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Outre Sarkozy, Hortefeux entendu comme suspect

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  • Outre Sarkozy, Hortefeux entendu comme suspect

    20 MARS 2018 PAR FABRICE ARFI ET KARL LASKE
    Selon nos informations, l'ancien président de la République a été placé en garde à vue mardi 20 mars au matin, à Nanterre (Hauts-de-Seine), dans les locaux de l'Office anticorruption de la police judiciaire. L'ancien ministre Brice Hortefeux est quant à lui entendu sous le statut de «suspect libre».


    Nicolas Sarkozy, qui confessait il y a peu de temps encore sa fascination pour les dirigeants autoritaires, est aujourd’hui rattrapé par la justice française pour sa proximité passée avec l’un des plus célèbres d’entre eux, Mouammar Kadhafi, longtemps considéré comme le pivot du terrorisme antioccidental. L’ancien président de la République a été placé en garde à vue, mardi 20 mars au matin, par les policiers de l’Office anticorruption (OCLCIFF) de Nanterre dans le cadre de l’affaire dite des financements libyens.

    L'ancien ministre de l'intérieur, Brice Hortefeux, fidèle lieutenant de Nicolas Sarkozy depuis plus de trente ans, est également entendu, sous le statut de « suspect libre » pour sa part. Ce statut, qui permet l'audition d'un mis en cause tout en lui évitant la garde à vue, dispense les enquêteurs de solliciter auprès du Parlement européen une demande de levée d'immunité — et de dévoiler une partie de leurs investigations —, Brice Hortefeux étant eurodéputé.

    Nicolas Sarkozy et Mouammar Kadhafi, en 2007, à Paris. © Reuters
    Nicolas Sarkozy et Mouammar Kadhafi, en 2007, à Paris. © Reuters
    L'audition de Nicolas Sarkozy peut durer jusqu’à 48 heures, à l'issue de laquelle l'ancien président pourrait être éventuellement déféré devant la justice. Selon les termes du code de procédure pénale, le statut de gardé à vue signale que les enquêteurs ont des « raisons plausibles de soupçonner » l’implication de Nicolas Sarkozy dans le dossier, probablement le plus grave que la Cinquième République ait eu à connaître dans le champ politico-financier.

    L'ancien président français est déjà renvoyé devant le tribunal correctionnel pour financement illégal de campagne électorale dans l'affaire Bygmalion et mis en examen pour corruption, trafic d'influence et recel de violation du secret professionnel dans le dossier “Paul Bismuth”.

    Dans le scandale libyen, l’enquête qui le cible désormais directement, ainsi que plusieurs de ses proches, est conduite par le juge d’instruction du pôle financier de Paris Serge Tournaire, et ses collègues Aude Buresi et Clément Herbo, chargés de dénouer les entrelacs de cette affaire d’État unique en son genre, dévoilée dès 2011 par Mediapart (voir notre dossier complet). La liste des délits visés par l'instruction judiciaire est longue : corruption active et passive, trafic d'influence, détournement de fonds publics, abus de biens sociaux, faux et usage de faux, blanchiment de fraude fiscale, recel…

    Rappel des faits.

    L’avant
    Bizarrement, c’est en Arabie saoudite qu’est née l’affaire des financements libyens. À l’origine, c’est-à-dire en 2005, il y a l’échec d’un gigantesque marché d’armement entre la France et le royaume wahhabite, dans lequel le ministre de l’intérieur de l’époque, Nicolas Sarkozy, avait investi beaucoup d’espoirs.

    Mais suspectant un possible financement politique occulte via d’importantes dérivations financières adossées au contrat saoudien par un intermédiaire « ami », Ziad Takieddine, l’équipe du président Jacques Chirac à l’Élysée, alors en guerre ouverte avec les sarkozystes, a mis un terme brutal aux négociations.

    La déconvenue sera néanmoins féconde. Profitant de son épais réseau aux Proche et Moyen-Orient, Ziad Takieddine trouve en un temps record un nouvel eldorado pour Nicolas Sarkozy. Ce sera la Libye du colonel Mouammar Kadhafi.

