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Du poulet bourré aux antibiotiques sur le marché Les ravages de l’informel

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  • Du poulet bourré aux antibiotiques sur le marché Les ravages de l’informel

    Du poulet de chair commercialisé contient des résidus d’antibiotiques. Cause : le non-respect du temps d’attente (une vingtaine de jours) que doivent observer les producteurs entre l’administration des médicaments à la volaille et son envoi à l’abattage.


    Le risque est alors grand pour les consommateurs : antibiorésistance. «Il y a un grand nombre d’élevages informels qui ne sont pas suivis par des vétérinaires. La majorité utilise de manière abusive des antibiotiques et des anticoccidiens. La commercialisation des volailles se fait sans respect du délai d’attente. Des résidus de médicaments restent alors dans la chair.
    Il y a aussi ces aliments qui sont préparés par les éleveurs eux-mêmes. Des résidus d’anticoccidiens subsistent là aussi. Les résidus ne sont pas éliminés par la chaleur lors de la cuisson», constate le Dr Djedani Naziha, vétérinaire et membre de l’Association de protection et orientation du consommateur et son environnement (Apoce).
    Des anticoccidiens (Algicox et Coccidiopan), des antibiotiques (Clamoxyl, Baytril et Oxytetracycline), des hépatoprotecteurs (Vigosine) et des sulfamides sont utilisés contre des maladies aviaires, comme les coccidioses, les colibacilloses, la maladie de Newcastle (pseudopeste aviaire), la grippe aviaire, la salmonellose et la bronchite.
    Si les éleveurs s’astreignent à l’utilisation de ces médicaments, d’autres recourent à des produits retirés du marché par la direction des services vétérinaires (DSV). Il y a un puissant antibiotique, le Furaltadone, introduit de manière frauduleuse dans le pays, après que son AMM (autorisation de mise sur le marché) ait été retirée par la DSV. Ce médicament très dangereux était en vente libre, mais il a été retiré du marché et son AMM annulée suite à l’alerte émise par le système mixte de l’OMS et la FAO, le «Codex alimentarius».
    Ce médicament a été reconnu comme hautement cancérigène. Il a été recommandé à tous les pays de le retirer d’urgence de leur marché. Car s’il est «très puissant en santé animale, il est très dangereux pour la santé humaine», détaille Salim Kebbab, vétérinaire hygiéniste. Le ministre de la Santé, Mokhtar Hasbellaoui, a alerté, en décembre 2017, sur la résistance aux antimicrobiens considérée comme un «problème majeur» de santé publique, qui nécessite «un ensemble d’interventions et des équipes pluridisciplinaires».
    Dans une allocution prononcée à l’occasion de la Journée nationale de lutte contre la résistance aux antimicrobiens, le ministre a estimé que ce problème a représenté au cours des dernières décennies «une menace croissante entravant l’efficacité du traitement d’un ensemble d’infections émergentes et réémergentes et constitue, de ce fait, une menace sur la santé mondiale, la sécurité alimentaire et le développement».
    Les autorités vétérinaires préfèrent ne pas alarmer. Un plan algérien de surveillance des contaminants et résidus dans les aliments, appelé programme Pascra, a été lancé en 2016 pour connaître la situation de certains produits (poulet, miel) vis-à-vis des contaminants et résidus.
    «Sur 300 prélèvements effectués de façon inopinée et aléatoire au niveau de plusieurs abattoirs et sur des volailles provenant de plusieurs wilayas, 7% se sont révélés non conformes», annonce, dans une déclaration à El Watan, le directeur des services vétérinaires au ministère de l’Agriculture, Kaddour Hachimi Karim (voir entretien). Pourquoi une telle situation ?
    Des médicaments en vente libre
    Les producteurs bénéficient parfois de la complicité des vétérinaires qui prescrivent tour à tour le médicament, le vendent et délivrent l’autorisation de mise sur le marché. Il y a des éleveurs qui utilisent, nous renseigne un inspecteur dont on taira le nom et la région d’activité, les médicaments parfois en «vente libre» chez certains vétérinaires. «Les vétérinaires oublient qu’ils ont le titre de 'médecin'.
    Certains ont malheureusement délaissé les soins et la médecine pour ne s’occuper ou ne se soucier que du médicament vétérinaire, où les gains sont plus importants. Ils sont devenus propharmaciens.
