et le sixième de celui d’Auguste (août).
L’Europe, se considérant comme héritière de l’Empire romain, garda le calendrier julien, mais, chose insolite, aucun des pays la composant ne fit débuter l’année julienne par le premier janvier et son adoption s’est faite progressivement entre 1522 et 1752.
Nous voyons avec cet exemple que l’instauration d’un calendrier ainsi que la fixation du début de l’année n’est pas chose allant de soi. Ce qui est sûr c’est que ce n’est pas l’avis des farceurs de la pseudo-académie berbère créée à Paris en 1966 qui, se fondant sur le son du mot Yennayer, ont décidé de se l’accaparer en le décrétant berbère.
Enhardis par le soutien de médias incultes ou veules et de personnes tapies dans les allées du pouvoir et voyant que le ridicule ne tuait pas, ils se firent égyptologues pour imaginer naïvement une ère historique. Ils cherchèrent le plus loin dans l’histoire, car l’inculte est par essence toujours dans la surenchère, et leur choix se porta sur Sheshonq 1er, fondateur de la XXIIe dynastie égyptienne.
Toute la région à l’ouest de l’Egypte était nommée Libye et ses habitants Libyens. À ce terme, on y accola celui de berbère qui n’est pourtant attesté que lors de la période romaine, soit mille ans environ après Sheshonq. Récemment on y ajouta même amazigh, terme apparu au siècle dernier.
Les farceurs, cités plus haut, ne se doutaient pas qu’ils s’aventuraient sur des sables mouvants. L’égyptologie, comme toute science archéologique, et même comme toute science humaine, n’est pas une science exacte. D’abord les égyptologues ne s’accordent pas sur le début du règne de Sheshonq qui varie entre 948 et 931 av. J.-C.. Nos farceurs vont la situer en 950 av. J.-C., non pas parce qu’ils ont fait de savants calculs mais sûrement pour avoir un chiffre rond facile à retenir.
Mais le plus important n’est bien sûr pas là. Si on sait peu de choses sur Sheshonq, les égyptologues ont déterminé qu’il était un Egyptien de lointaine ascendance libyenne.
Pendant le Nouvel Empire (1540-1080 av. J.-C.), période la plus faste de l’Egypte pharaonique, de nombreux Libyens furent faits prisonniers et installés en Egypte. Plus tard, ils intégrèrent en nombre l’armée ainsi que la police égyptiennes. Sheshonq était issue d’une riche famille qui a occupé des postes importants dans le corps des prêtres égyptiens et dans l’armée.
Lui-même avait rang de prince et était le commandant en chef de l’armée et conseiller en chef sous le règne du dernier Pharaon de la XXIe dynastie. A la mort de ce dernier, de graves troubles éclatèrent et Sheshonq en profita pour se proclamer Pharaon.
Résumons le projet des farceurs : hold-up sur le calendrier romain et création ex-nihilo d’une ère débutant à partir de la prise du pouvoir d’un lointain Pharaon égyptien. Et le Maghreb dans toute cette salade ? Si ces farceurs ont voulu montrer que notre région était en dehors de l’histoire en ces temps-là, ils n’auraient pas mieux réussi.
Dans leur crasse ignorance, ils ont cru que le début d’une ère pouvait être fixé arbitrairement. Or, le début d’une ère doit avoir une forte résonance dans le psychisme d’un peuple.
Voyons quelques exemples d’ères historiques. Le calendrier hébraïque affiche l’année 5778 après la création du monde.
Ce chiffre est tiré de la généalogie décrite par la Torah, enseignement fondateur pour les Hébreux. Les historiens romains dataient les évènements à partir de la fondation de Rome (AUC, ab urbe condita, à partir de la fondation de la ville). Omar, le second calife, décida que l’ère musulmane débute de l’Hégire (exil du Prophète), évènement fondateur s’il en fut. La Révolution française fait commencer le calendrier révolutionnaire de la proclamation de la République, soit le 22 septembre 1792.
Le calendrier, quant à lui, a d’abord servi aux autorités religieuses à fixer les fêtes sacrées puis à rythmer les saisons. La plupart des calendriers connus ont commencé par être lunaires — comme le premier calendrier, le sumérien, établi il y a environ 5 000 ans — avant de devenir luni-solaires ou solaires. Une des exceptions notables est le calendrier musulman qui est resté uniquement lunaire. Le calendrier est évoqué dans le Coran et nous pouvons penser que le mode lunaire choisi donne une portée universelle au message coranique où, par exemple, le jeûne du mois de Ramadhan se déroule à travers toutes les saisons afin de ne privilégier aucune région du monde habité.
Le calendrier chinois ou hébraïque, par exemple, est luni-solaire, c’est-à-dire que les mois sont lunaires et le calendrier est ajusté régulièrement pour se conformer à l’année solaire. L’ancien calendrier romain était d’abord lunaire puis luni-solaire avant de devenir complètement solaire avec le calendrier julien du nom de Jules César qui le promulgue en 45 avant Jésus-Christ. À la fondation de Rome en 753 avant Jésus-Christ, le calendrier ne comportait que 10 mois dont les quatre premiers avaient des noms de divinités, le premier étant Mars, le dieu de la Guerre, et les six autres, leur nom était leur rang dans la liste, c’est-à-dire en traduisant en français le cinquième, le sixième et ainsi de suite jusqu’au dernier, le dixième. Le début de l’année commençait aux environs du printemps, le 15 mars.