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    Notre dossier: l’argent libyen de Sarkozy
    PAR LA RÉDACTION DE MEDIAPART

    Takieddine, qui se fait fort d’être l’homme de la diplomatie secrète de la place Beauvau, s’active sans relâche pour rapprocher les dirigeants libyens du cabinet de Nicolas Sarkozy, dirigé par Claude Guéant. En septembre 2005, il organise une première visite de Guéant à Tripoli. Dans une note préparatoire adressée au ministère et retrouvée par la police dans son ordinateur, l’intermédiaire écrit que cette visite, qualifiée d’« extrême importance », est « inhabituelle » et doit « revêtir un caractère secret ». « Pour cette raison, il est préférable que CG se déplace seul, et que le déplacement s’effectue “sans fanfare” », affirme Takieddine.

    La raison de cette impérieuse discrétion est mentionnée quelques lignes plus loin : Takieddine écrit que Guéant sera « plus à l’aise pour évoquer l’autre sujet important, de la manière la plus directe » avec ses interlocuteurs libyens. Il n’est pas dit explicitement ce que recouvre cet « autre sujet » qui nécessite tant de prudence.

    Deux rencontres
    Le déplacement de Claude Guéant n’était qu’une répétition. Un apéritif. Le grand jour est prévu pour le 6 octobre 2005. Nicolas Sarkozy ne vient à Tripoli que pour quelques heures et son programme est chargé, comme toujours. Le point culminant de son déplacement est la rencontre qu’il doit avoir en début d’après-midi avec le Guide libyen en personne, Mouammar Kadhafi.

    Le rendez-vous a lieu en deux temps sous une tente plantée sur la pelouse de la caserne Bab Al-Aziza, la citadelle du dictateur. D’abord un entretien élargi entre les deux hommes, entourés de leurs principaux collaborateurs. Puis un tête-à-tête, seulement accompagné du traducteur de Kadhafi et de la traductrice de Sarkozy. L’entretien dure longtemps. À son terme, l’ambassadeur de France en Libye, Jean-Luc Sibiude, taquine l’interprète de la présidence : « Ils ont dû s’en dire des choses ! » Elle lui rétorque qu’elle est tenue au secret professionnel.


    Les enquêteurs de l’Office anticorruption de la police judiciaire et les juges d’instruction Serge Tournaire et Aude Buresi essaieront tour à tour de passer outre ce secret, en interrogeant longuement la traductrice. Son homologue libyen, un diplomate francophile du nom de Moftah Missouri, ayant expliqué publiquement que la Libye avait décidé de financer Nicolas Sarkozy pour sa campagne de 2007, ils veulent en savoir plus côté français. A-t-elle pour sa part entendu le Guide libyen et le ministre de l’intérieur parler entre eux d’un soutien financier, ce 6 octobre 2005 ? La traductrice refuse de le confirmer, mais aussi de le démentir. « Je ne vous dis pas s’il y a eu demande ou pas […]. Je n’ai rien à dire sur le contenu éventuel des entretiens […]. Si je commence à parler, ça ne s’arrêtera jamais », glisse-t-elle, en juillet 2016, au policier qui l’interroge.
    Le soir du 6 octobre 2005, une autre rencontre, plus secrète encore, va beaucoup intriguer les enquêteurs. À l’hôtel Corinthia de Tripoli, où une suite lui a été réservée malgré la brièveté de sa visite, Nicolas Sarkozy rencontre le chef des secrets intérieurs libyens, Abdallah Senoussi, d’après les confidences que fera sur procès-verbal en mars 2014 Ziad Takieddine, présent également – la recension de ses déplacements en atteste.

    « J’étais accompagné de M. Senoussi. Nous sommes montés dans la suite de M. Sarkozy et nous nous sommes installés dans le salon. M. Guéant était également présent. L’objet de cette discussion était notamment l’arrêt de la condamnation par contumace de M. Senoussi. M. Guéant s’était engagé à plusieurs reprises à ce sujet », raconte l’intermédiaire. De fait, Abdallah Senoussi est considéré par la justice française, qui l’a condamné en 1999 à la réclusion criminelle à perpétuité, comme le principal organisateur de l’attentat contre l’avion de ligne du DC-10 d’UTA (170 morts, dont 54 Français en 1989).

