Par Bernadette Sauvaget — 31 janvier 2018 à 20:46
Tariq Ramadan en garde à vue : l’aura perdue du prédicateur musulman
Cette garde à vue était attendue. Depuis mercredi matin, le théologien et prédicateur musulman Tariq Ramadan est entendu dans les locaux de la police judiciaire à Paris. C’est la suite logique de l’enquête préliminaire d’envergure lancée fin octobre à la suite des deux plaintes pour viol à l’encontre de cette figure incontournable de l’islam francophone. L’affaire, qui a éclaté dans la foulée du mouvement «Balance ton porc», a ébranlé les milieux musulmans. Quoi qu’il advienne des suites judiciaires, Ramadan a d’ores et déjà perdu de son aura. «Son avenir comme leader communautaire est très compromis», estime Omero Marongiu-Perria, sociologue de l’ethnicité et des religions.
Le doute s’est installé, rendant infréquentable - au moins pour une longue période - le leader islamique. «Je ne vois aucun responsable musulman qui pourrait aujourd’hui l’inviter dans sa mosquée», souligne Saïd Branine, du site communautaire Oumma.com. Organisées par sa garde rapprochée, les tentatives de contre-feu (un «complot sioniste international» évoqué pour décrédibiliser la première plaignante, Henda Ayari) n’ont guère fonctionné. Même parmi les plus grands supporteurs du prédicateur. Racontées par d’anciennes relations, les frasques extraconjugales de Ramadan ont, en revanche, provoqué un tremblement de terre dans les milieux musulmans. Davantage sans doute que les accusations de viol pour lesquelles nombre de responsables musulmans attendent un éventuel procès (selon les suites judiciaires qui seront données à l’affaire) avant de se prononcer. En contradiction totale avec la stricte et rigoureuse morale islamique, la double vie de Ramadan, connue jusqu’alors de quelques cercles, a «démonétisé» le théologien. C’est l’un des effets collatéraux majeurs des deux plaintes pour viol. «Tariq Ramadan a fondé sa carrière sur une entreprise politique et religieuse, analyse le politologue Haoues Seniguer, spécialiste de l’islam et du radicalisme religieux. C’est son gagne-pain. Il est en train de montrer qu’il est une sorte de Dr Jekyll et Mr Hyde.»
Dans les réseaux fréristes qui le conviaient très régulièrement en France, l’effet a été dévastateur. C’est même un coup très dur pour Musulmans de France (l’ex-UOIF). Murée dans un silence total, l’organisation, selon des sources internes, est accablée. «Ramadan était le pivot central de leur grand rassemblement annuel au Bourget», explique Haoues Seniguer. Mais pas seulement. «Tariq était une sorte de modèle, reconnaît l’un des dirigeants de Musulmans de France. Nous devons réfléchir à notre discours vis-à-vis de nos jeunes.» L’organisation était-elle déjà au courant de la double vie du prédicateur ? Plusieurs dirigeants le démentent formellement à Libération. Mais des cercles proches de Majda Bernoussi, une ex-maîtresse de Ramadan, la première à avoir raconté publiquement ses aventures extraconjugales, affirment le contraire. Elle aurait prévenu, dès 2012, le président de l’organisation. Une certitude : la fin politique très probable de Ramadan rebat les cartes. Et met surtout au jour un problème de leadership au sein des milieux musulmans. «Il y a beaucoup de prétendants à la succession mais cela ne fait pas une relève», pointe le politologue Haoues Seniguer.
Bernadette Sauvaget
Tariq Ramadan en garde à vue : l’aura perdue du prédicateur musulman
Cette garde à vue était attendue. Depuis mercredi matin, le théologien et prédicateur musulman Tariq Ramadan est entendu dans les locaux de la police judiciaire à Paris. C’est la suite logique de l’enquête préliminaire d’envergure lancée fin octobre à la suite des deux plaintes pour viol à l’encontre de cette figure incontournable de l’islam francophone. L’affaire, qui a éclaté dans la foulée du mouvement «Balance ton porc», a ébranlé les milieux musulmans. Quoi qu’il advienne des suites judiciaires, Ramadan a d’ores et déjà perdu de son aura. «Son avenir comme leader communautaire est très compromis», estime Omero Marongiu-Perria, sociologue de l’ethnicité et des religions.
Le doute s’est installé, rendant infréquentable - au moins pour une longue période - le leader islamique. «Je ne vois aucun responsable musulman qui pourrait aujourd’hui l’inviter dans sa mosquée», souligne Saïd Branine, du site communautaire Oumma.com. Organisées par sa garde rapprochée, les tentatives de contre-feu (un «complot sioniste international» évoqué pour décrédibiliser la première plaignante, Henda Ayari) n’ont guère fonctionné. Même parmi les plus grands supporteurs du prédicateur. Racontées par d’anciennes relations, les frasques extraconjugales de Ramadan ont, en revanche, provoqué un tremblement de terre dans les milieux musulmans. Davantage sans doute que les accusations de viol pour lesquelles nombre de responsables musulmans attendent un éventuel procès (selon les suites judiciaires qui seront données à l’affaire) avant de se prononcer. En contradiction totale avec la stricte et rigoureuse morale islamique, la double vie de Ramadan, connue jusqu’alors de quelques cercles, a «démonétisé» le théologien. C’est l’un des effets collatéraux majeurs des deux plaintes pour viol. «Tariq Ramadan a fondé sa carrière sur une entreprise politique et religieuse, analyse le politologue Haoues Seniguer, spécialiste de l’islam et du radicalisme religieux. C’est son gagne-pain. Il est en train de montrer qu’il est une sorte de Dr Jekyll et Mr Hyde.»
Dans les réseaux fréristes qui le conviaient très régulièrement en France, l’effet a été dévastateur. C’est même un coup très dur pour Musulmans de France (l’ex-UOIF). Murée dans un silence total, l’organisation, selon des sources internes, est accablée. «Ramadan était le pivot central de leur grand rassemblement annuel au Bourget», explique Haoues Seniguer. Mais pas seulement. «Tariq était une sorte de modèle, reconnaît l’un des dirigeants de Musulmans de France. Nous devons réfléchir à notre discours vis-à-vis de nos jeunes.» L’organisation était-elle déjà au courant de la double vie du prédicateur ? Plusieurs dirigeants le démentent formellement à Libération. Mais des cercles proches de Majda Bernoussi, une ex-maîtresse de Ramadan, la première à avoir raconté publiquement ses aventures extraconjugales, affirment le contraire. Elle aurait prévenu, dès 2012, le président de l’organisation. Une certitude : la fin politique très probable de Ramadan rebat les cartes. Et met surtout au jour un problème de leadership au sein des milieux musulmans. «Il y a beaucoup de prétendants à la succession mais cela ne fait pas une relève», pointe le politologue Haoues Seniguer.
Bernadette Sauvaget
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