Le Maroc gagne son indépendance en 1956. Sous l'impulsion de nationalistes comme Allal Al-Fassi et son parti de l'Istiqlal, il entreprend alors de reconstituer son intégrité territoriale avec l'objectif d'un « Grand Maroc » rassemblant toutes les terres conquises par les Almoravides au XIe siècle. Il revendique ainsi tous les territoires encore contrôlés par les Espagnols et une partie des territoires contrôlés par les Français (une portion du Sahara autour de Tindouf, ainsi que la Mauritanie jusqu'à Saint-Louis du Sénégal, mais pas le Mali, qu'Al-Fassi revendique sans soutien[48]). Il s'oppose à l'indépendance de la Mauritanie en 1960, puis à son admission à l'ONU l'année suivante, et ne la reconnaît qu'en 1969[49]. Après la guerre des sables de 1963, il renonce également à Tindouf[50]. Le Sahara espagnol devient alors la principale revendication marocaine.
En 1957, Moktar Ould Daddah, le futur fondateur de la Mauritanie, déclare : « En un mot nous nous réclamons de cette même civilisation de désert dont nous sommes si justement fiers. Je convie donc nos frères du Sahara espagnol à songer à cette grande Mauritanie économique et spirituelle.[51] », et lance ainsi l'idée d'une Grande Mauritanie.
La découverte d'immenses gisements de phosphate à Boukraa par Manuel Alia Medina à partir de 1947, et surtout dans les années 1960, rend soudainement le Sahara occidental économiquement viable (les premières exportations ne commencent qu'en mai 1973). Il attire alors la convoitise de ses voisins : le Maroc, outre l'idée d'un « Grand Maroc », espère contrôler le principal concurrent potentiel de ses propres dépôts de phosphate, la Mauritanie souhaite de trouver des ressources naturelles supplémentaires, et l'Algérie veut contrer le Maroc et s'assurer un accès direct à l'océan Atlantique. De son côté, l'Espagne franquiste n'a plus aucune inclination à décoloniser cette terre devenue riche. Enfin, les Sahraouis eux-mêmes, qui n'ont jamais formé de nation, découvrent que le désert contient bien plus que le pâturage et l'eau pour leurs troupeaux, et conçoivent un nationalisme de toutes pièces[52].
La guerre d'Ifni [modifier]
En 1956, le Maroc crée une armée de libération du Maroc du sud, composée principalement de tribus sahraouies afin de lutter contre l'occupation espagnole à l'enclave de Sidi Ifni et au Sahara Occidental. La guerre d'Ifni débute en octobre 1957. Après plusieurs succès, l'armée de libération est repoussée, puis détruite en février 1958 par une action conjointe franco-espagnoles nommée « opération ouragan » (partie espagnole) et « opération écouvillon » (partie française).
Réformes espagnoles [modifier]
Le Sahara espagnol est créé le 12 janvier 1958 en rassemblant les territoires de Río de Oro et Saguia el-Hamra. La même année, l'Espagne cède la bande de Tarfaya au Maroc, et dissout l'Afrique occidentale espagnole ; le Saguia el-Hamra et le Río de Oro deviennent des provinces espagnoles de plein droit, élisant leurs représentants aux Cortes Generales (qui n'ont pratiquement aucun pouvoir sous Franco), tandis qu'Ifni obtient un conseil municipal. Le 19 avril 1961, El Aaiún devient la capitale du Sahara espagnol. En 1962, l'Espagne lance un nouveau plan de modernisation économique. Les premières élections municipales ont lieu en 1963, puis tous les deux ans. En 1967, l'Espagne met en place une assemblée territoriale, la Jemaa (ou Yemaa), qui n'a elle non plus pratiquement aucun pouvoir[53].
Le droit à l'autodétermination [modifier]
Dès 1963, le Sahara espagnol était inscrit à la demande du Maroc sur la liste des territoires non-autonomes. Le Maroc est alors convaincu que les Sahraouis souhaitent massivement rejoindre le royaume.
Le 17 décembre 1965, dans sa résolution 2072[54], l'Assemblée générale de l'ONU invite l'Espagne à prendre immédiatement les mesures nécessaires pour la libération de la domination coloniale des territoires d'Ifni et du Sahara espagnol, et à engager à cette fin des négociations sur les problèmes relatifs à la souveraineté que posent ces deux territoires. L'Espagne et le Portugal votent contre la résolution, tandis que la France, l'Afrique du Sud, le Royaume-Uni et les États-Unis s'abstiennent.
Dès lors, cette question est inscrite chaque année à l'ordre du jour de la quatrième commission de décolonisation et fait l'objet de sept résolutions supplémentaires de l'Assemblée générale entre 1966 et 1973, enjoignant l'Espagne à mettre en œuvre de ce droit à l'autodétermination. Depuis lors, l'ONU a toujours confirmé sa position en faveur de l'autodétermination de la population sahraouie[55].
