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Tunisie, Algérie, Cameroun, Cuba... plus de 80 ans et toujours au pouvoir

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  • Tunisie, Algérie, Cameroun, Cuba... plus de 80 ans et toujours au pouvoir

    >Le Parisien>Week-End|Brice Perrier| 29 janvier 2018,

    En décembre 2017, quelques jours avant ses 40 ans, Emmanuel Macron rencontre le président algérien, Abdelaziz Bouteflika, 80 printemps.Panoramic
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    LE PARISIEN WEEK-END. Rassurants pour certains, léthargiques pour d’autres, les dirigeants de plus de 80 ans ne sont pas près de tourner la page. Tour d’horizon des gérontocraties.

    Le contraste sera saisissant. Le 1er février, Emmanuel Macron, 40 ans, va rencontrer en Tunisie son homologue, Beji Caïd Essebsi, 91 ans, le doyen des présidents en exercice. Comme lui, en Afrique, en Amérique latine ou au Moyen-Orient, une poignée de présidents, souvent à la tête de régimes autoritaires, ont franchi le cap des 80 ans. Leur mandat peut être marqué par des événements ou des pratiques directement liés à leur âge avancé. Conseils des ministres apathiques, sommets internationaux interrompus par une impérieuse envie de sieste, frais médicaux à l’étranger nécessitant un budget en millions de dollars… la gérontocratie ramollit plutôt le fonctionnement d’un Etat.

    Un Etat au ralenti

    Même quand son chef demeure relativement fringant pour son âge, comme le président tunisien, qui n’excluait pas l’été dernier de remettre l’année prochaine son titre en jeu, confiant son destin « aux mains de Dieu ». Surréaliste, quand on se souvient que la Tunisie fut le berceau du Printemps arabe. Au tournant de l’année 2011, sa révolution de Jasmin laissait présager un grand renouveau. Sept ans plus tard, le pays est dirigé par un politicien nommé ministre en 1957. Il y a soixante et un ans ! « Le signe d’un pays qui patine, estime Ali Bensaâd, professeur à l’Institut français de géopolitique. Quand on est dirigé par un vieux, c’est la marque d’un système qui s’accroche. » Ou d’une marche au ralenti, comme le déplore le mouvement citoyen Winou Etrottoir (« Où est le trottoir ? » en arabe tunisien). Sur la page Facebook du groupe qui compte 86 000 membres, les photos d’occupations abusives de la voie publique, de constructions illégales, de routes non entretenues se multiplient. « Ici, ce qui devrait prendre six mois dure trois ans, remarque son initiateur, l’architecte Sahby Gorgi. Les élections municipales n’ont cessé d’être repoussées et on attend toujours un code des collectivités locales. »

    Pourtant, la Tunisie n’est pas la plus mal lotie. Chez le voisin algérien, le président est tout juste octogénaire, mais se trouve dans un état nettement plus inquiétant. Abdelaziz Bouteflika ne s’est pas adressé à son peuple depuis son accident vasculaire cérébral en 2013. Ce qui ne l’a pas empêché d’être réélu en 2014. « Il y a une absence d’Etat formel, estime Ali Bensaâd. Une quarantaine d’ambassadeurs attendent d’être accrédités à Alger, le président n’étant pas en état de les recevoir. » L’écrivain algérien Karim Akouche est plus sévère : « On est en Absurdistan ! Si Bouteflika est encore vivant en 2019, il se représentera et gagnera. » Selon ce poète expatrié au Québec, seule l’armée fonctionnerait dans une « nécrocratie » où la rente pétrolière ne permet même plus d’acheter la paix sociale. « Pour freiner le Printemps arabe, Bouteflika a subventionné les produits de base et financé les jeunes créateurs d’entreprise, rappelle-t-il. Mais il n’y a eu aucun suivi. Beaucoup ont acheté des mini-bus pour faire le taxi. Le prix des courses a donc baissé et on a vu quelqu’un transformer son véhicule en bordel ambulant. C’est tragi-comique, mais la léthargie du pouvoir s’accompagne d’une léthargie de la population. »

    85 ans et bientôt réélu ?

    Plus au sud, au Cameroun, Paul Biya est au pouvoir depuis 1982. Il s’apprête à fêter ses 85 ans et vient de lancer sa campagne de réélection dans un pays classé parmi les plus corrompus. « Il n’y a jamais eu un procès, explique le rappeur Valsero. Et la corruption généralisée est devenue un rapport humain convivial. Avec la petite tape entre le policier qui gagne plus dans la rue que par son salaire et l’automobiliste qui voit là le moyen de ne pas payer son assurance. » Activiste et interdit de concert, il décrit son pays figé par une administration opaque. « Des projets de routes ou de ponts sont à l’arrêt car on ne sait plus qui est le bon interlocuteur, les élus locaux ou le commissaire du gouvernement. La décentralisation est plombée par un système tenu par les mêmes personnes depuis trente ans. »

