Hassan Aourid: "Les technocrates du tiers-monde ont plus en commun avec leurs pairs occidentaux qu’avec leurs concitoyens"
Dans son dernier livre intitulé Regards sur l'occident, Hassan Aourid, l'ancien historiographe du Maroc, apporte son regard sur l'évolution de la société occidentale, et ses effets sur le reste du monde. Avec l'accord de l'auteur, Telquel.ma en publie les bonnes feuilles.
Quand le capitalisme financier agonisait
La crise atteint son paroxysme aux États-Unis, sanctuaire du capitalisme financier avec les subprimes, qui toucha de plein fouet le secteur de l'immobilier. Les acquéreurs ne pouvaient plus payer leurs traites, et les banques se trouvaient dépositaires d'un flux de plus de quatre millions de maisons remises sur le marché, à vil prix. Tel un château de cartes, la crise de l'immobilier gagna d'autres contrées telles l'Espagne et plus tard la Grèce. Le pouvoir d'achat des classes moyennes fut affecté aux États-Unis et le secteur de l'automobile s'est trouvé touché et nombre d'usines fermèrent. La mondialisation heureuse est terminée. Le libre échange, sans garde-fous, est source de dysfonctionnement et d'inégalités sociales. Le mal est structurel. L'industrie financière comme le dit Elie Cohen, une autorité économique, a commencé à tourner de plus sur elle-même et à se détacher de l'univers économique. La distance est devenue maximale entre les jeux de la spéculation et les logiques de financement de l'économie réelle. In fine, les produits financiers sont devenus la principale source d'enrichissement des acteurs financiers. Autrement dit, une arnaque planétaire.
Le néo-libéralisme, la nouvelle idéologie messianique
La nouvelle annonce de la fin de l'Histoire aura vécu ce que virent les roses, l'espace d'une saison. Il y eut depuis, des guerres sanglantes comme en Irak. Il y eut un génocide, dans la foulée de cette idée angélique, au Rwanda, des scènes d'exterminations collectives, au nom de l'épuration ethnique en Bosnie et autres évènements non moins horribles de par le monde. C'était autant d'indices sur la fin de la fin de l'Histoire et la vision simpliste qu'elle comportait. Non moins important, il y eut l'émergence d'une idéologie dans un monde qu'on voulait sans idéologies et sans histoires : le néo-libéralisme. Celui-ci se mua en idéologie messianique qui, malgré les apparences, prendra le contre-pied des lumières. L'Homme des lumières se soustrait de toute tutelle grâce à la raison. L'Homme néolibéral se met sous l'escarcelle de ses désirs, se remettant au marché qui le prend par la main vers des pics escarpés du consumérisme et annihile sa faculté critique. La banalité des petits bonheurs et des menus plaisirs qui finissent par l'anesthésier. Le renouveau des lumières est annoncé, cache les ténèbres de la chosification de l'être et des valeurs.
L'argent, centre de l'univers
Le capital a la mainmise sur tous les secteurs de la vie, l'Argent en est l'unité de mesure, voire le dogme. Il a son catéchisme: les gros chiffres ; son clergé : les experts ; ses apôtres : les journalistes et les personnes des médias en vue ; et puis ses secrets d'alcôve, avec les scandales financiers… Ainsi va la nouvelle religion qui ne croit qu'à l'ici-bas, sonnant et trébuchant. Les leaders des Partis de gauche s'y sont faits et deviennent les gardiens du temple du veau d'or… En France et ailleurs. Leur conversion à la religion de l'Argent ne souffre d'aucune faille, avec leurs gros salaires, leur mode de vie exubérant et tape-à-l'œil, voire orgiaque, sans abandonner leurs discours, un discours creux. Il continue à se trémousser du haut d'un pupitre pour vanter les vertus de la justice sociale. Une gauche sans âme à l'image de Faust de Goethe. Le vieux Faust obtient la belle Catherine comme le lui a promis le diable Méphistophélès, au prix de son âme. Il ne reste que la rue comme espace de contestation. Pas même la gauche de la gauche, qui remplit une fonction tribunitienne, somme toute cathartique.
