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A Tibéhirine, catholiques et musulmans lyonnais prônent le dialogue interreligieux

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  • A Tibéhirine, catholiques et musulmans lyonnais prônent le dialogue interreligieux

    Revêtu de sa gandoura d'imam, Azzedine Gaci se penche et caresse d'une main blême la plaque de marbre blanc qui marque la sépulture de terre de Frère Luc, l'un des sept moines de Tibéhirine enlevés puis tués par des terroristes algériens en 1996.

    A ses côtés, dans le cimetière niché en contrebas du monastère, Mgr Philippe Barbarin, archevêque de Lyon, en soutane noire et ceinture rouge, partage le "choc" du jeune représentant des musulmans de Rhône-Alpes. Chacun à leur manière, les deux hommes viennent de rendre hommage aux religieux assassinés en récitant côte à côte le "Notre Père..." suivi de la Fatiha, la première sourate du Coran.



    Point d'orgue du voyage interreligieux qui, de manière inédite, a mené en Algérie des délégations musulmane et catholique de la région lyonnaise, la visite du monastère, mardi 20 février, s'est effectuée sous bonne garde policière, dans le recueillement et une visible émotion. L'initiative remonte à quelques mois et en revient à M. Gaci, ébranlé par un témoignage de Frère Luc, doyen du monastère, médecin de la population locale durant cinquante ans. "En visionnant une cassette dans laquelle il parlait de son amour pour l'Algérie, j'ai eu envie de venir sur place", raconte le président du Conseil régional du culte musulman (CRCM) de Rhône-Alpes.

    "En tant que musulman, j'ai voulu demander pardon aux victimes et trouver la force de pardonner ceux qui ont commis un acte d'une telle cruauté", explique le jeune religieux, lui-même d'origine algérienne. En écho, Mgr Barbarin explique son désir de "demander à Dieu d'accorder son pardon aux criminels" même si, reconnaît-il, "cela est difficile, aussi difficile que de demander à Dieu de pardonner Maurice Papon, préfet de police de Paris lors des événements du 17 octobre 1961 (au cours desquels plusieurs dizaines d'Algériens furent tués)". "C'était aussi pour moi l'occasion d'amener les musulmans à méditer sur leur foi et à se demander comment on peut faire preuve de tant de violence lorsque l'on se dit musulman", ajoute M. Gaci.


    QUESTIONS POLITIQUES


    Mais au-delà de la dimension spirituelle du voyage défendue par les responsables des deux délégations, leur venue sur place a soulevé des questions d'ordre politique. Cette visite au monastère, comme tout déplacement d'étrangers sur les lieux, a été soumise à l'aval des autorités algériennes. Ces dernières, en dépit d'une bonne volonté évidente à l'endroit de la délégation lyonnaise, ne souhaitent pas voir Tibéhirine devenir un lieu symbolique des années noires de la décennie 1990.

    "La charte pour la réconciliation nationale a été adoptée en 2005", souligne le ministre des affaires religieuses, Bouabdallah Ghlamellah. "Et elle vaut pour tous ; c'est le prix à payer pour garantir la paix sociale. En outre, ce n'est plus la peine de chercher les tueurs : le coupable, c'est le contexte de l'époque", ajoute-t-il en évoquant les dizaines de milliers de victimes algériennes du terrorisme, parmi lesquelles une centaine d'imams.

    Cette loi ne satisfait guère certains religieux catholiques vivant en Algérie. "Notre tristesse est de voir que la guérison de la société n'est pas achevée et que ceux qui ont eu recours à la violence n'ont pas changé de position", explique l'un d'entre eux. "Pour qu'il y ait réconciliation nationale, il aurait fallu qu'il y ait oeuvre de justice", affirme un autre, convaincu qu'un deuil de dix ans n'a pas suffi à effacer les traces de cette tragédie.

