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Amar Imache : Le parcours occulté d'un pionnier du nationalisme algérien revisité

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  • Amar Imache : Le parcours occulté d'un pionnier du nationalisme algérien revisité

    Le parcours d’Imache Amar, l’un des premiers à avoir jeté les fondements du mouvement nationaliste algérien et membre fondateur de l’Etoile nord-africaine (ENA), a été revisité, jeudi dernier, à l’occasion de la commémoration du 58e anniversaire de sa disparition.
    Cette manifestation a été initiée par la direction de la culture de Tizi Ouzou et l’association culturelle « Imache-Amar » d’Aït Mesbah, village natal du défunt, dans la commune d’Ath Douala, une trentaine de kilomètres de Tizi Ouzou.

    Des expositions d’articles de journaux, des livres d’histoire ont été organisées à la Maison de la culture de Tizi Ouzou. Des tournées également effectuées dans certains établissements scolaires où des exposés ont été faits à l’intention des élèves du lycée Imache d’Ath Douala et du CEM Mouloud-Feraoun de Tizi Ouzou dont un groupe a assisté à la conférence-débat donnée dans l’après-midi au Petit théâtre.

    Un moment qui a permis aux universitaires Karim Salhi, enseignant à l’université Hasnaoua, et le fils du vieux militant, Mohamed Imache, auteur d’un livre intitulé « Amar Imache : Le pionnier occulté » de revenir sur le parcours militant de cet ouvrier qui a quitté très jeune son village de Kabylie pour se forger une conscience politique dans le mouvement ouvrier et syndicaliste français pour jeter les bases avec d’autres militants comme lui, les jalons du mouvement nationaliste algérien, puis l’un des fondateurs du premier parti politique nationaliste algérien, l’Etoile nord-africaine (ENA) et son secrétaire général. Né le 7 juillet 1895 dans le village Aït Mesbah, commune d’Ath Douala en Kabylie, dans une famille de petits agriculteurs sans héritage économique ou politique, le vieux militant nationaliste trouvera la mort le 7 février 1960, suite à une longue maladie après s’être retiré de la vie politique.

    Vers l’âge de 8 ou 9 ans, il entre à l’école primaire de Taguemount Oukerrouche, village natal de ses grands-parents maternels, distant de 2 km environ d’Aït Mesbah et suit une scolarité complète avec l’instituteur Ferrys, un Vosgien. Il commence à travailler très tôt, d’abord, pour aider ses parents, puis pour gagner sa vie dans la Mitidja. Il émigre en France au début de la Première Guerre mondiale et travailla dans diverses usines et entreprises comme l’attestent ses différents certificats de travail, les mines de charbon du Pas-de-Calais dans le nord de la France, la manufacture des pneumatiques Michelin à Clermont-Ferrand, dans l’établissement des Constructions et Armes navales, dans la Charente et, enfin, à Paris, comme chef d’équipe à l’usine Roger et Gallet dans le département Levallois-Perret.

    En novembre 1934, il sera viré de ce poste de travail et emprisonné en raison de son engagement politique. Imache Amar consacrera l’essentiel de sa vie professionnelle à un travail de sensibilisation et de conscientisation des ouvriers algériens en France. L’aboutissement est un immense succès, près de 100 000 ouvriers algériens se rassemblent à Paris, le 7 décembre 1924 et créent la première organisation socio-politique dénommée le Cona : Congrès des ouvriers nord-africains.

    En 1926, ce Congrès se transforme en parti politique, l’Etoile nord-africaine qui revendique l’indépendance de l’Algérie. En février 1927, les revendications de l’ENA sont déposées sur le bureau de la Ligue anti-impérialiste de Bruxelles. L’approche des festivités du centenaire de la colonisation renforce la détermination des Algériens à soutenir le combat de l’ENA en organisant des rassemblements et des manifestations un peu partout en France.
    La riposte des autorités françaises est brutale : l’Etoile nord-africaine, créée en juin 926, est dissoute en novembre 1929. 1930, la France fête dans un enthousiasme délirant le triomphe de la colonisation et la « soumission définitive des indigènes ».

