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    Les nouveaux marchands de l’emploi

    Des dizaines de petites entreprises algériennes se sont lancées dans un commerce pas comme les autres. Elles proposent aux employeurs et aux chômeurs de leur vendre… des postes de travail. Petite enquête sur les nouveaux marchands de l’emploi.

    Le e-recrutement est en marche. Au moment où la question de l’emploi devient lancinante, de plus en plus de petites entreprises fleurissent, proposant aux jeunes chômeurs de leur trouver rapidement un emploi et aux employeurs de leur chercher les meilleures compétences. Le concept est simple. Il fait d’ailleurs fureur outre-mer. De nombreuses entreprises algériennes (et pas des moindres) ont d’ores et déjà adopté cette nouvelle méthode pour recruter du personnel. C’est le cas notamment d’El Watanya, Cevital et Siemens Algérie. Les multinationales, de plus en plus nombreuses dans notre pays, privilégient le e-recrutement parce que, dit-on, il permet d’économiser du temps et optimise les chances de trouver les profils d’employés recherchés. Déjà, de nombreux chômeurs algériens ont tenté leur chance. Pour les initiés, les entreprises Emploinet, Emploitic, Nrecrutic, Interprofils, Emploialgérie, Dz recrute sont devenues des références. Et au vu du nombre de boîtes de recrutement qui fleurissent et du volume des offres d’emploi déposées, tout porte à croire que ces sociétés ont trouvé là un créneau lucratif. Les recruteurs payent généralement entre 7000 et 10.000 dinars pour chaque annonce publiée. Elles ont également la possibilité " d’acheter " des CV à raison de 10.000 DA le pack de 10 CV et jusqu’à 25.500 DA le pack de 30 CV. Certaines agences n’hésitent pas, par ailleurs, à faire payer les chômeurs en contrepartie d’entretiens d’embauche. En l’absence de cadre législatif, les sociétés de recrutement ont toute latitude pour faire leur commerce comme ils l’entendent. Car en Algérie, et comme nous l’a précisé le chef de projet de Nrecrutic, " la technologie va plus vite que la législation ". " Pour moi, il est anormal de faire payer un chômeur pour lui trouver un job. Il n’y a que le recruteur qui met la main dans la poche. Cela frise l’arnaque ", estime-t-il. La société Emploinet, elle, ne l’entend pas de cette oreille. Cette société qui a commencé dès 2002 à vendre de l’emploi en Algérie préfère sélectionner les CV et faire payer les demandeurs d’emploi. Fait curieux : alors qu’un CV n’est cédé à un recruteurs qu’à 1000 DA et que les entreprises ne versent que 2200 DA pour la publication d’une offre d’emploi, les chômeurs, eux, payent 3000 DA pour déposer leur demande d’emploi. M. Abed Menour, directeur d’Emploinet, explique que la non-gratuité des CV est un garant pour se préserver des candidats non sérieux. " Je ne peux pas me permettre de publier le CV de n’importe qui. D’autant que ces CV sont parfois vierges ou pourvu de fausses informations. Si ces candidats sont prêts à payer, c’est qu’ils recherchent activement un travail, c’est rassurant pour nous. En toute sincérité, je ne crois pas au gratuit ", nous dit M. Menour. En tout cas, dans le siège d’Emploinet à Alger, la machine semble bien huilée. L’assistante de travail est submergée par les appels des candidats. " Alors comment s’est déroulé cet entretien ?... Mais 10.000 DA est un assez bon salaire pour un début… N’êtes-vous pas intéressé par un travail à Cosider qui demande un déplacement ?... C’est à vous de voir…", affirme-t-elle au téléphone. La plus grande fierté du patron d’Emploinet est d’avoir réussi à placer 16 Algériens dans un grand palace saoudien. Il nous montre, avec émotion, les photos du départ des candidats à l’aéroport, affirmant : " Ils ont aujourd’hui un salaire de 1600 rials, ils ont une possibilité de formation dans une grande école américaine. A leur retour au pays (ils ont un