Démocratie et néo-libéralisme, un rapport incestueux
Comment la démocratie peut-elle triompher avec un despotisme économique sous-jacent ? Car le monde est géré par un maillage de despotisme économique, diffus et dense. Les politiques tout comme la politique sont un jeu d'ombre. L'idée maîtresse de la démocratie n'est pas la Liberté mais l'Egalité. Comment le peuple peut-il choisir ou faire le bon choix, s'il est réduit à être consommateur ou simple maillon dans une grande machine ? Comment peut-il réfléchir, penser, agir, quand le gain ou l'argent est l'unique valeur ou celle qui détermine les autres valeurs ? Dans le Capitalisme financier, c'est le gain qui prime et non l'intérêt général. L'État comme dépositaire de la chose publique est mal vu par les pontes du néo-libéralisme. C'est un obstacle même. Or, l'État est l'espace géographique où peut s'exercer la démocratie. On n'en a pas trouvé d'autres. C'est aussi l'expression politique d'une nation. Néo-libéralisme et démocratie ne peuvent faire bon ménage. Le capitalisme financier cherche le gain, et la démocratie est la voie d'expression de l'intérêt général d'une nation. Peut-on imaginer une démocratie en dehors des contours d'un État ? Imagine-t-on une construction démocratique sans le sentiment d'un devenir commun, voire d'un mythe fondateur ? Le Mc. World n'a cure de tout cela, n'a cure des intérêts collectifs, de l'identité, référents bons peut-être pour les activistes de la société civile, mais non des pundits… Le capitalisme financier est incapable de prendre en charge le rôle de régulation dévolu à l'État. Si la démocratie, dit Benjamin Barber, non sans ironie, aime la démocratie. Le capitaliste financier comporte une tendance darwiniste exprimée par le banquier Felix Rohatyn : "Les marchés contiennent une logique darwinienne. Ils sont nerveux et rapaces… En contrepartie, ils ne donnent pas la meilleure forme de démocratie".
Quand la mondialisation sexuelle pointe son nez
C'est le déluge désormais avec "la mondialisation sexuelle". Le phénomène est planétaire et ne répond à aucune considération intellectuelle ou idéologique, si ce n'est le marché. C'est désormais le binôme offre/demande qui régule le produit sexuel, y compris pour les contraintes morales et culturelles tenues sous contrôle. La mondialisation sexuelle confine à la délocalisation du désir, dans tous les sens, Nord-Sud, Sud-Nord, Est-Ouest, Ouest-Est. Un phénomène sans précédent. Il y eut, avant le déferlement planétaire mondialisé, des phénomènes circonscrits dans l'espace et gérables tels le bordel. Dans l'ordre colonial et la nouvelle société industrielle, le bordel s'apparentait à "un service public", avec ces quartiers attitrés, pas loin des casernes militaires ou des ports, passage obligé pour puceaux… Maisons de tolérance, disait-on par euphémisme. Quand les goumiers marocains furent embarqués en Indochine, les autorités coloniales avaient emmené avec eux leurs "provisions" de prostituées.
La famille, dernière forteresse assiégée
Il y a désormais une internationale homosexuelle, avec son programme pour investir la société civile, les médias, voire les forces vives d'une nation. Les pays du tiers monde ne sont pas en reste de cette révolution planétaire. Elle est même mise au parfum de la culture locale. Des gays, bons musulmans et pratiquants ! La famille tiendra-t-elle ? Telle une forteresse assiégée, elle résiste en se cramponnant sur des référents religieux. Mais les vagues de la permissivité l'assaillent de partout : la révolution sexuelle, les médias, la société de consommation, la modernité piratée, qui dans certaines sociétés devient un support idéologique. La famille tiendra-t-elle devant le rouleau compresseur du Marché ? Le Marché a horreur de la gratuité et de la charité, et la famille est le lieu, par excellence, de la gratuité et de la solidarité. Tous deux renvoient à des systèmes de valeurs aux antipodes l'un de l'autre. La procréation ? On n'a plus besoin de se marier pour avoir des enfants. L'union libre, la famille parentale, les banques de sperme, tout cela a rendu caduque la notion de famille comme unique cadre pour la procréation. Les juridictions suivent le mouvement et reconnaissent la filiation des relations libres. Il découlera de cette révolution de plus en plus idéologisée, les victimes collatérales, le père et l'enfant.