    Une Algérie aux référents ancestraux
    Le combat de l’ENA ne s’arrêtera pas pour autant. Sur l’initiative d’Imache Amar, sera créé, durant cette même année 1930, le journal El-Ouma qui portera et défendra le combat indépendantiste. 1933. L’Etoile nord-africaine revient, plus forte que jamais, sous une nouvelle appellation, la Glorieuse étoile nord-africaine.
    Lors de l’assemblée générale des militants, le 28 mai 1933, Imache Amar sera élu secrétaire général de la GENA et rédacteur en chef du journal El-Ouma. Les militants nationalistes sont résolument déterminés à approfondir et à réaffirmer la doctrine du parti, à savoir l’indépendance totale de l’Algérie. Une Algérie puisant ses références à partir des valeurs ancestrales des coutumes et de la culture autochtone, s’enracinant dans la profondeur berbère.

    Ces références explicites à des caractéristiques socioculturelles authentiques que tente d’intégrer Imache Amar au programme politique du mouvement national vont, une nouvelle fois, provoquer l’inquiétude des autorités coloniales, mais cela suscite en même temps défiance et suspicion chez certains de ses compagnons.

    La conjoncture historique leur sera favorable, des sanctions, beaucoup plus sévères cette fois, s’abattent sur l’Etoile nord-africaine. Elle est dissoute en novembre 1934 et ses principaux dirigeants emprisonnés. Radjef Belkacem, Messali Hadj et Imache Amar sont condamnés chacun à 6 mois de prison et 2 000 francs d’amende.

    Les trois prisonniers ne seront libérés qu’en mai 1935. L’occupation de l’Ethiopie par l’Italie fait réagir Imache Amar qui déclare, le 22 août 1935 : « Tous les Africains sans distinction de religion doivent manifester contre le fascisme italien. Tous les Africains doivent s’unir pour combattre l’impérialisme en Afrique.» Ces déclarations lui valent une nouvelle condamnation.
    En septembre 1935 se tient à Genève le Congrès musulman d’Europe. Banoune Akli, Beddek Mohammed et Imache Amar forment la délégation de l’Etoile nord-africaine à Genève. Le 11 décembre 1935, Radjef Belkacem, Si Djilani et Imache Amar sont de nouveau incarcérés. Messali Hadj, ayant profité de la première libération, en mai 1935, trouvera refuge à Genève auprès de l’émir Chekib Arslan. Le 7 juin 1936, se déroule à Alger, dans la salle de cinéma Majestic, le Congrès musulman qui réunit les ouléma, le Parti communiste algérien et les élus. Tous acquis au projet Blum-Violette qui préconise l’octroi de la nationalité française à quelque 20 000 à 25 000 notables indigènes. Ce projet affecte considérablement Imache Amar qui réagit, d’abord, en ironisant : « Vouloir civiliser les indigènes par étape et par tranche de 20 000. » Puis, plus vigoureusement, il dénonce ce projet selon lequel, pour libérer l’Algérie, il faut d’abord la rattacher à la France et pour être citoyen algérien, il faut d’abord être citoyen français assimilé. En octobre 1936, Imache réussit à faire avorter les négociations tripartites engagées entre l’ambassade d’Espagne en France, le Parti communiste français et l’Etoile nord-africaine à propos de l’envoi de militants algériens dans la dernière assemblée générale de l’ENA qui a lieu le 27 décembre 1936. Messali Hadj et Imache Amar se succèdent à la tribune pour exposer, chacun, sa conception de la politique et sa vision pour l’Algérie de demain. Lors de ses interventions, Imache Amar bute contre l’hostilité de certains militants qui étouffent ses propos en criant : « Vive Messali ». Il réplique : « Une association doit suivre un programme et non se mettre à la remorque d’un homme. » 26 janvier 1937.

    La traversée du désert

    Le Front populaire, soutenu par le PCF prononce la dissolution de l’Etoile nord-africaine. 11 mars 1937 : création du PPA. Imache n’adhère pas à ce nouveau parti dont il juge le programme en retrait par rapport à celui de l’ENA. Le fondateur de l’Etoile nord-africaine se retrouve sans parti, sans travail et sans argent.

