L’Algérie ramène la Russie au Maghreb
Le Maroc voit d’un mauvais œil le grand retour au Maghreb de la Russie car cette dernière a choisi de s’allier à l’Algérie au nom des liens historiques qui l’unissent au «leader» du Maghreb. Une alliance qui se traduit par un renouveau de la coopération militaire russo-algérienne et par un accord énergétique.
La renaissance de l’axe Moscou-Alger représente-t-elle un danger pour le Maroc ? Explications. C’est la goutte qui a fait déborder le vase. Le 4 juillet dernier, le géant russe Gazprom a signé un accord gazier avec la société d’hydrocarbures algérienne Sonatrach. Même si l’objectif du partenariat reste flou -l’échange d’actifs dans le domaine de la prospection et de l’extraction, la création de coentreprises, l’optimisation des livraisons de gaz aux clients…- l’Europe s’inquiète et crie à la “cartélisation” des producteurs de gaz comme cela est arrivé avec le pétrole et l’OPEP. Nous en sommes encore loin mais les craintes européennes sont fondées. D’une part, à eux deux, Gazprom et Sonatrach représentent avec, respectivement 125 milliards et 61 milliards de mètres cubes, 36 % de l’approvisionnement en gaz de l’Union Européenne. D’autre part, en 2006, la Russie a montré à deux reprises (en Ukraine et en Biélorussie) qu’elle était capable de couper les robinets en cas de litiges commerciaux.
Mais les Européens ne sont pas les seuls à s’inquiéter. Le Maroc aussi voit d’un mauvais œil cette alliance gazière entre Gazprom et la Sonatrach. Non pour des raisons économiques, puisque le gaz représente aujourd’hui un pourcentage négligeable de sa facture énergétique (cf. encadré) mais parce qu’affaibli sur la scène internationale par le dossier du Sahara occidental, il croit y voir une énième persécution de la part d’Alger... «Dans l’absolu, Gazprom n’est certainement pas le partenaire de choix pour l’Algérie. Sur une base strictement compétitive et technologique, les offres des compagnies pétrolières internationales sont meilleures que celles de Gazprom. La Russie elle-même ne parvient pas à développer ses champs gaziers les plus complexes et doit faire appel à des compagnies internationales. Même si Gazprom et la Sonatrach ont tout intérêt à limiter la concurrence entre eux sur le marché gazier européen, il faut lier cet accord à la volonté russe de reconquérir son influence mondiale et le vecteur énergétique en est le moyen le plus évident», analyse Pierre Noël, chercheur à la Judge Business School de l’université de Cambridge, au Royaume-Uni. «L’Algérie, qui est déjà un gros fournisseur en gaz de l’Europe avec qui elle entretient des liens commerciaux stables est, comme nombre de producteurs d’énergies, en quête de partenaires qui ne soient pas identifiés comme “occidentaux”. Pour schématiser, tout partenaire pouvant fournir une offre crédible de coopération, qu’elle soit politique ou technique dans le domaine de l’énergie, mais qui ne provient ni des Etats-Unis ni de l’Europe, est le bienvenu. L’Algérie est également motivée par la politique européenne de libéralisation du marché gazier qui lui est défavorable. Mais, aujourd’hui, rien n’interdit de penser que l’accord avec Gazprom restera peut-être une coquille vide».
Les avantages d’un partenariat avec les Russes
S’il est encore trop tôt donc pour savoir si l’Algérie rentrera dans le jeu économique de la Russie pour faire pression sur l’Europe, force est de constater que l’alliance Gazprom-Sonatrach confirme la réactivation de l’axe politique Moscou-Alger. Un bien mauvais souvenir pour le Maroc… Celui-ci trouve en effet ses origines au début du 20è siècle pour contrer la présence britannique au Proche-Orient mais a culminé pendant la Guerre Froide avec la livraison à l’Algérie par la Russie pour 11 milliards de dollars de matériel militaire dont a partiellement bénéficié le Front Polisario.
La renaissance de l’axe Alger-Moscou a été amorcée en 2001 par la visite d’Abdelaziz Bouteflika en Russie et scellée en 2006 avec celle de Vladimir Poutine en Algérie. Outre des accords commerciaux et de coopération économique, cette dernière a notamment abouti à l’annulation de la dette de l’Algérie à l’égard de la Russie (4,7 milliards de dollars). En contrepartie, Moscou a signé avec son partenaire maghrébin des contrats pour 7,5 milliards de dollars de livraison d’armement (10 milliards si on inclut les options).