CDD de 2 ans), ils auront bénéficié d’une grande expérience et pourront travailler dans n’importe quel hôtel algérien. " Mais ce qui fait le plus défaut aux agences de l’emploi, c’est le vide juridique. " La loi sur l’emploi prévoit la création d’agences privées de recrutement mais le problème réside dans le fait qu’elle n’est pas encore promulguée. Dans la mesure où les textes d’application n’existent pas, nous devons nous contenter du statut de boîte de communication et de formation ", affirme, dépité, M. Menour. Il ajoute que cela représente un frein pour les recrutements des Algériens à l’étranger. " Nous ratons de grandes opportunités pour placer des chômeurs algériens à Dubai ou Doha parce que nous ne pouvons pas signer des contrats en tant qu’agences de recrutement. Les Marocains et Tunisiens passent, eux, par les agences. Un candidat qui irait à l’aventure a très peu de chance de trouver un emploi seul ", estime M. Menour. Ces sociétés sont-elles crédibles ? Le patron d’Emploinet insiste sur la sécurité qu’elles apportent à leurs candidats. " Une femme à la recherche d’un emploi ne peut pas publier son numéro de téléphone dans une annonce de journal. En passant par notre agence, elle aura la garantie que ses coordonnées ne seront accordées qu’aux recruteurs potentiels pour des entretiens d’embauches ", précise-t-il. Avant d’accepter un CV, le patron fait une étude minutieuse. " Nous n’acceptons que les bons profils dont on est sûr qu’ils intéresseront les recruteurs. A notre début, nous acceptions des CV à tort et à travers et nous avons dû rembourser les demandeurs d’emploi. Aujourd’hui, nous avons affiné notre stratégie ", explique M. Menour. Il s’insurge contre les agences qui préfèrent faire du business grâce à la pub que leur apporte les sociétés des recruteurs. L’idée de créer une agence de l’emploi est apparue pour le patron d’Emploinet au début des années 2000 lorsqu’il était à la tête d’un magazine d’automobile et qu’il cherchait à recruter des infographes. " Il était quasiment impossible d’en trouver. Nous savons qu’il y a des compétences en Algérie mais il était difficile de les toucher. Féru d’internet, j’ai remarqué que les sites de l’emploi étrangers réalisaient beaucoup d’audience. J’ai visité quelques agences en France. C’est ainsi que le projet Emploinet est né ", nous raconte-t-il. Derrière un grand capharnaüm qui fait office de bureau, M. Samir Rouabhi, responsable de la boîte Nrecrutic, a, lui aussi, eu du mal à trouver des employés pour son entreprise de transport Entraser. " Un chef d’entreprise en Algérie doit galérer pour trouver des employés compétents. Pour avoir passé plus de 10 ans à l’étranger, j’ai eu à voir comment les choses se déroulaient sous d’autres cieux. J’ai décidé, de ce fait, de créer ma propre boîte de recrutement ", confie M. Rouabhi. Il ajoute : " Cela fait à peine une année que le projet existe. Après 8 mois de mise en activité, nous venons de fêter notre 2000e CV. " M. Rouabhi est convaincu que le recrutement via le net a un grand avenir en Algérie. Selon un petit sondage réalisé par la boîte Emploitic (qui enregistre, estime-t-elle, 34.072 membres et 411 postes ouverts), 41% des chômeurs internautes qui cherchent de l’emploi via le net disposent d’un bac+5 et plus, 26% ont un bac+4 et 19% ont un niveau de classe de terminale. Par ailleurs, 55% des chômeurs internautes sont issus du centre du pays, 19% de l’est et 16% de l’ouest du pays. Généralement, les personnes à la recherche d’un emploi via le net n’ont pas une grande expérience. Pour le responsable de Nrecrutic, il n’y a aucun doute : " Le e-recrutement avec les agences privées et publiques (comme l’Anem qui va bientôt s’y mettre) deviendra, dans les prochaines années, la principale méthode de recrutement en Algérie. "

    Amel Blidi
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