Annonce

Réduire
Aucune annonce.

Retour sur un massacre

Réduire
Cette discussion est fermée.
X
X
 
  • Filtre
  • Heure
  • Afficher
Tout nettoyer
nouveaux messages

  • Retour sur un massacre

    Salam; bonsoir

    Le 8 mai 1945 dans le Nord Constantinois


    A retenir :
    Ces terribles massacres mirent un coup d’arrêt à l’élan unitaire du mouvement national algérien dont les différentes composantes s’étaient rassemblées au sein des Amis du Manifeste et de la Liberté [AML].
    ce que je ne savais pas :
    Ainsi, le 14 mars 1944, les trois principales composantes du mouvement national algérien, les nationalistes révolutionnaires du PPA, les islahistes de l’Association des Ouléma et les « autonomistes » proches de Ferhat Abbas, décidèrent de s’unir au sein des Amis du Manifeste et de la Liberté pour lutter contre le colonialisme et promouvoir l’idée de nation algérienne.
    Suivant la ligne politique du PCF, le 31 mai 1945, Amar Ouzegane, le premier secrétaire du PCA, dénonça « la collusion criminelle des faux nationalistes du PPA avec la Haute Administration non épurée et les soutiens du fascisme »[20]. Liberté, l’organe du PCA, parlait de « complot fasciste » dont les militants du PPA étaient les principaux agents. Le PCA qui était formellement indépendant et qui, dans les faits, s’alignait totalement sur la politique du PCF, refusait de prendre en compte les aspirations nationales du peuple algérien.
    Au lendemain de ces manifestations, la CGT et le PCA accusèrent le PPA d’avoir fomenté « une provocation ». En réponse, l’organe clandestin du PPA, L’Action algérienne, lança un appel répondant aux allégations du PCA : « Communistes Algériens ! Vous n’avez de communistes que le nom ! Votre parti a jeté le masque. Il glorifie l’assassinat. Il se fait le complice de l’administration. Messali serait hitlérien ! Il oublie que le PPA et le PCA ont été dissous par le même décret en Septembre 1939, que Messali et ses amis ont été condamnés au bagne par Vichy, alors que Djenienbou-Rezag, Taïeb, Boualiz, Ouzegane, etc… étaient relativement favorisés par Vichy. Il oublie qu’au moment où Hitler semblait vaincre, Messali n’a jamais répondu aux offres du nazisme qu’il condamne depuis 1937 »[7].
    Ces terribles massacres mirent un coup d’arrêt à l’élan unitaire du mouvement national algérien dont les différentes composantes s’étaient rassemblées au sein des Amis du Manifeste et de la Liberté [AML].
    En effet, durant la seconde guerre mondiale la situation politique fut profondément bouleversée. L’échec définitif du mouvement assimilationniste[1], la défaite de juin 1940 qui avait montré la vulnérabilité de la puissance coloniale, avaient redéfini les « champs du possible » pour les acteurs du mouvement national algérien. Avec le débarquement Alliées en Afrique du Nord, le 8 novembre 1942, la vie politique connut une nouvelle dynamique. Les acteurs du mouvement national reprenaient à leur compte l’idée du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes mis en avant par les Américains dans la Charte Atlantique datée 12 août 1942.
    C’est dans cette atmosphère que le 10 février 1943, Ferhat Abbas, avec le soutien du Parti du Peuple Algérien [PPA], clandestin, et de l’association des Ouléma, rendit publique le Manifeste du Peuple Algérien. Rompant avec l’idéologie assimilationniste, le Manifeste affirmait : « le temps est passé où un Musulman algérien demandera autre chose que d’être un Algérien musulman »[2].
    Le Manifeste eut rapidement un écho important au sein de la population algérienne. Par la suite, afin de faire valoir les idées développées dans le Manifeste, les différentes tendances du mouvement national décidèrent de s’unir dans une organisation politique commune. Ainsi, le 14 mars 1944, les trois principales composantes du mouvement national algérien, les nationalistes révolutionnaires du PPA, les islahistes de l’Association des Ouléma et les « autonomistes » proches de Ferhat Abbas, décidèrent de s’unir au sein des Amis du Manifeste et de la Liberté pour lutter contre le colonialisme et promouvoir l’idée de nation algérienne.
    Les AML se structurèrent en section sur l’ensemble du territoire algérien et devinrent rapidement une organisation de masse réunissant plusieurs dizaines de milliers d’adhérents. En politisant la population algérienne, les AML permettaient de changer les rapports entre colonisateurs et colonisés. Selon Ahmed Mahsas, « encouragés par l’extension des AML, les Algériens longtemps réduits au silence et à la sujétion par le système colonial, changeaient de comportement et levaient la tête. Ils n’acceptèrent plus les brimades dont ils étaient l’objet quotidiennement de la part de l’administration et de la majorité des Européens