    Devant les juges, Takieddine a précisé avoir « expliqué la situation de M. Senoussi à Nicolas Sarkozy ». « Là, poursuit-il, j’ai traduit en arabe les phrases de M. Sarkozy pour M. Senoussi : “Dès ma prise de fonctions à la présidence de la République, pas le premier acte, mais le deuxième acte d’amnistie sera pour M. Senoussi”. »

    Comme Mediapart l’a déjà rapporté, la présidence de la République a en effet, au moins jusqu’en 2009, tout tenté pour rendre inopérant le mandat d’arrêt émis contre Abdallah Senoussi, au mépris de la décision de la justice française et de la mémoire des victimes de l’attentat. Plusieurs documents le prouvent. Et il n’est pas anodin qu’un mois après la réunion de l’hôtel Corinthia, Abdallah Senoussi ait désigné Me Thierry Herzog, l’avocat personnel de Nicolas Sarkozy – les deux hommes sont déjà mis en examen pour « corruption » dans un autre dossier, l’affaire « Paul Bismuth » –, pour défendre ses intérêts dans l’affaire du DC10 d’UTA.
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

  • #2
    Les mallettes
    Il est partout et sait se rendre indispensable. C’est son charme, sa fonction. Ainsi quand, au mois de décembre 2005, le secrétaire d’État aux collectivités locales Brice Hortefeux, un autre intime de Nicolas Sarkozy, se rend à son tour en Libye pour un voyage officiel qui n’avait « pas grand sens », selon les mots de l’ambassadeur Sibiude, Ziad Takieddine est-il là. Il en profite pour présenter Abdallah Senoussi à son ami « Brice », que l’intermédiaire aime emmener en croisière sur son yacht.

    Devant la justice, Brice Hortefeux a reconnu l’existence de l’entrevue avec Senoussi, mais a dit ne plus très bien se souvenir de la teneur de leur discussion. Abdallah Senoussi, qui apparaît désormais comme un acteur important de l’affaire des financements libyens, est l’homme dont plus personne ne veut se souvenir.

    Takieddine, lui, n’a pas oublié.

    Devant les caméras de l’agence Premières Lignes pour Mediapart, puis sur procès-verbal devant la police et enfin face au juge Tournaire, il a raconté en novembre 2016 comment, à la demande d’Abdallah Senoussi, il avait personnellement convoyé de Tripoli à Paris de l’argent en liquide qu’il a remis en mains propres à Claude Guéant (deux fois) et Nicolas Sarkozy (une fois). Soit, au total, cinq millions d’euros, dissimulés dans des valises en cuir souple et livrés à bon port au ministère de l’intérieur entre novembre 2006 et janvier 2007, selon le témoignage circonstancié de l’intermédiaire, qui s’est auto-incriminé pour la première fois dans cette affaire en racontant ces scènes de remises de cash.


    Le récit de Ziad Takieddine, mis en examen dans le dossier, est confirmé en tous points par Abdallah Senoussi lui-même. Lors d’une audition par la Cour pénale internationale (CPI) de septembre 2012, longtemps restée secrète et dont Takieddine n’avait pas connaissance, Senoussi avait déclaré : « Pour ce qui est du soutien apporté à des personnalités occidentales pour leur permettre d'accéder au pouvoir, la somme de 5 millions d'euros a été versée pour la campagne du Président français Nicolas Sarkozy en 2006-2007. J'ai personnellement supervisé le transfert de cette somme via un intermédiaire français, en la personne du directeur de cabinet du ministre de l'intérieur. Sarkozy était alors ministre de l'intérieur. Il y avait aussi un second intermédiaire, le nommé Takieddine, un Français d'origine libanaise installé en France. »

    L'ancien dirigeant libyen a précisé avoir été en contact direct avec Nicolas Sarkozy concernant ce financement : « À ce propos, je dois préciser que Sarkozy m'a, en personne, demandé d’éviter que Saïf Kadhafi ou Béchir Saleh ne soient mis au courant. Et jusqu'à la livraison de la somme, rien n'a en tout cas filtré. Mais je confirme que cette somme a bien été réceptionnée par Sarkozy. »