Dans son dernier livre intitulé Regards sur l'occident, Hassan Aourid, l'ancien historiographe du Maroc, apporte son regard sur l'évolution de la société occidentale, et ses effets sur le reste du monde. Avec l'accord de l'auteur, Telquel.ma en publie les bonnes feuilles.
Quand le capitalisme financier agonisait
La crise atteint son paroxysme aux États-Unis, sanctuaire du capitalisme financier avec les subprimes, qui toucha de plein fouet le secteur de l'immobilier. Les acquéreurs ne pouvaient plus payer leurs traites, et les banques se trouvaient dépositaires d'un flux de plus de quatre millions de maisons remises sur le marché, à vil prix. Tel un château de cartes, la crise de l'immobilier gagna d'autres contrées telles l'Espagne et plus tard la Grèce. Le pouvoir d'achat des classes moyennes fut affecté aux États-Unis et le secteur de l'automobile s'est trouvé touché et nombre d'usines fermèrent. La mondialisation heureuse est terminée. Le libre échange, sans garde-fous, est source de dysfonctionnement et d'inégalités sociales. Le mal est structurel. L'industrie financière comme le dit Elie Cohen, une autorité économique, a commencé à tourner de plus sur elle-même et à se détacher de l'univers économique. La distance est devenue maximale entre les jeux de la spéculation et les logiques de financement de l'économie réelle. In fine, les produits financiers sont devenus la principale source d'enrichissement des acteurs financiers. Autrement dit, une arnaque planétaire.
Le néo-libéralisme, la nouvelle idéologie messianique
La nouvelle annonce de la fin de l'Histoire aura vécu ce que virent les roses, l'espace d'une saison. Il y eut depuis, des guerres sanglantes comme en Irak. Il y eut un génocide, dans la foulée de cette idée angélique, au Rwanda, des scènes d'exterminations collectives, au nom de l'épuration ethnique en Bosnie et autres évènements non moins horribles de par le monde. C'était autant d'indices sur la fin de la fin de l'Histoire et la vision simpliste qu'elle comportait. Non moins important, il y eut l'émergence d'une idéologie dans un monde qu'on voulait sans idéologies et sans histoires : le néo-libéralisme. Celui-ci se mua en idéologie messianique qui, malgré les apparences, prendra le contre-pied des lumières. L'Homme des lumières se soustrait de toute tutelle grâce à la raison. L'Homme néolibéral se met sous l'escarcelle de ses désirs, se remettant au marché qui le prend par la main vers des pics escarpés du consumérisme et annihile sa faculté critique. La banalité des petits bonheurs et des menus plaisirs qui finissent par l'anesthésier. Le renouveau des lumières est annoncé, cache les ténèbres de la chosification de l'être et des valeurs.
L'argent, centre de l'univers
Le capital a la mainmise sur tous les secteurs de la vie, l'Argent en est l'unité de mesure, voire le dogme. Il a son catéchisme: les gros chiffres ; son clergé : les experts ; ses apôtres : les journalistes et les personnes des médias en vue ; et puis ses secrets d'alcôve, avec les scandales financiers… Ainsi va la nouvelle religion qui ne croit qu'à l'ici-bas, sonnant et trébuchant. Les leaders des Partis de gauche s'y sont faits et deviennent les gardiens du temple du veau d'or… En France et ailleurs. Leur conversion à la religion de l'Argent ne souffre d'aucune faille, avec leurs gros salaires, leur mode de vie exubérant et tape-à-l'œil, voire orgiaque, sans abandonner leurs discours, un discours creux. Il continue à se trémousser du haut d'un pupitre pour vanter les vertus de la justice sociale. Une gauche sans âme à l'image de Faust de Goethe. Le vieux Faust obtient la belle Catherine comme le lui a promis le diable Méphistophélès, au prix de son âme. Il ne reste que la rue comme espace de contestation. Pas même la gauche de la gauche, qui remplit une fonction tribunitienne, somme toute cathartique.