    Le nouveau comportement des Algériens se manifestait par le rejet de toute mesure d’humiliation et par la défense de leur dignité. Il suscita la crainte dans les milieux colonialistes et exacerba la haine de « l’arabe », naguère traité par le mépris. La tension entre le peuple algérien d’un côté, l’administration et les Européens de l’autre, régna sur l’étendue de tout le territoire algérien »[3].
    Au sein des AML, Ahmed Mahsas expliquait que le PPA s’efforçait « de populariser ses mots d’ordre (indépendance, panarabisme, solidarités avec les pays arabo-musulmans et les pays colonisés). Son radicalisme, son caractère populaire, son organisation et son action efficace plaçaient le PPA à l’avant-garde du combat »[4].
    A cette période, selon Benyoucef Ben Khedda, « une vague de nationalisme déferlait sur tout le pays. C’en était trop pour les colons qui, voyant leurs privilèges menacés, commençaient à paniquer »[5]. De plus, les AML, sous l’influence du PPA, radicalisaient leur revendication ce qui inquiétaient les autorités coloniales.


    En mars 1945, le Congrès des AML demanda : « la reconnaissance de la nationalité algérienne » ; « l’établissement d’une constitution algérienne démocratique et républicaine » ; « le remplacement des Assemblées algériennes par un Parlement élu » ; « le remplacement du gouvernement général par un gouvernement algérien » ; « la reconnaissance des couleurs algériennes »[6]. De Plus,une motion reconnaissant Messali Hadj comme « leader incontestable du peuple Algérien » fut votée.
    Face à cette radicalisation, l’administration coloniale chercha à réagir. Le 18 avril à l’occasion d’un rassemblement dans la commune de Chellala, dans le Sud du département d’Alger, l’administration en profita pour procéder à l’arrestation de plusieurs militants des AML. Ces arrestations provoquèrent des heurts entre la police et la population locale. Le 25 avril, Messali Hadj, qui était assigné à résidence dans la région, fut déporté au Congo. Ainsi, commençait la répression contre le mouvement national.
    Les militants du PPA voulurent réagir contre la politique répressive de l’administration coloniale et montrer leur capacité de mobilisation. Depuis le débarquement, le parti nationaliste révolutionnaire s’était organisé clandestinement sur l’ensemble du territoire algérien et représentait une réelle force politique capable de remettre en cause l’ordre colonial. Le PPA était essentiellement composé de jeunes militants prêts à en découdre avec les autorités coloniales.
    Le 1er mai 1945, à l’occasion de la fête du travail, des manifestions furent organisées dans toute l’Algérie. Afin de montrer leur capacité de mobilisation et pour protester contre la déportation de Messali Hadj, les militants du PPA décidèrent d’y participer en organisant des cortèges distincts de leurs adversaires du Parti Communiste Algérien [PCA] et de la CGT. Les slogans du PPA était : « Parlements Algérien », « Libérer Messali », « Libération de tous les détenus politiques », « indépendance » ». Face à cette démonstration de force des nationalistes algériens, les autorités réprimèrent durement les manifestions. A Alger la police ouvrit le feu sur les manifestants faisant 4 morts. Dans le même temps, il y eu respectivement 1 mort à Oran et à Blida.
