    Commence alors pour lui la traversée du désert. Il survit grâce à ses amis qui le prennent en charge, Beddek Mohamed notamment, qui l’hébergera un moment à Lyon. Il écrira sa première brochure intitulée « L’Algérie au carrefour. La marche vers l’inconnu », où il dénonce le projet Blum- Violette et la dissolution de l’ENA.
    En 1939, à la veille de la Seconde Guerre mondiale, il écrira sa deuxième brochure « l’Afrique dans l’angoisse ».

    Dans son message, il avertit les Africains : « Si jusqu’à présent, nous luttons contre le colonialisme, désormais, nous devons faire face à un fléau beaucoup plus destructeur : le fascisme ».

    Cette brochure, il la payera cher puisque les Allemands l’arrêteront. Il ne sera libéré qu’en 1945 à la fin de la guerre.
    En 1946, il écrira sa troisième brochure « L’heure de l’élite », dans laquelle il dénonce les massacres du 8 mai 1945 et interpelle les élites musulmanes qui ne prennent pas position devant les événements graves. Il écrira, durant la même période, sa quatrième brochure « Cyclones sur le monde », où il exhorte les hommes, tous les hommes à cesser de s’entretuer s’ils ne veulent pas connaître un troisième cyclone. Les deux premiers cyclones étant la Première et la Seconde guerre mondiale. Février 1947, Imache Amar décide de rentrer en Algérie.
    La prison l’a durement marqué, il est très malade et boîte. Il rédige une lettre d’adieu aux Algériens résidant en France.

    Cette lettre contient deux messages. Le premier, destiné aux travailleurs émigrés qu’il exhorte à s’unir, à s’aimer, à se solidariser et à dépasser leurs divergences pour n’avoir comme seul objectif que la libération de leur pays.

    Le second message s’adresse aux militants du PPA qu’il met en garde contre le culte de la personnalité. 1948. Imache Amar, âgé de 53 ans, décide de se marier. Pour subvenir aux besoins de sa nouvelle famille, ses amis lui trouvent un travail à Alger dans une société d’import-export (les Comptoirs nord-africains) appartenant à des hommes de l’UDMA en tant que magasinier.
    Un travail compatible avec son état de santé. En 1951, son état de santé s’est brusquement aggravé.
    A Tizi-Ouzou, le Docteur Ouakli, son ami, lui recommande de cesser toute activité physique. Il sera désormais entièrement pris en charge par ses beaux-parents dans le village voisin Aït Idir. 1955.
    Une année après le déclenchement de la lutte armée, Imache Amar décide de quitter Ait Idir pour rejoindre Aït-Mesbah, son village natal. Les soldats de l’armée française commencent à se déployer dans les différents villages de Kabylie. Il ne veut pas, par ses contacts avec les responsables FLN-ALN, mettre en danger la vie de ses beaux-parents.
    En 1959, l’armée française impose un blocus alimentaire au village d’Aït-Mesbah, où il décède dans la nuit du 6 au 7 février 1960.

    Durant la conférence, le débat a porté sur ses démêlés avec Messali Hadj dont A. Imache conteste son hégémonie sur le parti et sa forte inclination à s’imposer comme le « zaïm » incontesté.

    A. Imache ne fera pas de concession au culte de la personnalité érigé en mode de gestion du parti par Messali Hadj. Une attitude qu’il dénoncera dans un discours prononcé en plénière d’un congrès du parti devant le vieux zaïm et ses partisans qui ont couvert la voix du militant kabyle qui ne s’est pas laissé impressionner par l’hostilité manifeste des amis de Messali à qui il répliquera que dans un mouvement politique, ce sont les idées qui doivent primer et non les hommes. Mohamed Imache, le fils du vieux militant, regrettera que le nom de son père soit peu ou pas du tout cité par les historiens et le récit officiel du mouvement nationaliste algérien.

    Par Sarah A.
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