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Que gagne vraiment l’Afrique dans le business des matières premières ?

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  • Que gagne vraiment l’Afrique dans le business des matières premières ?

    Louées pour leur apport à l'industrie, les matières premières sont souvent rendues responsables de désordres géopolitiques et économiques observés ici ou là. Une accusation justifiée ?

    Il est un mot que l'on associe volontiers aux matières premières : celui de malédiction. Une « malédiction des matières premières » qui planerait sur tous ces pays qui ont choisi de faire de l'exploitation du sous-sol national une priorité et qui pèserait, tôt ou tard sur leur croissance et, plus encore, sur leur développement économique. Rythmées par le flux et reflux du prix de matières premières, les politiques budgétaires ne disposeraient notamment pas de la stabilité nécessaire pour que des dépenses d'investissements productifs soient engagées alors que l'on sait qu'elles sont indispensables au déclenchement des mécanismes d'une croissance endogène. Une malédiction qui, en définitive, résonne comme une funeste promesse que les meilleurs lendemains ne surviendront pas.



    Matières premières, une malédiction : une affirmation sujette à caution...

    Il y a, convenons-en, quelque chose de fondamentalement gênant dans cette affirmation. Non qu'elle n'ait pas de solides soubassements théoriques ou d'abondantes preuves empiriques. Les exemples, dans l'actualité ou dans l'histoire, qui témoignent de sa portée sont en effet nombreux. Elle apparaît certes bien large pour qualifier avec précision la réalité de pays dont les matières premières exportées, les structures économiques, les institutions politiques et les trajectoires historiques ne sont, en définitive, guère comparables. Les mécanismes qui la sous-tendent, du fameux « syndrome hollandais » à la corruption et à la captation de la rente, sont, eux aussi, particulièrement hétérogènes. Des erreurs de politiques économiques se mâtinent de déviances politiques pour faire de cette malédiction des matières premières une notion souvent « fourre-tout » que l'on utilise à l'envi. L'essentiel du problème n'est cependant pas là. Ou pas uniquement. Ce qui interpelle, c'est que cette notion soit désormais érigée en quasi-fatalité. Le risque qu'une stratégie de croissance fondée sur les matières premières échoue est omniprésent, bien sûr, mais n'y aurait-il que si peu de place à l'action politique ou aux mesures économiques pour combattre cette supposée malédiction ? On ne peut s'y résoudre.



    Ces contre-feux qu'il ne faut pas négliger

    Le Prix Nobel d'économie Joseph Stiglitz l'écrivait en 2004 : « L'abondance de ressources naturelles peut et doit être une bénédiction et non une malédiction. Nous savons ce qu'il faut faire. Il ne manque plus que la volonté politique pour y parvenir. »

    Mais de quelle volonté politique parlons-nous ?

    Celle des décideurs nationaux, assurément, car ils sont souvent à l'origine de cette incapacité à transformer des richesses minérales en outils de développement aux bénéfices des populations. Ils sont aussi ceux qui, dans une approche positive, sont en devoir d'engager non seulement les mesures de lutte contre les déséquilibres macroéconomiques que favorise l'exportation des ressources naturelles, mais aussi, idéalement, les politiques permettant d'accroître la diversification économique du pays et donc son émergence ou, pour le moins, sa résilience.

    Des fonds souverains de stabilisation ou de diversification aux politiques de contenu local en passant par la refonte des Codes miniers : les stratégies et outils sont connus mais leur mise en œuvre particulièrement ardue. Il faut, en effet, du courage politique pour capitaliser une fraction de la rente minière, gazière ou pétrole et en attendre des bénéfices uniquement à long terme ou pour mettre en œuvre des mesures parfois impopulaires permettant de préserver la compétitivité des secteurs manufacturiers. Il faut également une vision pour s'assurer de l'attractivité de la nation auprès des groupes miniers et pétroliers internationaux mais également des bailleurs de fonds tout en garantissant que les bénéfices tirés de l'exploitation du patrimoine géologique national profitent au plus grand nombre. Il s'agit, en réalité, d'un chemin sur une ligne de crête où la chance a, probablement, aussi un rôle à jouer.



    Une responsabilité pas seulement à la charge des décideurs nationaux

    On ne saurait néanmoins laisser à penser que la responsabilité des maux qui touchent de manière récurrente les pays producteurs incombe aux seuls dirigeants nationaux. La plupart des matières premières sont échangées sur des marchés internationaux où les intensités concurrentielles sont extrêmes et où la fixation des prix échappe très largement au pouvoir des pays producteurs. Se référer à la malédiction des matières premières, c'est pourtant faire de leur exportation un problème national par essence, sans réelle référence à la longue chaîne des intervenants qui les mèneront sur les marchés de consommation. C'est aussi oublier que la variabilité des marchés de matières premières est bien l'affaire de tous au travers de ses conséquences économiques, politiques, géopolitiques et sociétales. C'est aussi taire une utopie fondamentale : celle de la stabilisation des marchés.

    Ainsi, s'il nous faut constater une éventuelle absence de volonté politique, c'est aussi et surtout à l'échelle internationale qu'il convient de le faire. De la vision minière africaine à l'initiative pour la transparence des industries extractives : il ne fait aucun doute que des actions d'envergure ont été entreprises. Mais suffisent-elles vraiment ? On opposera à cette argumentation que les règles du commerce international et la prévalence des marchés financiers de produits dérivés dans les mécanismes de formation du prix des « commodités » rendent parfaitement illusoire toute velléité de contrôle. On se rappellera, par ailleurs, que les accords internationaux de produits mis en œuvre dans les années soixante et soixante-dix ont, pour la plupart, échoué et que les remèdes furent, pour certains pays, pires que les maux.

    Il n'est ni souhaitable ni pertinent d'agir directement sur le prix des matières premières ou d'envisager de réguler leurs marchés par les volumes. Cela signifie-t-il pour autant que tout effort visant à améliorer le fonctionnement des filières de matières premières, par une plus grande diffusion de l'information sur le niveau des stocks officiels ou privés, par une stabilisation des anticipations ou par une plus grande coordination entre les offreurs et les demandeurs, soit nécessairement voué à l'échec ? Nul ne le sait et il appartient aux organisations internationales d'ouvrir, de nouveau, ce chantier afin que cette utopie revive pour un temps et qu'une réponse puisse enfin être trouvée.


    Ecofin
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