    Dernière modification par etudiant, 03 février 2018, 12h11.

  • #2
    Au lendemain de ces manifestations, la CGT et le PCA accusèrent le PPA d’avoir fomenté « une provocation ». En réponse, l’organe clandestin du PPA, L’Action algérienne, lança un appel répondant aux allégations du PCA : « Communistes Algériens ! Vous n’avez de communistes que le nom ! Votre parti a jeté le masque. Il glorifie l’assassinat. Il se fait le complice de l’administration. Messali serait hitlérien ! Il oublie que le PPA et le PCA ont été dissous par le même décret en Septembre 1939, que Messali et ses amis ont été condamnés au bagne par Vichy, alors que Djenienbou-Rezag, Taïeb, Boualiz, Ouzegane, etc… étaient relativement favorisés par Vichy. Il oublie qu’au moment où Hitler semblait vaincre, Messali n’a jamais répondu aux offres du nazisme qu’il condamne depuis 1937 »[7].
    A la suite de ces manifestations du 1er mai, l’administration lança une vague d’arrestations parmi les militants nationalistes révolutionnaires. Face à cette répression, le PPA donna des consignes précises à ses militants pour l’organisation des manifestations célébrant la fin de la guerre 1939-1945. Selon Chawki Mostefaï, cadre nationaliste révolutionnaire, la direction du PPA ordonna que :
    « 1) Les manifestations doivent être absolument pacifiques ; les mots d’ordre de prudence et de sang-froid largement diffusés parmi les manifestants ; le contrôle de ceux-ci pour récupérer toutes espèces d’armes éventuelles tels que armes à feu, couteaux, même les bâtons etc.
    2) Les villes d’Alger, d’0ran et Blida s’abstiendront de manifester ; de crainte que les récentes fusillades du 1ier Mai, n’aient créé chez les militants et les manifestants, un esprit de revanche, contre les forces de l’ordre, propice aux provocations de celles-ci, toujours possibles.
    3) Déployer en milieu de parcours, le drapeau algérien, qui venait d’être adopté par la Direction, quelques semaines auparavant. »[8]



    Malgré la violente répression des manifestations du 1ier mai, les nationalistes révolutionnaires du PPA voulaient absolument participer aux manifestations célébrant la victoire contre le nazisme. A ce propos, Chawki Mostefaï expliquait :« Il fallait frapper un grand coup et démontrer, au moment de la célébration prochaine de la victoire définitive du camp de la Démocratie sur l’Hitlérisme, que le peuple algérien, partisan de la Démocratie et de la Liberté des peuples, entendait célébrer dans la joie et l’enthousiasme la fin du cauchemar né de l’Hitlérisme et son équivalent le Colonialisme, contre lesquels le peuple Algérien a consenti les plus grands sacrifices sur tous les fronts de la guerre »[9].
    Les nationalistes révolutionnaires Algériens voulaient utiliser ces manifestations pour s’affirmer sur la scène internationale afin de revendiquer l’indépendance de l’Algérie. Chawki Mostefaï affirmait que« pour profiter au maximum du retentissement médiatique, à l’échelle mondiale de la victoire des pays de la Charte de l’Atlantique, l’Algérie devait fêter sa victoire en tant que peuple, en tant que nation opprimée, indépendamment de la France et de ses institutions, en arborant tout haut l’Emblème de sa propre souveraineté. C’est ainsi que nous décidâmes, au sein du Comité Directeur, de défiler le jour des manifestations de la victoire, en arborant le drapeau de l’Etoile Nord Africaine et P.P.A en tête des cortèges »[10].
    Ainsi, pour célébrer la victoire des Alliés, le 8 mai au matin, les nationalistes Algériens organisèrent des manifestations dans de nombreuses villes du pays : à Blida, Berrouaghia, Sidi Bel Abbès, Saïda, Annaba ou Jijel. Dans ces deux dernière villes, les Algériens sortirent des drapeaux et des banderoles sur lesquels il était inscrit : « Vive l’Algérie indépendante », « A bas le colonialisme », « Libérer Messali ». Face à cette manifestation de nationalisme algérien, la police intervint et des coups de feu furent tirés. A Guelma, la police voulut disperser les manifestants du cortège musulman, ce qui provoqua des échauffourées faisant 1 mort côté algérien.