Des recommandations du même type émanent depuis des années du Conseil du Sécurité des Nations Unies, de l'OUA, du mouvement des non alignés, du Parlement européen, invitant toutes les parties, y compris l'Algérie, à coopérer pleinement avec les Nations Unies afin de progresser vers une solution politique consensuelle de leur différend régional.
En 1969, l'Espagne restitue la région d'Ifni au Maroc.
Fondation des mouvements indépendantistes [modifier]
Le premier mouvement indépendantiste, le Frente de Liberacíon del Sahara bajo Dominacíon Española est fondé en 1966, mais il n'entreprend aucune action[56].
En 1967, Mohammed Bassiri fonde le Harakat Tahrir Saqia al-Hamra wa Wadi al-Dhahab (mouvement de libération du Seguia el-Hamra et Oued ed-Dahab), précurseur pacifique du Polisario[57]. Le 17 juin 1970, des manifestants conduits par Mohammed Bassiri amènent une pétition au gouverneur général du Sahara espagnol, à Laâyoune. Alors que la manifestation se disperse, la police tente d'arrêter les meneurs ; les manifestants résistent, le gouvernement fait intervenir les Tercio Africanos qui tire sur la foule, faisant 11 morts. Des centaines de personnes sont arrêtées dans les jours suivants, dont Bassiri, qui disparaît en prison, vraisemblablement assassiné ou torturé à mort.
En 1971, Edouardo Moha fonde le Mouvement de résistance des hommes bleus (Morehob), qui revendique l'indépendance immédiate et refuse tout référendum. Très actif pendant plusieurs mois, le mouvement est progressivement « récupéré » par le Maroc.
Le même année, El-Ouali Moustapha Sayed, un Sahraoui alors étudiant en droit, et d'autres étudiants à Rabat, commencent à envisager la possibilité de libérer le Sahara occidental par la force, en refusant toute ingérence marocaine. En 1973, les autorités marocaines interviennent pour dissoudre son groupe, et Sayed fuit dans le désert. Le 10 mai 1973, le Frente Popular de Liberación de Saguía el Hamra y Río de Oro ou Front Polisario est fondé à Aïn Bentili (Mauritanie), afin de contraindre l'Espagne par la force de renoncer à la colonisation, mais aussi en opposition au rattachement avec le Maroc et la Mauritanie. El-Ouali Moustapha Sayed est élu secrétaire général. Le 20 mai, lors du raid de Khanga, le Polisario s'empare d'un poste militaire et saisit des armes[58].
Pour contrer le Polisario, Hassan II encourage en 1974 la fondation du Front de libération et de l'unité (FLU), pro-marocain[59].
Enfin, en février 1975, les Espagnols autorisent un Partido de la Union Nacional Sahraoui afin de conserver un lien avec l'Espagne, mais son dirigeant, Khalihenna Ould Rachid, se rallie rapidement au Maroc[
En 1957, Moktar Ould Daddah, le futur fondateur de la Mauritanie, déclare : « En un mot nous nous réclamons de cette même civilisation de désert dont nous sommes si justement fiers. Je convie donc nos frères du Sahara espagnol à songer à cette grande Mauritanie économique et spirituelle.[51] », et lance ainsi l'idée d'une Grande Mauritanie.
La découverte d'immenses gisements de phosphate à Boukraa par Manuel Alia Medina à partir de 1947, et surtout dans les années 1960, rend soudainement le Sahara occidental économiquement viable (les premières exportations ne commencent qu'en mai 1973). Il attire alors la convoitise de ses voisins : le Maroc, outre l'idée d'un « Grand Maroc », espère contrôler le principal concurrent potentiel de ses propres dépôts de phosphate, la Mauritanie souhaite de trouver des ressources naturelles supplémentaires, et l'Algérie veut contrer le Maroc et s'assurer un accès direct à l'océan Atlantique. De son côté, l'Espagne franquiste n'a plus aucune inclination à décoloniser cette terre devenue riche. Enfin, les Sahraouis eux-mêmes, qui n'ont jamais formé de nation, découvrent que le désert contient bien plus que le pâturage et l'eau pour leurs troupeaux, et conçoivent un nationalisme de toutes pièces[52].
La guerre d'Ifni [modifier]
En 1956, le Maroc crée une armée de libération du Maroc du sud, composée principalement de tribus sahraouies afin de lutter contre l'occupation espagnole à l'enclave de Sidi Ifni et au Sahara Occidental. La guerre d'Ifni débute en octobre 1957. Après plusieurs succès, l'armée de libération est repoussée, puis détruite en février 1958 par une action conjointe franco-espagnoles nommée « opération ouragan » (partie espagnole) et « opération écouvillon » (partie française).