Ce grand retour de la Russie au Maghreb inquiète le Maroc à plus d’un titre. D’abord en termes de leadership économique dans la région. Impossible pour lui de concurrencer une Algérie qui, après avoir habilement joué le jeu de la carte anti-terroriste avec les Américains, sort le joker énergétique qui attire les Chinois et les Indiens en plus des Etats-Unis, tout en lui permettant d’encaisser des milliards de dollars grâce au prix du pétrole. En termes de leadership diplomatique et politique ensuite. Interlocuteur-clé entre l’Occident et le monde arabe sous Hassan II, le Maroc n’est plus que l’ombre de lui-même. Espérant s’attirer les bonnes grâces américaines dans le dossier du Sahara occidental, il se cramponne désespérément à l’allié américain comme l’a montré en 2004 la signature avec les Etats-Unis d’un accord de libre-échange qui lui est défavorable et le Maroc continue de compter tout aussi désespérément sur la France de Jacques Chirac pour défendre ses positions. Une grossière erreur stratégique doublée d’un calcul à court terme pour ne pas dire à la petite semaine. En ce qui concerne la France, même le candidat Nicolas Sarkozy, pourtant réputé proche du Maroc, n’a jamais caché qu’il souhaitait faire de l’Algérie un partenaire stratégique. Quant aux Etats-Unis, nettement moins agressifs au Maghreb ces dernières années, l’entêtement du président George W Bush à poursuivre sa politique suicidaire en Irak a largement décrédibilisé son pays sur la scène internationale et plus encore dans le monde arabo-musulman. Résultat, pendant que le Maroc, obnubilé par le Sahara occidental, mettait " tous ses œufs " dans les paniers américains et français, l’Algérie, elle, s’ouvrait aux grandes puissances du 21ème siècle : les Etats-Unis, bien sûr, mais aussi la Chine, l’Inde et la Russie. Alors que le Maroc envoie une délégation composée des proches de Mohammed VI vendre aux amis étrangers un projet d’autonomie, dont la rédaction n’est pas encore achevée, l’Algérie, elle, travaille avec ses nouveaux partenaires sur les vrais dossiers chauds du moment à l’échelle de la planète : le nucléaire iranien, le Hamas en Palestine…
Les craintes marocaines sont-elles fondées ?
Dans ce contexte, et au vu des obsessions sahariennes de Rabat qui sont en train de lui faire rater le passage géopolitique du 20ème au 21ème siècles, le Maroc doit-il craindre l’accord gazier entre Gazprom et la Sonatrach ? Après tout, l’Algérie pourrait très bien tenter d’utiliser son statut de fournisseur en gaz attitré auprès de l’Europe pour faire pencher celle-ci en sa faveur sur le dossier du Sahara ou encore sur celui de l’immigration clandestine. «Les inquiétudes marocaines sont légitimes. Si la Russie s’installe en Algérie, le Maroc peut être inquiet comme l’Algérie l’a été lors de la signature du traité de libre-échange entre le Maroc et les Etats-Unis. Cela l’a d’ailleurs poussée à faire entrer un nouvel acteur dans le jeu maghrébin, en l’occurrence la Russie, justement pour contrer l’influence américaine», souligne Luis Martinez, chercheur au CERI-Sciences-Po. «Mais si l’Algérie venait à mélanger politique et commerce avec l’Europe, elle pourrait avoir des surprises. Les Européens savent pertinemment que les Russes reviennent au Maghreb pour contrer l’influence américaine et que faire le jeu de l’Algérie sur le dossier du Sahara occidental reviendrait à pousser davantage le Maroc vers les Etats-Unis. En favorisant le Maroc ou l’Algérie, l’Europe se fourvoierait. Elle préfère donc continuer de favoriser les deux, d’où la continuité du blocage des problèmes au Maghreb, et par extension, l’émergence de nouveaux acteurs comme les Etats-Unis, la