    La note
    Le document est daté du 10 décembre 2006. C’est à la fois un acte bureaucratique comme un autre, et en même temps beaucoup plus que cela. Voici la preuve d’un accord financier entre une dictature et une démocratie, entre la Libye de Kadhafi et la France du candidat Sarkozy. Noir sur blanc. Portant les armoiries de la Jamarihiya libyenne, le document signale un accord de principe du régime, après négociations entre Ziad Takieddine, Abdallah Senoussi et Brice Hortefeux, pour le déblocage de 50 millions d’euros afin de financer la campagne présidentielle de Sarkozy.

    Adressé à Béchir Saleh, directeur de cabinet de Kadhafi et patron de l’un des fonds souverains du pays, le Libyan African Portfolio (LAP), la note est signée par le chef des services secrets extérieurs, Moussa Koussa. L’opération est menée sous l’autorité d’un troisième homme, le premier ministre en fonctions, Baghdadi al-Mahmoudi.

    Révélé en avril 2012 par Mediapart, le document va faire l’objet pendant plus de trois ans d’intenses investigations judiciaires pour vérifier si, comme veut le faire accroire Nicolas Sarkozy, le document est un « faux grossier ». La plainte qu’il dépose contre Mediapart, en prenant soin de contourner le droit de la presse, finit par se retourner comme un boomerang contre lui.

    Après avoir recueilli des dizaines de témoignages (de diplomates, militaires, experts, agents des services de renseignements, etc.) et diligenté plusieurs expertises techniques, les juges ont, au contraire des desiderata de l’ancien président, conforté l’authenticité de la note. Par deux fois, en première instance puis en appel, les magistrats ont donc débouté Sarkozy.

    Moussa Koussa, l'ancien chef des services secrets libyens. © Reuters

    L’auteur de la note, Moussa Koussa, entendu en août 2014 par les magistrats à Doha, au Qatar, où il s’est exilé après la guerre en Libye, a lui-même admis en audition que « l’origine » et « le contenu » de la note étaient vrais. « Le contenu de ce document, c’est ça qui est dangereux. Je ne vous ai pas dit que c’était faux ou pas faux […]. Mais ne m’introduisez pas dans cette histoire », a-t-il imploré. Et en dépit de ses dénégations sur l’authenticité de sa signature figurant au bas de la note, une expertise judiciaire menée par trois experts en écriture a formellement démontré que le document était signé « de sa main ».
    La révélation de la note Koussa, le 28 avril 2012, a eu une conséquence rocambolesque. Il a en effet été découvert à cette occasion que son destinataire, Béchir Saleh, était réfugié en France sous bonne protection des autorités alors même qu’il était recherché par Interpol, qui avait émis à son encontre une notice rouge – c’est-à-dire un mandat d’arrêt international. Au lieu de l’arrêter, les autorités françaises, et tout particulièrement le chef des services secrets intérieurs, Bernard Squarcini, avec Alexandre Djouhri, l’intermédiaire proche de Sarkozy, ont organisé le 5 mai 2012 sa fuite de France, direction le Niger, puis l’Afrique du Sud. Résultat : Béchir Saleh n’a pas eu à se retrouver dans la situation inconfortable d’avoir à parler à un juge à la veille de l’élection présidentielle opposant Nicolas Sarkozy à François Hollande.

    Fin février 2018, le même Béchir Saleh a été la cible d’une tentative d’assassinat à Johannesburg, en Afrique du Sud. D’après ses proches, il s’apprêtait à transmettre à la justice française des informations sur l’affaire des financements libyens.

    Le carnet
    Un homme avait gardé des traces. Ancien premier ministre de Libye (2003-2006), il était ministre du pétrole et patron de la compagnie nationale pétrolière au moment des tractations confidentielles entre le régime Kadhafi et le clan Sarkozy. Choukri Ghanem est un réformiste, un proche de Saïf al-Islam Kadhafi, le fils du Guide que tout l’Occident aime fréquenter et accueille à bras ouverts dans ses palaces et chancelleries. Il a fait partie en 2011 des hauts responsables du pays qui ont fait défection au colonel Kadhafi pendant la guerre déclenchée par la France.