Réformes espagnoles [modifier]
Le Sahara espagnol est créé le 12 janvier 1958 en rassemblant les territoires de Río de Oro et Saguia el-Hamra. La même année, l'Espagne cède la bande de Tarfaya au Maroc, et dissout l'Afrique occidentale espagnole ; le Saguia el-Hamra et le Río de Oro deviennent des provinces espagnoles de plein droit, élisant leurs représentants aux Cortes Generales (qui n'ont pratiquement aucun pouvoir sous Franco), tandis qu'Ifni obtient un conseil municipal. Le 19 avril 1961, El Aaiún devient la capitale du Sahara espagnol. En 1962, l'Espagne lance un nouveau plan de modernisation économique. Les premières élections municipales ont lieu en 1963, puis tous les deux ans. En 1967, l'Espagne met en place une assemblée territoriale, la Jemaa (ou Yemaa), qui n'a elle non plus pratiquement aucun pouvoir[53].
Le droit à l'autodétermination [modifier]
Dès 1963, le Sahara espagnol était inscrit à la demande du Maroc sur la liste des territoires non-autonomes. Le Maroc est alors convaincu que les Sahraouis souhaitent massivement rejoindre le royaume.
Le 17 décembre 1965, dans sa résolution 2072[54], l'Assemblée générale de l'ONU invite l'Espagne à prendre immédiatement les mesures nécessaires pour la libération de la domination coloniale des territoires d'Ifni et du Sahara espagnol, et à engager à cette fin des négociations sur les problèmes relatifs à la souveraineté que posent ces deux territoires. L'Espagne et le Portugal votent contre la résolution, tandis que la France, l'Afrique du Sud, le Royaume-Uni et les États-Unis s'abstiennent.
Dès lors, cette question est inscrite chaque année à l'ordre du jour de la quatrième commission de décolonisation et fait l'objet de sept résolutions supplémentaires de l'Assemblée générale entre 1966 et 1973, enjoignant l'Espagne à mettre en œuvre de ce droit à l'autodétermination. Depuis lors, l'ONU a toujours confirmé sa position en faveur de l'autodétermination de la population sahraouie[55].
Des recommandations du même type émanent depuis des années du Conseil du Sécurité des Nations Unies, de l'OUA, du mouvement des non alignés, du Parlement européen, invitant toutes les parties, y compris l'Algérie, à coopérer pleinement avec les Nations Unies afin de progresser vers une solution politique consensuelle de leur différend régional.
En 1969, l'Espagne restitue la région d'Ifni au Maroc.
Fondation des mouvements indépendantistes [modifier]
Le premier mouvement indépendantiste, le Frente de Liberacíon del Sahara bajo Dominacíon Española est fondé en 1966, mais il n'entreprend aucune action[56].
En 1967, Mohammed Bassiri fonde le Harakat Tahrir Saqia al-Hamra wa Wadi al-Dhahab (mouvement de libération du Seguia el-Hamra et Oued ed-Dahab), précurseur pacifique du Polisario[57]. Le 17 juin 1970, des manifestants conduits par Mohammed Bassiri amènent une pétition au gouverneur général du Sahara espagnol, à Laâyoune. Alors que la manifestation se disperse, la police tente d'arrêter les meneurs ; les manifestants résistent, le gouvernement fait intervenir les Tercio Africanos qui tire sur la foule, faisant 11 morts. Des centaines de personnes sont arrêtées dans les jours suivants, dont Bassiri, qui disparaît en prison, vraisemblablement assassiné ou torturé à mort.
En 1971, Edouardo Moha fonde le Mouvement de résistance des hommes bleus (Morehob), qui revendique l'indépendance immédiate et refuse tout référendum. Très actif pendant plusieurs mois, le mouvement est progressivement « récupéré » par le Maroc.
Le même année, El-Ouali Moustapha Sayed, un Sahraoui alors étudiant en droit, et d'autres étudiants à Rabat, commencent à envisager la possibilité de libérer le Sahara occidental par la force, en refusant toute ingérence marocaine. En 1973, les autorités marocaines interviennent pour dissoudre son groupe, et Sayed fuit dans le désert. Le 10 mai 1973, le Frente Popular de Liberación de Saguía el Hamra y Río de Oro ou Front Polisario est fondé à Aïn Bentili (Mauritanie), afin de contraindre l'Espagne par la force de renoncer à la colonisation, mais aussi en opposition au rattachement avec le Maroc et la Mauritanie. El-Ouali Moustapha Sayed est élu secrétaire général. Le 20 mai, lors du raid de Khanga, le Polisario s'empare d'un poste militaire et saisit des armes[58].
Pour contrer le Polisario, Hassan II encourage en 1974 la fondation du Front de libération et de l'unité (FLU), pro-marocain[59].
Enfin, en février 1975, les Espagnols autorisent un Partido de la Union Nacional Sahraoui afin de conserver un lien avec l'Espagne, mais son dirigeant, Khalihenna Ould Rachid, se rallie rapidement au Maroc[
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