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Procès Hirak: Organisation, internationalisation et lutte armée

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    Procès Hirak: Organisation, internationalisation et lutte armée

    Un accusé, parlant de lui-même à la troisième personne: "Chakir Makhrout a été poursuivi pour atteinte à la sûreté intérieure de la corruption et des corrompus ".

    Nous sommes le vendredi 9 février. Pour les 54 personnes poursuivies suite aux événements d'Al Hoceima, c'est une nouvelle journée d'audience. La troisième de la semaine. A la Cour d'appel de Casablanca, salle 7, des traits tirés et de la tension dans l'air.

    On en est toujours à l'interrogatoire. 26 prévenus ont répondu aux questions de Ali Torchi, président de la Chambre criminelle chargée du dossier. Chakir Makhrout est le 27ème. "Avez-vous assisté à des manifestations?", lui demande le juge. "La question est plutôt: Pourquoi ai-je assisté aux manifestations? J'avais le choix entre l'immigration et la drogue. Le Hirak a été un exutoire", répond le mis en cause, la vingtaine, étudiant universitaire.

    On reproche à Makhrout ce pourquoi une grande partie des prévenus sont poursuivis: "L'atteinte à la sûreté intérieure de l'Etat, par la réception de fonds étrangers pour financer des activités de propagande contre l'Etat". Avant son interpellation, il aspirait à une carrière d'avocat. A la barre des accusés, il plaide pour son client, lui-même, dont il parle à la troisième personne: "Chakir Makhrout a été poursuivi pour atteinte à la sûreté intérieure de la corruption et des corrompus", lâche-t-il.

    "Le Hirak était-il réparti en comités?" Dans ce dossier, cette question est une constante. A l'interrogatoire, le président la pose à tous les prévenus. En filigrane, la question sous-tend une autre: Le mouvement présenté comme spontané, l'était-il réellement?

    Makhrout était-il, avec Nasser Zefzafi et Nabil Ahamjik, membre d'un comité temporaire? L'enquête préliminaire le désigne ainsi. "Il n'y avait de comité temporaire. Nous avions des comités fonctionnels, créés à l'occasion de chaque activité [manifestation, sit-in, marche etc.] et dissouts à la fin", nuance le prévenu. Makhrout était-il, avec Nasser Zefzafi et Nabil Ahamjik, membre d'un comité temporaire? L'enquête préliminaire le désigne ainsi. "Il n'y avait pas de comité temporaire. Nous avions des comités fonctionnels, créés à l'occasion de chaque activité [manifestation, sit-in, marche etc.] et dissous à la fin, soutient l'intéressé ", nuance le prévenu. Quelques questions plus tard, il se ravise :" Nous n'avions pas de comité", "tout était spontané", "personne ne donnait d'ordres à personnes", et "il n'y avait pas de structure".

    Prouvez le moi, Monsieur le substitut

    Pourtant, sur le portable du prévenu, la BNPJ avait retrouvé une photo de ce qui ressemble à l'organigramme du mouvement, décliné en comités de logistique, des finances, des médias et de la communication. C'est ce que fait remarquer Hakim El Ouardi, substitut du procureur général.

    "Une image trouvée dans la carte mémoire de mon portable", se contente de répondre Makhrout. Le parquet insiste. A travers le président, il adresse une question au prévenu: "Comment explique-t-il cette contradiction entre la spontanéité et les comités?" Makhrout, du tac au tac: "Et comment le ministère public peut-il prouver l'existence réelle de ces comités?"

    Hakim El Ouardi est un jeune magistrat du parquet, 39 ans. Pugnace, offensif, il a le verbe et la pique faciles. Ce n'est pas un enfonceur (Mougharrek), mais un chasseur. Et par sa défiance, Makhrout s'est fait proie.

    La traque commence avec une série de questions, dont beaucoup portent sur des rencontres organisées par les activistes dans des cafés à Al Hoceima. Exemple:

    " - Ces rencontres étaient-elles tenues suivant un plan de travail déterminé?

    - Non.

    - S'agissait-il de simples discussions ou de séances dédiées à l'examen de l'organisation du mouvement?

    - Ce sont des rencontres où on abordait les problèmes de la région."

