«Fils du pauvre tu es, pauvre sera ton enfant.»
Non ! le titre n’est ni ronflant ni provocateur. Il traduit une réalité qui perdure depuis le début des années 2000, quand l’idée d’une réforme de l’école fut lancée par le président de la République. C’était là une réponse (la réforme) à une urgence signalée par les parents, les experts et les praticiens du secteur. Mais peut-on réformer un secteur aussi colossal en dimensionnement tant humain qu’infrastructurel, et de plus, hyper-centralisé ? Oui, à condition de lui assurer les moyens, tous les moyens : à commencer par la stabilité sans laquelle rien de bon ne se fera.
Or, et c’est malheureux de le constater, pas moins de 12 syndicats virent le jour dans le sillage d’un «infitah (ouverture) syndical» jamais connu dans aucun système scolaire de par le monde. Et comme de bien entendu, l’école étant le domaine de prédilection des semeurs d’idéologie, des courants de divers horizons utiliseront certains de ces syndicats comme cheval de Troie. On citera le courant hostile à la réhabilitation de l’algérianité en tant que référent culturel dans les programmes et les manuels scolaires. On retrouve ce courant idéologique parmi des partis politiques siégeant au Parlement (APN-Sénat) et dans des médias, notamment certaines TV privées fraîchement intronisées et dont la mission essentielle consiste à formater le citoyen et le futur militant d’une idéologie mortifère. En témoigne leur slogan «va-t-en-guerre» contre les pertinentes recommandations de la Conférence nationale d’évaluation de la réforme organisée par le MEN en juillet 2015 sous le haut patronage du président de la République. Leur slogan belliqueux (insultes, cabales, menaces) n’a d’égale que la détermination de la ministre à vouloir appliquer ces recommandations qui, ne l’oublions pas, avaient fait l’unanimité auprès des participants.
Les adeptes de ce courant rêvent de s’approprier ce département ministériel : un vieux rêve qui remonte à la période de leur ascension fulgurante dans la scène politique, puis dans le corps social. A grand renfort de plateaux télévisés et de manchettes de journaux – bien entendu leurs médias/maison – ces «idéologues du néant» ne cessent de lancer des appels à la démission ou au «dégageage».
C’est dire leur désarroi ! Mais ils ne se découragent pas. Une autre alternative pointe le nez et ils s’y engagent à fond pour en récolter les fruits : le démantèlement de l’école publique. Leur puissance de feu en argent frais leur sera d’un grand appoint le jour J, celui de la curée.
Un autre courant est à l’affût. Il lorgne, lui aussi, le dépeçage/bradage de l’école publique et le rachat d’établissements flambant neufs. Il est le produit du libéralisme débridé «à l’algérienne» — notamment les barons de l’informel et de l’argent sale.
Quand il s’agit de se remplir les poches, ces deux courants idéologiques se retrouvent dans la même tranchée : l’histoire des peuples a révélé cette connivence contre-nature. Ici un rappel pour se rafraîchir la mémoire et faire le lien avec les menaces qui pèsent sur l’école publique, gratuite et obligatoire. Une école publique qui a servi, dans un passé récent, d’ascenseur social aux enfants issus de familles pauvres. Plus pour longtemps, si les choses ne changent pas.
Années 1980 : le virage
C’étaient les années de plomb rythmées par les ruades du parti unique lequel prônait le wahhabo-baâthisme comme idéologie officielle et identité exclusive du peuple. C’était les «jours de gloire» de la révolution culturelle (sic !) ponctuée par la généralisation de ce qui fut qualifié d’algérianisation de l’école, pompeusement dénommée «école fondamentale». Comme de bien entendu, en bons hypocrites qu’ils sont, la nomenklatura de l’ex-parti unique et les promoteurs de cette nouvelle école algérianisée iront inscrire leurs enfants au lycée ex-Descartes (actuel Bouammama). Ils s’y abreuveront en sciences et en lumières dispensées en langue française. Plus tard, c’est dans les écoles privées et au Lycée français de Ben Aknoun que seront scolarisés les petits-enfants de ces promoteurs d’une «école algérianisée». Aux autres, l’école publique déjà discréditée – ou ce qui va en rester.