    Choukri Ghanem est aussi un homme influent, parmi les plus importants du régime. Secret et méthodique. À la main, d’une écriture régulière et dans un style soigné, il rédige un journal de bord de la dictature, en vue de la possible rédaction de mémoires.

    Choukri Ghanem, en décembre 2007. © Reuters
    Choukri Ghanem, en décembre 2007. © Reuters
    Dans l’un de ses carnets, retrouvés et authentifiés par plusieurs justices européennes, dont celle de la France, il détaille une partie des modalités de mise à exécution de la promesse de financement pour Sarkozy : « J’ai déjeuné, chez Béchir Saleh, al-Baghdadi [le premier ministre – ndlr] était présent. Béchir a dit avoir payé 1,5 million d’euros à Sarkozy ; quant à Saïf [al-Islam Kadhafi, le fils – ndlr], il lui a envoyé 3 millions d’euros. Il semblerait que les émissaires aient empoché une partie des sommes avant de les remettre à destination. Abdallah Senoussi lui a également envoyé deux millions d’euros. » L’anecdote est datée du 29 avril 2007, soit une semaine pile après le premier tour de l’élection présidentielle en France.

    Exilé à Vienne, en Autriche, où il s’est réfugié après avoir fait défection pendant la guerre, Choukri Ghanem a été retrouvé flottant dans le Danube, le 29 avril 2012 – soit, hasard du calendrier, au lendemain de la révélation de la note Koussa et cinq ans jour pour jour après avoir reçu les confidences de Béchir Saleh. Le caractère accidentel de son décès soudain, tel qu’il a été avancé par les autorités autrichiennes au terme d’une enquête express, a depuis été remis en question par plusieurs sources, notamment les services secrets américains qui parlent pour leur part d’une mort « hautement suspecte ».
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    • #3
      La chambre forte
      L’argent en espèces a l’avantage de laisser peu de traces, mais l’inconvénient de prendre de la place quand il y en a beaucoup. Claude Guéant, directeur de cabinet puis de campagne de Nicolas Sarkozy, en sait quelque chose. Selon les policiers, qui ont stigmatisé dans un récent rapport son « usage immodéré des espèces », l’ancien “Cardinal”, comme il était parfois surnommé, n’a retiré de son compte bancaire entre mai 2003 et fin 2012 que… 800 euros. Tout le reste fut réglé en cash.


      Mais il y a plus intrigant encore. Les enquêteurs ont découvert que Claude Guéant avait loué en 2007, dans le plus grand secret et juste le temps de la campagne présidentielle, une chambre forte à l’agence Opéra de la BNP parisienne, si grande qu’un homme pouvait y entrer debout. Il s’y est rendu personnellement à sept reprises entre le 23 mars et le 19 juillet 2007. Pour aller chercher quoi ?, lui ont demandé un jour les policiers après l’avoir placé en garde à vue. Le plus sérieusement du monde, l’ancien secrétaire général de l’Élysée, ancien ministre de l’intérieur et ancien directeur de la police nationale a répondu qu’il avait ouvert cette chambre forte pour y entreposer… des discours de Nicolas Sarkozy.

      De nombreux membres de l’équipe de campagne de Nicolas Sarkozy, entendus à ce sujet dans le dossier libyen, ont soit observé un silence embarrassé sur les déclarations fantasques de Guéant, soit carrément mis en cause son alibi, subodorant que le coffre était selon toute vraisemblance garni d’argent liquide.

      De fait, les policiers ont pu établir que d’importantes sommes en espèces, jamais déclarées aux autorités de contrôle, avaient inondé la campagne présidentielle, comme finira par le reconnaître en audition le trésorier Éric Woerth, actuel président de la commission des finances de l’Assemblée nationale, qui a été entendu sous un statut de mise en cause. Tout en essayant de minimiser les montants en jeu, Éric Woerth a affirmé que les sommes provenaient de dons anonymes envoyés par voie postale. Des explications jugées « captieuses » par la police, c’est-à-dire qui visent délibérément à tromper, le chef du courrier de l’UMP de l’époque ayant réfuté les affirmations de Woerth.