    A Sétif, il y avait environ 10 000 personnes présentes, dont environ 200 membres des Scouts Musulmans Algériens [SMA] qui ouvraient la marche. Les manifestants déployèrent des pancartes, proclamant notamment « Vive l’Algérie libre et indépendante » ou « A bas le fascisme et le colonialisme ». Au cours de la manifestation, un drapeau aux couleurs algériennes fut déployé. Voyant ce drapeau et ces banderoles, la police chercha à s’en saisir. Les manifestants refusèrent. En réponse, des rafales de mitraillette furent tirées par un policier français. La manifestation tourna à l’émeute. A 13 heures le couvre feu était instauré et à 20 heures l’état de siège était décrété. L’armée, la police et la gendarmerie sillonnèrent les quartiers arabes et les douars de la région.
    Des armes étaient distribuées aux colons européens qui se constituèrent en milices. Selon Mahfoud Kaddache, « tous les Européens, quelle que soit leur tendance politique, se regroupaient face au danger arabe […] elle [la milice] se livra à des représailles contre la population musulmane et à des exécutions sommaires de suspects, de militants des AML, du PPA, des Oulémas et des scouts musulmans algériens »[11].
    La violence de l’armée française et des milices Européennes fut impitoyable. Exécutions sommaires, massacres de civils, prises d’otages au sein de la population algérienne, viols, bombardements de villages… A Sétif où la loi martiale fut proclamée, tout Algérien ne portant pas le brassard réglementaire était abattu.
    Le 12 mai 1945, le Général De Gaulle ordonna au gouvernement général « d’afficher publiquement la volonté de la France victorieuse de ne laisser porter aucune atteinte à la souveraineté française en Algérie » et de « prendre toutes les mesures nécessaires pour réprimer tous agissements antifrançais d’une minorité d’agitateurs »[12].
    Pour mettre en œuvre cette répression, l’armée fut mobilisée. Outre les 9 000 hommes de la division de Constantine, des unités d’Alger et de Tunis furent dirigées dans le Nord Constantinois. Deux croiseurs, le Triomphant et le Duguay-Trouin, tirèrent plus de 800 coups de canon depuis la rade de Bougie sur la région de Sétif. L’aviation bombarda et rasa plus ou moins complètement plusieurs agglomérations. Une cinquantaine de « mechtas » furent incendiées. Les automitrailleuses firent leur apparition dans les villages. Les soldats tirèrent à distance sur la population. Les blindés furent relayés par les militaires arrivés en convoi sur les lieux. A l’approche des troupes, les villages étaient désertés par une population qui se réfugiait sur les crêtes ou dans les ravins.