Russie et la Chine». Autre crainte du Maroc liée aux préférences russes pour l’Algérie : les agissements de la Russie au Conseil de sécurité des Nations Unies où le dossier du Sahara occidental est examiné deux fois l’an. En effet par le passé, et plus précisément en 2002, le Maroc a été obligé de s’assurer de la neutralité de Moscou à l’aide de commandes d’équipements militaires passées aux Russes après avoir été décommandées à l’Espagne à cause de la crise de l’ilôt Leila. «Je ne vois pas d’inquiétude majeure à avoir car, au niveau du Conseil de sécurité de l’ONU, il y a consensus sur les deux grandes priorités que sont l’approvisionnement énergétique et l’insécurité terroriste. Face à ces nouveaux enjeux, le Maghreb est une zone importante. De plus, les Russes sont en pleine redéfinition de leurs rapports avec le monde arabo-musulman. La dernière visite de Vladimir Poutine en Arabie Saoudite le montre car jusqu’ici les monarchies du Golfe étaient la chasse-gardée des Etats-Unis. Rien n’interdit d’imaginer que demain la Russie aura intérêt à rassurer le Maroc sur le fait que ses relations avec l’Algérie ou la Libye ne sont pas un danger pour lui», estime Luis Martinez. Par ailleurs, la priorité de toutes les puissances siégeant au Conseil de sécurité reste de développer au Maghreb leurs parts de marché et, pour les pays maghrébins, d’attirer les investissements internationaux, ce qui nécessite une stabilité politique des deux côtés de la frontière marocco-algérienne. «Je ne crois pas que l’Algérie soit dans une situation de conflit telle avec le Maroc qu’elle en vienne au point d’utiliser l’économie pour influencer le politique. Les responsables des deux pays sont conscients qu’ils sont malgré tout voisins et de surcroît confrontés chacun à de fortes pressions sociales. Ils n’ont pas intérêt à se déstabiliser mutuellement plus que de raison», conclut Luis Martinez. Plutôt que de continuer à déployer autant d’argent (par exemple avec le Corcas) et d’efforts diplomatiques hasardeux dans le dossier du Sahara occidental (vendre un projet d’autonomie non rédigé), le Maroc ferait mieux de concentrer toute son énergie et ses ressources sur sa scène intérieure notamment en matière de social et de terrorisme. C’est d’ailleurs ce que lui a expressément demandé l’«ami» américain sur qui il compte tant.
Catherine Graciet
Le Maroc voit d’un mauvais œil le grand retour au Maghreb de la Russie car cette dernière a choisi de s’allier à l’Algérie au nom des liens historiques qui l’unissent au «leader» du Maghreb. Une alliance qui se traduit par un renouveau de la coopération militaire russo-algérienne et par un accord énergétique.
La renaissance de l’axe Moscou-Alger représente-t-elle un danger pour le Maroc ? Explications. C’est la goutte qui a fait déborder le vase. Le 4 juillet dernier, le géant russe Gazprom a signé un accord gazier avec la société d’hydrocarbures algérienne Sonatrach. Même si l’objectif du partenariat reste flou -l’échange d’actifs dans le domaine de la prospection et de l’extraction, la création de coentreprises, l’optimisation des livraisons de gaz aux clients…- l’Europe s’inquiète et crie à la “cartélisation” des producteurs de gaz comme cela est arrivé avec le pétrole et l’OPEP. Nous en sommes encore loin mais les craintes européennes sont fondées. D’une part, à eux deux, Gazprom et Sonatrach représentent avec, respectivement 125 milliards et 61 milliards de mètres cubes, 36 % de l’approvisionnement en gaz de l’Union Européenne. D’autre part, en 2006, la Russie a montré à deux reprises (en Ukraine et en Biélorussie) qu’elle était capable de couper les robinets en cas de litiges commerciaux.
