Par Abdelmadjid Azzi
L’histoire contemporaine de notre pays, notamment celle non encore écrite de la lutte de Libération nationale, est jalonnée d’exploits héroïques voués malheureusement à l’oubli, car inconnus par manque de médiatisation et surtout de vulgarisation. Toutes ces prouesses aussi fantastiques les unes que les autres, intervenues partout à travers le territoire national, ont permis à l’ALN, non seulement d’infliger des pertes considérables à l’ennemi, mais aussi de s’approvisionner en armes et en munitions chez l’ennemi même. C’est pourquoi nous devons, pour ceux dont la mémoire reste encore intacte, les immortaliser en léguant aux générations futures ce glorieux et inestimable héritage, acquis grâce à l’abnégation et aux sacrifices consentis par nos vaillants combattants, aidés et soutenus en cela par une population totalement acquise, pour accomplir l’idéal de justice, de liberté et d’indépendance.
Parmi ces grands faits d’armes, une opération, dont les gens ont vaguement entendu parler, visant l’enlèvement d’un poste militaire qui a eu lieu le 4 février 1958. Il s’agit du poste de commandement (PC) du 2e escadron, 8e Régiment des spahis, qui a installé ses bases à El-Horane, dans les anciens locaux de la maison forestière. Situé près de la station thermale de Hammam Dalaâ, à 30 km au nord de M’sila, c’est le lieu d’approvisionnement des autres postes de la région.
A cet égard, il renferme un grand entrepôt d’armes et d’équipements militaires. Doté de 6 véhicules blindés, chacun d’eux armé d’un canon et d’une mitrailleuse 12/7 et d’une 30, américaine, il est défendu par 33 hommes, dont 2 gardes forestiers, sous le commandement du lieutenant Olivier Dubos, celui-là même qui, on s’en souvient, avait participé au massacre des habitants de Melouza, le 28 mai 1957. Il faut savoir que la préparation repose sur les contacts avec l’élément principal, en l’occurrence le sergent-chef spahi Mohamed Zernouh(1) du 2e escadron, originaire de Zaâfrane, une localité proche de Djelfa qui fait partie du personnel du poste d’El-Horane et qui a fait preuve d’un courage exceptionnel en faisant parvenir munitions et renseignements à l’ALN, avant de permettre à nos unités d’envahir et d’enlever le poste.
Ces contacts sont menés, quelques mois auparavant, par le sergent-chef chargé du renseignement, Smaïl Zemmouri, qui, le premier, a établi le contact avec lui, avant de tomber au champ d’honneur. Il est remplacé par le sergent-chef Abdelhafid Adouane qui a pris le relais. Evidemment, l’opération sera appuyée et soutenue par le sous-lieutenant Rabah Beldjerb, appelé communément «Rabah Theïri», chef de la Région 1, et ses adjoints, Naïmi Benghoche, et Boubekeur Messaoudi.
A cet égard, un plan est établi dans le secret absolu par le chef de région Rabah Beldjerb et son adjoint des renseignements et liaisons, l’aspirant Aïssa Hebid dit «Aïssa Blindé», avant de le soumettre à l’approbation du colonel Amirouche, lequel chargea le lieutenant Mustapha Nouri, adjoint politique de la Zone II, de coordonner l’attaque et de définir l’itinéraire de repli à travers les Régions II et III, et ce, jusqu’au PC de la wilaya, dans la forêt de l’Akfadou.
La réalisation de ce plan d’attaque est entièrement confiée à la compagnie de la Région I, sous le commandement de l’aspirant Naïmi Benghoche, ce qui est parfaitement logique, dès lors que l’action se déroule sur son territoire, renforcé en cela par les troupes d’élite de la troisième compagnie du bataillon de choc de la wilaya, sous le commandement de l’aspirant Moh’Arezki Ouakouak, qui ira la rejoindre, avant la tombée de la nuit, aux abords du poste d’El-Horane.
Quant à la compagnie de la Région II, elle restera en couverture à la limite de son secteur, à Béni-Ouagag, lieu choisi pour le repli des attaquants, qu’ils doivent nécessairement rallier, après cinq heures de marche forcée.
L’aspirant Hamid Mezaï, en sa qualité de responsable sanitaire de la Zone II, sera intégré au noyau de commandement. Il me confie l’installation d’un cordon sanitaire dans la forêt de Béni-Ouagag, tandis qu’il sera sur les lieux de combat, de manière à donner les premiers soins aux blessés éventuels. La date de l’opération est finalement fixée au mardi 4 février 1958. Les djounoud mis au courant, juste avant de quitter Béni-Ouagag, ont accueilli la nouvelle avec enthousiasme en se déclarant prêts à en découdre avec les soldats du poste militaire.