Dans l’euphorie ambiante d’un comité central omnipotent, durant sa décennie de règne, le ministre en charge de cette «révolution scolaire et éducative» répétera sans cesse à ses collaborateurs : «Ne vous en faites pas, d’ici moins de vingt-cinq ans, vous verrez le nouvel Homme que notre école algérianisée formera.» Il avait vu juste, puisque l’école — via ses programmes, ses méthodes et ses manuels — prépare l’adulte de demain. Vingt-cinq ans après 1980, nous sommes dans la deuxième moitié des années 2000. Les anciens élèves sont devenus adultes souvent diplômés d’université. Ils travaillent dans les secteurs sensibles tels l’éducation, la santé, la culture, l’information.
Dans le sillage de cette «algérianisation culturelle et éducative», nous récoltons les résultats : impact de sang (décennie 1990), retour du charlatanisme moyenâgeux (roqia), refus de la vaccination, accoutrement wahhabisé), l’intolérance par la bigoterie, la haine de soi identitaire et culturelle… Sous la houlette de l’ex-parti unique, l’école, l’université et les médias furent mis à contribution pour conforter et diffuser cette idéologie. Signe symptomatique : au début des années 1990, «l’algérianisation triomphante» fera que l’ECMR (éducation civique, morale et religieuse), en place depuis l’indépendance, sera supprimée et remplacée par l’E.I. (éducation islamique). En réalité, il n’y a d’Islam que le nom.
Le contenu du programme et du manuel étant une wahhabisation des frêles esprits de nos chérubins. La wahhabisation de la société algérienne était en marche : et nous sommes en plein dedans moins d’un quart de siècle après. Les grandes villes du pays, tristes à en mourir, ressemblent à s’y méprendre aux villes d’Arabie Saoudite où le cinéma, le théâtre et les concerts de musique sont interdits depuis la nuit des temps.
Cerise sur le gâteau, nos citoyens finiront par devenir de fidèles imitateurs de leurs modèles wahhabistes. Pourquoi s’étonner de voir en 2018 un chef d’établissement scolaire en tenue de combat afghane, un enseignant en claquettes, kamis et yeux au khôl ou encore une enseignante en niqab, invisible de ses élèves ? De tels accoutrements ne font pas la une des plateaux télévisés : normal et «hallal» pour les patrons de ces médias ! Regardez nos chaînes TV privées. Elles ressemblent aux TV roqia du Moyen-Orient, usant et abusant d’émissions «pseudoreligieuses» au détriment de la sensibilisation/formation scientifique. Même la chaîne de TV privée, dédiée exclusivement au football, s’y est mise de la partie et souvent avec un zèle inégalé.
Non ! le titre n’est ni ronflant ni provocateur. Il traduit une réalité qui perdure depuis le début des années 2000, quand l’idée d’une réforme de l’école fut lancée par le président de la République. C’était là une réponse (la réforme) à une urgence signalée par les parents, les experts et les praticiens du secteur. Mais peut-on réformer un secteur aussi colossal en dimensionnement tant humain qu’infrastructurel, et de plus, hyper-centralisé ? Oui, à condition de lui assurer les moyens, tous les moyens : à commencer par la stabilité sans laquelle rien de bon ne se fera.
Or, et c’est malheureux de le constater, pas moins de 12 syndicats virent le jour dans le sillage d’un «infitah (ouverture) syndical» jamais connu dans aucun système scolaire de par le monde. Et comme de bien entendu, l’école étant le domaine de prédilection des semeurs d’idéologie, des courants de divers horizons utiliseront certains de ces syndicats comme cheval de Troie. On citera le courant hostile à la réhabilitation de l’algérianité en tant que référent culturel dans les programmes et les manuels scolaires. On retrouve ce courant idéologique parmi des partis politiques siégeant au Parlement (APN-Sénat) et dans des médias, notamment certaines TV privées fraîchement intronisées et dont la mission essentielle consiste à formater le citoyen et le futur militant d’une idéologie mortifère. En témoigne leur slogan «va-t-en-guerre» contre les pertinentes recommandations de la Conférence nationale d’évaluation de la réforme organisée par le MEN en juillet 2015 sous le haut patronage du président de la République. Leur slogan belliqueux (insultes, cabales, menaces) n’a d’égale que la détermination de la ministre à vouloir appliquer ces recommandations qui, ne l’oublions pas, avaient fait l’unanimité auprès des participants.
Les adeptes de ce courant rêvent de s’approprier ce département ministériel : un vieux rêve qui remonte à la période de leur ascension fulgurante dans la scène politique, puis dans le corps social. A grand renfort de plateaux télévisés et de manchettes de journaux – bien entendu leurs médias/maison – ces «idéologues du néant» ne cessent de lancer des appels à la démission ou au «dégageage».