    Commentaire


    • #3
      Pour sauver leur vie, des hommes, des femmes et des enfants furent obligés de s’agenouiller devant les militaires français. L’armée célébrait sa victoire. Le 25 mai 1945, 5 000 fellahs des Babors furent contraints de se mettre à genoux, de demander pardon et de crier « Vive la France ». Puis, le colonel de légion les obligea à se prosterner le front à terre devant le drapeau français et à dire : « nous sommes des chiens et Ferhat Abbas est un chien »[13]. Parmi eux, 400 furent identifiés comme troubles faits et furent conduits vers une destination inconnue dont ils ne revinrent jamais.
      Les corps des cadavres étant trop nombreux, tous ne purent être enterrés. Ils furent alors jetés dans les puits et dans les gorges de Kherrata. Les miliciens Européens décidèrent de réemployer les « techniques » que leurs « camarades » Allemands avaient utilisées dans les camps de la mort. Ils brûlèrent les corps dans des fours à chaux, selon la logique voulant que « s’il n’y a pas de corps il n’y a pas de victimes ». Saci Benhamla, qui habitait à quelques centaines de mètres du four à chaux d’Héliopolis, décrivait « l’insupportable odeur de chair brûlée et l’incessant va-et-vient des camions venant décharger les cadavres, qui brûlaient ensuite en dégageant une fumée bleuâtre ». Le même homme racontait, à Kef-El-Boumba, « j’ai vu des Français faire descendre d’un camion cinq personnes les mains ligotées, les mettre sur la route, les arroser d’essence avant de les brûler vivants »[14].
      Le nombre des victimes ne fut jamais clairement établi ; les chiffres oscillent entre 1 500 morts selon le gouvernement français et 45 000 selon les nationalistes Algériens qui reprirent les chiffres du consul général des Etats-Unis à Alger.
      Au-delà des chiffres, les massacres laissèrent des souvenirs effroyables à ceux qui les avaient vécus. Un bachagha travaillant pour l’administration française expliqua au journal colonialiste Le Courrier Algérien : « jamais, tant que je vivrai, je n’oublierai le souvenir de ces viols, des incendies, de ces canons, des ces mitrailleuses, de ces troupes, l’arme au pied, amassées aux abords du village et dans le village, de ces arrestations, de ces exécutions massives, de ces délations de fellahs terrorisés mentant à longueur de journée pour se disculper »[15].
      Parallèlement, une vague de répression toucha les trois tendances du mouvement national algérien qui s’étaient unies au sein des AML. Ceux-ci furent dissous, par les autorités françaises, le 15 mai 1945. Les militants nationalistes qui avaient exercé des responsabilités publiques, furent envoyés en prison. En novembre 1945, le nombre des arrestations s’élevait à 4 560 pour toute l’Algérie. Selon Charles-André Julien, « la plupart des arrestations avaient été faites sans preuves »[16]. Les tribunaux militaires avaient prononcé 557 non-lieux, 1307 condamnations, dont 99 à mort, 64 aux travaux forcés à perpétuité, 329 aux travaux forcés à temps et 250 acquittements. Messali Hadj fut déporté à Brazzaville, Ferhat Abbas alors dirigeant des AML fut envoyé en prison ainsi que le président de l’Association des Ouléma, le Cheikh Bachir El Ibrahimi.
      Ces terribles massacres ne furent pas l’œuvre du gouvernement de Vichy mais celui du gouvernement de la France Libre qui s’était opposé au nazisme. Tous les grands mouvements politiques issus de la résistance y étaient présents, des gaullistes aux communistes en passant par les socialistes et les démocrates chrétiens. Tous furent agents actifs et complices des massacres du Nord-Constantinois. Le ministre de l’air qui fit bombarder le Nord-Constantinois, était le communiste Charles Tillon qui avait dirigé les Francs-Tireurs et Partisans [FTP].
      Dans les colonnes de Fraternité du 17 mai 1945, les socialistes blâmèrent ceux qui « avaient sali la grande heure de la Victoire des démocraties » et estimèrent que « la grande masse des populations musulmanes n’avait pas encore atteint le degré d’évolution minimum nécessaire pour justifier les revendications du Manifeste ; le fait que les élites dirigeantes aient organisé et déclenché ce mouvement n’indique pas non plus que celles-ci ont une maturité politique »[17]. Le PCF dénonçait l’action « d’agents secrets hitlériens et d’autres agents camouflés dans des organisations qui se prétendent démocratiques au service de l’impérialisme fasciste »[18].