Le jour venu, le dispositif est mis en place comme suit : trois sections embusquées sur chacune des trois routes menant respectivement vers M’sila, Melouza et au douar Dréat, avec pour mission d’intercepter les renforts éventuels. Le lieutenant Mustapha Nouri, le sous-lieutenant Rabah Beldjerb et l’aspirant Aïssa Hebid commandent chacune d’elles. Les autres sections sont scindées en quatre groupes avec mission d’attaquer et d’occuper les objectifs fixés à l’avance, en l’occurrence le réfectoire et le dortoir, le parc où sont stationnés les six voitures blindées et l’arsenal.
A cet égard, Naïmi Benghoche, Boubekeur Messaoudi, Moh’Arezki Ouakouak et Saïd Saoud dit «l’Hotchkiss» sont chargés de les diriger. Pendant ce temps, afin de créer la diversion, le lieutenant Mohand Ourabah Chaïb, chef du bataillon de choc, qui se trouve au village d’Ivehlal, au douar Aït-M’likèche (Tazmalt), à la tête des deux autres compagnies du bataillon, s'apprête à dresser une embuscade aux goumiers du village de Taghalat, avant de l’annuler, très vite, en apprenant que le douar Aït-M’likhèche, niché sur le flanc sud du Djurdjura, sera la destination stratégique (deuxième étape) pour les attaquants du poste d’El-Horane.
L’assaut est donné tout de suite après la tombée de la nuit. Après avoir neutralisé les sentinelles, Mohamed Zernouh ouvre, comme prévu, le portail métallique permettant ainsi aux djounoud de l’ALN d’entrer sans bruit, l’un derrière l’autre, à l’intérieur du poste.
Il donne ensuite des renseignements sur la position de tous les soldats français qui s’y trouvent : une partie d’entre eux est dans le dortoir et l’autre au réfectoire. C’est l’heure du dîner. Les quatre groupes de djounoud de l’ALN se déploient pour rejoindre les objectifs assignés à chacun d’eux.
Le premier se dirige vers le dortoir pour neutraliser ses occupants tandis que le second, ayant pris la direction du réfectoire, essuie des tirs, blessant mortellement Belkacem N’charfa, après que Saïd Saoud, également blessé au bras, eut ouvert la porte d’un coup de pied en criant «haut les mains !», comme dans un film western. Assiégés, les soldats se barricadent à l’intérieur du réfectoire.
Pour éviter de perdre du temps, et en attendant la reddition des assiégés, les deux autres groupes prennent possession des différents points du site, à savoir l’arsenal et le parc où se trouvent les véhicules blindés. Ils s’emparent alors de 2 mortiers l’un de calibre 80 et l’autre 60, 6 mitrailleuses calibre 12/7 et six mitrailleuses calibre 30, installées sur les voitures blindées, 3 fusils-mitrailleurs et un poste émetteur. Le fabuleux butin comptait aussi des fusils américains Garant, des mitraillettes Mat 49, des pistolets Mac 50, des obus de mortier et des dizaines de caisses de munitions, de grenades et de mines antipersonnel. Dehors, une cinquantaine de mulets attendent, prêts pour le chargement du butin. Chaque mulet est accompagné par son propriétaire (des civils de la région mobilisés pour la circonstance).
A tour de rôle, ils chargent une quantité d’armes et de munitions. Au bout d’une heure, ils sont tous chargés et prêts à partir.
L’ordre de départ leur est donné en direction de la base de repli, dans la forêt de Beni-Ouagag, qu’ils vont atteindre à l’aube. Les autres djounoud restent sur place pour négocier la reddition des soldats du réfectoire.
A l’issue de laborieux pourparlers, menés adroitement en brandissant la menace de les brûler vifs en aspergeant de mazout le réfectoire, les assiégés finirent enfin par se rendre et sortir, l’un derrière l'autre, les mains sur la tête. Le bilan est de 31 spahis mis hors de combat, dont 17 prisonniers, parmi eux le chef de poste le lieutenant Olivier Dubos. Un garde forestier algérien vient s’ajouter aux prisonniers.
Avant de quitter les lieux et disparaître dans l’obscurité, Mohamed Zernouh s’emploie à détruire le canon de calibre 75, qui trône au milieu de poste, en glissant dans son fût, cône en avant, un obus, tandis que la deuxième équipe met le feu aux locaux, aux fûts de carburant et aux véhicules blindés, qui deviennent la proie d’un immense brasier, dont la lueur des flammes est visible depuis la ville de M’sila. Vers minuit, un avion est venu planer au-dessus du poste en flammes. Entre-temps, le convoi s’éloigne de plus en plus, les mulets devant et le reste derrière.