    Elle s'achève par une vidéo projetée sur les écrans de la salle. Datée du 13 avril 2017, elle authentifie la tenue "d'une assemblée générale" à la place Miramar. Une centaine de personnes y prennent part. Makhrout est également présent. Il livre un discours. "L'assemblée" est ponctuée par un appel aux dons. Une boîte en carton est posée sur une table. Les participants y déposent des pièces ou des billets de 20, de 50 de 100 et de 200 dirhams.

    Mais sur la vidéo, qui dure 3 heures, les parties qui intéressent l'accusation sont celles où s'exprime Nabil Ahamjik, un des leaders du mouvement. Ce dernier y parle principalement en rifain, mais en arabe, il prononce ces quelques mots: "Comité des finances", "Plan de travail", "logistique", "participation symbolique".

    Le procureur prend la parole, probablement pour rebondir sur ces éléments. Il commence à peine sa phrase lorsqu'il est interrompu par… Nasser Zefzafi. Du box des accusés, on l'entend crier pêle-mêle: "Où est le soutien financier étranger? Vous considérez les Rifains comme des étrangers. Les Rifains sont marocains. Ne jugez pas Abdelkrim Ek Khattabi. Ne faites pas un procès pour l'histoire." Le détenu a une voix qui résonne. Un peu trop. Il est expulsé de la salle.

    "Ce procès achemine le pays vers un gouffre!", s'exclame le journaliste Hamid El Mehdaoui, trublion récidiviste. Il est également expulsé. Des accusés protestent: "Nous ne voulons plus assister à ce procès! Ramenez-nous de vraies preuves."

    Le parquet perd son sang-froid, et se joint lui aussi au tumulte ambiant: "Les accusés se mettent à hurler à chaque fois qu'on les confronte à des faits qu'ils ont commis. C'est une fuite en avant!", peste Hakim El Ouardi. "Vous exploitez votre autorité pour provoquer les accusés", lui répond Me Abderrahim Jamai, avocat de la défense. Le tollé est général. Le président suspend l'audience.

    "La fièvre"

    A la reprise, l'ambiance est faussement apaisée. Et le parquet fait vite monter la tension, en abordant un sujet qui fâche: les extensions du Hirak à l'étranger. Lors de l'enquête préliminaire, dit le M. El Ouardi, Makhrout avait évoqué l'existence de comités européens affilés au mouvement, que le prévenu considérait "comme une carte de pression sur l'Etat marocain".

    "Ce ne sont pas mes propos", dit l'intéressé.

    "Le Hirak populaire a bénéficié d'un grand soutien en Europe. Le but était de porter les revendications à des pays européens où étaient tenues des manifestations à orientation séparatiste", aurait également déclaré Makhrout. Ce qu'il nie encore.

    Du côté de l'accusation, le message est clair: Le Hirak tentait "d'internationaliser" sa cause. L'une des figures de cette "internationalisation" est Naoufal El Moutaoukil, un Rifain résident en Angleterre, membre du mouvement 18 septembre pour l'indépendance du Rif.

    "Naoufal Moutaoukil fait partie du Hirak. C'est un fils de la région. Je ne l'ai jamais rencontré", explique Makhrout lorsqu'on le sollicite sur ses relations avec l'intéressé.

    "Naoufal El Moutaoukil fait partie des partisans du règlement du conflit par la lutte armée. L'accusé en était-il informé?", demande le substitut général. De l'organisation à l'internationalisation, nous voici glisser vers un tout autre terrain. La défense intervient avant que Makhrout ne réponde. "Est-ce que le prévenu est jugé pour des faits ou pour des informations?", fulmine Me Jamai, qui reproche au procureur de verser dans "le sensationnalisme".

    Pas de quoi arrêter le magistrat debout. A propos de Moutaouakil, il ajoute: Sur Facebook; Moutaoukil gère le groupe Rifland Diaspora. Dans une vidéo du 16 avril 2017, il a déclaré que "l'indépendance du Rif n'est pas chose facile" et qu'il faudra, pour y parvenir, "prendre le fusil".

    Me Khalid Ameza s'insurge: "A chaque fois qu'un fou s'exprime, le ministère public nous en parle. Les journalistes écoutent, l'opinion publique écoute (...) Si Moutaoukil est fou, il doit se faire soigner." L'avocat s'adresse directement au substitut et lui lance: "La lutte armée est dans ta bouche. Elle est dans ta tête… La fièvre?! "

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