      Ainsi que Mediapart l’a déjà raconté, un premier prérapport de synthèse de l’OCLCIFF a été rendu en septembre 2017. Il était accablant. Le capitaine de police rédacteur du rapport y parlait de « la matérialisation des soupçons de financement libyen », des « mallettes de Ziad Takieddine », du « cash de Claude Guéant », mais aussi de « l’absence de sincérité des comptes de campagne » et de l’« ampleur de la circulation d’espèces en marge de la campagne ».

      Dans la foulée de la remise de ce rapport, le juge Tournaire a réclamé en septembre dernier au Parquet national financier (PNF) l’élargissement de son enquête à des faits de « financement illégal de campagne électorale » mais, de manière ambiguë, le PNF n’a pas fait droit à la demande sans la rejeter formellement pour autant.


      Au-delà de la campagne électorale, l’histoire des liens de Claude Guéant, l’homme-lige de Sarkozy, avec la Libye, c’est aussi celle d’une bonne affaire immobilière. Claude Guéant s’est acheté en mars 2008, trois mois après l’ubuesque accueil de Mouammar Kadhafi à Paris par Nicolas Sarkozy, un joli appartement situé près de l’Arc de triomphe. Le bien a été payé comptant par Guéant, grâce à l’apport soudain de 500 000 euros sur l’un de ses comptes en banque.
      Officiellement, l’argent proviendrait de la vente de toiles hollandaises par le secrétaire général de l’Élysée. En réalité, l’enquête judiciaire a démontré que c’étaient l’intermédiaire Alexandre Djouhri, actuellement incarcéré à Londres dans le cadre de ce dossier, et le gestionnaire des comptes de Béchir Saleh, un certain Wahib Nacer, qui se cachaient derrière les 500 000 euros. Mieux : les enquêteurs ont également établi que c’était de l’argent libyen, provenant du fonds souverain dirigé par le même Béchir Saleh, qui avait permis de compenser financièrement après coup l’opération immobilière de Claude Guéant, mis en examen dans ce volet de l’affaire.

      Des aveux libyens

      De Mouammar Kadhafi, qui avait parlé à la veille de l’offensive militaire contre son régime en mars 2011 de l’existence d’un « grave secret » le liant à Nicolas Sarkozy, à son fils Saïf-al Islam, qui évoquera quelques jours plus tard le financement occulte de la campagne de 2007, nombreux sont les dignitaires libyens qui ont avoué avoir participé ou eu connaissance des compromissions françaises en Libye.

      On l’a vu, Abdallah Senoussi, le chef du renseignement militaire, a confirmé avoir personnellement financé Sarkozy grâce au porteur de valises Ziad Takieddine. Moussa Koussa, son homologue du renseignement extérieur, ne dément pas les faits et assure que l’histoire est « dangereuse ». Même Béchir Saleh, longtemps redevable des efforts de Nicolas Sarkozy pour le sauver de la guerre en Libye puis de la griffe des juges en France, a infléchi ces derniers mois sa position, allant désormais dans le sens d’une confirmation des financements libyens, notamment à l’occasion d’un entretien avec le journal Le Monde.


      L’ancien premier ministre, Baghdadi al-Mahmoudi, au secret aujourd’hui dans une prison libyenne (comme Senoussi), a lui aussi fait des aveux. En octobre 2011, lors d’une audience devant la cour d’appel de Tunis, l’ex-chef du gouvernement avait déclaré : « Oui, en tant que premier ministre, j’ai moi-même supervisé le dossier du financement de la campagne de Sarkozy depuis Tripoli, des fonds ont été transférés en Suisse, et Nicolas Sarkozy était reconnaissant pour cette aide libyenne, et n’a cessé de le répéter à certains intermédiaires. »
      Selon nos informations, les enquêteurs français se sont mis en relation ces dernières semaines avec le bureau des enquêtes du procureur de Tripoli, qui s'est dit prêt à collaborer avec la justice française.