L’histoire contemporaine de notre pays, notamment celle non encore écrite de la lutte de Libération nationale, est jalonnée d’exploits héroïques voués malheureusement à l’oubli, car inconnus par manque de médiatisation et surtout de vulgarisation. Toutes ces prouesses aussi fantastiques les unes que les autres, intervenues partout à travers le territoire national, ont permis à l’ALN, non seulement d’infliger des pertes considérables à l’ennemi, mais aussi de s’approvisionner en armes et en munitions chez l’ennemi même. C’est pourquoi nous devons, pour ceux dont la mémoire reste encore intacte, les immortaliser en léguant aux générations futures ce glorieux et inestimable héritage, acquis grâce à l’abnégation et aux sacrifices consentis par nos vaillants combattants, aidés et soutenus en cela par une population totalement acquise, pour accomplir l’idéal de justice, de liberté et d’indépendance.
Parmi ces grands faits d’armes, une opération, dont les gens ont vaguement entendu parler, visant l’enlèvement d’un poste militaire qui a eu lieu le 4 février 1958. Il s’agit du poste de commandement (PC) du 2e escadron, 8e Régiment des spahis, qui a installé ses bases à El-Horane, dans les anciens locaux de la maison forestière. Situé près de la station thermale de Hammam Dalaâ, à 30 km au nord de M’sila, c’est le lieu d’approvisionnement des autres postes de la région.
A cet égard, il renferme un grand entrepôt d’armes et d’équipements militaires. Doté de 6 véhicules blindés, chacun d’eux armé d’un canon et d’une mitrailleuse 12/7 et d’une 30, américaine, il est défendu par 33 hommes, dont 2 gardes forestiers, sous le commandement du lieutenant Olivier Dubos, celui-là même qui, on s’en souvient, avait participé au massacre des habitants de Melouza, le 28 mai 1957. Il faut savoir que la préparation repose sur les contacts avec l’élément principal, en l’occurrence le sergent-chef spahi Mohamed Zernouh(1) du 2e escadron, originaire de Zaâfrane, une localité proche de Djelfa qui fait partie du personnel du poste d’El-Horane et qui a fait preuve d’un courage exceptionnel en faisant parvenir munitions et renseignements à l’ALN, avant de permettre à nos unités d’envahir et d’enlever le poste.
Ces contacts sont menés, quelques mois auparavant, par le sergent-chef chargé du renseignement, Smaïl Zemmouri, qui, le premier, a établi le contact avec lui, avant de tomber au champ d’honneur. Il est remplacé par le sergent-chef Abdelhafid Adouane qui a pris le relais. Evidemment, l’opération sera appuyée et soutenue par le sous-lieutenant Rabah Beldjerb, appelé communément «Rabah Theïri», chef de la Région 1, et ses adjoints, Naïmi Benghoche, et Boubekeur Messaoudi.
A cet égard, un plan est établi dans le secret absolu par le chef de région Rabah Beldjerb et son adjoint des renseignements et liaisons, l’aspirant Aïssa Hebid dit «Aïssa Blindé», avant de le soumettre à l’approbation du colonel Amirouche, lequel chargea le lieutenant Mustapha Nouri, adjoint politique de la Zone II, de coordonner l’attaque et de définir l’itinéraire de repli à travers les Régions II et III, et ce, jusqu’au PC de la wilaya, dans la forêt de l’Akfadou.
La réalisation de ce plan d’attaque est entièrement confiée à la compagnie de la Région I, sous le commandement de l’aspirant Naïmi Benghoche, ce qui est parfaitement logique, dès lors que l’action se déroule sur son territoire, renforcé en cela par les troupes d’élite de la troisième compagnie du bataillon de choc de la wilaya, sous le commandement de l’aspirant Moh’Arezki Ouakouak, qui ira la rejoindre, avant la tombée de la nuit, aux abords du poste d’El-Horane.
Quant à la compagnie de la Région II, elle restera en couverture à la limite de son secteur, à Béni-Ouagag, lieu choisi pour le repli des attaquants, qu’ils doivent nécessairement rallier, après cinq heures de marche forcée.
L’aspirant Hamid Mezaï, en sa qualité de responsable sanitaire de la Zone II, sera intégré au noyau de commandement. Il me confie l’installation d’un cordon sanitaire dans la forêt de Béni-Ouagag, tandis qu’il sera sur les lieux de combat, de manière à donner les premiers soins aux blessés éventuels. La date de l’opération est finalement fixée au mardi 4 février 1958. Les djounoud mis au courant, juste avant de quitter Béni-Ouagag, ont accueilli la nouvelle avec enthousiasme en se déclarant prêts à en découdre avec les soldats du poste militaire.