    "La visite des Lyonnais montre une fois encore que ce lieu est un lieu de souvenir très fort, y compris pour les musulmans", souligne Mgr Teissier, archevêque d'Alger, qui, à l'instar de Mgr Barbarin, ne désespère pas de voir une communauté religieuse se réinstaller sur place. Le monastère reçoit la visite d'un millier de pèlerins par an. La communauté des Petites Soeurs de Bethléem, notamment présente dans les pays arabes, s'est rendue sur place en décembre, dans la perspective d'une possible installation. Trois fois par semaine, le père Jean-Marie Lassausse vient entretenir les terres du monastère plantées d'arbres fruitiers. Mais il redescend chaque soir coucher à Alger, "pour des raisons de sécurité".

    "La disparition de "l'esprit de Tibéhirine", marquée depuis des années par le dialogue islamo-chrétien en terre musulmane, serait une perte pour l'Algérie", estime aussi un prêtre. "A terme, il faudrait que le monastère puisse devenir un lieu symbolique de la réconciliation franco-algérienne et un point de passage pour des voyageurs engagés dans le dialogue interreligieux", défend M. Gaci. Par leurs échanges théologiques et spirituels entre eux et avec des imams, des oulémas, des universitaires et des officiels algériens, les responsables religieux lyonnais espèrent avoir ouvert la voie.



    Le monastère de Tibéhirine pourrait rouvrir

    TIBEHIRINE, Algérie (Reuters) - Des moines pourraient rouvrir le monastère de Tibéhirine, dans les collines à 70 km au sud d'Alger, pour la première fois depuis que sept trappistes y ont été enlevés puis assassinés en 1996, annonce le cardinal français Philippe Barbarin.

    "Il y a des projets de réinstallation d'une communauté ici. Il y a eu des tentatives depuis onze ans mais cela n'a pas marché. Ceci est une nouvelle tentative. Nous devons prier pour que cela marche", a déclaré l'archevêque de Lyon lors d'une visite sur les lieux, dans la région de Médéa.

    Le monastère de Notre-Dame-de-l'Atlas, où sont enterrés les sept victimes, avait été fermé à la suite de leur assassinat, au plus fort de l'insurrection islamiste déclenchée en 1992 par l'annulation d'élections que l'ex-Front islamique de salut (Fis) était sur le point de remporter.

    Les sept moines et quelques autres avaient choisi de rester, malgré les menaces dont ils faisaient l'objet de la part des islamistes armés, afin que les habitants de la région continuent à bénéficier de leur aide alimentaire et médicale.

    Ils furent enlevés le 26 mars 1996 et retrouvés égorgés deux mois plus tard. Le GIA (Groupe islamique armé) avait justifié leur exécution par le refus de la France de négocier la libération de détenus islamistes d'origine algérienne.

    "DEMANDER PARDON A DIEU"

    Les moines survivants quittèrent alors le monastère de Tibéhirine, le seul qui subsistait alors en Algérie, pour aller s'établir au Maroc voisin. Et ils manquent aujourd'hui à leurs anciens voisins.

    "Depuis la mort des moines, la vie a changé ici, en mal, pour les gens. On se soignait gratuitement et efficacement (chez eux). Aujourd'hui, nous devons payer des soins qui ne sont pas toujours bons", confie Gamedi Redahi, un habitant de 54 ans.

    Mgr Barbarin s'est rendu à Tibéhirine dans le cadre d'une visite en Algérie organisée avec le concours du président du Conseil musulman de la Région Rhônes-Alpes, Azzedine Gaci, et visant à promouvoir la compréhension et la tolérance entre les deux religions.

    "En tant que musulmans, aujourd'hui, nous devons respecter les sentiments, la complexité de tous ceux qui ne partagent pas notre foi et avec lesquels nous devons vivre", a expliqué Gaci, un Français d'origine algérienne. "Il y a eu beaucoup de mal dans le coeur des hommes. Il faut demander pardon à Dieu."

    La quasi-totalité de la communauté chrétienne d'Algérie a fui au moment de l'indépendance de l'Algérie, en 1962, et une poignée d'églises seulement sont restées ouvertes. Selon les chiffres officiels, on compte aujourd'hui moins de 5.000 chrétiens - y compris les expatriés - sur le sol algérien.
    Donnez, et vous recevrez : une mesure bien pleine, tassée, secouée, débordante, qui sera versée dans votre tablier ; car la mesure dont vous vous servez pour les autres servira aussi pour vous.
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