Le début de l’année devait avoir une profonde signification et le choix du début du printemps n’était pas arbitraire car il symbolisait le renouveau. Sous d’autres cieux, le choix fut autre. En Egypte, par exemple, l’année débutait le 29 ou le 30 août, selon que l’année soit bissextile ou non, car c’était la date de la crue du Nil, moment de l’année le plus important pour le pays.
La première réforme du calendrier romain fut attribuée au deuxième roi légendaire de Rome, Numa Pompilius, qui ajouta deux autres mois à la fin de la liste, Ianuarius, du nom du dieu Janus, que les Arabes du pourtour méditerranéen ont prononcé Yennayer et Februarius en l’honneur du dieu Februus.
En 153 av. J.-C., il fut décidé que l’élection des consuls qui avait lieu le premier Ianuarius (janvier en français) serait consacrée comme le début de l’année. Les deux derniers mois, janvier et févier, devinrent alors les deux premiers mois.
La réforme julienne maintient cette chronologie et c’est ainsi que le nom des mois conserve de nos jours cette anomalie d’appellation puisque, par exemple, le dernier mois, le douzième est appelé décembre, c’est-à-dire le dixième. C’est aussi le cas des trois avant-derniers mois car entre-temps le cinquième mois de la liste originelle a été baptisé du nom de Jules César (juillet) et le sixième de celui d’Auguste (août).
L’Europe, se considérant comme héritière de l’Empire romain, garda le calendrier julien, mais, chose insolite, aucun des pays la composant ne fit débuter l’année julienne par le premier janvier et son adoption s’est faite progressivement entre 1522 et 1752.
Nous voyons avec cet exemple que l’instauration d’un calendrier ainsi que la fixation du début de l’année n’est pas chose allant de soi. Ce qui est sûr c’est que ce n’est pas l’avis des farceurs de la pseudo-académie berbère créée à Paris en 1966 qui, se fondant sur le son du mot Yennayer, ont décidé de se l’accaparer en le décrétant berbère.
Enhardis par le soutien de médias incultes ou veules et de personnes tapies dans les allées du pouvoir et voyant que le ridicule ne tuait pas, ils se firent égyptologues pour imaginer naïvement une ère historique. Ils cherchèrent le plus loin dans l’histoire, car l’inculte est par essence toujours dans la surenchère, et leur choix se porta sur Sheshonq 1er, fondateur de la XXIIe dynastie égyptienne.
Toute la région à l’ouest de l’Egypte était nommée Libye et ses habitants Libyens. À ce terme, on y accola celui de berbère qui n’est pourtant attesté que lors de la période romaine, soit mille ans environ après Sheshonq. Récemment on y ajouta même amazigh, terme apparu au siècle dernier.
Les farceurs, cités plus haut, ne se doutaient pas qu’ils s’aventuraient sur des sables mouvants. L’égyptologie, comme toute science archéologique, et même comme toute science humaine, n’est pas une science exacte. D’abord les égyptologues ne s’accordent pas sur le début du règne de Sheshonq qui varie entre 948 et 931 av. J.-C.. Nos farceurs vont la situer en 950 av. J.-C., non pas parce qu’ils ont fait de savants calculs mais sûrement pour avoir un chiffre rond facile à retenir.
Mais le plus important n’est bien sûr pas là. Si on sait peu de choses sur Sheshonq, les égyptologues ont déterminé qu’il était un Egyptien de lointaine ascendance libyenne.
Pendant le Nouvel Empire (1540-1080 av. J.-C.), période la plus faste de l’Egypte pharaonique, de nombreux Libyens furent faits prisonniers et installés en Egypte. Plus tard, ils intégrèrent en nombre l’armée ainsi que la police égyptiennes. Sheshonq était issue d’une riche famille qui a occupé des postes importants dans le corps des prêtres égyptiens et dans l’armée.
Lui-même avait rang de prince et était le commandant en chef de l’armée et conseiller en chef sous le règne du dernier Pharaon de la XXIe dynastie. A la mort de ce dernier, de graves troubles éclatèrent et Sheshonq en profita pour se proclamer Pharaon.
Résumons le projet des farceurs : hold-up sur le calendrier romain et création ex-nihilo d’une ère débutant à partir de la prise du pouvoir d’un lointain Pharaon égyptien. Et le Maghreb dans toute cette salade ? Si ces farceurs ont voulu montrer que notre région était en dehors de l’histoire en ces temps-là, ils n’auraient pas mieux réussi.
Dans leur crasse ignorance, ils ont cru que le début d’une ère pouvait être fixé arbitrairement. Or, le début d’une ère doit avoir une forte résonance dans le psychisme d’un peuple.
Voyons quelques exemples d’ères historiques. Le calendrier hébraïque affiche l’année 5778 après la création du monde.
Ce chiffre est tiré de la généalogie décrite par la Torah, enseignement fondateur pour les Hébreux. Les historiens romains dataient les évènements à partir de la fondation de Rome (AUC, ab urbe condita, à partir de la fondation de la ville). Omar, le second calife, décida que l’ère musulmane débute de l’Hégire (exil du Prophète), évènement fondateur s’il en fut. La Révolution française fait commencer le calendrier révolutionnaire de la proclamation de la République, soit le 22 septembre 1792.
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