    Mais en principe, le vétérinaire, contrairement au pharmacien, n’est pas autorisé à tenir une ''officine ouverte'', et donc il ne peut délivrer le médicament vétérinaire qu’aux animaux auxquels il donne personnellement des soins, ou ceux dont il assure de façon régulière le suivi et la surveillance sanitaires», précise l’inspecteur.
    Pour lui, certains vétérinaires échappent à tout contrôle et délivrent le médicament au premier éleveur qui les fréquente, «transformant ainsi leurs cabinets en une véritable supérette de médicaments et produits vétérinaires». La situation est d’autant plus incontrôlable que les aviculteurs exercent dans l’informel et donc sans le suivi des vétérinaires, comme l’exige la loi 88-08 du 26 janvier relative aux activités de médecine vétérinaire et à la protection de la santé animale.
    Kaci Ahcène, enseignant à l’Ecole nationale supérieure agronomique d’El Harrach (ENSA), constate que les activités d’élevage, d’abattage et de commercialisation n’obéissent pas aux normes recommandées. «La structure des unités est atomisée, les techniques utilisées sont rudimentaires et les transactions effectuées sont à prédominance informelle. A titre indicatif, selon l’étude non encore publiée par Ferrah Ali, chercheur à l’INRA d’Algérie, l’économie informelle dans l’aviculture algérienne représente 50%, c’est-à-dire un opérateur sur deux ne dispose pas d’agrément sanitaire», indique l’enseignant.
    L’Apoce fait un constat plus alarmant. «80% des élevages sont dans le secteur informel, lequel produit 50% des besoins du marché», signale le Dr Mustapha Zebdi, président de l’Apoce. Chabane Aït El Hadj, vétérinaire, met en cause les «intégrateurs» chez qui se fournissent en médicaments les éleveurs, qui préfèrent vendre rapidement leur production pour faire l’économie de dépenses supplémentaires.
    Nécessité d’un ordre des vétérinaires
    «C’est un des aléas de l’informel. Les éleveurs se fournissent chez les intégrateurs, qui leur proposent en plus des poussins et de l’aliment, des médicaments. L’opération, qui n’est pas contraire à la loi 88 se déroule comme suit : un vétérinaire conventionné avec l’intégrateur se charge de prescrire des médicaments.
    Mais le problème c’est qu’il ne suffit pas d’un seul vétérinaire, comme c’est le cas actuellement. Il devrait y avoir pour une coopérative jusqu’à 15 vétérinaires, comme c’est le cas ailleurs», estime le doyen des vétérinaires, établi à Tizi Ouzou, regrettant que le manque d’activité pousse des vétérinaires à «vendre à tout-va» des médicaments aux éleveurs demandeurs.
    Pour lutter contre ce phénomène, des vétérinaires réclament l’exigence dans les textes du «découplage» complet entre le vétérinaire prescripteur et le fournisseur du médicament pour éviter l’installation d’une complicité et ainsi la commercialisation d’un produit bourré d’antibiotique et impropre à la consommation.
    D’autres professionnels du secteur insistent sur la nécessité de mettre en place des brigades mixtes, composées des différents services de l’agriculture, des inspections, mais surtout des services de sécurité pour «sévir contre les élevages en infraction».
    Des vétérinaires, dont la profession est parfois décriée, mettent en avant la nécessité de créer un Ordre des vétérinaires, dont les textes se trouveraient actuellement au niveau du secrétariat général du gouvernement (SGG). «La mise en place de cet Ordre est importante pour les consignes à imposer dans la profession et sa moralisation.
    Mais, il faut savoir que ce n’est pas la panacée», modère Naït El Hadj, l’un des promoteurs de l’Ordre. D’autres intervenants, à l’instar de M. Kebbab, réclament l’urgence d’instituer une «agence nationale chargée de la sécurité sanitaire des aliments» et qui regrouperait des spécialistes de la santé humaine et animale.
    «La majorité des pays disposent de cet organisme. Surtout qu’il est question aujourd’hui de biosécurité, c’est-à-dire qu’il ne s’agit plus de sécurité sanitaire des aliments seulement, mais de risques dus à des facteurs exogènes, comme le terrorisme (contamination volontaire des aliments ou d’un barrage).» L’Apoce réclame la régularisation des éleveurs informels en «allégeant le cahier des charges» contraignant.



    Nadir Iddir
    Il ne faut pas de tout pour faire un monde. Il faut du bonheur et rien d'autre.
    (Paul Eluard)
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