    Une volonté sécessionniste est née dans l’ouest du pays. Et Paul Biya répond, selon sa méthode habituelle, par le déni ou la répression, sous le regard bienveillant de sa femme, Chantal, l’atout charme du régime, anecdotique politiquement. Tout le contraire de Grace Mugabe, qui a, d’une certaine manière, provoqué la chute de son mari Robert. Il était encore l’année dernière, à 93 ans, le plus vieux président de la planète. Régnant depuis 1987 sur le Zimbabwe, Mugabe avait laissé son épouse intriguer pour lui succéder. Alliée à la génération des quadras du parti unique, Grace a fait limoger le vice-président Emmerson Mnangagwa. Une erreur fatale, qui conduisit à un coup d’Etat. « Mugabe n’était probablement plus capable d’agir stratégiquement comme avant », confie Peter Hermes, ancien conseiller du chef de l’opposition. Soutenu par l’armée, Mnangagwa, 75 ans, a pris le pouvoir. Accompagné de vieux ministres corrompus du dictateur déchu.

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    Mahmoud Abbas (ici, avec Donal trump en mai 2017), 82 ans, est président de l'Autorité palestinienne depuis 2005. (Atef Safadi/Maxppp)

    Un pouvoir sans tonus

    Certains préparent mieux leur succession. En Tunisie, Hafedh, le fils de Beji Caïd Essebsi, a ainsi pris la tête du parti créé par son père. Saïd, le frère du président algérien Bouteflika, est présenté comme le régent, sans être en mesure de prendre officiellement le pouvoir, ce qui prolongerait le règne d’Abdelaziz. A Cuba, Raul Castro, 86 ans, a remplacé son frère aîné Fidel à la tête de l’Etat. Il a annoncé vouloir quitter la présidence en 2018... mais on parle de son fils Alejandro pour lui succéder et donc le soulager d’une tâche délicate à assumer, passé un certain âge. « Lors de sa venue en France en 2016, Raul est resté pendant deux jours cloîtré dans son hôtel à récupérer du voyage, relève l’exilé cubain Jacobo Machover. Il refuse de montrer sa dégradation physique, et prépare sa sortie. Mais il restera premier secrétaire du parti communiste, la force dominante à Cuba. »

    Le pouvoir est une drogue dure, même quand il est très relatif. Mahmoud Abbas, 82 ans, président d’un Etat palestinien toujours virtuel, ne cède pas sa place, bien que dépourvu du tonus nécessaire pour redonner un soupçon de vie au processus de paix avec Israël. Impuissant face à l’occupation de son territoire, il n’est même pas garant d’un compromis entre les forces palestiniennes concurrentes telles que le Fatah et le Hamas. Ce que réussit, en revanche, à symboliser Michel Aoun, devenu président du Liban en 2016, après plus de deux ans de vacance du poste. « Il a rempli un vide, mais à 84 ans paraît bien âgé dans un pays qui aurait besoin d’énergie politique, analyse le politologue libanais Ziad Majed.

    On ne voit apparaître aucune solution aux crises. Aoun incarne seulement le statu quo d’un système qui vieillit. » Il a néanmoins su répondre présent quand il a refusé fermement la démission du Premier ministre Saad Hariri, prononcée depuis l’Arabie saoudite, apaisant une situation susceptible de dégénérer.

    Comme Beji Caïd Essebsi en Tunisie où la révolution de Jasmin avait pris un virage islamiste. « En 2013, on était à la croisée des chemins, avec deux possibilités, se remémore Sahby Gorgi. Soit une option à l’algérienne avec une guerre civile, soit laisser les anciens s’occuper du pays. On a fait le second choix, et cette pédale de frein fut utile. Les vieux chefs se sont entendus entre eux, ils ont calmé leurs troupes. On a depuis une paix politique. Bien sûr, le système est toujours grippé, avec une économie en grande difficulté, mais la société civile évolue magnifiquement. Et c’est elle qui fait avancer le pays. » Elle vient d’ailleurs de l’exprimer dans la rue, démontrant que la vitalité de la Tunisie ne dépend pas seulement de son président.



    Mujica, le pépé progressiste
    Il a quitté la présidence de l’Uruguay juste avant ses 80 ans, en 2015, au terme d’un mandat qui l’a vu marquer son temps et son pays. José Mujica, surnommé Pepe, reste associé à des mesures aussi progressistes qu’étonnantes pour un homme de son âge. Légalisation de l’avortement, instauration du mariage homosexuel et dépénalisation du cannabis avec contrôle de la diffusion et de la production par l’Etat, une première mondiale visant à court-circuiter le trafic. Apologiste de la sobriété et du partage, le président Mujica reversait 90 % de son salaire à des oeuvres et continuait de vivre dans sa petite ferme tout en se déplaçant dans sa vieille Coccinelle. De quoi en faire Le Dernier Héros du cinéaste Emir Kusturica, qui a consacré un documentaire à ce grand-père aujourd’hui sénateur.
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill
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