Mais les Européens ne sont pas les seuls à s’inquiéter. Le Maroc aussi voit d’un mauvais œil cette alliance gazière entre Gazprom et la Sonatrach. Non pour des raisons économiques, puisque le gaz représente aujourd’hui un pourcentage négligeable de sa facture énergétique (cf. encadré) mais parce qu’affaibli sur la scène internationale par le dossier du Sahara occidental, il croit y voir une énième persécution de la part d’Alger... «Dans l’absolu, Gazprom n’est certainement pas le partenaire de choix pour l’Algérie. Sur une base strictement compétitive et technologique, les offres des compagnies pétrolières internationales sont meilleures que celles de Gazprom. La Russie elle-même ne parvient pas à développer ses champs gaziers les plus complexes et doit faire appel à des compagnies internationales. Même si Gazprom et la Sonatrach ont tout intérêt à limiter la concurrence entre eux sur le marché gazier européen, il faut lier cet accord à la volonté russe de reconquérir son influence mondiale et le vecteur énergétique en est le moyen le plus évident», analyse Pierre Noël, chercheur à la Judge Business School de l’université de Cambridge, au Royaume-Uni. «L’Algérie, qui est déjà un gros fournisseur en gaz de l’Europe avec qui elle entretient des liens commerciaux stables est, comme nombre de producteurs d’énergies, en quête de partenaires qui ne soient pas identifiés comme “occidentaux”. Pour schématiser, tout partenaire pouvant fournir une offre crédible de coopération, qu’elle soit politique ou technique dans le domaine de l’énergie, mais qui ne provient ni des Etats-Unis ni de l’Europe, est le bienvenu. L’Algérie est également motivée par la politique européenne de libéralisation du marché gazier qui lui est défavorable. Mais, aujourd’hui, rien n’interdit de penser que l’accord avec Gazprom restera peut-être une coquille vide».
Les avantages d’un partenariat avec les Russes
S’il est encore trop tôt donc pour savoir si l’Algérie rentrera dans le jeu économique de la Russie pour faire pression sur l’Europe, force est de constater que l’alliance Gazprom-Sonatrach confirme la réactivation de l’axe politique Moscou-Alger. Un bien mauvais souvenir pour le Maroc… Celui-ci trouve en effet ses origines au début du 20è siècle pour contrer la présence britannique au Proche-Orient mais a culminé pendant la Guerre Froide avec la livraison à l’Algérie par la Russie pour 11 milliards de dollars de matériel militaire dont a partiellement bénéficié le Front Polisario.
La renaissance de l’axe Alger-Moscou a été amorcée en 2001 par la visite d’Abdelaziz Bouteflika en Russie et scellée en 2006 avec celle de Vladimir Poutine en Algérie. Outre des accords commerciaux et de coopération économique, cette dernière a notamment abouti à l’annulation de la dette de l’Algérie à l’égard de la Russie (4,7 milliards de dollars). En contrepartie, Moscou a signé avec son partenaire maghrébin des contrats pour 7,5 milliards de dollars de livraison d’armement (10 milliards si on inclut les options).
Ce grand retour de la Russie au Maghreb inquiète le Maroc à plus d’un titre. D’abord en termes de leadership économique dans la région. Impossible pour lui de concurrencer une Algérie qui, après avoir habilement joué le jeu de la carte anti-terroriste avec les Américains, sort le joker énergétique qui attire les Chinois et les Indiens en plus des Etats-Unis, tout en lui permettant d’encaisser des milliards de dollars grâce au prix du pétrole. En termes de leadership diplomatique et politique ensuite. Interlocuteur-clé entre l’Occident et le monde arabe sous Hassan II, le Maroc n’est plus que l’ombre de lui-même. Espérant s’attirer les bonnes grâces américaines dans le dossier du Sahara occidental, il se cramponne désespérément à l’allié américain comme l’a montré en 2004 la signature avec les Etats-Unis d’un accord de libre-échange qui lui est défavorable et le Maroc continue de compter tout aussi désespérément sur la France de Jacques Chirac pour défendre ses positions. Une grossière erreur stratégique doublée d’un calcul à court terme pour ne pas dire à la petite semaine. En ce qui concerne la France, même le candidat Nicolas Sarkozy, pourtant réputé proche du Maroc, n’a jamais caché qu’il souhaitait faire de l’Algérie un partenaire stratégique. Quant aux Etats-Unis, nettement moins agressifs au Maghreb ces dernières années, l’entêtement du président George W Bush à poursuivre sa politique suicidaire en Irak a largement décrédibilisé son pays sur la scène internationale et plus encore dans le monde arabo-musulman. Résultat, pendant que le Maroc, obnubilé par le Sahara occidental, mettait " tous ses œufs " dans les paniers américains et français, l’Algérie, elle, s’ouvrait aux grandes puissances du 21ème siècle : les Etats-Unis, bien sûr, mais aussi la Chine, l’Inde et la Russie. Alors que le Maroc envoie une délégation composée des proches de Mohammed VI vendre aux amis étrangers un projet d’autonomie, dont la rédaction n’est pas encore achevée, l’Algérie, elle, travaille avec ses nouveaux partenaires sur les vrais dossiers chauds du moment à l’échelle de la planète : le nucléaire iranien, le Hamas en Palestine…
Les craintes marocaines sont-elles fondées ?