      Dans son édition du 12 mai, L’Humanité appela à « châtier impitoyablement et rapidement les organisateurs de la révolte et les hommes de mains qui ont dirigé l’émeute ». Le 31 mai, le journal communiste recommandait de « punir comme ils le mérite les tueurs hitlériens ayant participé aux évènements de mai 1945, et les chefs pseudo-nationalistes »[19].Le PCF pour qui l’aspiration à l’indépendance était étrangère à la population algérienne,se félicita des sanctions prises contre Messali Hadj, Ferhat Abbas et le Cheikh Bachir El Ibrahimi, ainsi que de la dissolution des AML.
      Suivant la ligne politique du PCF, le 31 mai 1945, Amar Ouzegane, le premier secrétaire du PCA, dénonça « la collusion criminelle des faux nationalistes du PPA avec la Haute Administration non épurée et les soutiens du fascisme »[20]. Liberté, l’organe du PCA, parlait de « complot fasciste » dont les militants du PPA étaient les principaux agents. Le PCA qui était formellement indépendant et qui, dans les faits, s’alignait totalement sur la politique du PCF, refusait de prendre en compte les aspirations nationales du peuple algérien.
      Malgré la répression, les militants clandestins du PPA continuaient de mener leur action politique. Dans un tract distribué au alentour du 25 juin 1945 dans la région d’Alger, le PPA affirmait : « le peuple algérien vient de vivre l’épisode le plus dramatique et le plus sanglant de sa lutte plus que séculaire contre l’Impérialisme le plus rapace, le plus tyrannique, le plus aberré. […] Les journées du 1er et du 8 mai sont désormais inscrites en lettres de sang dans l’histoire de notre grand combat pour la libération de la Patrie Algérienne. 500 000 de nos frères, calmes, dignes, mais farouchement résolus, ont parcouru les rues de nos villes au mépris des mitrailles, galvanisés par une foi indomptable en l’idéal de Libération Nationale ». Dénonçant l’unanimisme de la presse et des partis politiques français, le tract ajoutait :« l’union sacrée est réalisée quand il s’agit d’accuser l’Arabe. Même nos socialistes, même nos impérialo-communistes »[21].
      Analysant la signification historique de ces massacres, le tract du PPA expliquait : « les massacres sont l’unique moyen de sauver les privilèges hideux du colonialisme, si ce n’est en exterminant les Arabes. Ils en ont tué 35 000. Il en reste 9 965 000, qui sont prêts à mourir et qui sont prêts… à se DEFENDRE. Car les évènements ont scellé d’un lien d’acier l’unité du peuple algérien ». Le tract se concluait en affirmant : « Tout cela c’est la déconfiture du régime colonial français »[22].
      Ces massacres marquèrent profondément toute une génération de jeunes militants nationalistes révolutionnaires Algériens qui furent à l’origine de l’insurrection du 1ier novembre 1954. Cela fit dire à certains historiens, tels que Mohammed Harbi, que la révolution algérienne avait véritablement commencé le 8 mai 1945 à Sétif. Pour l’un des hommes qui organisa l’insurrection du 1ier novembre, Mohammed Boudiaf, le 8 mai 1945 fut le point de départ de son engagement dans les rangs nationalistes : « Le 8 mai 1945, expliquait-il, fut le point de départ d’une prise de conscience »[23].

      Commentaire


      • #4
        Alors que le Parti Communiste Français, qui participe au gouvernement, soutient le colonialisme, le PCA déclare : « Frères musulmans, le peuple de France lutte contre tes ennemis : le fascisme et les trusts qui oppriment l’Algérie en même temps qu’ils trahissent la France (…) dans cette lutte, une France nouvelle se crée, qui n’aura rien de commun avec celle d’hier. (…)
        Ton intérêt propre est donc d’aider cette France nouvelle à se créer, à se forger, car c’est le chemin de salut pour toi. » (extrait de « Le PCA au service de la population d’Algérie », rapport de Amar Ouzegane à la conférence centrale du PCA à Alger le 23 septembre 1944).
        .................
        Dernière modification par etudiant, 03 février 2018, 12h11.

        Commentaire

        Chargement...
        X