      Un autre homme clé du régime Kadhafi a également livré de précieuses informations. Il s’appelle Mohamed Ismail. Il fut le tout-puissant chef de cabinet de Saïf al-Islam, son homme des missions spéciales. Dans un mail envoyé en mai 2012 à Mediapart et authentifié depuis par la police, il a décrit l’un des circuits bancaires utilisés : « En ce qui concerne le financement de la campagne, une partie des fonds a transité par une banque commerciale à Beyrouth et, de là, est passé par un compte bancaire en Allemagne affilié à Ziad [Takieddine]. »

      Les enquêteurs ont découvert dans les archives informatiques dudit Ziad Takieddine la trace d’un virement de deux millions d’euros à la date du 20 novembre 2006, qui ressemble furieusement à un début de confirmation matérielle. Les fonds ont été émis depuis la Libyan Arab Foreign Bank, un établissement sous la coupe du régime Kadhafi, vers une société offshore de Takieddine baptisée Rossfield Ltd. Tout concorde avec le mail d’Ismail : non seulement le virement, qui n’est justifié par aucun contrat connu de Takieddine, a été enregistré dans une banque libanaise, l’Intercontinental Bank of Lebanon, mais la société Rossfield Ltd est bien en lien avec une banque en Allemagne, la Deutsche Bank de Francfort. Les juges ont émis plusieurs commissions rogatoires sur ces faits.

      Les infiltrés
      Publiquement, Nicolas Sarkozy prend soin de toujours donner l’impression de balayer d’une chiquenaude les soupçons dont il peut être l’objet dans l’affaire libyenne. « Calomnies », « honte », répète-t-il à l’envi. En privé, c’est une tout autre histoire.


      L’enquête du juge Tournaire a en effet montré depuis cinq ans une très grande fébrilité de l’ex-chef d’État et de son clan sur le dossier. Cela concerne aussi bien l’ancien ministre Brice Hortefeux, qui se fait renseigner par le patron de la police parisienne, Christian Flaesch, sur les questions qui vont lui être posées dans le dossier qui opposait l’ancien président à Mediapart, que l’agitation de Nicolas Sarkozy lui-même pour faire pression sur les services secrets intérieurs afin de savoir s’il avait des informations sur un témoin clé du dossier, en l’occurrence le traducteur de Kadhafi.

      En 2013, déçu que le patron de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), Patrick Calvar, ne viole pas le secret pour l’informer sur le dossier libyen – Nicolas Sarkozy n’est plus chef de l’État à cette date –, l’ancien président français s’épanche auprès de son chef de cabinet, l’ancien directeur de la police Michel Gaudin. Ne comprenant pas les silences du patron de la DGSI, Sarkozy va lâcher sur une ligne téléphonique placée sur écoute une phrase à l’incroyable résonance mafieuse : « Il nous est fidèle, lui ? »

      Nicolas Sarkozy avait manifestement de bonnes raisons de s’inquiéter de l’évolution de l’affaire libyenne.
      The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

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      • #4
        Il manque guéant l'autre face de la même monnaie qu'eux deux
        Droite des Valeurs
        Gauche du Travail
        Centre "Intérêt de Mon Pays"

        Commentaire


        • #5
          A peine rentré de Dakhla, Sarkozy est placé en garde à vue
          المجد والخلود للرفيق والمناضل المغربي ابراهام سرفاتي

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          • #6
            J'espère cette fois cet abdominale crapule passera quelques années en prison.
            Le traité de Fès, nommé traité conclu entre la France et le Maroc le 30 mars 1912, pour l'organisation du protectorat français dans l'Empire chérifien,

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            • #7
              il risque la prison a vie

              une autre affaire qui lui pointe au nez
              C I A
              The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

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              • #8
                .

                Le Maroc et Sarkozy avaient éliminé un témoin gênant :

                - KHADDAFI Allah yarhamou
                A qui sait comprendre , peu de mots suffisent

                Commentaire


                • #9
                  et BHL , comment on va faire ?
                  Le traité de Fès, nommé traité conclu entre la France et le Maroc le 30 mars 1912, pour l'organisation du protectorat français dans l'Empire chérifien,

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