Dans ce contexte, et au vu des obsessions sahariennes de Rabat qui sont en train de lui faire rater le passage géopolitique du 20ème au 21ème siècles, le Maroc doit-il craindre l’accord gazier entre Gazprom et la Sonatrach ? Après tout, l’Algérie pourrait très bien tenter d’utiliser son statut de fournisseur en gaz attitré auprès de l’Europe pour faire pencher celle-ci en sa faveur sur le dossier du Sahara ou encore sur celui de l’immigration clandestine. «Les inquiétudes marocaines sont légitimes. Si la Russie s’installe en Algérie, le Maroc peut être inquiet comme l’Algérie l’a été lors de la signature du traité de libre-échange entre le Maroc et les Etats-Unis. Cela l’a d’ailleurs poussée à faire entrer un nouvel acteur dans le jeu maghrébin, en l’occurrence la Russie, justement pour contrer l’influence américaine», souligne Luis Martinez, chercheur au CERI-Sciences-Po. «Mais si l’Algérie venait à mélanger politique et commerce avec l’Europe, elle pourrait avoir des surprises. Les Européens savent pertinemment que les Russes reviennent au Maghreb pour contrer l’influence américaine et que faire le jeu de l’Algérie sur le dossier du Sahara occidental reviendrait à pousser davantage le Maroc vers les Etats-Unis. En favorisant le Maroc ou l’Algérie, l’Europe se fourvoierait. Elle préfère donc continuer de favoriser les deux, d’où la continuité du blocage des problèmes au Maghreb, et par extension, l’émergence de nouveaux acteurs comme les Etats-Unis, la Russie et la Chine». Autre crainte du Maroc liée aux préférences russes pour l’Algérie : les agissements de la Russie au Conseil de sécurité des Nations Unies où le dossier du Sahara occidental est examiné deux fois l’an. En effet par le passé, et plus précisément en 2002, le Maroc a été obligé de s’assurer de la neutralité de Moscou à l’aide de commandes d’équipements militaires passées aux Russes après avoir été décommandées à l’Espagne à cause de la crise de l’ilôt Leila. «Je ne vois pas d’inquiétude majeure à avoir car, au niveau du Conseil de sécurité de l’ONU, il y a consensus sur les deux grandes priorités que sont l’approvisionnement énergétique et l’insécurité terroriste. Face à ces nouveaux enjeux, le Maghreb est une zone importante. De plus, les Russes sont en pleine redéfinition de leurs rapports avec le monde arabo-musulman. La dernière visite de Vladimir Poutine en Arabie Saoudite le montre car jusqu’ici les monarchies du Golfe étaient la chasse-gardée des Etats-Unis. Rien n’interdit d’imaginer que demain la Russie aura intérêt à rassurer le Maroc sur le fait que ses relations avec l’Algérie ou la Libye ne sont pas un danger pour lui», estime Luis Martinez. Par ailleurs, la priorité de toutes les puissances siégeant au Conseil de sécurité reste de développer au Maghreb leurs parts de marché et, pour les pays maghrébins, d’attirer les investissements internationaux, ce qui nécessite une stabilité politique des deux côtés de la frontière marocco-algérienne. «Je ne crois pas que l’Algérie soit dans une situation de conflit telle avec le Maroc qu’elle en vienne au point d’utiliser l’économie pour influencer le politique. Les responsables des deux pays sont conscients qu’ils sont malgré tout voisins et de surcroît confrontés chacun à de fortes pressions sociales. Ils n’ont pas intérêt à se déstabiliser mutuellement plus que de raison», conclut Luis Martinez. Plutôt que de continuer à déployer autant d’argent (par exemple avec le Corcas) et d’efforts diplomatiques hasardeux dans le dossier du Sahara occidental (vendre un projet d’autonomie non rédigé), le Maroc ferait mieux de concentrer toute son énergie et ses ressources sur sa scène intérieure notamment en matière de social et de terrorisme. C’est d’ailleurs ce que lui a expressément demandé l’«ami» américain sur qui il compte tant.
Catherine Graciet
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