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"Pour les politiques, l'objet "islam" est devenu un créneau"

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  • "Pour les politiques, l'objet "islam" est devenu un créneau"

    Vincent Geisser, sociologue :"Pour les politiques, l'objet "islam" est devenu un créneau"

    Vincent Geisser, vous êtes sociologue, auteur avec Aziz Zemouri de Marianne et Allah, Les politiques face à la "question musulmane", à paraître le 15 mars. Les organisations musulmanes se sentent lâchées par les responsables politiques, de gauche et de droite. Est-ce fondé ?

    L'intervention de trois d'entre eux au procès des caricatures (François Hollande et François Bayrou comme témoins cités par Charlie Hebdo et Nicolas Sarkozy, signataire d'une lettre de soutien au magazine) relève d'une même stratégie. L'objet "islam"est devenu un créneau qui permet d'exister, il faut donc s'y investir. Soit en faisant des choses en faveur des musulmans, comme cela peut être le cas localement avec la construction de mosquées, soit en donnant l'impression que l'on protège la communauté nationale d'une menace venue des musulmans.

    Comment s'explique le changement d'attitude de M. Sarkozy, qui se présentait jusqu'à il y a peu comme "l'ami exigeant" des musulmans ?


    On peut identifier trois phases dans l'évolution du ministre de l'intérieur. Quand il arrive au ministère, il ne connaît rien à la communauté musulmane. Là, il découvre des néoconservateurs, les "intégristes" de l'Union des organisations islamiques de France (UOIF), avec lesquels il se rend compte qu'il peut travailler, notamment pour la création du Conseil français du culte musulman (CFCM). Il se fait donc l'avocat de ce qu'il appelle "l'islam épicé". Il comprend, contrairement à ce que pensent beaucoup de Français, que le néoconservatisme musulman et la loyauté à l'égard de la République sont compatibles. C'est la période du "bâtisseur".

    Pragmatique, il se dit qu'en tenant les associations islamiques, il tient les quartiers. Pour lui, la question sécuritaire et la question de l'islam sont liées : l'islam est considéré comme une ressource dans sa politique de contrôle et de répression dans les banlieues. Il pense aussi qu'avec les associations, il se constitue un vivier de voix. Car même si toutes les études montrent qu'il n'y a pas de vote musulman, M. Sarkozy, comme l'ensemble de la classe politique française, théorise l'existence d'un vote communautaire.

    Plusieurs éléments vont l'éloigner de ces analyses. Le discours ambiant sur les dangers du fondamentalisme l'amène à se démarquer. Puis il réalise que le lobby électoral sur lequel il comptait ne fonctionne pas, qu'avec l'UOIF, notamment, il n'a pas affaire à une communauté en "ordre de marche". Il se transforme alors en "démolisseur" et n'hésite pas à forcer le trait. La phrase qu'il prononce le 5 février sur TF1 sur les "moutons égorgés dans les appartements", il ne l'aurait jamais dite dans la période précédente.

    La relative distance de la gauche, notamment du PS, avec la communauté musulmane relève de la même analyse ?

    Non. Au PS, la relation aux musulmans est caractérisée par une grande méconnaissance, un paternalisme social et une approche laïciste. Aux yeux des socialistes, il y a les intégristes et les intégrés. Ils sont sur l'idée, de gauche, que le recours au religieux est un effet de l'échec des politiques économiques et sociales. Ce sont l'accès à l'éducation et la lutte contre les discriminations qui favorisent l'intégration dans la République et détournent de la religion. Personne n'est là pour leur dire que le retour à l'islam se produit aussi beaucoup dans les classes moyennes et supérieures.

    La proposition 74 de Mme Royal (d'inscrire une charte de la laïcité dans la Constitution) s'explique par la nécessité de compenser l'absence de propositions concrètes par un recours à l'idéologie, au symbolique. Face aux valeurs de laïcité et de service public, l'islam est de fait la religion la plus menaçante. La peur du communautarisme se décline donc à travers des exemples tirés de l'islam. Enfin, pour les féministes de gauche, il est clair que le port du voile agresse l'idéal d'émancipation.

    L'UOIF dénonce "l'offensive du Parti socialiste"

    Les responsables de l'Union des organisations islamiques de France (UOIF) s'étonnent dans un communiqué de "l'offensive du Parti socialiste" contre leur fédération. Après le Conseil français du culte musulman (CFCM) qui, en janvier, s'inquiétait de "l'utilisation politicienne et électoraliste que prennent les débats autour de l'islam en France", l'UOIF dénonce les mises en cause contenues dans un document publié par le PS sur Nicolas Sarkozy, dans le cadre de la campagne électorale ; ce document qualifie l'UOIF de "fondamentaliste" et "d'intégriste". Cette "offensive" s'ajoute à l'agacement des responsables musulmans face au soutien que François Hollande, François Bayrou et Nicolas Sarkozy ont apporté au magazine Charlie Hebdo, poursuivi par le CFCM et l'UOIF après la publication des caricatures de Mahomet.

    Par Le monde
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