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Hommage à Hamou Amirouche

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    Hamou Amirouche, ancien maquisard de la Wilaya 3, est décédé le 12 février dernier à San Diego, Californie, où il résidait depuis le milieu des années 1990 avec sa femme, enseignante. Je leur ai rendu visite en famille fin décembre 2017, et il était déçu que je ne reste chez lui que deux jours. Je lui ai dit : Hamou, il y a un proverbe chez nous qui dit «au-delà de trois jours, l’invité sent comme un poisson». Il éclate de rire et répond : «Chez moi, l’invité, surtout quand c’est un frère, il peut rester 3 mois.» Il voulait me retenir plus longtemps pour parler de l’Algérie et exprimer tout autant sa nostalgie que sa déception. «J’ai le sentiment, me disait-il, que la génération à laquelle j’appartiens, celle qui a libéré le pays, a échoué.» Voyant mon étonnement, il continue : «Nous avons certes arraché l’indépendance, d’ailleurs déjà érodée par la mondialisation, mais l’objectif final était le développement économique et le progrès culturel et social. Or, quand je vois que des milliers de jeunes veulent quitter le pays au prix de leurs vies, je suis triste et je me dis : nous avons échoué.» C’était le même constat que faisait l’autre maquisard avec qui je m’étais lié d’amitié, le commandant Moussa de la Wilaya 5. Tout comme chez ce dernier, Hamou vivait très mal que l’économie ne crée pas de richesses et que le pays continue de dépendre des exportations des hydrocarbures qui sont épuisables. Il rappelle que dans les années 1960 et 1970 (il a été un haut cadre dans le ministère dirigé par Bélaïd Abdeslam), l’Algérie semait le pétrole pour espérer récolter le développement industriel, et aujourd’hui, le pays ne fait que consommer le pétrole. Nous n’étions pas d’accord sur les causes de cette situation, et me reprochait de négliger l’environnement international hostile à l’Algérie, en particulier depuis la vague néo-libérale qu’a encouragée le «Consensus de Washington». Hamou avait une solide formation en économie acquise à l’université aux Etats-Unis.
    Il a rejoint l’ALN assez jeune et a été l’un des trois secrétaires successifs du colonel Amirouche (les deux autres étant les futurs généraux Abdelhamid Djouadi et Hocine Benmaâlem). Il avait raconté dans un livre passionnant sa vie au maquis et les difficultés de la traversée de la frontière pour aller acheminer l’argent et les rapports de la Wilaya à Tunis (Akfadou. Une année avec le colonel Amirouche, 2009, Casbah éditions ; cf. compte-rendu dans Le Quotidien d’Oran du 31 octobre 2009). Une fois en Tunisie, le colonel Amirouche lui a ordonné d’y rester contre sa volonté pour finir ses études. Après avoir obtenu le baccalauréat, il est envoyé par le FLN avec une bourse faire des études supérieures aux Etats-Unis. Il y fréquente l’Université de Wesleyland, au Massachussetts, et l’Université du Colorado à Boulder où il a obtenu un master en économie et un autre en sociologie. Abandonnant son PhD, il est rentré au pays en 1967, ne supportant pas le traitement de la guerre des Six Jours par les médias américains. Il rejoint le ministère de l’Industrie et de l’Energie pour mener à bien la stratégie de développement de l’époque. Profondément déçu par le mécontentement qui a mené aux émeutes d’Octobre 1988, il prend sa retraite en 1989. Il vivra encore plus mal la décennie noire, ne supportant pas que les journaux parlent «de terroristes abattus par l’armée». «Je croyais, me disait-il, que ce langage était réservé à l’armée coloniale pour laquelle les maquisards de l’ALN étaient des terroristes.»
    Sous la pression des amis qui craignaient que sa femme, d’origine américaine, ne soit assassinée durant cette période trouble, il repart à contre-cœur aux Etats-Unis où son épouse trouvera un poste d’enseignante. Elle choisira San Diego parce que le climat dans cette ville est similaire à celui d’Alger. Née à Boston, Betsy considérait que la meilleure partie de sa vie est celle qu’elle a passée à Alger entre 1967 et 1994. Je leur ai rendu visite plusieurs fois à San Diego, ville où, se plaignait Hamou, rien d’imprévisible ne se produit. «Quand un ami américain veut me voir, raconte-t-il, il téléphone 15 jours avant et il dit même l’heure de son départ. Mais moi, dit-il en éclatant de rire, je suis habitué aux amis et membres de la famille qui débarquent sans avertir. Il y a de l’inconvénient dans cette façon spontanée de vivre, mais elle a du charme quand il y a de la place.» Il continue : «La spontanéité algérienne me manque. La pagaille de Bab-el-Oued, les odeurs de La Casbah, le tumulte des enfants, cela me manque beaucoup. Pour calmer ma nostalgie, je vais à Tijuana, ville mexicaine, à 10 km de San Diego, pour me rappeler El-Harrach. Je mange dans une gargote une soupe épicée qui me rappelle la chorba, je respire la poussière et même la pollution, je me fais bousculer plusieurs fois sur des trottoirs encombrés, et je rentre à San Diego, fatigué mais content avec le sentiment d’avoir passé une journée à Alger.»
    Il avoue toutefois que le calme de San Diego lui a permis d’écrire trois livres, ce qu’il n’aurait pas pu faire à Alger. Le premier, déjà signalé publié à Casbah Editions, le second en anglais, destiné à faire connaître au public américain la lutte de l’Algérie pour l’indépendance. Il a pour titre Memoirs of a Mujahid : Algeria’s Struggle for Freedom, 1945-1962. Le troisième, encore à l’état de manuscrit, a été achevé la veille de son décès, et a pour titre Le jardin de la torture.
    Hamou laisse derrière lui sa femme Betsy, qu’il a rencontrée quand il était étudiant, et deux enfants, Malina qui lui a permis d’être grand-père et Nadirdjorf à qui il a inculqué la passion de l’Algérie. Il a émis le vœu d’être enterré dans la terre de ses ancêtres à laquelle il était tellement attaché. Repose en paix Hamou. Ta génération a accompli sa mission et c’est la génération suivante qui a failli à la sienne.
    L. A.
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill
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