Le jour venu, le dispositif est mis en place comme suit : trois sections embusquées sur chacune des trois routes menant respectivement vers M’sila, Melouza et au douar Dréat, avec pour mission d’intercepter les renforts éventuels. Le lieutenant Mustapha Nouri, le sous-lieutenant Rabah Beldjerb et l’aspirant Aïssa Hebid commandent chacune d’elles. Les autres sections sont scindées en quatre groupes avec mission d’attaquer et d’occuper les objectifs fixés à l’avance, en l’occurrence le réfectoire et le dortoir, le parc où sont stationnés les six voitures blindées et l’arsenal.
A cet égard, Naïmi Benghoche, Boubekeur Messaoudi, Moh’Arezki Ouakouak et Saïd Saoud dit «l’Hotchkiss» sont chargés de les diriger. Pendant ce temps, afin de créer la diversion, le lieutenant Mohand Ourabah Chaïb, chef du bataillon de choc, qui se trouve au village d’Ivehlal, au douar Aït-M’likèche (Tazmalt), à la tête des deux autres compagnies du bataillon, s'apprête à dresser une embuscade aux goumiers du village de Taghalat, avant de l’annuler, très vite, en apprenant que le douar Aït-M’likhèche, niché sur le flanc sud du Djurdjura, sera la destination stratégique (deuxième étape) pour les attaquants du poste d’El-Horane.
L’assaut est donné tout de suite après la tombée de la nuit. Après avoir neutralisé les sentinelles, Mohamed Zernouh ouvre, comme prévu, le portail métallique permettant ainsi aux djounoud de l’ALN d’entrer sans bruit, l’un derrière l’autre, à l’intérieur du poste.
Il donne ensuite des renseignements sur la position de tous les soldats français qui s’y trouvent : une partie d’entre eux est dans le dortoir et l’autre au réfectoire. C’est l’heure du dîner. Les quatre groupes de djounoud de l’ALN se déploient pour rejoindre les objectifs assignés à chacun d’eux.
Le premier se dirige vers le dortoir pour neutraliser ses occupants tandis que le second, ayant pris la direction du réfectoire, essuie des tirs, blessant mortellement Belkacem N’charfa, après que Saïd Saoud, également blessé au bras, eut ouvert la porte d’un coup de pied en criant «haut les mains !», comme dans un film western. Assiégés, les soldats se barricadent à l’intérieur du réfectoire.
Pour éviter de perdre du temps, et en attendant la reddition des assiégés, les deux autres groupes prennent possession des différents points du site, à savoir l’arsenal et le parc où se trouvent les véhicules blindés. Ils s’emparent alors de 2 mortiers l’un de calibre 80 et l’autre 60, 6 mitrailleuses calibre 12/7 et six mitrailleuses calibre 30, installées sur les voitures blindées, 3 fusils-mitrailleurs et un poste émetteur. Le fabuleux butin comptait aussi des fusils américains Garant, des mitraillettes Mat 49, des pistolets Mac 50, des obus de mortier et des dizaines de caisses de munitions, de grenades et de mines antipersonnel. Dehors, une cinquantaine de mulets attendent, prêts pour le chargement du butin. Chaque mulet est accompagné par son propriétaire (des civils de la région mobilisés pour la circonstance).
A tour de rôle, ils chargent une quantité d’armes et de munitions. Au bout d’une heure, ils sont tous chargés et prêts à partir.
L’ordre de départ leur est donné en direction de la base de repli, dans la forêt de Beni-Ouagag, qu’ils vont atteindre à l’aube. Les autres djounoud restent sur place pour négocier la reddition des soldats du réfectoire.
A l’issue de laborieux pourparlers, menés adroitement en brandissant la menace de les brûler vifs en aspergeant de mazout le réfectoire, les assiégés finirent enfin par se rendre et sortir, l’un derrière l'autre, les mains sur la tête. Le bilan est de 31 spahis mis hors de combat, dont 17 prisonniers, parmi eux le chef de poste le lieutenant Olivier Dubos. Un garde forestier algérien vient s’ajouter aux prisonniers.
Avant de quitter les lieux et disparaître dans l’obscurité, Mohamed Zernouh s’emploie à détruire le canon de calibre 75, qui trône au milieu de poste, en glissant dans son fût, cône en avant, un obus, tandis que la deuxième équipe met le feu aux locaux, aux fûts de carburant et aux véhicules blindés, qui deviennent la proie d’un immense brasier, dont la lueur des flammes est visible depuis la ville de M’sila. Vers minuit, un avion est venu planer au-dessus du poste en flammes. Entre-temps, le convoi s’éloigne de plus en plus, les mulets devant et le reste derrière.
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