Démocratie et néo-libéralisme, un rapport incestueux
Comment la démocratie peut-elle triompher avec un despotisme économique sous-jacent ? Car le monde est géré par un maillage de despotisme économique, diffus et dense. Les politiques tout comme la politique sont un jeu d'ombre. L'idée maîtresse de la démocratie n'est pas la Liberté mais l'Egalité. Comment le peuple peut-il choisir ou faire le bon choix, s'il est réduit à être consommateur ou simple maillon dans une grande machine ? Comment peut-il réfléchir, penser, agir, quand le gain ou l'argent est l'unique valeur ou celle qui détermine les autres valeurs ? Dans le Capitalisme financier, c'est le gain qui prime et non l'intérêt général. L'État comme dépositaire de la chose publique est mal vu par les pontes du néo-libéralisme. C'est un obstacle même. Or, l'État est l'espace géographique où peut s'exercer la démocratie. On n'en a pas trouvé d'autres. C'est aussi l'expression politique d'une nation. Néo-libéralisme et démocratie ne peuvent faire bon ménage. Le capitalisme financier cherche le gain, et la démocratie est la voie d'expression de l'intérêt général d'une nation. Peut-on imaginer une démocratie en dehors des contours d'un État ? Imagine-t-on une construction démocratique sans le sentiment d'un devenir commun, voire d'un mythe fondateur ? Le Mc. World n'a cure de tout cela, n'a cure des intérêts collectifs, de l'identité, référents bons peut-être pour les activistes de la société civile, mais non des pundits… Le capitalisme financier est incapable de prendre en charge le rôle de régulation dévolu à l'État. Si la démocratie, dit Benjamin Barber, non sans ironie, aime la démocratie. Le capitaliste financier comporte une tendance darwiniste exprimée par le banquier Felix Rohatyn : "Les marchés contiennent une logique darwinienne. Ils sont nerveux et rapaces… En contrepartie, ils ne donnent pas la meilleure forme de démocratie".
Quand la mondialisation sexuelle pointe son nez
C'est le déluge désormais avec "la mondialisation sexuelle". Le phénomène est planétaire et ne répond à aucune considération intellectuelle ou idéologique, si ce n'est le marché. C'est désormais le binôme offre/demande qui régule le produit sexuel, y compris pour les contraintes morales et culturelles tenues sous contrôle. La mondialisation sexuelle confine à la délocalisation du désir, dans tous les sens, Nord-Sud, Sud-Nord, Est-Ouest, Ouest-Est. Un phénomène sans précédent. Il y eut, avant le déferlement planétaire mondialisé, des phénomènes circonscrits dans l'espace et gérables tels le bordel. Dans l'ordre colonial et la nouvelle société industrielle, le bordel s'apparentait à "un service public", avec ces quartiers attitrés, pas loin des casernes militaires ou des ports, passage obligé pour puceaux… Maisons de tolérance, disait-on par euphémisme. Quand les goumiers marocains furent embarqués en Indochine, les autorités coloniales avaient emmené avec eux leurs "provisions" de prostituées.
La famille, dernière forteresse assiégée
Il y a désormais une internationale homosexuelle, avec son programme pour investir la société civile, les médias, voire les forces vives d'une nation. Les pays du tiers monde ne sont pas en reste de cette révolution planétaire. Elle est même mise au parfum de la culture locale. Des gays, bons musulmans et pratiquants ! La famille tiendra-t-elle ? Telle une forteresse assiégée, elle résiste en se cramponnant sur des référents religieux. Mais les vagues de la permissivité l'assaillent de partout : la révolution sexuelle, les médias, la société de consommation, la modernité piratée, qui dans certaines sociétés devient un support idéologique. La famille tiendra-t-elle devant le rouleau compresseur du Marché ? Le Marché a horreur de la gratuité et de la charité, et la famille est le lieu, par excellence, de la gratuité et de la solidarité. Tous deux renvoient à des systèmes de valeurs aux antipodes l'un de l'autre. La procréation ? On n'a plus besoin de se marier pour avoir des enfants. L'union libre, la famille parentale, les banques de sperme, tout cela a rendu caduque la notion de famille comme unique cadre pour la procréation. Les juridictions suivent le mouvement et reconnaissent la filiation des relations libres. Il découlera de cette révolution de plus en plus idéologisée, les victimes collatérales, le père et l'enfant.
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