C’est dire leur désarroi ! Mais ils ne se découragent pas. Une autre alternative pointe le nez et ils s’y engagent à fond pour en récolter les fruits : le démantèlement de l’école publique. Leur puissance de feu en argent frais leur sera d’un grand appoint le jour J, celui de la curée.
Un autre courant est à l’affût. Il lorgne, lui aussi, le dépeçage/bradage de l’école publique et le rachat d’établissements flambant neufs. Il est le produit du libéralisme débridé «à l’algérienne» — notamment les barons de l’informel et de l’argent sale.
Quand il s’agit de se remplir les poches, ces deux courants idéologiques se retrouvent dans la même tranchée : l’histoire des peuples a révélé cette connivence contre-nature. Ici un rappel pour se rafraîchir la mémoire et faire le lien avec les menaces qui pèsent sur l’école publique, gratuite et obligatoire. Une école publique qui a servi, dans un passé récent, d’ascenseur social aux enfants issus de familles pauvres. Plus pour longtemps, si les choses ne changent pas.
Années 1980 : le virage
C’étaient les années de plomb rythmées par les ruades du parti unique lequel prônait le wahhabo-baâthisme comme idéologie officielle et identité exclusive du peuple. C’était les «jours de gloire» de la révolution culturelle (sic !) ponctuée par la généralisation de ce qui fut qualifié d’algérianisation de l’école, pompeusement dénommée «école fondamentale». Comme de bien entendu, en bons hypocrites qu’ils sont, la nomenklatura de l’ex-parti unique et les promoteurs de cette nouvelle école algérianisée iront inscrire leurs enfants au lycée ex-Descartes (actuel Bouammama). Ils s’y abreuveront en sciences et en lumières dispensées en langue française. Plus tard, c’est dans les écoles privées et au Lycée français de Ben Aknoun que seront scolarisés les petits-enfants de ces promoteurs d’une «école algérianisée». Aux autres, l’école publique déjà discréditée – ou ce qui va en rester.
Dans l’euphorie ambiante d’un comité central omnipotent, durant sa décennie de règne, le ministre en charge de cette «révolution scolaire et éducative» répétera sans cesse à ses collaborateurs : «Ne vous en faites pas, d’ici moins de vingt-cinq ans, vous verrez le nouvel Homme que notre école algérianisée formera.» Il avait vu juste, puisque l’école — via ses programmes, ses méthodes et ses manuels — prépare l’adulte de demain. Vingt-cinq ans après 1980, nous sommes dans la deuxième moitié des années 2000. Les anciens élèves sont devenus adultes souvent diplômés d’université. Ils travaillent dans les secteurs sensibles tels l’éducation, la santé, la culture, l’information.
Dans le sillage de cette «algérianisation culturelle et éducative», nous récoltons les résultats : impact de sang (décennie 1990), retour du charlatanisme moyenâgeux (roqia), refus de la vaccination, accoutrement wahhabisé), l’intolérance par la bigoterie, la haine de soi identitaire et culturelle… Sous la houlette de l’ex-parti unique, l’école, l’université et les médias furent mis à contribution pour conforter et diffuser cette idéologie. Signe symptomatique : au début des années 1990, «l’algérianisation triomphante» fera que l’ECMR (éducation civique, morale et religieuse), en place depuis l’indépendance, sera supprimée et remplacée par l’E.I. (éducation islamique). En réalité, il n’y a d’Islam que le nom.
Le contenu du programme et du manuel étant une wahhabisation des frêles esprits de nos chérubins. La wahhabisation de la société algérienne était en marche : et nous sommes en plein dedans moins d’un quart de siècle après. Les grandes villes du pays, tristes à en mourir, ressemblent à s’y méprendre aux villes d’Arabie Saoudite où le cinéma, le théâtre et les concerts de musique sont interdits depuis la nuit des temps.
Cerise sur le gâteau, nos citoyens finiront par devenir de fidèles imitateurs de leurs modèles wahhabistes. Pourquoi s’étonner de voir en 2018 un chef d’établissement scolaire en tenue de combat afghane, un enseignant en claquettes, kamis et yeux au khôl ou encore une enseignante en niqab, invisible de ses élèves ? De tels accoutrements ne font pas la une des plateaux télévisés : normal et «hallal» pour les patrons de ces médias ! Regardez nos chaînes TV privées. Elles ressemblent aux TV roqia du Moyen-Orient, usant et abusant d’émissions «pseudoreligieuses» au détriment de la sensibilisation/formation scientifique. Même la chaîne de TV privée, dédiée exclusivement au football, s’y est mise de la partie et souvent avec un zèle inégalé.
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